Les droits de la personne
- Author: Research Directorate, Immigration and Refugee Board, Canada
- Document source:
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Date:
1 October 1990
CARTE
fSee original
Source : Cuba : A Country Study 1985. p. xviii.
PRÉFACE
Vers la fin février 1996, au moment où l'on mettait la dernière main à ce document, il s'est produit à Cuba deux incidents qui, selon Amnesty International, [traduction] « pourraient avoir pour effet le renforcement de la répression exercée contre les dissidents cubains » (AFP 1er mars 1996). Il s'agit de l'incident survenu le 24 février, où Cuba a abattu deux avions pilotés par des membres du groupe Brothers to the Rescue (Frères à la rescousse), qui a son siège aux États-Unis (Reuter 25 févr. 1996; Rocky Mountain News 27 févr. 1996; South China Morning Post 27 févr. 1996), ainsi que de la détention ou du harcèlement, quelque peu avant, de [traduction] « plusieurs dizaines de membres d'un groupe d'opposition voué à la défense des droits de la personne » (ABC 26 févr. 1996; AFP 10 mars 1996; ibid. 1er mars 1996; Chicago Tribune 1er mars 1996; Dallas Morning News 1er mars 1996; Newsday 1er mars 1996; Time 11 mars 1996),
Le groupe en question est Concilio Cubano, une [traduction] « alliance floue comprenant 130 petits groupes représentant quelque 1 300 personnes » (AFP 10 mars 1996) [traduction] « dont les actions sont avalisées par les Brothers to the Rescue » (Dallas Morning News 1er mars 1996) et qui avait projeté de tenir une conférence à échelle du pays pendant la fin de semaine du 24 février (AFP 10 mars 1996; Newsday 1er mars 1996). Selon le groupe Concilio Cubano, quelque 150 gens ont été [traduction] « détenus, assignés à domicile ou harcelés » ( ibid.; AFP 10 mars 1996). Le gouvernement des États-Unis a cependant évalué à 45 le nombre de gens touchés (ibid.). La plupart des dissidents [traduction] « ont été élargis dans quelques jours ou quelques heures » mais, selon un article publié le 1er mars, [traduction] « une vingtaine sont toujours en prison sans avoir été inculpés de quoi que ce soit » (Chicago Tribune 1er mars 1996). Deux dirigeants ont été trouvés coupables d'avoir résisté aux agents qui les arrêtaient et ont été condamnés à des peines de 15 mois (décision rendue à la suite d'un appel de la peine de six mois imposée en première instance) et de 14 mois d'emprisonnement (ibid.; AFP 10 mars 1996). Le domicile de Mercedes Parada Antunez a fait l'objet d'une fouille, après quoi Antunez a été accusée [traduction] « de participer à des réunions illégales, de transmettre des renseignements faux [...] et de diffuser de la propagande ennemie » (Newsday 1er mars 1996; Chicago Tribune 1er mars 1996). En raison de sa mauvaise santé, on l'a hospitalisée plutôt que de l'emprisonner. Elizardo Sanchez [Santa Cruz], président de la commission cubaine des droits de la personne et de la réconciliation nationale et [traduction] « figure de proue » du groupe Concilio Cubano, a été assigné à domicile le 24 février, dans la matinée (Chicago Tribune 1er mars 1996; Newsday 1er mars 1996).
Dans une entrevue avec le magazine Time, le président Fidel Castro a prétendu que la United States Interests Section (section des intérêts des États-Unis) à La Havane [traduction] « donnait de l'argent aux dissidents et payait leurs factures. Ils allaient dans les provinces et fomentait l'opposition au gouvernement sous prétexte de vérifier la situation des gens des radeaux qui sont retournés des États-Unis » (11 mars 1996, 38; AFP 10 mars 1996).
Selon un article de presse du 1er mars, Amnesty International a déclaré qu'à [traduction] « en juger par ce qui s'est produit par le passé à des moments semblables de haute tension, on ne peut pas exclure la possibilité de représailles violentes exercées par des foules progouvernementales contre ceux qui sont connus pour leur opposition au gouvernement » (AFP 1er mars 1996). La DGDIR ne dispose d'aucun autre renseignement sur le traitement des dissidents à Cuba au moment actuel.
1. INTRODUCTION
Une invitation sans précédent lancée par le gouvernement cubain a débouché sur une rencontre entre des représentants du gouvernement et des exilés qui s'est déroulée du 22 au 24 avril 1994 à La Havane et qui a traité des questions de migration et de citoyenneté (IPS 25 avr. 1994; Keesing's avr. 1994, 39952). Le 1er juin 1995, le gouvernement cubain a relâché six prisonniers politiques bien connus, à la suite de l'intervention de divers groupes internationaux de défense des droits de la personne (Index on Censorship juill.-août 1995c, 174; La lettre de Reporters sans frontières juill.-août 1995, 24; Keesing's juin 1995, 40591). Le 14 juin 1995, le président Fidel Castro a rencontré pendant trois heures le chef de l'opposition en exil Eloy Gutiérrez Menoyo, qu'il avait jeté en prison en 1964 pour avoir pris la tête des rebelles contre son gouvernement. Pour Gutiérrez Menoyo, chef du groupe Cambio Cubana dont le siège est à Miami, c'était sa première visite à Cuba depuis sa libération et son exil en 1986 (ibid.; AFP 11 juill. 1995; HRW/A oct. 1995, 5n5). En juillet, la sous-secrétaire d'État adjointe des États-Unis aux affaires interaméricaines, Anne Patterson, a visité des militants des droits de la personne et des chefs religieux sur l'île. Elle était la représentante le plus haut placée des États-Unis à visiter Cuba depuis plus d'une décennie (Reuter 20 juill. 1995).
Selon certains observateurs, ces événements, comme certains autres faits, sont des indices qui laissent penser que le gouvernement pourrait être en train de relâcher ses restrictions à l'égard des droits de la personne (Index On Censorship juill.-août 1995a, 122). En juin 1995, Marcelo Lopez, de la commission cubaine des droits de la personne et de la réconciliation nationale, disait que [traduction] « la répression continue, mais son intensité a diminué » (AFP 3 juin 1995). Selon Amnesty International, [traduction] « il y avait des signes que les autorités entendaient adopter une attitude plus tolérante » à l'égard de certains de ces groupes (14 juill. 1995). En octobre 1995, Human Rights Watch/Americas signalait [traduction] « dans une certaine mesure [...] quelques améliorations concrètes » (2). Il y a quelques indications que Cuba tente [traduction] « d'améliorer son image en matière de droits de la personne » (ibid.)
Cependant, dans un entretien téléphonique, Ricardo Bofill, du bureau de Miami du comité cubain des droits de la personne, s'est fondé sur le chiffre avancé par Amnesty International de 600 prisonniers d'opinion à Cuba pour affirmer [traduction] « qu'il n'y a pas plus de tolérance dans le pays aujourd'hui » (20 sept. 1995). Selon Martin Murphy, professeur à l'University of Notre Dame et cubanologue, la libération de dissidents très en vue et les rencontres avec des opposants notoires au régime sont avant tout des exercices de relations publiques, destinés [traduction] « surtout à la consommation extérieure » (25 sept. 1995). Dans un entretien téléphonique, il a ajouté que le gouvernement n'est pas vraiment intéressé à faire preuve d'un plus grand respect des droits de la personne, parce qu'il ne s'agit pas là [traduction] « d'une priorité élevée parmi la population cubaine » (ibid.).
On a émis l'hypothèse que les citoyens cubains, sous le poids de leurs difficultés économiques, commencent à exiger davantage de libertés et de réformes démocratiques comme une voie possible vers une renaissance économique (Americas Watch 25 févr. 1993, 5). Selon Robert Whitney, boursier associé (Associate Fellow) au centre d'études sur les régions en voie de développement de l'Université McGill (Montréal), l'évolution des relations, économiques et autres, entre Cuba et la communauté internationale devrait entraîner des changements importants dans la situation des droits de la personne (20 févr. 1995; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 24 janv. 1994, 28). Tout en reconnaissant les développements heureux qui se sont produits à la suite des pressions internationales, Human Rights Watch/Americas souligne qu'ils [traduction] « n'indiquent pas que la situation en matière de droits de la personne à Cuba se soit modifiée fondamentalement, ni que les réformes structurelles nécessaires aient été mises en branle » (oct. 1995, 2).
Les relations complexes entre Cuba et les États-Unis influent également sur la situation des droits de la personne à Cuba (LCHR juill. 1994, 74-75). L'économie cubaine s'est détériorée à cause des mesures toujours plus dures prises par les États-Unis pour resserrer leur embargo contre Cuba (Americas Watch 25 févr. 1993, 5; HRW 1995, 88; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 20). La dynamique entre ces deux pays a encore été compliquée par les événements qui ont entouré l'exode du mois d'août 1994, dans le cadre duquel 35 000 Cubains ont pris le chemin de la côte américaine (voir la section 4.2.1).
1.1 Contexte politique
Cuba est un État à parti unique, dirigé par le président Fidel Castro, qui est également [traduction] « président du conseil des ministres, président du conseil d'État, commandant en chef des forces armées révolutionnaires (FAR) et premier secrétaire du PCC [parti communiste cubain] » (Freedom in the World 1992-1993 1993, 192). Les articles 45 à 66 de la constitution cubaine exposent les droits, les devoirs et les garanties fondamentales des citoyens cubains, mais l'article 62 y apporte de nettes restrictions :
[traduction]
[...] aucune des libertés reconnues aux citoyens ne peut être exercée à l'encontre de ce qui est établi dans la constitution et la loi, ou à l'encontre de l'existence et des objectifs de l'État socialiste, ou à l'encontre de la décision du peuple cubain de bâtir le socialisme et le communisme. Les violations de ce principe sont punissables (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 24 janv. 1994, 5; Constitución 1992, art. 62).
Le parti communiste, défini par la constitution comme l'avant-garde de l'État cubain (Constitución 1992, art. 5), est le seul parti politique légal à Cuba (Country Reports 1993 1994, 414; AI 1994, 111). Même si le pays demeure un État à parti unique et que les candidats étaient présélectionnés (Le Monde 14 mars 1995), ces élections ont été jugées importantes parce que, pour la première fois, les Cubains votaient par scrutin secret, et jusqu'à un certain point ont profité de l'occasion pour enregistrer un vote de protestation (LCHR juill. 1994, 72). Les estimations officielles de la participation électorale s'établissent à 98,8 p. 100, dont 88,4 p. 100 ont, dit-on, enregistré ce que Castro a appelé un vote [traduction] « uni » (Latin American Regional Reports 1er avr. 1993, 4). Cependant, certains estiment que près de 19 p. 100 de la population cubaine n'ont pas appuyé les candidats du gouvernement et l'ont fait savoir en refusant de voter pour eux, en annulant leur bulletin de vote, ou en restant chez eux (ibid.).
