Les "disparitions" se poursuivent: Où en est la protection des droits humains?

MEXIQUE

Capitale: Mexico

Superficie: 1 967 183 km2

Nature de l'État: République Fédérale Démocratique (32 États et 1 district fédéral)

Chef de l'État et du gouvernement: Président Ernesto Zedillo Ponce de León

Monnaie: peso

Langues: espagnol (officielle) et jusqu'à 90 langues et dialectes indigènes (nahuatl, otomi, maya, zapotèque et mixtèque).

Population: 92 202 199 habitants

Répartition ethnique: Métis (Amérindiens-espagnols): 60%; Amérindiens: 30%; de type "caucasiens": 9%; Autres: 1%

PIB (1995): 250 milliards $

Ressources naturelles: pétrole, argent, cuivre, or, plomb, zinc, gaz naturel, bois.

Source: Université de Guadalajara, 1997.

Photographie couverture:

Manifestants, parmi lesquels Claudia Piedra Ibarra (devant à gauche) à Mexico, le 2 octobre 1984, protestant contre les nombreuses "disparitions" au Mexique.

Toutes les photographies © Amnesty International sauf indiquées.

Introduction

Ces quatre dernières années, Amnesty International a constaté une augmentation du nombre des "disparitions" au Mexique[1] Dans la plupart des cas il existe des éléments de preuve solides, voire irréfutables, indiquant que des instances officielles ont participé à ces "disparitions" et que de tels actes continuent à être commis en toute impunité. L'Organisation estime que si des mesures concrètes ne sont pas prises immédiatement pour mettre fin à cette tendance, le gouvernement mexicain pourrait favoriser le retour massif des "disparitions" opérées de façon systématique et commanditées par l'État, qui ont déjà fait des centaines de victimes dans les années 70 et au début des années 80.

La plupart des "disparitions" dont Amnesty International a été récemment informée ont eu lieu dans le cadre d'opérations apparemment anti-insurrectionnelles ou de lutte contre la drogue. Les victimes sont notamment des membres d'organisations paysannes, des indiens, des étudiants et des enseignants. Dans bien des cas, et comme peuvent l'attester des témoins, ils ont "disparu" après avoir été arrêtés par des membres de l'armée ou de la police. Malgré cela, les forces de sécurité de même que le gouvernement mexicain ne cessent de nier leur arrestation. Des campagnes ayant été menées en leur faveur, aussi bien au niveau national qu'international, certains des "disparus" ont réapparu au bout de quelques semaines ou de quelques mois, portant des marques de torture. Dans un petit nombre de cas, on a retrouvé par la suite les corps de "disparus" qui, à l'évidence, avaient été victimes d'exécutions extrajudiciaires.

Il semble que les victimes ou leurs familles ne disposent d'aucun recours efficace leur donnant la possibilité d'obtenir réparation de ces violations flagrantes de leurs droits fondamentaux, en particulier lorsque l'armée est en cause. Les tribunaux militaires qui, en effet, sont invariablement saisis des affaires dans lesquelles on soupçonne que l'armée est impliquée, n'ont cessé d'accorder l'impunité aux auteurs de ces "disparitions".

Dans la plupart des cas, aucun des responsables n'a été traduit en justice. Au Mexique, le délit de "disparition" forcée ou involontaire, tel que le définissent des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne humaine, notamment la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes[2], ne figure pas dans le Code pénal; cela n'exempte cependant pas le gouvernement mexicain de l'obligation d'enquêter sur l'enlèvement et la détention illégale - infractions inscrites dans le Code pénal mexicain - et de les sanctionner. Néanmoins, les services du procureur général chargés des enquêtes judiciaires et les tribunaux mexicains se sont constamment abstenus d'engager des poursuites contre les responsables de "disparitions". Le Mexique n'a toujours pas signé, ni ratifié cette Convention qui est entrée en vigueur le 28 mars 1996.

Lors de la Conférence mondiale des Nations unies sur les droits de l'homme qui s'est tenue à Vienne en juin 1993, les États parties, y compris le Mexique, ont adopté la Déclaration et le programme d'action de Vienne.[3] Il a été rappelé aux États qu'ils ont le devoir, en toutes circonstances, de faire procéder à des enquêtes dès qu'il y a des raisons de penser qu'une disparition forcée s'est produite dans un territoire placé sous leur juridiction. Si les faits sont avérés, les auteurs doivent être poursuivis.[4]

En conséquence, Amnesty International prie instamment le gouvernement mexicain de mettre fin aux "disparitions", d'élucider tous les cas de "disparitions" ayant eu lieu dans le passé, de traduire les responsables en justice et d'accorder réparation et indemnités appropriées aux familles des "disparus".

