Justice ? Le Procès du Père Hillary Bomaet de 25 coaccusés devant un Tribunal militaire - Mise à Jour
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Date:
22 February 1999
Le procès inique de 26 hommes, dont deux prêtres catholiques, qui doivent répondre de chefs d'accusation liés aux attentats à la bombe perpétrés à Khartoum à la fin du mois de juin 1998, demeure suspendu pour une durée indéterminée.
L'affaire n'en est nullement close pour autant Le procès est suspendu dans l'attente d'un arrêt de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, chargée de déterminer si le tribunal militaire a compétence pour juger ce cas On ignore quand cet arrêt doit être rendu. Le 24janvier 1999, la chambre constitutionnelle devait examiner le recours formé par les avocats de la défense au sujet de la constitutionnalité de la juridiction militaire. Toutefois, le jour venu, M.Jalal Ali Lutfi, président de la chambre, a renvoyé l'audience à une date indéterminée, en arguant que la cour n'était pas au complet.
Si la chambre se prononce en faveur de la poursuite du procès devant un tribunal militaire, un jugement définitif interviendra sans doute peu après, et la peine de mort pourrait être prononcée.
En revanche, si la chambre ne reconnaît pas au tribunal militaire la compétence pour juger cette affaire, il est fort probable que celle ci soit confiée à une juridiction civile, et qufun nouveau procès soit ouvert.
Amnesty International demande l'assurance que tout procès sera conforme aux normes internationales d'équité.
Si la suspension d'un procès manifestement inéquitable constitue en principe une mesure positive, Amnesty International est néanmoins préoccupée à l'idée que la date à laquelle doit être rendu l'arrêt de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême nfa pas été fixée ou rendue publique. En outre, elle craint que la chambre ne prenne pas en compte, lors de ses délibérations, de l'ensemble des irrégularités qui entachent le procès.Entre temps, 20 des accusés (six autres étant jugés par contumace) demeurent en prison, et se trouvent dans un vide juridique de fait.
Amnesty International exhorte la chambre constitutionnelle de la Cour suprême à fixer et à rendre publique la date à laquelle elle rendra sa décision. L'Organisation prie instamment la chambre de considérer tous les aspects entrant en compte dans la définition d'un procès équitable lors de ses délibérations. Elle demande en outre aux autorités soudanaises de veiller à ce que les prisonniers soient autorisés à contacter leurs avocats et leurs proches et bénéficient de tous les soins requis par leur état de santé.
À ce jour, il semble qu'aucune enquête exhaustive et impartiale n'ait été ouverte sur les informations selon lesquelles les accusés ont été soumis à des actes de torture ou à d'autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants destinés à leur arracher des déclarations ou des aveux (voir ci dessous).Aux termes du droit international, toutes les affirmations faisant état de déclarations extorquées sous la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant doivent être examinées immédiatement et impartialement par les autorités compétentes.[1]Cette obligation internationale revêt une importance particulière dans le cas présent, puisque l'accusation s'appuie sur des témoignages et des aveux apparemment obtenus sous la torture.
La suite de ce document constitue une mise à jour du rapport intitulé Soudan.Justice? Le procès du Père Hillary Boma et de 25coaccusés devant un tribunal militaire, publié le 18décembre 1998.
Les attentats
Les événements à l'origine de cette situation ont débuté au milieu de l'année 1998 lorsque le gouvernement soudanais, qui s'est emparé du pouvoir le 30 juin 1989 à la faveur d'un coup d'État militaire, a organisé un référendum sur un projet de nouvelle Constitution. Le 24 juin, la commission électorale a annoncé que la Constitution avait été approuvée par 96% des électeurs, le taux de participation électorale s'élevant à 91,9%.Ce résultat a généralement été considéré comme truqué. L'opposition a boycotté le référendum et certains observateurs ont fait état d'un faible taux de participation.