1.1.1 Forces de sécurité
On ne dispose que de très peu de renseignements sur les forces de sécurité cubaines. Le ministère de l'Intérieur est responsable des questions de sécurité (AI 25 sept. 1995; Country Reports 1994 1995, 365). Il réglemente la migration, a autorité sur les forces policières et frontalières et fait enquête sur tout acte d'opposition au gouvernement (ibid.). Par ailleurs, les forces de police régulières, la police révolutionnaire nationale, serait en train de devenir [traduction] « plus visible et semble vouloir s'intéresser davantage aux cas politiques » (AI 25 sept. 1995). D'après un recherchiste d'Amnesty International, toutes les forces de sécurité du pays ont été amalgamées il y a deux ans dans un système unifié de vigilance et de protection, sous l'autorité du ministère de l'Intérieur (25 sept. 1995). La DGDIR ne dispose pas d'autres informations sur cette amalgamation.
Au cours des désordres du mois d'août 1994 (voir à la section 4.2.1), le gouvernement, selon une source, aurait été forcé de faire appel à des unités spéciales fidèles au président Castro pour garder le dessus, parce que l'armée n'a pas voulu intervenir (Freedom Review juill.-août 1995, 14). Granma, le journal du parti communiste, rapportait en mars 1994 que le gouvernement avait coupé de moitié l'enveloppe des forces armées dans le cadre de ses mesures d'austérité (Keesing's mars 1994, 39905).
D'après un représentant de l'ambassade cubaine à Ottawa, les hommes cubains doivent s'inscrire au service militaire à l'âge de 16 ans, mais ils peuvent servir pour une durée équivalente dans un programme de service social en remplacement du service militaire actif (DGDIR 7 janv. 1994). La durée normale du service militaire est de trois ans, mais elle peut être ramenée à deux ans si l'homme quitte le service pour étudier une profession (ibid.). Ce représentant de l'ambassade a également affirmé que les pénalités encourues par ceux qui cherchent à se soustraire au service militaire varient selon les cas (ibid.).
1.2 Considérations économiques
Entre 1989 et 1993, la cessation de l'aide économique soviétique et le resserrement des restrictions commerciales imposées par les États-Unis ont eu pour effet de couper de moitié le produit intérieur brut et le revenu national de Cuba (Latinamerica Press 19 janv. 1995, 4; Freedom in the World 1992-1993 1993, 192). En mai 1994, le gouvernement a approuvé des mesures d'austérité qui comprenaient le gel des comptes d'épargne et la diminution des subventions versées pour certains aliments et médicaments, ainsi que l'augmentation des prix des billets d'autobus, de l'eau, de l'électricité et du carburant pour les véhicules privés (Keesing's mai 1994, 40001). L'économiste cubaine Marta Beatriz Roque Cabello, vice-présidente de l'association nationale des économistes indépendants de Cuba, estime que les pénuries de carburant et de matières premières signifient que le pays ne fonctionne plus qu'à 20 p. 100 de sa capacité industrielle (Index on Censorship juill.-août 1995d, 128). En 1994, le pays a importé pour 2,7 milliards $ de biens et de services, ce qui représente moins du tiers de la valeur des biens entrés au pays en 1989 (NACLA Report on the Americas sept.-oct. 1995, 11).
Le gouvernement cubain tente d'arrêter cette détérioration économique et d'inverser la tendance en se tournant vers de nouvelles entreprises et relations économiques (ibid.; The Christian Science Monitor 6 juin 1995). Parmi les réformes appelées à favoriser la croissance économique cubaine se trouvent une plus grande ouverture des marchés aux produits étrangers (MAECI déc. 1994, 1) et l'augmentation des investissements étrangers dans presque tous les secteurs (Latinamerica Press 19 janv. 1995, 4; The Christian Science Monitor 6 juin 1995). En légalisant dans une certaine mesure le travail indépendant, le gouvernement permet désormais aux fermiers de vendre leurs produits à leur profit personnel (ibid.). Beatriz Roque dit que 250 000 Cubains sont des travailleurs indépendants ou sont [traduction] « économiquement rattachés » à quelqu'un qui l'est (ibid.).
Mais le gouvernement hésite à introduire les vastes réformes économiques que certains croient nécessaires à la relance de l'économie : il s'agit notamment de la suggestion de mettre à pied 800 000 personnes, soit un cinquième de la main-d'oeuvre (The Christian Science Monitor 6 juin 1995). Une telle mesure, craignent les autorités, rendrait les citoyens moins dépendants de l'État et saperait en bout de ligne la suprématie politique du gouvernement ( ibid.; The Orlando Sentinel 23 juill. 1995). Parmi les Cubains ordinaires, plusieurs craignent que les réformes ne détruisent ce qu'ils considèrent comme les bons côtés de leur société (ibid.; Murphy 25 sept. 1995).
Les observateurs des droits de la personne ont tracé des liens de causalité entre la détérioration de l'économie cubaine et les changements dans les conditions en matière de droits de la personne à Cuba (Americas Watch 25 févr. 1993, 4; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 20). Selon Whitney, la crise économique a accéléré un effondrement partiel de la plupart des structures du parti communiste et de l'État cubain (20 févr. 1995). « Il est très rare que l'on puisse dire que la source des [changements] est une politique de l'État » (ibid. 22 sept. 1995). Pendant que les mécanismes permettant à l'État de tenir les citoyens en bride se désintègrent, on voit apparaître les débuts d'une activité autonome au niveau des communautés, témoin la création de syndicats indépendants (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 10) et la transformation de l'Église en centre de réunions et de discussions dans les communautés (Latinamerica Press 18 juin 1992, 4), ainsi que les activités d'organisations non gouvernementales illégales, bien que tolérées, dont certaines ont même trouvé audience auprès du gouvernement (Whitney 20 févr. 1995). Murphy croit que [traduction] « de nouveaux liens sociaux sont en train de se former à cause de la crise économique », et plus particulièrement, que les réseaux familiaux étendus se sont renforcés (25 sept. 1995).
2. APERÇU DE LA SITUATION EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE
Les évaluations du nombre de prisonniers politiques dans les prisons cubaines varient, et vont [traduction] « [d']au moins 1 000 », chiffre avancé par Amnesty International (25 sept. 1995), à 2 000-5 000, chiffres proposés par Elizardo Sanchez Santa Cruz, de la commission cubaine illégale des droits de la personne et de la réconciliation nationale (AFP 3 juin 1995). La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) signale que 918 personnes ont été condamnées [traduction] « pour des infractions avec des connotations politiques ou pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression » en 1994 (17 févr. 1995, 145). Le 1er juin 1995 toutefois, et ce fait a déjà été signalé dans l'introduction, le gouvernement a relâché six prisonniers politiques après la visite d'enquête des représentants de France Libertés, de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme, des Médecins du Monde et de Human Rights Watch/Americas (La lettre de Reporters sans frontières juill.-août 1995, 24; Index on Censorship juill.-août 1995c, 174).
On dit que des organisations indépendantes de journalistes, d'avocats et d'économistes peuvent fonctionner de manière non officielle, bien que la menace de l'intervention gouvernementale pèse sur elles et que quelques cas de harcèlement aient été signalés (The Globe and Mail 31 juill. 1995; AI 14 juill. 1995; Index on Censorship juill.-août 1995a, 122). En juillet 1995, les autorités ont refusé à Sanchez Santa Cruz l'autorisation de quitter Cuba dans le but de rencontrer un groupe d'intellectuels au Mexique (EFE 12 juill. 1995). Ce même mois, plusieurs journalistes indépendants ont été harcelés par des agents de sécurité de l'État (AI 14 juill. 1995). On a avancé que ce resserrement des restrictions se motivait peut-être par les inquiétudes du gouvernement qui craignait que les militants n'organisent une commémoration de la mort par noyade en 1994 de 40 personnes; celles-ci ont péri dans une confrontation avec un bateau du gouvernement survenue pendant qu'elles cherchaient à quitter Cuba à destination des États-Unis (ibid.; HRW/A oct. 1995, 21-23) (voir les sections 3.2 et 4.2.1). La plus grande messe de commémoration a été annulée par les autorités, mais on signale que des messes à l'assistance plus réduite ont pu être tenues (ibid.). Une flottille de bateaux est partie de Miami à destination de Cuba pour commémorer l'événement, mais elle a rencontré des navires cubains qui, en éperonnant le bateau de tête, ont causé des dommages et auraient blessé trois personnes (ibid.).
Elizardo Sanchez Santa Cruz a dit en juin 1995 que [traduction] « la répression a toujours ses hauts et ses bas, et la situation actuelle peut changer demain, parce que nous n'avons aucune garantie des droits de la personne ici » (HRW/A oct. 1995, 2n1; AFP 3 juin 1995). Whitney avance que l'instabilité économique persistante et l'effondrement des institutions de l'État ont conduit à une plus grande liberté dans certaines communautés et à une [traduction] « répression effrénée » dans d'autres, à mesure que les relations entre les citoyens et l'État ainsi que les prises de décision par les autorités locales deviennent de plus en plus subjectives et de moins en moins formalistes [traduction] « parce qu'il n'y a pas beaucoup de choses qui marchent, il est difficile de déceler des tendances [...] Vous pouvez tomber sur des gens puissants qui décident de jeter quelques personnes en prison » (22 sept. 1995). Les rapports contradictoires sur les conditions en matière de droits de la personne, dit-il, peuvent s'expliquer par des réactions différentes des membres locaux du parti et des organisations aux activités des citoyens (ibid. 20 févr. 1995).
Les autorités cubaines ont systématiquement refusé de coopérer avec le rapporteur spécial des Nations Unies Carl-Johan Groth (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 2), dont le mandat a été renouvelé trois fois depuis sa première nomination en mars 1992 (HRW/A févr. 1994, 3; Reuter 7 mars 1995). Cependant, en novembre 1994, à l'invitation du gouvernement cubain, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, José Ayala Lasso, a visité Cuba. Le gouvernement cubain a également accepté de coopérer avec les rapporteurs thématiques des Nations Unies (MAECI déc. 1994, 2).