"Disparitions" des années 1970 et 1980

Les membres des forces de sécurité mexicaines impliqués dans des affaires de violations des droits fondamentaux, notamment de "disparitions", bénéficient depuis des années de l'impunité. Cela fait plus de vingt ans qu'Amnesty International demande au gouvernement mexicain d'élucider plus de 400 cas de "disparition" qui remontent pour la plupart aux années 70 et au début des années 80 et qui restent inexpliquées.

Dans un très grand nombre d'affaires, l'enlèvement a eu pour témoins des parents, des amis, des voisins ou d'autres personnes qui, dans des dizaines de cas, ont pu identifier au-delà d'un doute raisonnable certains des fonctionnaires responsables. Dans d'autres cas, les victimes ont simplement "disparu" dans des circonstances donnant fortement a penser qu'elles ont été arrêtées et placées en détention par les forces de sécurité. La plupart des affaires sur lesquelles Amnesty International a enquêté ces dernières années n'ont pas été élucidées, les victimes n'ont pas été libérées ou n'ont pas réapparu, et les auteurs n'ont pas été traduits en justice.

La plupart des "disparitions" signalées dans les années 70 ont eu lieu dans l'État de Guerrero, au sud du pays.[5] A cette époque, un groupe d'opposition armée composé en grande majorité de paysans, le Parti des pauvres[6], était très actif dans cette région. Les opérations anti-insurrectionnelles menées conjointement par l'armée et la police mexicaine, et qui se donnaient pour objectif l'élimination de ce parti, ont donné lieu à des violations multiples et systématiques des droits fondamentaux, en particulier dans l'État de Guerrero, et l'on estime que de nombreuses personnes qui n'avaient rien à voir avec ce parti ont pu être arrêtées et "disparaître" par la suite.[7]

Dans de nombreux autres États, des "disparitions" ont également eu lieu dans le cadre d'opérations de la police et des services du renseignement de l'armée qui visaient des groupes urbains d'opposition armée, tels que la Ligue communiste "23 septembre"[8] qui a disparu en tant que force politique d'opposition au milieu des années 70.

Nombre de victimes étaient enlevées et conduites dans des camps ou des casernes militaires utilisés comme centres d'incarcération clandestins, les autorités refusant de reconnaître leur détention. Cependant, des prisonniers libérés au début des années 80, ont pu par la suite confirmer, par exemple, que le camp militaire n°1, situé aux abords de la ville de Mexico, avait servi de centre de détention clandestin pour les prisonniers politiques. Au cours de leurs interrogatoires, ceux-ci étaient systématiquement soumis à des tortures: passages à tabac, tortures à l'électricité, suspension du prisonnier par les poignets, simulacres d'exécution, privation de sommeil et de nourriture. On leur plongeait également la tête dans des eaux sales, jusqu'à la limite de l'asphyxie. Certains de ceux qui ont survécu aux tortures ont déclaré que des membres des professions de santé y participaient: ils surveillaient l'état des victimes pour veiller à ce qu'elles ne meurent ni ne perdent connaissance au cours des séances de torture. Selon certaines informations, le Camp militaire n°1 était l'une des bases d'opération d'une unité secrète de police, connue sous le nom de Brigade blanche[9] ou de Brigade jaguar[10]. Les autorités se sont toujours montrées peu disposées à admettre que le Camp militaire n°1 était utilisé à des fins de détention clandestine ou qu'il existait une unité secrète de la police connue sous le nom de Brigade blanche. Cependant, au début des années 80, des articles de presse reprenant les déclarations émanant de sources officielles disaient que la Brigade blanche était en fait la neuvième brigade du División de Investigaciones para la Prevención de la Delincuencia (DIPD, Département d'enquêtes pour la prévention de la délinquance). En janvier 1983, le gouvernement du nouveau président Miguel de la Madrid Hurtado a dissous le DIPD, à la suite de plaintes de plus en plus nombreuses faisant état de corruption et de graves violations des droits fondamentaux commises par cette brigade de la police. Cependant, des agents du DIPD auraient été incorporés à d'autres unités de la police, telles que la Policia Judicial Federal (PJF, police judiciaire fédérale), et aucun d'eux n'a été traduit en justice pour atteinte aux droits fondamentaux.