Le gouvernement a déclaré que la nouvelle loi fondamentale garantirait de plus grandes libertés civiles et politiques, notamment le droit, suspendu depuis 1989, de former des organisations politiques et des syndicats. Bien qu'ils aient boycotté le scrutin, les dirigeants des partis politiques interdits ont réagi en annonçant que dès que la Constitution serait promulguée, ils avaient l'intention de redonner une existence officielle à leurs mouvements. Ils ont justifié leur démarche en soutenant que puisque la nouvelle Constitution remplaçait tous les décrets présidentiels précédents en la matière, elle levait l'interdiction frappant leurs partis.
Le gouvernement a répondu que toute activité politique resterait illégale jusqu'à l'adoption de nouvelles lois interprétant la Constitution. Il a immédiatement pris des mesures visant à arrêter un certain nombre d'opposants politiques de premier plan et de syndicalistes liés à des groupes dont les membres en exil ont formé l'Alliance démocratique nationale (ADN). La plupart ont été relâchés dans les 48 heures. Certains, parmi lesquels Al Haj Abdelrahman Abdullah Nugdullah, ancien ministre des Affaires religieuses et membre du parti interdit Oumma (Parti de l'indépendance), interpellé le 29 juin, ont été placés en détention au secret.
Les 29 et 30 juin - veille et jour de la signature officielle de la nouvelle Constitution par le président Omar Hassan Ahmad el Béchir - six bombes ont explosé à Khartoum. Trois autres auraient été découvertes et désamorcées. Les attentats ont notamment visé un dépôt de pétrole, deux centrales électriques, des transformateurs et des lignes électriques. Les autorités ont affirmé que dfautres engins, qui nfont apparemment pas explosé, avaient été déposés dans des lieux publics, entre autres à l'extérieur d'une salle publique, d'un cinéma et d'un hôpital. Les attentats n'auraient fait aucun blessé.
Arrestations
Le gouvernement a immédiatement attribué la responsabilité des attentats aux partis d'opposition interdits. Le 4 juillet, le président a annoncé que les personnes reconnues coupables d'y avoir été impliquées seraient condamnées à mort, exécutées par pendaison, puis crucifiées. Les arrestations de membres de partis politiques et de syndicats interdits se sont néanmoins poursuivies. Abdelmahmud Abbo, un des dirigeants du parti Oumma et aussi un des principaux imams de la confrérie islamique Ansar, a notamment été interpellé le 6 juillet. D'autres personnes, telles que Mahjoub Al Zubeir, Siddig Yahya et d'autres syndicalistes, ont été détenues pendant une brève durée.
Entre temps, des employés de certains lieux visés par les attentats ont également été appréhendés. Baha Al Din Hassan Osman, ingénieur électricien, Mahmud Khalil, Hamad Al Tahir et Radwan, entre autres - tous membres du personnel de la centrale électrique de Burri, à Khartoum - ont été incarcérés dans un centre de détention secret où ils ont été battus. Ils ont ensuite été transférés à la prison de Kober, principale prison civile de Khartoum, dont une division est gérée par les services de sécurité et où sont généralement envoyés les prisonniers politiques. Quelque temps après, ils ont été transférés à la prison de Dabak, petit établissement situé au nord de Khartoum.
Le 6juillet, trois hommes ont été montrés à la télévision nationale et ont avoué être les auteurs des attentats. L'un d'eux, Sharif Jabr Al Dar Wadaatallah, a affirmé que Al Haj Abdelrahman Abdullah Nugdullah et Abdelmahmud Abbo les avaient incités à participer au complot. Les partis d'opposition interdits, y compris le parti Oumma et le Parti unioniste démocratique (PUD), ont de nouveau été accusés d'être directement impliqués dans les attentats.
À ce jour, il semble que les autorités aient pris prétexte des attentats pour s'attaquer aux opposants politiques de premier plan du pays. Ainsi, le 7 juillet, elles ont annoncé «qu'aucune faction terroriste opérant à l'étranger» ayant pris les armes contre le gouvernement, autrement dit l'ADN et les formations politiques qui la constituent, ne serait autorisée à former des organisations politiques au Soudan. Les responsables de l'opposition ont affirmé que le gouvernement utilise les attentats pour empêcher le rétablissement d'un système politique pluripartite dans le pays.