Bien qu'il soit illégal pour les groupes à Cuba de surveiller le respect des droits de la personne (AI 14 juill. 1995; HRW/A 23 oct. 1994, 15; Country Reports 1994 1995, 372; HRW/A oct. 1995, 9), selon Joanne Mariner, recherchiste de Human Rights Watch Cuba, les défenseurs des droits de la personne reçoivent parfois la permission de quitter le pays et d'y revenir (25 avr. 1995). Le 16 mars 1995, Fidel Castro a annoncé que des groupes internationaux de défense des droits de la personne recevraient la permission de visiter Cuba (AI 17 mars 1995). Jusque-là, le gouvernement cubain avait refusé les demandes de ces organisations d'organiser des visites officielles à Cuba (ibid. 1994, 111; HRW 1995, 89). En avril-mai 1995, comme mentionné plus haut, une mission des droits de la personne menée par France Libertés, et comprenant des représentants de Human Rights Watch/Americas, a visité Cuba (La lettre de Reporters sans frontières juill.-août 1995, 24; Index on Censorship juill.-août 1995c, 174; HRW/A oct. 1995, 10n27). Cependant, la réaction du gouvernement cubain aux premiers résultats de la mission a été de protester contre les actions de la délégation, qu'il qualifiait [traduction] « de violation flagrante de la souveraineté du pays et d'ingérence manifeste dans des affaires exclusivement du ressort du gouvernement et du peuple » (ibid.). En septembre 1995, un recherchiste d'Amnesty International a dit que ce groupe espérait pouvoir visiter Cuba bientôt (25 sept. 1995).
Le 17 mai 1995, Cuba a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (HRW/A oct. 1995, 16). Selon Human Rights Watch/Americas, le président Castro aurait dit à la délégation de France Libertés [traduction] « qu'il déposerait un projet de loi à l'Assemblée nationale pour abolir la peine de mort [...] [cependant,] son engagement [...] était fortement diminué par les réserves qu'il a exprimées [...] [puisque cela dépendrait] des développements dans l'économie et l'embargo économique décrété par les États-Unis » (ibid. oct. 1995, 17).
Des organisations officielles appuyées par l'État aux niveaux local, régional et national ont constitué et constituent le mécanisme principal employé par l'État pour exercer une domination quotidienne sur les citoyens cubains (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 24 janv. 1994, 7; Country Reports 1994 1995, 365). Ces organisations comprennent notamment les comités pour la défense de la révolution, au tout premier niveau, ainsi que les forces de sécurité et des institutions de niveau plus élevé. Les Country Reports 1994 affirment que ce système est [traduction] « l'une des caractéristiques les plus envahissantes et les plus répressives de la vie à Cuba », tout en ajoutant que l'assujettissement de ces organisations au parti communiste s'est affaibli (ibid., 369).
Les comités pour la défense de la révolution [traduction] « possèdent un réseau d'informateurs qui doivent signaler les activités publiques des citoyens privés, et particulièrement des militants » (LCHR 1993, 73; AI 25 sept. 1995). En 1992, il y a eu des affrontements fréquents entre des citoyens et les Destacamentos Populares de Respuesta Rápida (brigades populaires d'intervention rapide) (AI 1993, 108), que des sources de langue anglaise appellent parfois Rapid Response Brigades ou Rapid Action Brigades (ibid. 11 août 1994a, 2; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 6; HRW 1994, 89). On trouve encore en 1994 des rapports, certes moins fréquents qu'en 1993, qui signalent l'utilisation des brigades populaires d'intervention rapide et d'autres groupes civils pour intimider les dissidents politiques et les militants des droits de la personne (ibid.).
Ces brigades, supposément composées de volontaires, et parfois accompagnées par la police et d'autres membres de la communauté, entourent souvent les maisons des opposants au gouvernement pour les attaquer (Americas Watch 25 févr. 1993, 13; HRW/A févr. 1994, 4; AI 1994, 112; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 6). La Commission interaméricaine des droits de l'homme rapporte que les actes des membres des brigades demeurent impunis (17 févr. 1995, 147). Ricardo Bofill, du comité cubain des droits de la personne, dit que les brigades sont [traduction] « des groupes d'assaut qui prennent des mesures punitives et qui travaillent tout à fait en dehors de la loi même s'ils sont complètement sous l'autorité du gouvernement » (20 sept. 1995).
Tant les enseignants que les étudiants sont évalués jusqu'à un certain point en fonction de leur dévouement idéologique à l'État (AAAS sept. 1994, 570). Le département d'État des États-Unis affirme que [traduction] « les enfants des dissidents et les enfants qui sont des dissidents eux-mêmes voient généralement leur éducation se terminer à la 9e année » (mars 1995, 4). Les Nations Unies signalent que [traduction] « souvent, des personnes sont renvoyées des établissements d'enseignement, renvoyées de leur emploi ou soumises à une forme quelconque de discrimination pour avoir exprimé d'une façon ou d'une autre des points de vue non conformes à l'idéologie officielle » (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 24 janv. 1994, 7).
2.1 Contexte juridique
2.1.1 Le droit à un procès équitable
Le code criminel prévoit un certain nombre de pénalités pour l'expression d'idées qui ne sont pas conformes aux buts de l'État communiste : l'article 103 prévoit une peine de prison pouvant aller d'un à huit ans pour quiconque [traduction] « incite à s'opposer à l'ordre social, à la solidarité internationale ou à l'État communiste, que ce soit par le biais d'une propagande orale ou écrite ou par n'importe quel autre moyen » (CIDH 17 févr. 1995, 144). D'après The Recorder, publié par American Lawyer Media, [traduction] « Cuba possède tout le cadre complexe d'un système judiciaire équitable et impartial », mais [traduction] « les tribunaux sont utilisés comme le principal instrument pour exercer une domination politique sur la population » (19 juin 1995, 5). En général, la critique du gouvernement et de ses activités n'est pas permise, et est punissable d'un à trois ans de prison (Country Reports 1993 1994, 411). Un recherchiste attaché au programme régional des Amériques du secrétariat international d'Amnesty International a déclaré que les prisonniers politiques à Cuba [traduction] « sont sans aucun doute traités différemment » par le système judiciaire que les autres prisonniers. Les causes criminelles ordinaires sont généralement traitées « beaucoup plus rapidement [...et] plus ouvertement » (25 sept. 1995).
Selon le recherchiste, tous les avocats qui exercent leur profession dans le pays doivent appartenir à des « bufetes colectivos » (collectifs d'avocats), qui sont sous la férule du gouvernement (ibid.). À cause de cette relation, ceux qui sont accusés d'une infraction politique n'ont que des chances [traduction] « très minces » d'obtenir une [traduction] « défense convenable », affirme le recherchiste (AI 25 sept. 1995). Dans son Directory of Persecuted Scientists, Health Professionals and Engineers de 1994, l'American Association for the Advancement of Science (AAAS) note que les avocats de la défense à Cuba sont souvent réticents à représenter les personnes accusées de crimes politiques à cause de l'empire que l'État exerce sur les avocats (sept. 1994, 57).
On a affirmé qu'il n'y a pas d'avocats indépendants à Cuba (AI 25 sept. 1995;Bofill 20 sept. 1995), mais Human Rights Watch/Americas rapporte qu'un groupe d'avocats a formé un collectif indépendant, le Corriente Agramontista (Courant agramontiste) et [traduction] « se sont fait remarquer par leur défense active et éloquente des causes politiques » (HRW/A oct. 1995, 18). Cependant, [traduction] « tous ces avocats ont été pénalisés pour leurs activités » (ibid.). Les répercussions comprennent des mesures qui équivalent à une radiation du barreau, la surveillance constante, l'interruption des réunions, et le refus d'une reconnaissance juridique par le gouvernement [traduction] « malgré de nombreuses demandes » (ibid.).
Les membres de la délégation internationale des droits de la personne qui ont visité Cuba au printemps de 1995 ont rapporté que tous les prisonniers politiques auxquels ils ont parlé (voir la section 3.1) se sont plaints d'avoir eu des procès inéquitables (La Lettre hebdomadaire de la FIDH 18-25 mai 1995, 10). Ils n'avaient reçu aucune possibilité de présenter une défense efficace, et avaient été soumis à des périodes d'isolement cellulaire dans des conditions « cruelles et inhumaines » (ibid.). Les « membres de la délégation ont été frappés par l'importance des peines prononcées » pour des infractions relativement mineures qui ne s'accompagnaient d'aucune violence (ibid.) L'AAAS affirme [traduction] « que la notion d'un procès équitable et public n'y joue aucun rôle, car presque toutes les causes sont jugées en moins d'une journée et, souvent, la seule preuve jugée recevable est la confession de l'accusé » (sept. 1994, 57). Selon l'avocat dissident René Gómez Manzano, qui a passé neuf des quatorze dernières années en prison pour des infractions politiques, [traduction] « en réalité, il n'y a aucune garantie d'une application régulière de la loi » (The Recorder 19 juin 1995, 7).
Le droit cubain permet à quiconque est accusé d'un crime de désigner un avocat une dizaine de jours après son arrestation (Latinamerica Press 19 mai 1994, 5), mais le recherchiste d'Amnesty International et un recherchiste de la Commission internationale de juristes (CIJ) à Genève affirment que les avocats qui représentent des prisonniers politiques n'ont qu'un accès très limité à leurs clients, et ne peuvent parfois les rencontrer que quelques jours avant leur procès. [Traduction] « C'est là un grave obstacle au droit à une défense », signale Alejandro Artucio, de la CIJ (Artucio 25 sept. 1995; AI 25 sept. 1995).
Le 7 mars 1994, Francisco Chaviano González, le chef du conseil national cubain des droits civils (CNDCC), dont les activités avaient été [traduction] « étroitement surveillées », a été attaqué chez lui par quatre hommes (AI 11 mai 1994). Selon Amnesty International, [traduction] « la nature de l'agression et les antécédents de harcèlement à son égard et à l'égard du groupe indiquent qu'il est possible qu'il s'agisse d'une intervention officielle » (ibid.). Deux mois plus tard, Chaviano González a été arrêté par des agents de sécurité de l'État peu après avoir signé une pétition demandant au président Castro de relâcher les restrictions appliquées aux militants des droits de la personne (The New York Times 15 mai 1995). Il était également en train d'organiser une campagne proposant d'amnistier les prisonniers politiques (CIDH 1995, 146).