Dans certains États, des casernes militaires servaient également de centres de détention clandestine. Les rares prisonniers qui ont été libérés à la suite de leur "disparition" ont tous confirmé l'horreur des épreuves qu'ils avaient subies, très souvent alors qu'ils se trouvaient dans des casernes de l'armée, ce qu'avaient formellement démenti les autorités. Minerva ARMENDÁRIZ PONCE[11] avait seize ans lorsqu'elle a été enlevée par des membres de la Dirección Federal de Seguridad Nacional (DFSN, Direction fédérale de la sécurité nationale) [maintenant dissoute], le 18 octobre 1973. Arrêtée à son domicile à Chihuahua, elle a été conduite à la caserne de la cinquième zone militaire, dans l'État de Chihuahua, avec deux autres étudiants. Elle a été interrogée sous la contrainte au sujet de ses activités politiques. Minerva Armendáriz militait dans un mouvement estudiantin à l'époque, et a été accusée d'être membre du Mouvement armé révolutionnaire[12] (MAR).

Minerva Armendáriz Ponce,
étudiante militante
enlevée à son domicile
avec deux autres étudiants,
à Chihuahua, État de Chihuahua,
le 18 octobre 1973.

Elle a été torturée au cours de sa détention dans la caserne de la cinquième zone militaire. Au cours de ses interrogatoires, on lui a montré des photos de personnes grièvement blessées (à la suite de tortures, lui a-t-on dit) et on l'a menacée de lui faire subir le même sort. Par la suite, on l'a transférée par avion à Mexico sous la conduite de membres de la DFSN et détenue dans un centre clandestin pendant quatre semaines.

Elle était détenue dans une cellule surpeuplée avec 16 autres femmes, dont on ne sait pas aujourd'hui encore où elles se trouvent. On les obligeait souvent à se tenir debout, toutes nues, et on les arrosait au moyen de tuyaux d'incendie, sous les regards des gardiens. Toutes les détenues étaient torturées systématiquement pendant leur détention. Minerva Amendáriz a affirmé à une délégation d'Amnesty International que des médecins assistaient aux séances de torture et qu'ils donnaient des conseils aux tortionnaires et expliquaient aux prisonniers ce qui allait leur arriver. Minerva Amendáriz a été torturée à l'électricité, frappée et menacée de viol. Sans qu'elle le sache à l'époque, elle se trouvait être enceinte.

Grâce aux efforts déployés par sa mère, aux manifestations d'étudiants et aux pressions exercées par la communauté internationale pour obtenir sa libération Minerva Amendáriz a été présentée à la presse par les autorités en novembre 1973. Malgré l'absence de preuves concluantes, elle a été accusée de subversión, asociación delictuosa e incitación a la rebelión (subversion, association de malfaiteurs et incitation à la rebellion) et transférée au Consejo Tutelar para Menores Infractores, un centre de détention pour mineurs, où elle est restée en détention jusqu'à la fin du mois de décembre 1973. Elle a alors été placée sous la tutelle de deux adultes et elle devait se présenter tous les mois devant le Consejo Tutelar jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Pendant cinq ans, il lui était interdit de retourner à Chihuahua.

Le fils de Minerva Armendáriz, Carlos David Ornelas Armendáriz, est né le 18 juillet 1974 à Mexico. Tous deux ont eu ces dernières années des problèmes de santé dus, selon certains experts, aux tortures subies par Minerva Armendáriz pendant le temps de sa "disparition".

Aucun des responsables de sa "disparition" ou des tortures qui lui ont été infligées n'a été traduit en justice. Elle n'a pas été indemnisée pour les souffrances qu'elle a endurées, ni n'a bénéficié d'aucune mesure de réparation pour les dommages qui lui ont été causés.

Mario Álvaro Cartagena López
(à droite avec le secrétaire général
d'Amnesty International, Pierre Sané,
lors d'une mission de haut-niveau
au Mexique en septembre 1997.
"Disparu" pendant une semaine
en avril 1978, il a été torturé
par l'unité secrète de la police
qui le détenait.

Mario Ávaro CARTAGENA LÓPEZ, membre militant de la Ligue communiste "23 septembre" a "disparu" à Mexico en avril 1978. Il avait déjà été emprisonné, menacé par des agents du gouvernement qui voulaient le forcer à mettre fin à ses activités politiques, puis libéré. Mario Cartagena a été enlevé par la Brigade blanche après avoir essuyé sept coups de feu puis, grièvement blessé, il a été transféré au Camp militaire n° 1, où il a été torturé pendant une semaine.

