Roumanie : Protestation et liberté d'expression
- Author: Research Directorate, Immigration and Refugee Board, Canada
- Document source:
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Date:
1 March 1991
1. INTRODUCTION
En 1990, les gouvernements de l'Europe de l'Est ont entrepris la démocratisation des institutions et l'établissement d'économies de marché libre. On signale toutefois, dans un récent article de journal, que la Roumanie reste l'exception dans la région :
L'idéal de démocratie, la quête de libération, est bien en vie. Ce n'est qu'en Roumanie que le loup de l'ancien système, maintenant déguisé en brebis, constitue une menace directe (The Christian Science Monitor 24 janv. 1991).
Cette affirmation est corroborée dans les nombreuses déclarations faites par des institutions gouvernementales et des organismes internationaux de défense des droits de la personne. En 1990, le bilan de la Roumanie en matière de droits de la personne a été sévèrement critiqué à la fois par Amnesty International et Helsinki Watch. De plus, le Conseil de l'Europe, le Parlement européen et le Congrès des états-Unis, de même qu'un certain nombre de pays, ont refusé d'accorder une aide économique et des concessions diplomatiques à la Roumanie en raison d'incidents considérés comme de graves violations des droits de la personne (RFE 9 nov. 1990, 43; RFE 12 oct. 1990, 50; The Christian Science Monitor 4 oct. 1990). A cet égard, les deux événements les plus importants se sont déroulés à Tirgu Mures au milieu de mars 1990, et à Bucarest, au milieu de juin 1990.
L'intensification de la tension entre Hongrois et Roumains de souche, à la suite des manifestations organisées par les Hongrois d'origine en faveur d'écoles hongroises séparées et d'autres droits culturels, a atteint son point culminant lors des affrontements de Tirgu Mures, les 19 et 20 mars. Ces affrontements entre Hongrois et Roumains de souche ont fait cinq morts et plus de 300 blessés (Amnesty International, AI Index : EUR 39/09/90, 2-3; Helsinki Watch mai 1990, 2). Les organismes de défense des droits de la personne ont sévèrement critiqué le comportement des responsables des gouvernements local et national. Deux rapports font état de comptes rendus de témoins oculaires selon lesquels les forces de sécurité locales avaient collaboré avec des Roumains armés lors de l'attaque contre les Hongrois de souche (Helsinki Watch mai 1990, 2-4; Amnesty International, AI Index : EUR 39/09/90, 2-4).
Le gouvernement a réagi de deux façons à la violence qui a éclaté à Tirgu Mures. Il a d'abord critiqué les Hongrois de souche qui avaient, selon lui, «porté atteinte aux sentiments patriotiques des Roumains», et il a accusé le gouvernement hongrois de provoquer des troubles en Transylvanie. Il a ensuite créé une commission parlementaire en vue d'enquêter sur cet événement (Helsinki Watch mai 1990, 6; FBIS-EEU-90-056 22 mars 1990, 63-65).
Le 13 juin 1990, des militaires et des policiers ont mis fin à une manifestation antigouvernementale qui durait depuis deux mois sur la Place de l'université à Bucarest. Les manifestants, dont le nombre s'élevait par moments à plus de 10 000, exigeaient qu'il soit interdit aux anciens communistes et agents de la Securitate de se présenter aux élections de mai 1990, et ils réclamaient l'autonomie de la principale station de télévision du pays. Lorsque les protestations se sont poursuivies partout dans la ville, le gouvernement a lancé un appel aux « travailleurs et citoyens consciencieux »; il réclamait leur aide pour rétablir l'ordre dans la capitale. En réponse à cette demande, environ 10 000 mineurs sont arrivés à Bucarest le 14 juin et ont attaqué les personnes qu'ils croyaient être des manifestants, des étudiants ou des partisans de l'opposition. Ils se sont aussi attaqués aux principaux locaux de l'opposition et à ceux de la presse écrite. Ces affrontements violents ont fait six morts et des centaines de blessés, et plus de 1 000 personnes ont été arrêtées et détenues (Helsinki Watch juill. 1990, 8-18).