À la fin du mois de juillet, toutefois, les autorités ont adopté une nouvelle stratégie. Le 29 juillet, le père Lino Sebit, jeune prêtre catholique de l'archidiocèse de Khartoum, a été interpellé et placé en détention au secret. Il aurait été frappé et torturé jusqu'à ce qu'il avoue avoir participé aux attentats. Il fait partie des personnes actuellement jugées.
Trois jours plus tard, le 1eraoût, le père Hillary Boma, âgé de 57 ans, président du conseil de l'archidiocèse de Khartoum, a été arrêté sous la menace d'une arme dans la cathédrale Saint Matthews de Khartoum. Le père Boma a ouvertement exprimé des critiques à l'égard du gouvernement et il a déjà été interrogé par les autorités à de nombreuses reprises. Il a lui aussi été placé en détention au secret. Les jours suivants, il a également été interrogé au sujet des attentats; lors d'un de ces interrogatoires au moins, un pistolet aurait été placé contre sa tête. Ses geôliers auraient amené devant lui le père Lino Sebit, contusionné et les vêtements en désordre. Il semble que le père Hillary Boma ait alors fait des aveux dans le but de faire cesser les coups infligés au père Lino Sebit. Il reste accusé d'être le principal instigateur des attentats à la bombe.
Lorsque les avocats de la défense ont finalement pu se rendre auprès des 19 accusés pour la première fois, le 6octobre, tous leur ont affirmé que leurs prétendus aveux avaient été extorqués par la torture ou d'autres formes de contrainte. Deux des trois hommes qui avaient fait des aveux à la télévision se sont depuis lors rétractés au tribunal. Joseph Adhiang Langlang, le seul soldat parmi les accusés, a également déclaré avoir été battu.
Entre-temps, à la mi août, Baha Al Din Hassan Osman, Mahmud Khalil, Hamad al Tahir et Radwan ont été libérés sans inculpation.Sharif Jabr Al Dar Wadaatallah, qui a mis en cause les militants politiques lors d'une intervention télévisée, ne figure pas au nombre des accusés. Il est généralement soupçonné d'être un responsable des forces de sécurité infiltré par les autorités. Al Haj Abdelrahman Abdullah Nugdullah et Abdelmahmud Abbo ont été relâchés le 12 octobre. Le ministre de la Justice, Ali Mohamed Osman Yassin, a annoncé qu'ils ne seraient pas poursuivis.
Le procès militaire
Le 5octobre, vingt hommes ont comparu devant un tribunal militaire spécialement réuni au quartier général de la défense aérienne à Khartoum. Six autres hommes sont jugés par contumace. La plupart des accusés sont originaires du sud du Soudan, et tous sauf un sont des civils.
Ils sont inculpés de diverses infractions prévues par le Code pénal de 1991, notamment de conspiration criminelle (articles 21 et 24), de sapement de la Constitution et de guerre contre l'État (articles 50 et 51), d'opposition violente et de formation d'organisations criminelles (articles 63 et 65).La peine maximale pour les infractions prévues aux articles 50 et 51 est la peine capitale. Dix-neuf des vingt hommes comparaissant devant le tribunal ont plaidé non coupable. Le dernier aurait d'abord plaidé coupable, en échange semble t'il du pardon qui lui serait accordé s'il acceptait d'être un témoin à charge[2][2].
À diverses reprises, par le passé, des tribunaux militaires d'exception ont été constitués pour juger des affaires spécifiques relatives à la sécurité. Chaque fois, le procès a été inéquitable.
Amnesty International estime qu'il est impossible qu'un procès équitable se déroule devant le tribunal ainsi réuni. Comme dans les cas précédents, la composition du tribunal, sa position au sein dfun système plus large de justice militaire et la procédure employée compromettent la possibilité que le procès soit conforme aux normes internationales d'équité. C'est ce que mettent en évidence la manière dont a été menée l'instruction et le comportement des membres du tribunal.