Il a été transféré dans un hôpital militaire à la suite des actions urgentes menées par Amnesty International et des ONG locales. Il a ensuite été emprisonné jusqu'en 1982. Son témoignage, ainsi que celui d'autres prisonniers libérés, a contribué à la dissolution de la Brigade blanche en janvier 1983. À la suite des tortures et en l'absence de soins médicaux, la gangrène s'est développée dans sa jambe gauche, dont il a dû être amputé.

Rosario Ibarra avec quelques-unes des milliers de lettres
reçues de membres d'Amnesty International
par la
Comité Eureka, en 1996.

Cependant, à ce jour personne n'a été traduit en justice pour la torture et la "disparition" de Mario Álvaro Cartagena López ou pour les atteintes aux droits humains dont s'est rendue coupable la Brigade blanche.

Réactions à la crise des droits de la personne humaine dans les années 70 au Mexique

Si cette crise est restée dans l'ensemble ignorée du monde extérieur, un groupe de parents des "disparus" de Monterrey, État du Nuevo Léon, que dirigeait Rosario Ibarra de Piedra la mère d'un "disparu" a lancé un défi au gouvernement mexicain, en créant le 16 avril 1997 le Comité pour la défense des prisonniers, des personnes persécutées ou "disparues" et des exilés politiques[13] également connu sous le nom de Comité Eureka, une ONG de défense des droits humains qui milite en faveur des "disparus".

Le Comité est rapidement devenu une organisation non-gouvernementale de défense des droits humains nationale. Elle a organisé sa première manifestation pacifique (un "plantón", rassemblement public de personnes debout) qui a eu un large écho, devant la cathédrale de Mexico, le 28 août 1978. Les activités du Comité Eureka ont eu pour effet de mieux faire connaître le problème à l'opinion publique, au Mexique ainsi qu'à l'extérieur du pays et d'exercer une pression de plus en plus forte sur les autorités afin d'obtenir des éclaircissements sur le sort des "disparus" et de retrouver leur trace.

A la suite de l'enlèvement d'un de leurs proches par des agents des forces de sécurité, un grand nombre de familles avaient déposé des plaintes étayées d'arguments solides, entre autres de témoignages et d'éléments de preuve, à la fois devant les tribunaux et les autorités judiciaires fédérales, sans recevoir de réponse satisfaisante de leur part concernant l'endroit où ils se trouvaient.

Membres du Comité Eureka devant le palais présidentiel à Mexico
à l'occasion de la Journée des Mères (
Día de la Madre) le 10 mai 1988. Sur la banderole, on peut lire « là où il y a des disparus, il n'y a pas de démocratie ».

Affiche du Comité Eureka montrant les photos de quelques-uns des centaines
de "disparus" au sujet desquels Amnesty International a recueilli des informations. Elle a été utilisée lors d'une manifestation à laquelle participait, le 28 août 1997, une délégation d'Amnesty International.

Extrait d'un tract du Comité Eureka:
20 ans de lutte pour la liberté.

Le Comité Eureka et les "disparus"

Ce Comité a été créé en avril 1977 à l'occasion de la réunion de délégués d'organisations de parents de "disparus" à Monterrey, État du Nuevo Léon. Bien que le nom complet de l'organisation soit le Comité pour la défense des prisonniers, des personnes persécutées ou "disparues" et des exilés politiques, on le désigne communément sous le vocable Comité Eureka par référence à l'espoir de ses membres de retrouver ceux qui leur sont chers, d'où l'utilisation du terme grec Eureka qui signifie "j'ai trouvé". Ce comité se compose de parents des "disparus" et de certains anciens "disparus" qui ont été libérés. Depuis sa création, le Comité a mené des campagnes couronnées de succès pour obtenir la libération de 148 personnes "disparues".

Rosario Ibarra, présidente du Comité, a un fils "disparu" depuis 1975. Infatigable défenseur des droits fondamentaux, elle a également été sénateur de 1994 à 1997 pour le Parti de la révolution démocratique[14] (PRD). Elle a également beaucoup oeuvré pour qu'une solution pacifique soit trouvée au conflit qui déchire l'État du Chiapas.

Amnesty International et le Comité Eureka n'ont cessé de faire pression pour obtenir que des enquêtes exhaustives et efficaces soient menées afin de déterminer l'endroit où se trouvent tous les "disparus", que les responsables soient traduits en justice et que les familles soient convenablement indemnisées.