Chaviano González a été gardé en isolement cellulaire, au secret, sans pouvoir communiquer avec un avocat (CIDH 1995, 146; Notimex 29 mai 1995; The New York Times 15 mai 1995) et sans inculpation; le 12 avril 1995, on lui a dit [traduction] « qu'il serait jugé dans à peine 72 heures par un tribunal militaire secret », et ce malgré sa qualité de civil (The Recorder 19 juin 1995). D'après une source, Chaviano González a rencontré son avocat militaire à peine deux heures avant le procès (ibid.). Aucun des témoins de la défense n'a pu témoigner, et Chaviano González n'a pas pu prendre connaissance des preuves (HRW/A oct. 1995, 19). Le procès s'est déroulé à huis clos (ibid.).
Chaviano González a été condamné à 15 ans de prison, sous l'accusation d'avoir falsifié des documents officiels afin d'aider certaines personnes à quitter Cuba illégalement, d'avoir reçu des secrets d'État, et de s'être [traduction] « enrichi illicitement » (Notimex 29 mai 1995; The Recorder 19 juin 1995; The New York Times 15 mai 1995). Lors du même procès, un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur a été condamné à 18 ans de prison; deux autres fonctionnaires et trois militants des droits de la personne, inculpés dans la même cause, ont reçu des peines de prison allant de deux à douze ans (Notimex 29 mai 1995; The New York Times 15 mai 1995). L'appel de Chaviano González a été rejeté, et sa peine a été maintenue par le tribunal militaire régional de l'Ouest en juillet 1995, bien que ce tribunal [traduction] « ait commué les peines d'au moins deux de ses co-accusés » (HRW/A oct. 1995, 19).
2.1.2 La disposition concernant l'état dangereux
En mai 1994, on a rapporté qu'un comité gouvernemental spécial faisant enquête sur le système judiciaire et le système de sécurité de Cuba était arrivé à la conclusion que l'État devait faire mieux pour protéger les droits des individus, y compris le droit des citoyens à un recours en cas de discrimination ou d'abus constitutionnel (Latinamerica Press 19 mai 1994, 5). Le comité, dit-on, était en train de revoir les procédures judiciaires et les droits individuels, mais selon Amnesty International, on n'en a pas eu d'autres nouvelles en 1994 (1994, 110). Des organisations non gouvernementales et des membres du corps judiciaire ont critiqué les [traduction] « dispositions concernant l'état dangereux » du code pénal lorsqu'ils ont parlé au comité (Latinamerica Press 19 mai 1994, 5; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 8, 11; Country Reports 1993 1994, 410).
Le rapport sur la situation des droits de l'homme à Cuba, préparé par le rapporteur spécial des Nations Unies, décrit ces dispositions :
[traduction]
comme on l'a signalé dans des rapports précédents, l'article 72 du code pénal traite du concept « d'état dangereux », qui est défini comme « le penchant particulier d'une personne à commettre des infractions, tel que démontré par un comportement qui est manifestement contraire aux normes de la moralité socialiste ». L'article 74 précise « qu'un "état dangereux" existe lorsqu'un individu fait montre de l'un des signes suivants de "dangerosité" : a) état d'ébriété habituel et dipsomanie; b) toxicomanie; c) comportement antisocial ». De plus, « toute personne qui, par son comportement antisocial, transgresse habituellement les normes de la coexistence sociale en commettant des actes de violence ou d'autres actes de provocation, ou qui viole les droits des autres, ou dont le comportement général met en péril les règles de coexistence ou dérange l'ordre de la communauté, ou qui vit en parasite social du travail des autres ou qui exploite ou pratique des vices socialement répréhensibles, sera considéré comme étant dans un état dangereux (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 11).
Les articles du code pénal prévoient des peines pouvant aller d'un à quatre ans pour les contrevenants dans un état dangereux (AFP 3 juin 1995; CIDH 17 févr. 1995, 153). Des mesures de sécurité peuvent être prises contre les individus manifestant l'un ou l'autre des signes mentionnés ci-dessus avant qu'une infraction ait été commise ou après. Si les mesures sont prises avant qu'il y ait eu infraction, les individus peuvent être obligés à subir une thérapie ou des mesures de rééducation, ou ils peuvent être placés sous surveillance par la police révolutionnaire nationale, conformément à l'article 78 du code pénal (ibid.; HRW/A févr. 1994, 5). L'article 75 du Code pénal prévoit qu'une personne qui n'est pas dans un état dangereux mais qui a des liens avec des individus qui le sont [traduction] « recevra un avertissement de la part de l'autorité policière compétente dans le but de l'empêcher de se livrer à des activités criminelles ou socialement dangereuses » (ibid.; CIDH 17 févr. 1995, 153).
En septembre 1993, on a fait un procès sommaire à Héctor Eduardo Pedrera Miranda, parce qu'il était considéré comme étant dans un état dangereux; il avait déjà subi une peine d'emprisonnement pour avoir quitté le pays illégalement (CIDH 1995, 154). Même si l'accusé n'avait commis aucun crime additionnel, sa sortie illégale du pays a été utilisée comme preuve qu'il n'avait pas de sympathie pour la révolution et qu'il était donc dangereux (ibid.). Pedrera Miranda a été condamné à quatre ans de prison. Son avocat n'a pas eu la permission de voir son dossier, et n'a pu parler à son client que pendant quelques minutes avant sa condamnation (ibid.; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 13).
Human Rights Watch (1995, 87), la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (11 janv. 1995, 12, 13), Amnesty International (1995, 111) et la Commission interaméricaine des droits de l'homme (1995, 154-155) ont signalé l'utilisation des dispositions concernant l'état dangereux en 1993 et en 1994 contre d'autres militants des droits de la personne et dissidents. On peut consulter ces rapports dans les centres de documentation régionaux de la DGDIR.
3. QUESTIONS CHOISIES
3.1 Traitement des prisonniers
Le militant des droits de la personne Elizardo Sanchez Santa Cruz affirme qu'il existe près de 300 centres de détention à Cuba, dont deux douzaines d'établissements à sécurité maximale (The Globe and Mail 31 juill. 1995). Les rapports sur les conditions de détention dans les prisons cubaines font état d'un manque ou d'une privation de soins médicaux, de surpeuplement, de conditions d'hygiène d'une extrême insalubrité et d'autres problèmes (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 16-17; Country Reports 1993 1994, 409; HRW 1995, 87).
La délégation internationale dirigée par France Libertés a visité des prisons cubaines et parlé « longuement et librement avec vingt-quatre prisonniers politiques » en avril et mai mai 1995 (La Lettre hebdomadaire de la FIDH 18-25 mai 1995, 10). « Aucun des prisonniers politiques visités ne s'est plaint d'avoir été victime de violences physiques », mais tous se sont plaints de la mauvaise alimentation (ibid.; HRW/A oct. 1995, 26). La majorité des prisonniers semblaient accuser une importante perte de poids (HRW/A oct. 1995, 26).
Toutefois, d'autres sources font état de nombreux rapports concernant des sévices et des mauvais traitements dont auraient été victimes les prisonniers en 1994 (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 6, 17; HRW 1995, 86). L'organisme Human Rights Watch rapporte que Gloria Bravo, de l'association des mères pour la dignité, et Carlos Ríos, de Cambio 2000, ont été [traduction] « sévèrement battus » pendant qu'ils étaient en détention (ibid.; AI 1995, 111; Country Reports 1994 1995, 367). La Commission interaméricaine des droits de l'homme fait état de trois [traduction] « prisonniers politiques », Joel Alfonso Matos, Omar del Pozo Marrero et Reidel de la Torre Calero, qui ont été gardés au secret dans des cellules punitives à la prison de Quivicán pendant trois mois en 1994. Pendant cette période, ils ont été privés d'eau potable, de matelas et d'une alimentation équilibrée, de sorte que leur état physique s'est détérioré (CIDH 17 févr. 1995, 159).
Le Dr Sebastián Arcos Bergnes, vice-président du comité cubain des droits de la personne, a été condamné à une peine d'emprisonnement de plus de quatre ans après avoir été trouvé coupable de [traduction] « diffusion de propagande ennemie » en 1992 (AAAS sept. 1994, 59; Country Reports 1994 1995, 367). Il a été placé en détention après la diffusion du procès de trois hommes dont l'un a mentionné le nom d'Arcos Bergnes et de deux autres personnes avec lesquelles il fallait communiquer en cas de problème (AAAS sept. 1994, 60). Les autorités n'auraient rien fait après qu'il a eu été battu par d'autres prisonniers (Country Reports 1994 1995, 367). Il a été mis au secret le 2 mars 1994 à la prison d'Ariza, dans la province de Cienfuegos. L'état de santé d'Arcos Bergnes serait mauvais et il serait privé de soins médicaux (AAAS sept. 1994, 60; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 17). Il était parmi les six prisonniers politiques qui ont été relâchés le 1er juin 1995 (voir la section 2) (La lettre de Reporters sans frontières juill.-août 1995, 24; Index on Censorship juill.-août 1995c, 174).
En 1993, le rapporteur spécial des Nations Unies [traduction] « a reçu des documents dénonçant l'usage de la psychiatrie à des fins autres que strictement médicales », mais l'insuffisance de la preuve interdisait de conclure que tel était le cas (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 24 janv. 1994, 19). Les sources consultées par la DGDIR n'avaient pas d'autre information sur la question.
3.2 Exécutions extrajudiciaires
Les Country Reports 1994 affirment que [traduction] « les autorités étaient responsables de l'exécution extrajudiciaire de douzaines de personnes »; ce nombre comprenait 40 personnes qui se sont noyées à la suite d'un affrontement avec les autorités survenu pendant qu'elles essayaient de fuir vers les États-Unis à bord d'une embarcation volée (1995, 366). Si d'autres sources ne concluent pas que les autorités cubaines soient responsables des décès (AI 1995, 112; HRW 1995, 86), il n'en reste pas moins que le rapporteur spécial des Nations Unies pour Cuba affirme que les autorités ont utilisé une [traduction] « force excessive » pour arrêter l'embarcation (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 16).
Les Country Reports 1993 utilisent l'expression [traduction] « exécutions extrajudiciaires » pour désigner plusieurs cas de décès attribuables à des agents de la force publique (1994, 409). Cette source ne parle d'aucune des victimes comme d'un dissident politique et n'élucide pas le motif des exécutions (ibid.).