Aux termes des normes internationales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal compétent, indépendant et impartial[3], ce qui implique que le tribunal doit être compétent pour juger l'affaire. En l'occurrence, toutefois, la compétence de ce tribunal militaire n'est pas clairement établie. Seul l'un des accusés appartient aux forces armées, tous les autres étant des civils. Le 13octobre, les avocats de la défense ont introduit devant le tribunal une requête concernant sa compétence à juger l'affaire. Cette requête, selon laquelle le procès devrait avoir lieu devant un tribunal civil, a été rejetée.
Le 10décembre, toutefois, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a annoncé la suspension provisoire du procès pendant qufelle étudiait une nouvelle requête demandant que lfaffaire soit jugée par un tribunal civil.Le 28décembre 1998, elle a annoncé qufelle examinerait le 24janvier 1999 un recours formé par la défense.Le jour venu, le président de la chambre a cependant renvoyé lfaudience à une date indéterminée.On ignore quand lfarrêt doit être rendu.
Dans son observation générale sur lfarticle 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le Comité des droits de lfhomme des Nations unies a noté:«Sfil est vrai que le pacte nfinterdit pas la constitution de tribunaux de ce genre [cfestàdire de tribunaux militaires ou dfexception], les conditions qufil énonce nfen indiquent pas moins clairement que le jugement de civils par ces tribunaux devrait être très exceptionnel et se dérouler dans des conditions qui respectent véritablement toutes les garanties stipulées à lfarticle14».La Commission africaine des droits de lfhomme et des peuples a déclaré que la création dfun tribunal comprenant des membres des forces armées appartenant dans lfensemble à lforgane exécutif du gouvernement semble indiquer une absence dfimpartialité - même si elle nfest pas avérée - et viole à ce titre lfarticle71d) de la Charte africaine des droits de lfhomme et des peuples[4].
Aux termes des normes internationales, les personnes sélectionnées pour remplir les fonctions de magistrat doivent être intègres et compétentes et justifier dfune formation et de qualifications juridiques suffisantes[5]. Un seul des trois juges chargés de cette affaire a une formation juridique.À titre dfexemple, le Colonel Abd Al Mona im Mohamed Mohamed Zein, président du tribunal, est ingénieur.
Les normes internationales disposent que toute personne a le droit de se défendre ellemême et dfavoir lfassistance dfun défenseur de son choix[6]. Ce droit est également énoncé par lfarticle 32 de la Constitution que ces hommes sont accusés de chercher à ébranler[7]. Il ne sfagit pas simplement dfune question dfassistance juridique au cours de ce procès.Le Comité des droits de lfhomme des Nations unies a indiqué que «toutes les personnes qui sont arrêtées doivent immédiatement avoir accès à un conseil»[8]. En outre, toute personne a le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.[9]
Les hommes jugés à Khartoum ont été détenus au secret pendant leur interrogatoire.Ils nfont bénéficié dfaucune assistance juridique tandis que les services de sécurité leur arrachaient des déclarations.Les avocats désireux de défendre les accusés nfont été informés de la date du procès que la veille de son ouverture.Cfest seulement le 5 octobre, cfestàdire le jour de lfouverture des débats au tribunal, que les accusés se sont vu accorder des avocats.Le même jour, la liste des avocats potentiels a été soumise aux juges.Le tribunal en a rejeté cinq, parmi lesquels Ghazi Suleiman, avocat qui avait défendu avec un certain succès dfautres personnes inculpées pour des motifs politiques.Cette décision constitue une violation flagrante du PIDCP et de la Charte africaine des droits de lfhomme et des peuples.
Les avocats ayant obtenu lfassentiment du tribunal - une équipe de dix hommes dirigée par Abel Alier, ancien viceprésident du Soudan - ont rencontré la plupart des accusés pour la première fois le 6octobre.Malgré leurs requêtes répétées, ils nfont pas été autorisés à voir le père Hillary Boma avant le 12octobre, soit 24 heures avant le deuxième jour du procès.