Année après année, les membres d'Amnesty International ont adressé des milliers de lettres aux autorités mexicaines demandant des informations sur les personnes "disparues" au Mexique. Le Comité Eureka a reçu plus de mille copies de ces lettres.

Rosario Ibarra avec d'autres membres du Comité Eureka, le 28 août 1997,
lors d'une manifestation commémorant le 20ème anniversaire
d'une grève de la faim menée par des membres de cette organisation.

Le plantón (manifestation debout) du Comité Eureka, qui s'accompagnait d'une grève de la faim, a été dispersé brutalement par la police. Cette mesure de répression a soulevé un tollé de protestations publiques aussi bien au niveau national qu'international, incitant le président López Portillo a accordé une amnistie générale à un grand nombre de prisonniers politiques en septembre 1978, qui a permis la libération de centaines d'entre eux. La plupart des "disparus" n'en ont cependant pas bénéficié. En janvier 1979, le Procurador General de Justicia de la República (Procureur général de la République), a donné une conférence de presse relative au problème des "disparus". Il a déclaré que sur les 314 "disparus" pour lesquels les familles avaient déposé des plaintes, 154 avaient été tués par l'armée ou par la police lors d'opérations anti-insurrectionnelles, 89 étaient en fuite et 58 autres étaient morts dans les combats opposant différents groupes de la guérilla. Mais ces informations d'ordre statistique n'étaient accompagnées d'aucun nom de "disparu" et n'ont pas été présentées aux parents en détresse. Dans la plupart des cas, les réponses des autorités n'ont apporté aucune satisfaction aux parents des "disparus", étant donné que la version officielle comportait de nombreuses inexactitudes et contradictions par rapport aux faits réels dont ils avaient eu connaissance soit par l'intermédiaire de déclarations de témoins soit à la suite des recherches qu'ils avaient eux-mêmes effectuées.

Dix ans plus tard, vers la fin des années 80, les autorités mexicaines ont manifesté l'intention de prendre des mesures concertées pour enquêter sur les violations graves des droits fondamentaux commises par les forces de sécurité. En 1989, le gouvernement a créé la Direction générale des droits de l'homme, organe officiel dépendant du pouvoir exécutif. Après que la communauté internationale eut fait part de ses inquiétudes grandissantes au sujet du bilan du pays en matière de droits humains, et quelques semaines avant l'ouverture de négociations officielles au sujet d'un accord de libre échange avec les États-Unis d'Amérique et le Canada, cet organe a été remplacé en juin 1990 par la Comisión Nacional de Derechos Humanos (CNDH, Commission nationale des droits de l'homme). La CNDH a été créée par décret présidentiel et était à l'origine l'une des branches du pouvoir exécutif.

Lors de la cérémonie organisée à l'occasion de l'entrée en fonction de la CNDH le 6 juin 1990, le président Carlos Salinas de Gortari déclarait: « Nous l'affirmons sans équivoque: le gouvernement de la République a pour politique la défense des droits humains et le châtiment de ceux qui violent ces droits; il faut une fois pour toutes en finir avec l'impunité ».

En 1992, à la suite de l'importante pression publique exercée pour que la CNDH puisse fonctionner de façon plus indépendante, celle-ci a reçu un statut constitutionnel et des commissions des droits humains de même nature ont été créées au niveau des États. La fonction principale de la CNDH consiste à recevoir des plaintes relatives à des atteintes à ces droits, à mener des enquêtes à leur sujet et, en fonction des résultats, à faire aux autorités compétentes des recommandations à caractère non contraignant.[15]

Un programme spécial au sein de la CNDH est chargé de mener des enquêtes sur les informations faisant état de "disparitions" et a reçu pour tâche d'élucider tous les cas en attente remontant aux décennies précédentes[16]

Cependant, la CNDH n'a pas été investie de l'autorité nécessaire qui lui aurait permis de faire traduire en justice les responsables et ceux-ci ont continué de bénéficier de l'impunité au Mexique. En outre, elle a été critiquée à maintes reprises par des organisations de défense des droits humains mexicains et internationaux (et parmi elles Amnesty International) pour avoir manqué d'indépendance vis-à-vis du gouvernement.