Dans son rapport annuel de 1994, Amnesty International écrivait qu'en 1993, [traduction] « au moins quatre personnes étaient mortes dans des circonstances qui donnaient à penser qu'elles avaient été victimes d'exécutions extrajudiciaires » (1994, 113).
3.3 Arrestation et détention
D'après la Commission interaméricaine des droits de l'homme, nombre de prisonniers politiques attendent leur procès pendant des mois ou des années (17 févr. 1995, 159). Rodolfo González González, porte-parole du comité cubain des droits de la personne, a été emprisonné le 10 décembre 1992 et a comparu en mars 1994 (ibid., 160; AI 1994, 111; voir la section 3.4). Renato Rodríguez Sánchez et Jorge Luis Sánchez Marrero sont en détention depuis leur arrestation en novembre 1992 sous l'accusation de [traduction] « piraterie », accusation portée contre eux à la suite de leur tentative de quitter Cuba depuis le port de Mariel (Commission interaméricaine des droits de la personne 17 févr. 1995, 159). José Miranda Acosta, un militant des droits de la personne, [traduction] « aurait été détenu pendant environ un an sans même avoir l'autorisation de communiquer avec sa famille » (HRW/A oct. 1995, 25).
Comme nous l'avons mentionné plus haut, le 1er juin 1995, le gouvernement a libéré sans conditions six prisonniers politiques, dont Yndamiro Restano Díaz, ancien journaliste de Radio Rebelde qui en 1986 s'était vu interdire à vie de pratiquer le métier de journaliste (Keesing's juin 1995, 40591; Libération 25 mai 1995). Fondateur de l'association cubaine des journalistes indépendants, il avait été arrêté en 1991 juste avant la parution de la première édition de La opinión, la publication de son groupe clandestin appelé le MAR (mouvement pour l'harmonie) (IFEX 29 mai 1995; La lettre de Reporters sans frontières juill.-août 1995, 24). En 1992, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de dix ans pour « rébellion » (ibid.; La Presse 17 mars 1995). Le gouvernement lui a offert à quelques reprises de le remettre en liberté s'il acceptait de s'exiler, mais Restano Díaz a refusé (ibid.).
Les cas de harcèlement, de poursuite et de détention de dissidents ont persisté tout au long de 1994. Les personnes visées par les arrestations et les mises en détention étaient des membres de groupes de défense des droits de la personne, des opposants politiques, des syndicalistes, etc. (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 3; AI oct. 1994, 6; HRW 1994, 88). Des cas ont été signalés tout au long des sept premiers mois de 1995 (HRW/A oct. 1995, 19-20, 23-25).
Des dissidents connus auraient été arrêtés pour [traduction] « crimes économiques » (CIDH 17 févr. 1995, 145; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 3). Les crimes dont ils sont accusés sont souvent reliés à l'obtention de subsistances sur le marché noir, activité à laquelle, d'après les Nations Unies, recourent la majorité des Cubains (ibid.). En juillet 1994, Elizardo Sanchez Santa Cruz a été placé en résidence surveillée pour six mois pour possession d'une quantité de combustible supérieure à la limite légale (ibid.; Keesing's juill. 1994, 40095). Sanchez Santa Cruz a affirmé que de 20 à 30 autres militants avaient précédemment été arrêtés sous des accusations semblables (ibid.). Un autre éminent militant des droits de l'homme, Rene del Pozo Pozo, a été accusé de possession illégale de biens (bière), qui lui ont ultérieurement été retournés (HRW 1995, 87).
3.4 Liberté d'expression
Selon l'article 53 de la constitution de Cuba, la presse, la radio, la télévision, les cinémas et les autres [traduction] « médias de diffusion massive » sont l'unique propriété de l'État où d'un groupe social [comme un syndicat] (Constitución 1992). Selon Reporters sans frontières, dans la pratique, les [traduction] « imprimeries » sont également la propriété de l'État et [traduction] « les publications clandestines relèvent de l'article 210 du code criminel et leur production peut être punissable d'une peine d'emprisonnement » (janv. 1995, 4). La presse officielle comprend un quotidien, deux hebdomadaires, un mensuel et 14 journaux régionaux. Il y a 54 stations de radio et deux stations de télévision (Reporters sans frontières janv. 1995, 4). Les gens des médias qui sont reconnus coupables [traduction] « d'avoir propagé de fausses nouvelles ou des prédictions malicieuses qui tendent à alarmer le peuple, à semer le mécontentement ou le désordre public » peuvent être condamnés à des peines d'emprisonnement d'une durée de sept à quinze ans (HRW/A févr. 1994, 13). L'Agence France Presse rapporte que les propriétaires de télécopieurs ne sont autorisés à envoyer des documents que dans les limites de l'État cubain et qu'avec l'intervention d'un téléphoniste; l'accès direct aux lignes internationales est réservé aux résidents étrangers (3 juin 1995).
En 1994, le comité de protection des journalistes a affirmé que des dizaines de journalistes s'étaient vu interdire de pratiquer leur métier (68). Toutefois, un rapport daté du 31 juillet 1995 fait état de l'existence de [traduction] « plusieurs » groupes de journalistes indépendants actifs en ce moment dans le pays leurs membres vendent des articles à des médias de tous les coins du monde, y compris Radio Marti, la station anticastriste financée par les États-Unis qui diffuse à Cuba depuis Miami (The Globe and Mail 31 juill. 1995). En septembre 1995, Yndamiro Restano Díaz (voir la section 3.3), qui avait été libéré de prison en juin 1995, a fondé le bureau des journalistes indépendants (BPIC) (HRW/A oct. 1995, 18).
Le 8 juillet 1995, trois membres de l'association des journalistes cubains indépendants (APIC) Orestes Sondevila, Luis López Prendes et Lázaro Lazo ont été arrêtés par des agents de la sécurité d'État par suite de la publication d'un article de l'APIC au sujet d'un officier de l'armée à la retraite qui critiquait le gouvernement (Index on Censorship juill.-août 1995c, 174). Les journalistes ont été libérés après qu'on leur avait dit que les autorités autoriseraient l'APIC à s'adonner à ses activités, mais que certains sujets étaient interdits (ibid.). Amnesty International rapporte que, le 12 juillet 1995, six journalistes ont été détenus à La Havane [traduction] « dans le cadre de ce qui semble être une campagne d'intimidation visant les journalistes indépendants » (14 juill. 1995). L'un d'eux, Rafael Solano, est le directeur de l'agence de presse non officielle Havana Press. Il a été interrogé par des agents de la sécurité d'État et il aurait été accusé d'avoir rédigé des [traduction] « articles portant atteinte au système » et d'avoir diffusé de la [traduction] « propagande ennemie » (ibid.; The Globe and Mail 31 juill. 1995; Index on Censorship juill.-août 1995c, 175). Onze heures plus tard, il a été reconduit chez lui, avec ordre de ne pas partir. Le lendemain matin, Solano a été ramené au poste de police où on lui a délivré un avertissement officiel (ibid.). On laissait entendre qu'il risquait toujours d'être inculpé d'avoir diffusé de la [traduction] « propagande ennemie » (AI 24 juill. 1995). Au moment de la rédaction du présent document, la DGDIR ne possède pas d'autre information sur Solano.
En juin 1995, des agents de la sécurité d'État ont fouillé la maison de Néstor Baguer, journaliste émérite et président de l'association des journalistes indépendants de Cuba qui a travaillé à la station d'État Radio Havana, et y ont saisi un télécopieur et des documents (AI 14 juill. 1995). Amnesty International signale que son téléphone a été coupé peu après (ibid.). D'après Reporters sans frontières, en février 1994, Baguer a été agressé par un homme à bicyclette, attaqué par des étrangers quelques jours plus tard puis placé en résidence surveillée (1994, 104). Le 2 mars 1995, Baguer a été attaqué dans la rue par un inconnu, qui lui a fracturé le poignet et infligé des contusions graves (La lettre de Reporters sans frontières mai 1995, 8).
En mars 1994, les autorités ont condamné Rodolfo González González, membre du comité cubain des droits de la personne et correspondant spécial de Radio Marti, à une peine d'emprisonnement de sept ans pour avoir diffusé de la [traduction] « propagande ennemie » et de l'information fausse au sujet de Cuba (HRW 1994, 88; La Presse 17 mars 1995; AI 1994, 111; Country Reports 1994 1995, 368; CPJ 1994, 69; La lettre de Reporters sans frontières nov. 1994, 24). Il a été arrêté le 10 décembre 1992 pour avoir fourni de l'information antigouvernementale à des médias étrangers (CIDH 17 févr. 1995, 146). Après avoir refusé plusieurs fois d'être remis en liberté en échange d'un départ en exil, González a été libéré le 12 février 1995 après avoir accepté de quitter le pays, et il s'est vu accorder l'asile politique en Espagne (La Presse 17 mars 1995; HRW/A oct. 1995, 13).
D'autres personnes ont été poursuivies en 1993 et 1994 pour des activités telles que le fait d'avoir formulé verbalement ou par écrit des commentaires critiques à l'endroit des dirigeants cubains, d'avoir écrit des graffiti antigouvernementaux et distribué des tracts antigouvernementaux (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 4-5). Des personnes reconnues coupables d'infractions telles que [traduction] « la diffusion de propagande ennemie, outrage, association illégale », ont été condamnées à des peines de sept ans ou plus (ibid., 3).
Dans l'annexe à son rapport d'octobre 1995 sur Cuba, Human Rights Watch/Americas donne le nom de 30 Cubains [traduction] « parmi ceux qui sont actuellement emprisonnés pour le crime de diffusion de propagande ennemie » (32-33; voir également la section 3.8).
3.5 Les femmes
Cuba a ratifié la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Nations Unies 1987, 140). L'article 44 de la constitution garantit aux femmes l'égalité sur les plans social, politique, économique, culturel et familial ainsi que des congés de maternité payés et des services de garderie (Constitución 1992, art. 44).
D'après le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, le dossier de Cuba en matière de promotion des droits des femmes est positif (déc. 1994, 2; voir également Vanity Fair mars 1994, 167), même s'il est [traduction] « rare » de trouver des femmes à des postes de commande dans le gouvernement cubain (MAECI déc. 1994, 2; Country Reports 1993 1994, 414). Trois femmes siègent au bureau politique, qui compte 26 membres et qui est l'organe directeur du parti communiste (Country Reports 1994 1995, 372). D'après un article de presse, Cuba est toujours le chef de file régional en matière de possibilités d'emplois pour les femmes. [...] 51 p. 100 des scientifiques [...] de moins de 30 ans, [...] 63 p. 100 des [...] techniciens et 65 p. 100 des étudiants universitaires sont des femmes » (Latinamerica Press 2 févr. 1995, 7).