Entre cette date et la suspension du procès militaire, en décembre, les avocats de la défense auraient été en mesure de rencontrer les accusés les trois fois où ils en ont exprimé la demande.Toutefois, ils nfont pas été autorisés à voir leurs clients dans des conditions respectant le caractère confidentiel de leurs communications.Cet état de choses compromet la possibilité pour les avocats et les accusés de communiquer librement et constitue une restriction du droit de disposer des facilités nécessaires à la préparation de la défense.[10]
Devant le tribunal, tous les accusés, sauf un, sont revenus sur leurs déclarations, notamment sur leurs prétendus aveux:certains ont nié avoir jamais fait ces aveux, dfautres affirmé qufils avaient parlé sous la torture.Aux termes du droit international, les aveux de culpabilité extorqués par la torture ou dfautres formes de contrainte ne peuvent être retenus à titre de preuve.[11] Le 13octobre, des rapports médicaux, que lfaccusation affirme avoir été établis avant que les hommes ne signent les prétendus aveux, ont été lus devant le tribunal.Ces documents indiquaient que les hommes ne montraient aucun signe de mauvais traitements.Lfon craint toutefois que leur véracité ne soit sujette à caution.Trois dfentre eux, notamment ceux concernant les deux prêtres, ne portaient pas de date.Lfidentité de leur signataire, à titre de médecin ayant pratiqué les examens, est inconnue.Le tribunal continue de considérer comme valables les preuves constituées par les prétendus aveux, qui semblent être le principal fondement de lfaccusation.
Lfaccusation a également été autorisée à produire des «reconstitutions» vidéo devant le tribunal.Ces films vidéo, dont certains ont été tournés sur les lieux des explosions, montrent les accusés contraints de jouer leur rôle présumé dans les attentats;là encore, ils auraient été forcés de sfexécuter.Lfobtention de preuves par la torture ou la contrainte et le fait que le tribunal retienne ces preuves - en particulier la procédure bizarre consistant à filmer les accusés dans une reconstitution de leur participation présumée aux crimes - est en contradiction flagrante avec le droit, énoncé par le PIDCP, à ne pas être forcé de témoigner contre soimême ou de sfavouer coupable.[12] Cette interdiction va dans le même sens que la présomption dfinnocence, en vertu de laquelle la charge de la preuve incombe à lfaccusation.[13] La présomption dfinnocence est énoncée dans lfarticle 32 de la nouvelle Constitution du Soudan.
Les normes internationales disposent que toute personne déclarée coupable dfune infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation.[14] Cette disposition vise à garantir lfexamen de toute affaire par au moins deux instances judiciaires, la seconde représentant une autorité supérieure à la première.Cet examen ne doit pas se borner à la confirmation du jugement prononcé par le juge de première instance, ni à la vérification formelle du respect de la procédure requise.Il doit sfassurer du respect du droit à un procès équitable et public.Dans le cas dfun procès devant un tribunal militaire dfexception, il nfexiste pas de droit dfappel.
Lfabsence de droit dfappel constitue en soi un nonrespect du droit à un procès équitable.En lfoccurrence, les conséquences peuvent être extrêmement graves.La Commission africaine des droits de lfhomme et des peuples a déclaré que le fait dfentraver la possibilité dfinterjeter appel auprès des organismes nationaux compétents dans les affaires pénales constitue une violation flagrante de lfarticle 71a) de la Charte africaine des droits de lfhomme et des peuples, et accroît le risque de voir de graves violations rester sans réparation.[15] Deux des infractions sont sanctionnées par la peine capitale.Amnesty International sfoppose de manière inconditionnelle à la peine capitale, considérant que ce châtiment constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant qui viole le principe fondamental du droit à la vie.Si les accusés devaient être exécutés en application dfune décision du tribunal militaire prise à lfissue dfun procès inéquitable, leur exécution serait assimilable à une privation arbitraire du droit à la vie, et constituerait une violation de lfarticle 6 du PIDCP et de lfarticle 4 de la Charte africaine des droits de lfhomme et des peuples.