En conséquence, à quelques exceptions près, les affaires dont s'est occupé Amnesty International (qui ont été soumises aux autorités mexicaines) n'ont pas trouvé de solution. Pour un certain nombre de ces cas, il existe des informations probantes donnant à penser que des agents de l'État ont participé aux "disparitions" Par exemple, Reyes MAYORAL JAUREGUI, qui a "disparu" le 23 août 1977 a été arrêté à Guadalajara, État du Jalisco, par des membres des forces de sécurité, notamment de la Policía Judicial Estatal (PJE, Police judiciaire d'État), sous les yeux de témoins dont l'un a pu prendre une photo de l'arrestation. Cette photo montre Reyes Mayoral Jaúregui que des hommes armés habillés en civil forcent à monter dans un véhicule. Deux d'entre eux ont été identifiés comme étant des membres des forces de sécurité. Reyes Mayoral Jaúregui, qui aurait été arrêté en raison, semble t-il, de son militantisme politique, a été aperçu par des témoins dans un centre de détention clandestin. Malgré de nombreuses plaintes circonstanciées à propos de sa mise en détention, puis de sa "disparition" alors qu'il se trouvait aux mains d'agents de l'État, le gouvernement de ce pays n'a cessé de nier que le pouvoir ait une quelconque responsabilité dans cette affaire. En outre, la CNDH a informé le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (WGEID) en 1993, que l'on avait retrouvé le corps de Reyez Mayoral Jaúregui dans l'État du Michoacán quelques années auparavant. Cette déclaration, que la famille ignorait à l'époque, a été contestée et critiquée par celle-ci, étant donné que le corps dont la CNDH faisait mention n'avait jamais été formellement identifié et serait celui d'une personne morte bien avant la date où Reyes Mayoral Jaúregui a été vu vivant pour la dernière fois.

Ce déni de justice si fréquemment pratiqué dont pâtissent les victimes de violations des droits fondamentaux et leurs proches est en totale contradiction avec le discours officiel qui prétend le contraire. Ce discours, que tiennent les autorités mexicaines dans les tribunes et lorsqu'elles s'adressent aux organisations internationales, est un exercice qu'elles pratiquent de plus en plus fréquemment. Ainsi le 3 novembre 1997, lors d'une entrevue à Londres entre des représentants d'Amnesty International et Mireille Roccatti, présidente de la CNDH, celle-ci a prétendu que la plupart des "disparitions" survenues depuis 1985 avaient été résolues de façon satisfaisante par la CNDH. Cependant, des ONG et les proches des "disparus" se sont dits consternés par ces déclarations auxquelles ils ne pouvaient accorder foi, car pour eux les cas, dans leur très grande majorité, n'avaient pas été élucidés.

Amnesty International estime que c'est aux organes judiciaires compétents, à savoir le Procuraduría General de la República (PGR, Procureur général de la république) et les tribunaux mexicains, qu'il incombe d'enquêter efficacement sur les "disparitions" et les autres violations graves des droits fondamentaux. Chaque fois que le gouvernement mexicain s'abstient de mener une enquête sur un cas de "disparition" signalé au Mexique et de traduire en justice les responsables, il manque à ses obligations d'honorer les instruments relatifs aux droits fondamentaux adoptés par ce pays, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Cas de "disparition" non élucidés

Bien que de nombreux cas de "disparition" remontent à plus de vingt ans, Amnesty International continue de demander instamment que des enquêtes exhaustives soient menées sur le sort de tous les prisonniers "disparus" au Mexique. Voici quelques exemples de cas pour lesquels Amnesty International continue d'exhorter les autorités mexicaines à ouvrir des enquêtes exhaustives et impartiales afin de localiser les victimes et de mettre un terme à l'impunité.

Carlos Alemán Velásquez, étudiant,
enlevé le 26 août 1977 à Culiacán,
État de la Sinaloa,
par des membres de la PJE.

Carlos ALEMÁN VELÁSQUEZ, dix-huit ans, étudiant à l'Instituto Technológico Regional de Culiacán, (Institut technologique régional de Culiacán), État de Sinaloa. Des membres de la PJE l'ont forcé à descendre d'un bus et à monter dans un véhicule gardé par des hommes fortement armés. Il a par la suite été remis aux mains de la Brigade blanche. Selon certains témoignages faits sous serment, des personnes ont vu Carlos Alemán Velásquez vivant dans le Camp militaire n° 1 à Mexico, en 1978.