Les femmes ont toutefois subi une perte d'autonomie, une baisse de l'accès à l'emploi et une diminution du soutien gouvernemental du fait de la crise économique actuelle (Latinamerica Press 2 févr. 1995, 7; ibid. 16 mars 1995, 5; Whitney 20 févr. 1995). Beaucoup de femmes ont perdu leur emploi et nombre de femmes célibataires, en particulier des mères seules, ont dû retourner vivre chez leurs parents (ibid.). D'après Whitney, la situation est si éprouvante pour les femmes cubaines que le nombre de celles qui sont admises dans des établissements psychiatriques connaît une augmentation importante (ibid.). De plus, la crise économique, survenue dans un contexte où l'industrie touristique est par contre en pleine expansion, a donné lieu à une augmentation du nombre des femmes qui se livrent à la prostitution (Vanity Fair mars 1994, 167; Country Reports 1993 1994, 415).
Les rapports et autres sources consultées pour les besoins de ce document n'ont fourni aucun autre renseignement sur la violence conjugale à l'endroit des femmes. Par ailleurs, d'après les Country Reports 1994, le gouvernement semble punir sévèrement le viol (1995, 373).
3.6 Les enfants
Cuba adhère à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant depuis le 20 septembre 1991. En date du 10 juillet 1995, toutefois, le gouvernement cubain n'avait toujours pas présenté son rapport de 1993 sur la situation des enfants de Cuba, comme l'exige l'article 44 de la Convention (Comité des droits de l'enfant des Nations Unies 19 juill. 1995, 4).
D'après le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, Cuba [traduction] « a fait des progrès importants dans le domaine des droits sociaux, y compris la promotion des droits des femmes et des enfants » (déc. 1994, 2). Le rapport mondial sur le développement humain 1993 des Nations Unies abonde dans le même sens et indique que plusieurs conditions pour les enfants cubains vont en s'améliorant depuis une trentaine d'années. En 1993, le taux de mortalité infantile avait chuté considérablement par rapport à ce qu'il était dans les années 1960 (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 24 janv. 1994, 21) et il est le plus bas en Amérique latine (Latinamerica Press 16 mars 1995, 5). En 1993, 100 p. 100 de la population avaient accès à des soins de santé et le taux d'inscription tant dans les écoles élémentaires que dans les écoles secondaires était de 95 p. 100, comparativement à 75 p. 100 en 1975 (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 24 janv. 1994, 21). D'aucuns ont toutefois dit craindre que ces réalisations soient [traduction] « sérieusement compromises » par la crise économique actuelle (ibid.; HRW/A oct. 1995, 5).
3.7 Les syndicats
La confédération des travailleurs cubains (CTC) est le syndicat officiel et le seul qui soit légal à Cuba (Country Reports 1993 1994, 415; CIDH 17 févr. 1995, 151), bien qu'on signale l'apparition de syndicats indépendants de plus en plus nombreux (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 10; Whitney 20 févr. 1995; The Globe and Mail 31 juill. 1995). La négociation collective n'existe pas (Country Reports 1994 1995, 373).
Il y a eu de nombreuses plaintes de harcèlement et de détention de personnes qui ont tenté de mettre sur pied des syndicats indépendants (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 10-11; HRW/A 23 oct. 1994, 2). Le 2 août 1994, le président de la commission nationale des syndicats indépendants (CONSI), Lazaro Corp Yeras, et son fils de 17 ans ont été battus dans une rue de la municipalité de Playa à La Havane (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 11; CIDH 17 févr. 1995, 152). Un autre membre de la CONSI aurait été battu quelques semaines plus tard (ibid.). D'après la Commission interaméricaine des droits de l'homme, les agresseurs de Yeras seraient trois agents de la sécurité d'État (ibid.) et la Commission des droits de l'homme des Nations Unies affirme que les suspects dans cette affaire seraient reliés à des groupes de la sécurité (11 janv. 1995, 11).
Juan Guarino Martínez, président de la confédération des travailleurs démocratiques de Cuba, aurait été libéré de prison en mai 1994 en raison de ses graves problèmes de santé (ibid.). Martínez avait été arrêté en mai 1993 pour avoir organisé une manifestation (ibid.). Après quatre mois en résidence surveillée il a de nouveau été arrêté le 17 septembre 1993 et emprisonné (ibid.; CIDH 17 févr. 1995, 152). Il aurait été battu en prison en janvier 1994 avant son transfert à la prison Combinado del Este, d'où il a plus tard été libéré (ibid.; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 11).
La Commission des droits de l'homme des Nations Unies fait également état de plaintes formulées par plusieurs personnes liées à des syndicats indépendants (11 janv. 1995, 10-11). Les plaignants ont affirmé que le département de la sécurité les avait menacés de représailles s'ils ne mettaient pas un terme à leurs activités syndicales (ibid.).
Malgré les risques associés à la création de nouveaux syndicats ou à l'appartenance à ces derniers, ces organisations ont pris de la vigueur en 1994 (ibid., 10; Whitney 20 févr. 1995). Certains secteurs de la CTC officielle commencent à prêter attention aux préoccupations au sujet de l'accès aux emplois créés par l'investissement étranger et de la fermeture d'usines où il y avait toujours eu de l'emploi (ibid.)[1]1.
3.8 Liberté de culte
En général, les années 1990 ont connu une intensification de l'activité religieuse et une tolérance accrue des autorités gouvernementales à l'endroit de cette activité (Latinamerica Press 18 juin 1992, 4; MAECI déc. 1994, 2; LCHR juill. 1994, 71). En 1992, pour la première fois depuis la révolution, une réforme constitutionnelle a offert des garanties concernant la liberté de conscience et la liberté de culte (Constitución 1992, art. 8, art. 55; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 4 févr. 1993, 23). Les Cubains membres de groupes religieux étaient dès lors autorisés à devenir membres du parti communiste (ibid.; Latinamerica Press 6 avr. 1995, 1).
Le nombre des baptistes a augmenté : il est passé de 21 000 en 1989 à 60 000 en 1995. L'effectif de l'Église méthodiste a doublé : il a atteint les 20 000 fidèles au cours de la dernière décennie (Latinamerica Press 6 avr. 1995). On estime que 250 000 Cubains sont des catholiques pratiquants, que 200 000 sont des protestants et que 50 000 pratiquent d'autres religions occidentales. Selon la même source, la majorité des autres 5,5 millions de citoyens pratiquent des religions syncrétiques africaines (ibid.).
En 1990, le bureau des affaires religieuses du parti communiste cubain aurait donné à l'Assemblée de Dieu la permission d'aménager des églises dans les foyers privés (AI 20 juin 1995). Cette Église signale que le nombre de ses fidèles a atteint 12 000 personnes depuis (ibid.). D'autres gestes d'ouverture ont été signalés : des représentants de l'Église catholique et du bureau des affaires religieuses du parti communiste communiqueraient régulièrement entre eux (Latinamerica Press 6 avr. 1995). En juillet 1995, des dignitaires ecclésiastiques catholiques et protestants étaient présents à une réception en l'honneur d'Anne Patterson, sous-secrétaire d'État adjointe des États-Unis aux affaires interaméricaines (Reuter 20 juill. 1995). Depuis 1994, l'Église catholique de Cuba se montre de plus en plus critique à l'égard du régime castriste. Elle a également créé une commission Justice et paix chargée des droits de la personne (Le Monde 14 mars 1995). Le groupe Reporters sans frontières signale que le seul journalisme critique pratiqué à Cuba se trouve dans deux publications légales de l'Église catholique : Palabra Nueva et Vivarium (Reporters sans frontières janv. 1995, 8).
Amnesty International signale toutefois que les activités religieuses [traduction] « sont toujours, en pratique, sévèrement restreintes par la loi » (20 juin 1995). Les membres des églises ne peuvent chercher à recruter des adeptes, toutes les assemblées religieuses doivent avoir lieu dans une propriété ecclésiale enregistrée ou dans des foyers privés et toutes les confessions religieuses doivent être inscrites auprès du gouvernement (ibid.). Toutefois, en mai 1995, [traduction] « les autorités cubaines ont fermé des dizaines de "casas culto", des lieux d'assemblée évangélique dans des foyers » (HRW/A oct. 1995, 20). Le 25 mai 1995, on a arrêté le révérend Orson Vila Santoyo, de l'Église évangélique pentecostale de l'Assemblée de Dieu à Camagüey, pour le condamner le même jour, [traduction] « au mépris flagrant de l'application régulière de la loi », à une peine d'emprisonnement de 23 mois pour [traduction] « réunion illicite » et [traduction] « désobéissance » (ibid.; The Orlando Sentinel 23 juill. 1995; AI 20 juin 1995). La peine a été réduite à 18 mois en appel (ibid.). Amnesty International signale que deux autres membres de la même Église ont été arrêtés et relâchés sans que des accusations soient portées contre eux (20 juin 1995).
En octobre 1994, Amnesty International a affirmé que les Témoins de Jéhovah de Cuba se voyaient empêchés de pratiquer certains aspects de leur religion (oct. 1994, 6). Un Témoin de Jéhovah aurait été détenu pendant six mois pour des activités reliées à sa foi (ibid., 9). Le rapporteur spécial des Nations Unies a constaté que les témoins de Jéhovah étaient accusés de former des associations illégales, de contribuer à la délinquance juvénile et d'abuser de la liberté de culte [traduction] « après avoir refusé d'honorer les symboles de l'État cubain en raison de leurs convictions religieuses » (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 22 déc. 1994, 33). D'après les Country Reports 1994, on invoquait le droit criminel cubain pour [traduction] « persécuter les témoins de Jéhovah et, dans une moindre mesure, les Adventistes du septième jour » (1995, 371). Toutefois, Charles Molohan, secrétaire au service extérieur de la Watch Tower Bible and Tract Society (Témoins de Jéhovah) dit [traduction] « [qu']il semble y avoir une tendance à accorder plus de liberté à nos gens » (22 sept. 1995). L'Église a rouvert son bureau local de La Havane et Molohan affirme que des assemblées se tiennent régulièrement dans l'ensemble du pays (ibid.). En février 1995, un avocat de la Société a affirmé que les Témoins de Jéhovah étaient autorisés à imprimer et à diffuser leurs publications à Cuba et qu'on rouvraient les salles du Royaume (DGDIR 7 févr. 1995).