Conclusion
Amnesty International estime que le tribunal militaire devant lequel sont traduits les accusés ne respecte pas les normes internationales relatives à lféquité des procès.
Cette affaire suscite de graves préoccupations quant à la réalité de l'engagement du gouvernement soudanais en matière de constitutionnalité et d'état de droit. Au cours des neuf dernières années, le gouvernement a régulièrement placé en détention des opposants politiques, sans inculpation ni jugement - en particulier des hommes qui, à l'instar du père Hillary Boma, s'exprimaient ouvertement. Plus récemment, il a affirmé que les prisonniers politiques étaient peu nombreux et il a eu recours plus souvent aux tribunaux. Toutefois, des affaires telles que celle ci ébranlent l'idée selon laquelle le gouvernement s'est engagé à respecter les droits humains.
La suspension du procès constitue en soi une évolution positive de l'affaire. Toutefois, Amnesty International craint qu'au moment de statuer sur la compétence du tribunal militaire, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême n'omette de procéder à un examen approfondi de la procédure et de l'ensemble des conditions dans lesquelles le procès se déroule. Les différentes irrégularités qui rendent ce dernier inique doivent tous être pris en compte. Le cas échéant, l'arrêt de la chambre pourra contribuer à empêcher que d'autres procès ne se tiennent devant des tribunaux employant des méthodes analogues et formés dans un cadre institutionnel similaire, ce qui pourrait mettre fin à un processus institutionnel contraire aux droits humains.
Amnesty International est également préoccupée par le fait que le chambre constitutionnelle de la Cour suprême nfa pas précisé la date à laquelle elle rendrait son arrêt. En conséquence, les accusés demeurent en prison, dans un vide juridique de fait, pour une période indéterminée.
Amnesty International appelle le gouvernement soudanais à veiller à ce que le procès des 26 hommes se déroule dans le respect absolu des droits humains. Cela implique le respect des conditions de justice et d'équité énoncées dans les normes internationales édictées par des instruments universels tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des traités régionaux comme la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
En outre, si cette affaire est renvoyée devant un autre tribunal ou une autre juridiction, il incombe à l'État de veiller à ce que ceux ci se conforment à toutes les normes internationales garantissant le respect des droits de la personne humaine.
L'Organisation réitère son appel en faveur de l'ouverture d'une enquête approfondie et impartiale sur les allégations selon lesquelles les accusés ont été torturés ou soumis à d'autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Enfin, l'Organisation demande instamment que la peine de mort ne soit pas appliquée, dans l'hypothèse d'une condamnation, équitable ou non, prononcée par un tribunal, quel qu'il soit.
Les accusés
1) Père Hillary Boma Awul |
14) Babiker Fadlallah Abdalla |
2) Père Lino Sebit |
15) Kual Bol Beda |
3) Patrick Celestino Morajan |
16) Lual Lual Aciek |
4) Leoboldo Odira Rahamatallah |
17) Mustafa Shamsoon Anoka |
5) Joseph Adhiang Langlang |
18) Babikir Mohamed Idris |
6) Faustino Awol Aduroc |
19) Karkoun Nawek Daoul |
7) Hassan Abdallah Kenya Adam |
20) Francis Mabior |
8) Nyok Awar Palak Abu Zinc |
21) Abdallah Col |
9) Rizig Ambrose Angoya |
22) Peter Kong |
10) Garang Malek Bak |
23) Hassan Abu Adhan |
11) Faustino Awol Odong |
24) Louis Ojori |
12) Charles Oling Dominic |
25) Joe Awet Dominic |
13) Gabriel Matong Deng |
26) Khalid Yang |
Appels à:
1) Président:
His Excellency Lieutenant General Omar Hassan AlBashir
President of the Republic of Sudan
People's Palace
PO Box 281, Khartoum, Soudan
Télégrammes:President Lt Gen Omar AlBashir, Khartoum, Soudan
Formule d'appel:Your Excellency / Monsieur le Président de la République
2) Ministre de la Justice:
Mr Ali Mohamed Osman Yassin
Minister of Justice and Attorney General
Ministry of Justice
Khartoum, Soudan
Télégrammes:Minister of Justice Ali Mohamed Osman Yassin,
Khartoum, Soudan
Télex:c/o 22411 KAID SD ou 22604 IPOL SD
Formule dfappel:Dear Minister / Monsieur le Ministre,
3) Ministre des Affaires étrangères:
Mr Mustafa Osman Ismail
Minister of Foreign Affairs
PO Box 873
Khartoum, Soudan
Télégrammes:Foreign Minister Mustafa Osman Ismail, Khartoum, Soudan
Formule dfappel:Dear Minister / Monsieur le Ministre,
4) Président de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême:
Mr Jalal Ali Lutfi
Chairman of the Constitutional Court
Supreme Court
Khartoum, Soudan
Copies à:
Mr Hafez Al Sheik Al Zaki, Chief Justice, Supreme Court, Khartoum, Soudan.