Des rapports subséquents font état de comptes rendus de témoins oculaires selon lesquels les forces de sécurité ont collaboré et parfois même coordonné les activités des mineurs. Un récent rapport de Radio Free Europe fournit des preuves selon lesquelles d'anciens responsables de la Securitate, dont certains sont maintenant au service du successeur de l'organisme, le Service de renseignement roumain, ont dirigé les activités des mineurs (RFE 11 janv. 1991, 28-32). Le gouvernement a initialement remercié les mineurs d'avoir répondu à l'appel, mais, une fois ces derniers partis, il a publié une déclaration reconnaissant qu'ils avaient commis des abus. Il a aussi annoncé la création d'une commission parlementaire en vue d'enquêter sur les événements qui se sont déroulés du 13 au 15 juin.
2. GARANTIES JURIDIQUES
Le gouvernement actuel a maintenu un certain nombre de dispositions légales, datant du régime Ceausescu, auxquelles il a eu recours en vue de la détention, de l'arrestation et de l'emprisonnement de personnes tout au long de l'année 1990. Le Décret 153 et les lois portant sur la détention préventive sont parmi les plus notables de ces dispositions.
Le Décret 153, promulgué en avril 1970, porte sur le « parasitisme » et fait effectivement du chômage une activité illégale. D'après Helsinki Watch, certaines sections du décret « sont extrêmement vagues [...] laissant la porte ouverte à une application arbitraire et discriminatoire ». Par exemple, on peut lire dans une section qu'il est interdit de « troubler la tranquillité des habitants en faisant du bruit avec un quelconque appareil ou objet, ou en criant ou en faisant du bruit » (Helsinki Watch mai 1990, 7).
Le décret contient des procédures sommaires qui privent souvent les prévenus de leur droit à un avocat. On peut être emprisonné pour une période allant jusqu'à six mois sans avoir le droit d'interjeter appel. Un certain nombre de personnes arrêtées en mars et en juin ont été reconnues coupables en vertu du Décret 153. Dans les rapports consultés, rien n'indique que ce décret a été aboli (Helsinki Watch mai 1990, 7-8; Amnesty International, AI Index : EUR 39/09/90, 4-5).
Le système actuel de détention préventive, en vertu duquel le bureau du procureur peut ordonner la détention sans inculpation pour une période maximale de 120 jours, est un autre héritage du régime de Ceausescu. Selon la Fédération internationale des droits de l'homme (F.I.D.H.), dont le centre d'opérations est à Paris, de telles mesures sont « incompatibles avec les règlements internationaux en matière de droits de la personne » (F.I.D.H. 18 déc. 1990, 4).
Plusieurs manifestants qui avaient été arrêtés après avoir pénétré de force dans les édifices du Parlement roumain le 18 février 1990 auraient été tenus au secret pour une durée pouvant aller jusqu'à un mois et demi (Amnesty International, AI Index : EUR 39/09/90, 2). En septembre 1990, environ 185 personnes, arrêtées au mois de juin précédent, étaient toujours en détention. Les derniers de ces détenus ont été relâchés à la fin octobre (Amnesty International, AI Index : EUR 39/09/90, 5).
Au cours d'une entrevue accordée au début de septembre 1990, le ministre de la Justice, Victor Babiuc, a décrit les amendements proposés au Code de procédure pénale. En vertu de ces amendements, seuls les tribunaux seraient habilités à prolonger la période de détention au delà de 30 jours, et les décisions concernant de telles prolongations devront être discutées en présence de l'accusé et de son avocat (FBIS-EEU-90-194 5 oct. 1990, 43-44). Selon un rapport de la F.I.D.H. daté du 6 novembre, le Parlement étudiait à ce moment-là les amendements (F.I.D.H. 6 nov. 1990, 6). A la fin de janvier 1991, toutefois, un enquêteur au service d'Amnesty International, Hugh Poulton, a signalé que les propositions n'avaient pas encore été approuvées par le Parlement (Poulton 30 janv. 1991).
Peu de temps après que les manifestants avaient pénétré de force dans les édifices du Parlement à la fin de février 1990, le gouvernement a pris le Décret-loi 88 qui prévoit des peines d'emprisonnement allant de six mois à sept ans pour les personnes reconnues coupables d'être entrées par effraction dans des édifices publics, y compris les locaux des partis politiques, ou de les avoir endommagés (FBIS-EEU-90-044 6 mars 1990, 59). Bien qu'il ne soit pas possible d'obtenir des renseignements précis sur la nature des accusations portées contre les personnes arrêtées au mois de juin précédent, il semblerait qu'elles ont été jugées, en septembre 1990, en vertu du Décret-loi 88
(RFE 28 sept. 1990a, 1990b). Selon Poulton, ce décret n'a pas été appliqué souvent ces derniers temps (Poulton 30 janv. 1991).