Aux demandes d'informations formulées par Amnesty International et par la famille de Carlos Alemán Velásquez, les autorités ont répondu qu'il était membre de la Ligue communiste "23 septembre" et avait pris part à un affrontement armé avec les forces de sécurité à Culiacán le 28 août 1977. Les autorités ont déclaré qu'il avait pu s'échapper et vivait dans la clandestinité. Malgré les tentatives multiples qui ont été faites pour retrouver le lieu où se trouve Carlos Alemán Velásquez les autorités n'ont pas apporté d'éléments nouveaux sur son sort ni sur le lieu où il se trouve. La famille n'a reçu aucune indemnisation, elle n'a aucune autre possibilité de réparation, et n'a obtenu aucune nouvelle information.

Víctor Pineda Henestrosa,
vu pour la dernière fois alors
que des membres des forces de sécurité
le forçaient à monter dans un véhicule
le 11 juillet 1978.

Víctor PINEDA HENESTROSA a été enlevé vers dix heures du matin le 11 juillet 1978. Sa voiture a été interceptée alors qu'il circulait dans le centre de Juchitán, ville de l'État d'Oaxaca, et il a été enlevé par cinq hommes armés qui l'ont fait monter de force dans un autre véhicule. Plus de dix personnes ont été les témoins de son enlèvement et ont reconnu des militaires, dont certains étaient de Juchitán. Deux ans avant son arrestation, il était encore promotor agrario, c'est-à-dire un fonctionnaire travaillant pour le développement agraire. Après avoir aidé un certain nombre de paysans à faire valoir leurs droits à une terre, Víctor Pineda Henestrosa, a été démis de ses fonctions. Il a néanmoins, en tant que dirigeant de la Coalition des ouvriers, paysans et étudiants de l'isthme[17] (COCEI), continué à agir à titre officieux en conseillant des paysans de Juchitán. Immédiatement après l'enlèvement de Víctor Pineda, sa famille a déposé plusieurs plaintes auprès de la Procuradoría General de Justicia del Estado (PGE, Procureur général de l'État). La population de Juchitán, ville où Víctor Pineda Henestrosa était une personnalité respectée et bien connue, a organisé des manifestations de protestation pour réclamer sa libération, notamment une grève de la faim menée pendant 18 jours en face de l'Hôtel de Ville. Au mois de septembre 1979, sa femme, Cándida Santiago Jiménez, enseignante et militante du COCEI, et trois autres témoins ont fait une déclaration au PGE relatant l'enlèvement de Víctor Pineda. On pense que des membres du onzième bataillon de l'armée mexicaine en poste près de Juchitán qui ont participé à son enlèvement: des témoins oculaires ont donné le nom d'un sergent du onzième bataillon comme étant l'un des soldats armés qui ont enlevé Víctor Pineda.

En 1992, le procureur général de l'État de Oaxaca a informé Amnesty International que l'enquête criminelle sur la "disparition" de Víctor Pineda Henestrosa se poursuivait avec l'aide de la CNDH. En octobre 1994, la CNDH a dit à l'Organisation que les restes de Víctor Pineda avaient été identifiés et qu'elle s'efforçait de clore le dossier. La CNDH a également prétendu qu'ils avaient été retrouvés dans une voiture brûlée découverte près de Juchitán le 14 juillet 1978. Dans ce rapport, la commission affirmait que celle-ci avait "explosé" lors d'un accident et qu'il n'existait aucune preuve de l'implication de l'armée mexicaine dans cet enlèvement. Les conclusions de la CNDH, qui étaient en contradiction avec les informations officielles antérieures, ont été présentées à la famille de Víctor Pineda pour qu'ils donnent leur accord en les signant. Ces conclusions n'étaient étayées par aucune preuve écrite. Les proches ont refusé et demandé qu'un test d'ADN soit effectué sur ces restes.

Lucina Henestrosa et Héctor Pineda Santiago, mère et fils de Víctor Pineda Henestrosa. © Rafael Daniz

En avril 1997, presque vingt ans après la "disparition" de Víctor Pineda, des membres de la CNDH ont pris contact avec ses enfants, Irma et Hector Pineda Henestrosa pour que le test puisse être effectué, et les ont assurés que les résultats leur seraient envoyés dans les deux mois. En février 1998, ils les attendaient toujours. Lors de l'entrevue d'Amnesty International avec Mireille Roccatti, celle-ci a affirmé que le test d'ADN n'était pas terminé. Irma Pineda a déclaré à Amnesty International en août 1997:

« C'est désespérant de ne pas savoir ce qui est arrivé, ce qui arrive en ce moment, et ce qui va arriver à mon père »

« Es desesperante no saber qué pasó, qué está pasando y qué pasará con mi papá ».