La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, RoyaumeUni, sous le titre Sudan : Justice? The Trial of Father Hillary Boma and 25 others:An Update. Seule la version anglaise fait foi.
La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL ÉFAI mars 1999.
Vous pouvez également consulter le site ÉFAI sur internet:http://efai.ifrance.com
Pour toute information complémentaire veuillez vous adresser à:
[1] Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, articles 13 et 16.
[2] Cette personne aurait entre - temps modifié son témoignage et se serait rétractée le 21novembre 1998.
[3] Article 10 de la Déclaration universelle des droits de lfhomme; article 14 - 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP); articles 7 et 26 de la Charte africaine des droits de lfhomme et des peuples.
[4] Constitutional Rights Project (CRP, Projet de défense des droits constitutionnels, une ONG nigériane) dans lfaffaire Zamani Lakwot et six autres personnes c/ Nigéria (87/93) et dans lfaffaire Wahab Akamu, G. Adege et autres c/ Nigéria (59/91), 8ème Rapport annuel dfactivité de la Charte africaine des droits de lfhomme et des peuples 1994 - 1995, rév.1.
[5] Principe 10 des Principes fondamentaux des Nations unies relatifs à lfindépendance de la magistrature.
[6] Principe 1 des Principes de base des Nations unies sur le rôle du barreau; article 14 - 3 du PIDCP; article 7 - 1 - c) de la Charte africaine des droits de lfhomme et des peuples.
[7] Selon lfarticle 32 (traduction anglaise fournie par lfagence officielle de presse soudanaise, la SUNA): «Nul ne sera accusé ni condamné pour un acte sauf si celui - ci est tenu pour criminel et puni par une loi antérieure au moment où lfinfraction a été commise. Toute personne accusée dfune infraction est innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie; elle a le droit de bénéficier dfun procès rapide et équitable, de se défendre elle - même et de faire appel au défenseur de son choix».
[8] Observations finales du Comité des droits de lfhomme: Géorgie, document des Nations unies CCPR/C/79/Add. 75, 5 mai 1997, paragr. 27.
[9] Article 14 - 3 - b) du PIDCP.
[10] Observation générale 13 (21) du Comité des droits de lfhomme sur lfarticle14 du PIDCP, paragraphe9.
[11] Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, article 15:«Tout Etat partie veille à ce que toute déclaration dont il est établi qufelle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce nest contre la personne accusée de torture pour établir qufune déclaration a été faite». Si le Soudan nfa pas encore ratifié la Convention contre la torture, il est tenu, puisqufil a a signé le traité du 4juin 1986, de nfentreprendre aucune action qui irait à lfencontre de lfobjet du traité.
[12] PIDCP, article 14 - 3 - g).
[13] Déclaration universelle des droits de lfhomme, article 11.
[14] PIDCP, article 14 - 5.
[15] CRP c/ Nigéria, ibid.
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