A la fin de septembre 1990, les procès de 185 détenus ont commencé. Ces personnes avaient été arrêtées en juin 1990 au cours de la répression des manifestations à Bucarest. Selon Abigail Abrash de l'International Human Rights Law Group, dont les bureaux sont à Washington, les procès de tous les détenus ont « progressivement diminué » sans qu'aucun verdict de culpabilité n'ait été rendu (Abrash 11 févr. 1991).
3. LIBERTE D'EXPRESSION : MANIFESTATIONS DEPUIS JUIN 1990
Un tour d'horizon de 15 manifestations qui se sont déroulées partout en Roumanie entre la fin de juin et le milieu de janvier révèle une situation ambiguë en ce qui concerne la liberté d'expression. Dans la plupart des cas, aucune violence ou intervention policière n'a été signalée dans les sources consultées. Dans quelques cas, la police a donné l'ordre aux manifestants de se disperser, ce qu'ils ont fait sans incident. A quatre occasions, la police est intervenue et des affrontements entre policiers et manifestants ont éclaté.
Entre le 22 et le 26 août 1990, une série de manifestations ont eu lieu à Bucarest. Les manifestations organisées par des groupes d'opposition sont demeurées pacifiques. D'autres, organisées par des personnes ne se réclamant d'aucun groupe politique, ont débouché sur la violence et des affrontements avec la police. Selon le ministre de l'Intérieur, Doru Viorel Ursu, 21 manifestants avaient été arrêtés dès le 24 août en fin de soirée; un reportage d'une agence de presse occidentale signalait que, au 26 août, 80 personnes avaient été détenues (FBIS-EEU-90-166 27 août 1990, 36; ibid., 38). Le 27 août, le maire de Bucarest a appliqué un décret interdisant les manifestations dans certains secteurs de la ville. Ce décret n'est plus en vigueur (Poulton 30 janv. 1991).
D'après un porte-parole de l'Alliance démocratique des Hongrois en Roumanie (RMDSz), le 12 décembre 1990, « la police est intervenue [...] au cours de manifestations pacifiques [à Bucarest] et les combats de rue ont duré deux heures » (FBIS-EEU-90-244 19 déc. 1990, 47). Le RMDSz est le deuxième parti en importance au parlement roumain.
On trouve dans un certain nombre de sources des renseignements concernant les affrontements qui ont éclaté entre policiers et manifestants les 12 et 13 janvier 1991 à Bucarest. Selon Documentation-Réfugiés, les forces de sécurité ont « brutalement réprimé » les manifestants; une dépêche de l'agence Associated Press raconte que « les policiers, brandissant des matraques, se sont rués sur une foule d'environ 200 manifestants ». Un certain nombre de journalistes étrangers ont été hospitalisés par la suite (Documentation-Réfugiés 8-17 janv. 1991; The Associated Press 13 janv. 1991). Radio Free Europe rapporte qu'environ 600 personnes, dont la plupart seraient des adolescents qui n'auraient pas pris part à la manifestation, ont lancé des cocktails Molotov contre la police (RFE 25 janv. 1991, 50). Un reportage du 13 janvier de Rompres signalait la « violence particulière » de ce groupe (FBIS-EEU-91-009 14 janv. 1991, 43-44).
4. LA SECURITATE : LA VIE APRES LA MORT
Peu importe ce qu'il est advenu de la Securitate, il n'en demeure pas moins que l'organisation a laissé un héritage de peur qui restera, encore un certain temps, empreint dans la psyché des Roumains. Dans une large mesure, la Securitate a entretenu au sein de la population une perception de toute-puissance, outil nécessaire puisque, de cette façon, elle pouvait compter sur la soumission de la majorité à l'état. Comme il a été signalé dans un récent article publié dans Freedom at Issue, on ne peut effacer cette perception du jour au lendemain, et de nombreuses personnes en Roumanie continueront à se comporter comme si rien n'avait changé (sept.-oct. 1990, 6-7).