3.9 Orientation sexuelle
Tout comportement homosexuel est illégal à Cuba et, dans le passé, des homosexuels et homosexuelles ont connu l'oppression, qui prenaient notamment la forme d'un bannissement en tant [traduction] « [qu']indésirables » dans des camps de travail dans les années 1960 et de licenciements collectifs, de harcèlement par la police, d'humiliation publique et d'emprisonnement dans les années 1970 et 1980 (New York Newsday 3 oct. 1994; Cuba Update mars-mai 1994, 12). Toutefois, quelques articles font état d'une nouvelle attitude d'ouverture à l'endroit des lesbiennes et des gais (Knight-Ridder 12 avr. 1995; New York Newsday 3 oct. 1994). Une source attribue cette libéralisation en partie au travail de la commission nationale cubaine de l'éducation sexuelle, qui a commencé à traiter de questions d'orientation sexuelle en 1986 (Cuba Update mars-mai 1994, 12). De plus, il se peut que Fidel Castro ait contribué à cette acceptation croissante de l'homosexualité, grâce à une entrevue accordée en 1992 où il a affirmé n'avoir jamais appuyé la discrimination à l'endroit des lesbiennes et des gais et qu'il était d'avis que l'homosexualité était une [traduction] « tendance humaine naturelle qu'il faut tout simplement respecter » (New York Newsday 3 oct. 1994).
On peut également observer des signes de cette nouvelle attitude dans la tolérance du gouvernement à l'endroit du film cubain Fresa y chocolate (Fraise et chocolat); ce film, acclamé par la critique internationale, fait le procès de l'intolérance officielle à l'endroit de l'homosexualité à Cuba (Cuba Update mars-mai 1994, 15; San Francisco Sentinel 31 août 1994). Le film a été en partie financé par le gouvernement (Knight-Ridder 12 avr. 1995). En juillet 1994, le gouvernement a autorisé six groupes américains de défense des droits des homosexuels à visiter Cuba et à rencontrer des fonctionnaires gouvernementaux et des professionnels de la santé (San Francisco Sentinel 31 août 1994; Knight-Ridder 12 avr. 1995). Le même mois, 18 hommes et femmes homosexuels proclamaient publiquement la création de l'association cubaine des gais et des lesbiennes (San Francisco Sentinel 31 août 1994).
Malgré ces progrès, New York Newsday signale qu'il est toujours officiellement interdit aux homosexuels de joindre les rangs du parti communiste (3 oct. 1994). Toutefois, les responsables du parti ne font souvent aucun cas de cette politique discriminatoire (ibid.).
3.10 Le sida
Les Cubains atteints du sida ont assisté à une amélioration considérable de leur situation au cours des deux dernières années (LCHR juill. 1994, 71; MAECI déc. 1994, 2). Bien qu'on les encourage encore activement à se faire admettre dans un sanatorium, les sidéens peuvent maintenant continuer de vivre dans leur milieu (New York Newsday 3 oct. 1994; LCHR juill. 1994, 71; MAECI déc. 1994, 2). Toutefois, le Lawyers Committee for Human Rights souligne que le gouvernement divulgue encore aux employeurs l'état des personnes atteintes du sida, et que bon nombre de celles-ci craignent de perdre leur emploi lorsque leur maladie est diagnostiquée (juill. 1994, 71).
En octobre 1994, à la suite de dix années de tests de dépistage effectués sur une échelle [traduction] « massive », on établissait à un peu plus d'un millier les cas de séropositivité recensés (Cuba Update mai 1994, 21; New York Newsday 3 oct. 1994).
4. SORTIE ET RETOUR
4.1 Visas de sortie
Les lois cubaines régissant la sortie des nationaux et la façon dont elles sont appliquées sont incohérentes et souvent même contradictoires. Alors qu'il est fréquemment question de dissidents et de militants des droits de la personne qui seraient incapables d'obtenir un visa de sortie pour quitter le pays (AI oct. 1994, 1; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 14), certains militants ont été forcés à partir (AI 1994, 113), spécialement lors de l'exode d'août 1994 (HRW 1995, 86).
En 1991, l'âge auquel une personne peut demander un visa de sortie a été abaissé et fixé à 20 ans pour les hommes et les femmes (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 4 févr. 1993, 25). Dans un entretien téléphonique accordé à un agent de recherche de la Direction générale de la documentation, de l'information et des recherches (DGDIR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Ottawa), le consulat cubain à Montréal a indiqué que les citoyens cubains qui voulaient obtenir un permis de sortie permanent ou temporaire devaient produire un visa du pays où ils avaient l'intention de se rendre ainsi qu'une [traduction] « lettre de responsabilité » notariée démontrant que pendant leur séjour à l'étranger, ils allaient être pris en charge financièrement par les personnes ou l'établissement qu'ils devaient visiter (DGDIR 10 mai 1994, 1). Les exilés permanents sont considérés soit comme résidant à l'étranger, auquel cas ils conservent le droit de vivre et de travailler à Cuba, soit comme des émigrés, ce qui les prive de tout droit à la propriété et à l'emploi à Cuba et les oblige à obtenir un visa des autorités cubaines s'ils veulent visiter le pays (ibid.).
Le représentant du consulat a indiqué qu'il n'existe aucune compilation réunissant tous les décrets, résolutions, notes, énoncés de politique, etc. relatifs aux lois cubaines en matière de migration (DGDIR 10 mai 1994, 1). Le permis de sortie temporaire est habituellement valide pour une période maximale de six mois, quoique le titulaire puisse en obtenir la prolongation ou le renouvellement auprès d'un consulat cubain (ibid., 2-3). Les personnes qui, sans motif valable, restent à l'étranger après expiration de leur permis peuvent être réputées avoir émigré, et peuvent perdre leur emploi et leurs biens, ainsi que tout droit de retour garanti à Cuba (ibid., 3). Selon la Commission interaméricaine des droits de l'homme, la personne dont la demande de visa est refusée par les autorités ne peut en appeler de cette décision (17 févr. 1995, 156; voir aussi HRW/A oct. 1995, 23).
D'après Human Rights Watch/Americas, le 1er juin 1995, le gouvernement cubain a majoré les frais applicables aux tests médicaux, aux documents de sortie et aux [traduction] « autres conditions préalables de l'immigration », frais qui, de quelques dollars payables en pesos, sont passés à environ 1 000 $ US, payables en devises américaines ou en pesos convertibles (oct. 1995, 23).
On sait peu de choses sur la façon dont sont traitées les personnes qui rentrent à Cuba après expiration de leur permis de sortie. Selon Whitney, il n'est pas rare que des Cubains rentrent après la date d'expiration de leur permis (20 févr. 1995). Tout comme dans le cas des sorties illégales (voir plus loin), l'État ne réagit pas toujours de la même façon. Si la personne vit dans une communauté qui entretient des liens étroits avec le parti communiste, elle peut être ostracisée et détenue par les autorités locales (ibid.). Dans d'autres milieux, où les liens avec le parti sont plus faibles, il se peut que l'on ne fasse aucun cas de l'infraction (ibid.).
En mai 1994, un représentant du comité cubain des droits de la personne à Miami a indiqué dans un entretien téléphonique avec la DGDIR que les personnes qui rentraient à Cuba après avoir séjourné à l'étranger pour des motifs non autorisés étaient passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à huit ans (DGDIR 10 mai 1994, 3). Mais selon ce représentant, dans les faits, les conséquences de cette infraction dépendent de la [traduction] « situation de la personne et du bon vouloir des autorités » (ibid.).
4.2 Sortie illégale
L'article 216 du code pénal cubain définit l'expression [traduction] « sortie illégale » et indique les peines dont ce crime s'assortit :
[traduction]
[...] la personne qui quitte le territoire national ou qui commet des actes préparatoires à sa sortie sans respecter les formalités légales est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller d'un à trois ans ou d'une amende pouvant aller de trois cents à mille unités monétaires (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 15).
L'organisation ou la promotion de l'émigration illégale, ou encore le recours à la violence dans le but de sortir du pays, peuvent entraîner des peines additionnelles (HRW/A 23 oct. 1994, 5).
Dans le passé, les personnes qui ont tenté de quitter le pays illégalement ont été emprisonnées, quelquefois pendant des années, et réputées avoir commis un [traduction] « acte de trahison » (AI oct. 1994, 10). Human Rights Watch indique toutefois que les autorités semblent appliquer les lois sur la sortie du pays de façon moins stricte que dans le passé, et que bon nombre de personnes se voient maintenant imposer une amende plutôt qu'une peine d'emprisonnement (1995, 86; HRW/A oct. 1995, 9; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 15). Certaines sources d'information sur les droits de la personne indiquent néanmoins qu'un nombre appréciable de personnes emprisonnées pour des raisons politiques sont inculpées en vertu des lois cubaines sur la sortie du pays (HRW/A 23 oct. 1994, 6; CIDH 17 févr. 1995, 159).
Les incidents violents qui visent des personnes qui tentent d'émigrer sont fréquents (AI 1994, 113-114; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 15-16; Country Reports 1993 1994, 413-414; HRW 1995, 86; CIDH 17 févr. 1995, 157). L'incident le plus connu est peut-être celui qui a conduit au naufrage, le 13 juillet 1994, du 13 de Marzo, remorqueur qu'avaient détourné des émigrants cubains voulant atteindre les côtes américaines. Plus de 40 personnes, y compris des enfants, ont péri noyées, à la suite d'un affrontement avec les autorités cubaines (voir aussi la section 2). Certains des survivants ont indiqué que les autorités avaient braqué des boyaux d'incendie sur le navire et cherché à le faire couler en l'éperonnant (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 16; AI oct. 1994, 9; Keesing's juill. 1994, 40095), alors que d'autres survivants ont soutenu la version du gouvernement cubain, qui affirmait ne pas être responsable du naufrage du remorqueur (ibid.). Selon le rapporteur spécial de l'ONU, les patrouilles côtières emploient souvent une [traduction] « force excessive » pour empêcher les gens de partir, ce qui est à l'origine d'un certain nombre de décès (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 16; AI 1994, 113-114).