La Securitate a été officiellement abolie à la fin de décembre 1989 et a été remplacée le 24 avril 1990 par le nouveau Service de renseignement roumain (SRR). Dans un rapport daté du 11 janvier 1991, Radio Free Europe signale que « de manière générale, on soupçonne le SSR d'être l'ancienne Securitate sous un autre nom » (FBIS-EEU-91-005 8 janv. 1991, 39; RFE 11 janv. 1991, 32).
Dans diverses déclarations, le chef du SSR, Virgil Magureanu, et le ministre de la Défense, Victor Stanculescu, ont indiqué que, parmi les 15 000 employés de la Securitate, 6 000 avaient été révoqués et 6 000 autres travaillaient actuellement pour le compte de l'armée et en tant que « spécialistes » de contre-espionnage, après avoir été « soigneusement passés au crible » (FBIS-EEU-91-005 8 janv. 1991, 39; RFE 26 oct. 1990b).
Les militants de l'opposition roumaine sont catégoriques en exprimant leur préoccupation concernant le pouvoir dont jouissent toujours d'anciens agents de la Securitate (The Christian Science Monitor 4 oct. 1990; FBIS-EEU-90-210 30 oct. 1990, 43). Un récent reportage, publié par Radio Free Europe concernant les troubles à Bucarest en juin 1990, ajoute foi aux préoccupations des militants. On y rapporte comment d'anciens agents de la Securitate, dont certains actuellement au service du SSR, se sont déguisés, et ont organisé des groupes de mineurs en vue d'attaquer et d'arrêter des manifestants antigouvernementaux. On signale aussi qu'ils étaient à l'origine d'une attaque organisée contre les locaux de la télévision roumaine le 13 juin 1990, attaque à l'origine de l'appel à l'aide qu'a lancé Iliescu en vue d'empêcher une prétendue tentative de coup d'état (RFE 11 janv. 1991, 28-30).
Le 1er octobre 1990, une commission parlementaire de cinq membres a été établie. Cette commission était chargée de surveiller les activités du ministère de l'Intérieur. Une de ses tâches était de déterminer si d'anciens employés de la Securitate sont actuellement au service du ministère (FBIS-EEU-90-191 2 oct. 1990, 36).
Les sources consultées ne contiennent pas de renseignements additionnels sur les activités actuelles ou les constatations de cette commission.
5. DROIT DE SORTIR DU PAYS ET D'Y RETOURNER
Un décret pris le ler janvier 1990 garantit à tous les citoyens roumains le droit d'obtenir un passeport, et abolit les visas d'entrée et de sortie. Les passeports doivent être délivrés dans les 20 jours suivant la date de la demande. Le décret précise certains cas où une demande de passeport peut être refusée : si le demandeur a été condamné à une peine d'emprisonnement, s'il fait l'objet de poursuites criminelles ou s'il est reconnu pour avoir commis des actes « ayant troublé l'ordre public et la paix sociale, ou ayant fait outrage aux bonnes moeurs » (Ambassade de la Roumanie 19 janv. 1990).
Le Bucharest Domestic Service, réseau de radiodiffusion gouvernemental, rapportait, le 10 janvier 1990, que « quitter le pays en franchissant illégalement la frontière » est toujours passible d'une peine. Les personnes reconnues coupables peuvent être condamnées à une peine d'emprisonnement de 15 à 30 jours ou à une amende 1 000 à 5 000 lei (FBIS-EEU-90-008 11 janv. 1990, 71). Le salaire mensuel moyen en Roumanie est de 3 000 lei. L'acte précis qui constituerait une traversée illégale de la frontière n'a pas été mentionné dans ce reportage. Dans les rapports consultés, rien n'indique que le gouvernement ait actuellement recours à ces dispositions pour empêcher les départs du pays.
Le 8 février 1990, un agent préposé à la délivrance des passeports roumains a déclaré qu'à cette date, aucun passeport n'avait été refusé en vertu de délits relatifs à la « l'ordre public et à la paix sociale » (FBIS-EEU-90-028 9 févr. 1990, 77). Le 4 septembre 1990, toutefois, l'Association des journalistes roumains a protesté auprès du ministère des Affaires étrangères contre le fait qu'un certain nombre de journalistes s'étaient vu refuser un passeport (FBIS-EEU-90-175 10 sept. 1990, 56).
Les réformes en matière de passeport n'auront que très peu de répercussions sur la liberté de mouvement vers l'étranger si les contrôles sur les devises ne sont pas modifiés. D'après Rompres, le 24 avril 1990, le gouvernement roumain a proposé un avant-projet de décret-loi visant à modifier les restrictions sur le montant de devises fortes que les citoyens roumains peuvent transférer à l'étranger, mais le rapport ne précise pas davantage. Le 28 avril 1990, le gouvernement a annoncé que les citoyens pouvaient se procurer, en lei, une fois par année, un billet aller retour par train en direction de l'Europe. Dans des circonstances exceptionnelles, on pouvait autoriser deux achats par année (FBIS-EEU-90-084 1er mai 1990, 33).
Tout au long de l'année 1990, le gouvernement a encouragé les émigrés roumains à rentrer au pays. Un décret-loi pris le 31 décembre 1989 déclare que tous les émigrés ont le droit de retourner au pays et, s'il y a lieu, de recouvrer leur citoyenneté. L'équité en matière de droits politiques, économiques et sociaux leur est aussi garantie. Toutefois, selon un reportage publié par Radio Free Europe en novembre 1990, le gouvernement a immédiatement pris des mesures visant à dissuader les citoyens rentrés au pays à participer à des activités politiques (RFE 26 oct. 1990a, 29-30).
En septembre, le gouvernement a annoncé que moins de 2 200 émigrés étaient retournés au pays. A la même époque, il estimait le nombre de personnes ayant quitté le pays au cours des huit premiers mois de 1990 à un peu plus de 118 000, au bas mot (RFE 26 oct. 1990a, 30).
6. OPPOSITION ANTIGOUVERNEMENTALE
Il est difficile d'établir quels sont les groupes ou les types d'individus qui pourraient être en danger en Roumanie puisque, depuis juin 1990, la réaction du gouvernement face à l'opposition est ambiguë. Il n'y a pas de réponse simple à cette question. Le problème est aggravé par la confusion qui règne actuellement dans l'administration. Comme l'ont souligné deux observateurs en matière de droits de la personne, il arrive souvent que les responsables ignorent quelles sont les lois en vigueur; ils sont incapables de préciser les noms des personnes en détention, de celles qui ont été jugées ou condamnées (Abrash 11 févr. 1991; Poulton 30 janv. 1991).
La plupart des manifestations antigouvernementales se déroulent sans incident. Toutefois, nombre d'entre elles rassemblent divers groupes et éléments protestataires : des partisans de partis d'opposition légitimes, habituellement non violents, aux protestataires violents n'ayant aucune affiliation politique. Dans les cas où la police intervient, il n'est pas toujours évident qu'elle fasse la différence entre les protestataires violents et non violents, bien que certains rapports signalent qu'elle les distingue. Toutefois, dans un récent rapport, on mettait en doute l'engagement fondamental du gouvernement de protéger la liberté d'expression, soulignant que « les dirigeants actuels considèrent l'opposition comme une trahison potentielle ou véritable et non comme un aspect normal et salutaire d'un ordre pluraliste » (Current History déc. 1990, 412, 431; The New York Times 9 oct. 1990, A10).
Selon Abrash, la situation s'est améliorée à un point de vue. Le tollé mondial qui s'est élevé à la suite de la violence en juin 1990 a fait en sorte qu'on n'assistera pas, dans un avenir prévisible, à l'application de mesures de répression de ce genre.
L'incertitude est exacerbée par l'existence de lois toujours en vigueur dont l'application pourrait constituer une violation des droits de la personne, lois qui violent en fait les normes de procédures judiciaires reconnues. Les personnes arrêtées en juin 1990 étaient toujours en détention préventive en octobre de la même année. Elles étaient assujetties aux mêmes règlements appliqués récemment par les agents de Ceausescu. A la fin de septembre 1990, le bureau du procureur a déclaré que 88 personnes, qui comptaient parmi celles arrêtées en juin 1990, avaient été reconnues coupables à l'exécution du Décret 153 et d'autres « lois normatives » (FBIS-EEU-90-186 25 sept. 1990, 60). Les rapports consultés ne mentionnent pas que ces lois avaient été appliquées au cours des trois derniers mois, mais Abrash signale que le gouvernement recourt à des formes d'intimidation plus subtiles (Abrash 11 févr. 1991). Il peut, par exemple, exploiter la peur de la population en laissant présumer que la Securitate existe toujours, bien que sous un autre nom. D'après certains rapports portant sur le rôle joué par d'anciens agents de la Securitate dans les événements violents qui se sont déroulés à Bucarest en juin dernier, de telles craintes sont, tout au moins, plausibles. Le fait que le gouvernement soit peu disposé à rendre accessible au public les dossiers de la Securitate n'a guère contribué à rassurer les citoyens inquiets.