4.2.1 L'exode d'août 1994
En 1994, la crise économique de plus en plus profonde dans laquelle s'enfonçait Cuba, la pauvreté qui en résultait et l'incertitude concernant l'avenir du pays ont contribué à faire augmenter le nombre de balseros, ces personnes qui tentent de fuir illégalement le pays en radeau dans l'espoir d'atteindre la côte sud de la Floride (HRW/A 23 oct. 1994, 8; CIDH 17 févr. 1995, 156). L'accroissement du nombre de personnes prêtes à tenter la dangereuse traversée s'explique aussi par une application moins stricte des lois cubaines sur la sortie du pays (HRW/A 23 oct. 1994, 9), et par une diminution du nombre de Cubains recevant des États-Unis l'autorisation d'immigrer légalement (AI oct. 1994, 1).
En août, le nombre du Cubains qui prenaient la mer avait atteint un niveau inégalé depuis 1980 (HRW/A 23 oct. 1994, 9). La Commission interaméricaine des droits de l'homme indique qu'en 1994, il y en a eu 30 000 en tout (17 févr. 1995, 156). Ceux qui tentaient de quitter Cuba recouraient à des moyens de plus en plus dangereux et violents pour partir (Latinamerica Press 25 août 1994, 10; AI oct. 1994, 2), et certains émigrants ont même détourné des bateaux (Latinamerica Press 18 août 1994, 1; HRW/A 23 oct. 1994, 9). Le 5 août à La Havane, alors que la police tentait d'empêcher des gens de s'emparer d'un bateau, la foule est parvenue à maîtriser les agents et à saisir leurs armes; on signale qu'au moins un policier a été tué (ibid.; Latinamerica Press 18 août 1994, 1). L'incident s'est soldé par des émeutes (HRW/A 23 oct. 1994, 9).
Environ 300 personnes ont été arrêtées à Cuba à la suite de ces émeutes (AI 1995, 110; Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 7-8). D'après Human Rights Watch, en octobre 1994, bon nombre des personnes appréhendées étaient encore détenues; 162 auraient été incarcérées à la prison provinciale de Camagüey (connue sous le nom de Kilo-7), un établissement à sécurité maximale (1995, 86; AI 1995, 110). Certaines ont été reconnues coupables d'avoir [traduction] « perturbé l'ordre public » (Commission des droits de l'homme des Nations Unies 11 janv. 1995, 6). En outre, plus de 40 militants ont été arrêtés, menacés ou harcelés par les autorités en septembre et en octobre 1994, alors qu'ils n'avaient pas été mêlés à l'incident (ibid.; AI 1995, 110). Tous ont été libérés dans les 15 jours sans qu'aucune accusation soit portée contre eux (ibid.). Le 6 août 1994, Fidel Castro a annoncé que le gouvernement ne s'opposerait pas à ceux qui voudraient partir (ibid.), et dans les semaines qui ont suivi, plus de 35 000 Cubains ont quitté le pays par la mer (ibid.). Le 19 août, la garde côtière américaine a commencé à empêcher les émigrants cubains d'atteindre les États-Unis et elle en a détourné quelque 32 000 vers les camps situés sur la base navale américaine de la baie de Guantanamo, à Cuba (AI oct. 1994, 3). Environ un millier de ces personnes se sont échappées de ce camp encerclé de mines pour regagner le territoire sous contrôle cubain, dont au moins 500 à la nage ou à pied (AFP 2 févr. 1995; ibid. 14 avr. 1995). Quelque 9 000 Cubains ont accepté de quitter la base navale pour se rendre à Panama, dans l'espoir d'accélérer leur entrée aux États-Unis (ibid. 2 févr. 1995). Au cours des cinq mois passés à Panama, les Cubains ont tenté à cinq reprises des évasions en nombre, au cours desquelles deux personnes se seraient noyées (AFP 18 févr. 1995). Tous ont par la suite été ramenés dans la baie de Guantanamo (ibid.).
On a signalé à plusieurs reprises que pendant l'exode d'août, le gouvernement a incité de nombreux Cubains à quitter le pays sous peine de représailles, y compris l'emprisonnement (HRW/A 23 oct. 1994, 11; AI 28 sept. 1994). Beaucoup d'entre eux étaient des dissidents connus (ibid.; HRW/A 23 oct. 1994, 11) que les autorités avaient contactés directement ou par le truchement de leurs familles (ibid.).
L'exode massif d'août 1994 a entraîné un revirement de la politique américaine en matière d'immigration, suivant laquelle les Cubains voulant entrer aux États-Unis se voyaient accorder un statut privilégié depuis des décennies (HRW/A 23 oct. 1994; Latin American Regional Reports 1er sept. 1994; HRW/A 23 oct. 1994, 12) et Cuba a accepté [traduction] « de prendre tous les moyens à sa disposition pour prévenir les départs risqués, en recourant principalement à des méthodes de persuasion » (ibid.; AI oct. 1994, 3). En retour de ces assurances de la part du gouvernement cubain, les États-Unis acceptaient d'accueillir 20 000 Cubains par année[2]2 (HRW/A 23 oct. 1994, 12; AFP 14 avr. 1995). Les deux pays ont convenu que les candidats à l'émigration devaient retourner en sol cubain pour entreprendre les démarches visant à quitter le pays, y compris pour formuler les demandes d'asile politique (ibid.; The Economist 23 sept. 1994; AI 28 sept. 1994). Cependant, en mai 1995, Washington a modifié sa politique et annoncé que les exilés provenant directement de la baie de Guantanamo seraient acceptés (The Globe and Mail 3 mai 1995, A7; IPS 2 mai 1995).
4.2.2 Retour
Les 25 et 26 septembre 1994, Amnesty International a visité les camps de la baie de Guantanamo et a conclu qu'un [traduction] « nombre substantiel » de Cubains risquaient de subir des violations des droits de la personne s'ils devaient retourner en territoire cubain (oct. 1994, 10). Au moins 250 personnes affirmaient avoir [traduction] « souffert pour des raisons politiques à Cuba » (ibid., 5). Toutefois, selon Joanne Mariner, recherchiste pour le compte de Human Rights Watch qui s'est rendue à Cuba en mars 1995, les Cubains renvoyés en territoire cubain depuis la baie de Guantanamo n'avaient pas fait l'objet de représailles et étaient bien traités (Mariner 25 avril 1995). Un journaliste de l'édition espagnole du Miami Herald a déclaré en juin 1995 que les personnes qui reviennent à Cuba après avoir tenté de partir en radeau [traduction] « ne sont habituellement pas emprisonnées ou harcelées » (DGDIR 9 juin 1995). Cependant, en ce même mois de juin 1995, Reuter signalait que certains des 40 ressortissants cubains qui avaient été renvoyés à Cuba en mai et en juin s'étaient plaints de harcèlement (14 juin 1995; HRW/A oct. 1995, 30-31; voir aussi la section 4.2).
Selon Human Rights Watch/Americas,
[traduction]
... rien dans [l'accord américano-cubain du 2 mai 1995 sur l'immigration] n'empêche le gouvernement cubain de persécuter pour des motifs politiques les Cubains rapatriés. Le gouvernement cubain a promis dans cet accord de « veiller à ce qu'aucune poursuite ne soit entreprise contre les migrants qui rentrent à Cuba du fait qu'ils ont tenté d'émigrer illégalement [souligné par HRW/A]. Cependant, le gouvernement ne s'est pas engagé à ne pas s'en prendre, pour d'autres motifs, aux personnes rapatriées. [...] Le président de l'Assemblée nationale, Ricardo Alarcon, a bien pris soin de préciser que l'accord « n'élimine pas l'obligation qu'ont les autorités cubaines de prendre certaines mesures contre [les rapatriés] relativement à des motifs ou à des crimes survenus avant ou après la tentative [de quitter le pays] » (oct. 1995, 28).
On conclut dans le rapport que [traduction] « plusieurs cas de représailles ont été signalés depuis le début des rapatriements » (ibid., 30), y compris le harcèlement, la surveillance, la discrimination et l'expulsion des écoles (ibid., 31).
ANNEXE : À PROPOS DE CERTAINES SOURCES
Bofill, Ricardo :
Ricardo Bofill, président du bureau du comité cubain des droits de la personne à Miami, a émigré aux États-Unis en 1988 après avoir passé 14 ans en prison pour délits d'opinion. Ce comité a été créé en 1976 afin de promouvoir le respect des droits de la personne à Cuba. Bien qu'il compte parmi ses membres d'anciens militants du Parti communiste de Cuba, M. Bofill affirme que le comité est apolitique et qu'il se fonde sur le respect des articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il estime que le groupe compte environ 400 membres à Cuba, dont 117 sont des prisonniers d'opinion. L'un d'eux est Gustavo Arcos Bergnes, secrétaire général du comité.
Murphy, Martin :
M. Murphy est professeur agrégé et président du département d'anthropologie à l'université de Notre Dame, à Notre Dame (Indiana). Il a récemment reçu deux bourses afin de faire des recherches à Cuba, l'une de la fondation Ford et l'autre de la fondation MacArthur. Il se rend chaque année à Cuba à différentes reprises. Parmi ses publications sur Cuba, mentionnons Labor Movements in the Hispanic Caribbean: Cuba, the Dominican Republic and Puerto Rico.
Whitney, Robert :
Boursier associé (Associate Fellow) au Centre d'études sur les régions en développement, à l'Université McGill de Montréal, M. Whitney a fait des études sur Cuba et a visité le pays régulièrement depuis le milieu des années 70. Il agit également comme expert-conseil sur Cuba auprès des gouvernements et des organisations non gouvernementales. Parmi ses travaux figurent un certain nombre de publications sur l'histoire de Cuba. M. Whitney visitera Cuba à la fin d'octobre 1995.
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[1] On peut trouver des renseignements complémentaires sur la situation des syndicats à Cuba dans diverses sources faisant partie du fond documentaire de la DGDIR, dont le Rapport annuel sur les violations des droits syndicaux 1994 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL).
[2] La section des intérêts des États-Unies à Cuba (Section of US Interests in Cuba - U.S.I.C.) établit à plus de 24 000 le nombre de Cubains qui ont reçu un visa entre septembre 1994 et juillet 1995, dont 18 000 dans le cadre d'une entente spéciale conclue avec les États-Unies après l'exode du mois d'août (IPS 19 juill. 1995). En juillet 1995, le gouvernement cubain a prévenu le gouvernement américain que si celui-ci resserrait son embargo économique, il pouvait s'attendre à voir le nombre de Cubains demandant un visa dépasser le chiffre de 20 000 dont les deux pays avaient convenu (ibid.).
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