Le traitement réservé aux militants antigouvernementaux est, en grande partie, fonction de la personne exerçant le contrôle au niveau local. Selon un récent article publié dans Current History, « les partisans des Ceausescu [...] exercent toujours le contrôle à divers niveaux dans la plupart des régions de la Roumanie », et ce malgré les changements au niveau des hauts dirigeants. Le gouvernement central, poursuit l'article, n'arrive pas à contrôler ces « chefs locaux, ce qui limite toute possibilité de réforme ». Un certain nombre d'autres rapports appuient cet avis (Current History déc. 1990, 412, 433; Freedom at Issue, sept.-oct. 1990, 31).
Le 16 janvier 1991, le gouvernement roumain a présenté au Conseil de l'Europe les constatations des commissions parlementaires chargées d'enquêter sur les troubles qui ont éclaté à Tirgu Mures en mars 1990 et à Bucarest en juin 1990. On a sévèrement critiqué le gouvernement pour le retard, excessif selon de nombreux groupes, dans la publication de ces rapports (BBC Summary 26 janv. 1991, B1; RFE 11 janv. 1991, 32), qui ne semblent pas avoir apaisé les inquiétudes de certains organismes gouvernementaux et de défense des droits de la personne. Pour ce qui est des événements violents de juin, les membres de la commission n'ont pu arriver à un consensus à l'étape de la conclusion, et deux « ébauches de rapport » ont été soumis, l'un par les membres de l'opposition et l'autre par les membres du Front de salut national (FSN) au pouvoir et des partis qui s'y sont ralliés (BBC Summary 26 janv. 1991, B1).
Dans son rapport, le FSN rend les protestataires antigouvernementaux responsables de la violence, soutenant que ces derniers « voulaient accéder au pouvoir par des moyens autres que démocratiques ». Le FSN reconnaît dans ce rapport que les forces de sécurité et les mineurs ont eu recours à une force excessive pour maîtriser la situation, mais il prétend, dans sa conclusion, que des intérêts étrangers étaient à l'origine des manifestations. Dans son rapport, l'opposition critique Iliescu pour avoir incité les mineurs à intervenir et les avoir ensuite remerciés. Les conclusions de ces rapports ne vont pas aussi loin que celles auxquelles sont parvenues d'autres sources, notamment un reportage de Radio Free Europe qui discerne une complicité officielle dans l'incident (BBC Summary 26 janv. 1991, B1; RFE 11 janv. 1991, 32).
La présentation de ces rapports a eu des répercussions immédiates sur l'image internationale de la Roumanie. Le 30 janvier, un groupe de 24 pays donateurs a annoncé son intention d'offrir une assistance économique à la Roumanie. Ce programme d'aide a été suspendu à la suite de la violence de juin (The Financial Times 31 janv. 1991).
Le 1er février 1991, le Conseil de l'Europe en a fait autant en accordant le statut d'invité spécial à la Roumanie. La secrétaire générale du Conseil, madame Catherine Lalumière, a fait remarquer que la Roumanie avait fait « des progrès considérables vers la démocratie au cours des derniers mois » (Reuter 7 févr. 1991). Un reportage de Radio Free Europe de février 1991 affirme toutefois que le statut d'invité de la Roumanie fera l'objet d'une révision périodique et que les règlements du Conseil concernant le statut d'invité ont été modifiés en vue d'un tel examen. Selon un membre du Conseil, la décision aurait été prise parce que « la Roumanie n'avait pas encore répondu de façon satisfaisante aux exigences du Conseil en ce qui concerne la démocratie et le respect des droits de la personne » (RFE 22 févr. 1991, 27).
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