Malgré les éléments solides de preuve établissant une relation entre la "disparition" de Víctor Pineda et des gradés de l'armée mexicaine, aucun des responsables n'a été traduit en justice. En mars 1997, Cándida Santiago Jiménez, la Regidora de Educación del Ayuntamiento pour la municipalité de Juchitán[18], (conseillère municipale responsable de l'Éducation au Conseil municipal), qui milite également au sein du Movimiento Mágisterial de Derechos Humanos, un petit syndicat d'enseignants, a présenté le cas de Víctor Pineda devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme.

José Ramón Garciá Gómez,
militant politique,
enlevé par la police judiciaire d'État
le 16 décembre 1988,
dans l'État de Morelos.

José Ramón GARCÍA GÓMEZ, qui dirige le Parti révolutionnaire des travailleurs[19] (PRT), dans l'État de Morelos, a été enlevé par des membres de la PJE près de Cuautla, État de Morelos, le 16 décembre 1988. D'après des témoins oculaires, une voiture de la PJE a intercepté la voiture de José Ramón García et ont poussé celui-ci dans une voiture de police. Le lendemain, ses proches déposaient officiellement une plainte auprès du ministère public de la ville.

José Ramón García Gómez avait déjà fait l'objet de menaces de la part de responsables de l'administration locale et de policiers pour qu'il mette fin à ses activités politiques et ne participe plus aux campagnes électorales. Les bureaux du PRT à Cuernavaca, État de Morelos avaient également fait l'objet d'une descente le 6 juillet 1988, quelques jours avant les élections générales.

Les autorités de l'État de Morelos auraient lancé une enquête afin de localiser José Ramón García Gómez en janvier 1989 et deux fiscales especiales (procureurs spéciaux) ont été nommés afin de s'occuper de cette affaire entre 1989 et 1990. En octobre 1990, le dossier a été temporairement mis en attente par le procureur spécial chargé de l'enquête. Cependant, en janvier 1991, la CNDH a publié la recommandation 5/96, à l'attention du gouverneur de l'État de Morelos, demandant la réouverture de ce dossier et la reprise de l'enquête sous ses divers aspects. La CNDH a ensuite, en janvier 1992, et toujours à l'attention du gouverneur de l'État, publié une nouvelle recommandation (n°7/92) demandant que plusieurs responsables de la PJE soient poursuivis pour la "disparition" de José Ramón García.

Entre janvier et février 1992, à la suite des pressions de plus en plus fortes exercées tant sur le plan national qu'international sur le gouvernement mexicain au sujet de la "disparition" de José Ramón García Gómez, trois anciens membres de la PJE ainsi qu'un chef de la police ont été placés en détention. Si Amnesty International a accueilli avec satisfaction cette mesure, estimant que c'est là un progrès, elle n'en reste pas moins profondément préoccupée par la manière dont les investigations sont menées, notamment par le fait que des aveux ont été extorqués par la force. L'un des détenus au moins portait des marques indiquant qu'il avait été torturé au cours de sa détention, alors que l'ancien directeur de la PJE, également accusé dans le cadre de cette affaire de "disparition" demeure en liberté.

Amnesty International continue à demander que soit rendu public le lieu où se trouve José Ramón García et que ceux qui sont finalement responsables d'avoir ordonné son enlèvement et sa "disparition" soient traduits en justice.

María Teresa Gutiérrez Hernández,
enseignante et membre de la Ligue
communiste "23 septembre"
enlevée à Mexico par des membres
des forces de sécurité le 12 janvier 1982.

María Teresa GUTIÉRREZ HERNÁNDEZ, enseignante, a été enlevée par des membres des forces de sécurité mexicaines le 12 janvier 1982 à Mexico.

Elle enseignait à la Preparatoria Popular Tacuba qui fait partie de la trentaine d'"écoles populaires" créées à la suite des soulèvements d'étudiants de la fin des années 60, pour répondre à la pénurie d'établissements d'enseignement post-secondaire[20] Elles étaient gérées par des enseignants bénévoles et permettaient aux étudiants de participer à la gestion de l'école et aux prises de décisions. La plupart des étudiants de la Preparatoria Popular Tacuba, située au nord de la ville de Mexico, étaient les enfants de travailleurs manuels et d'ouvriers d'usine. Cette école était considérée comme le centre d'un certain militantisme politique de gauche et s'était souvent trouvée en conflit avec le gouvernement. Entre 1978 et 1983, au moins 16 étudiants et enseignants de cette école auraient "disparu" après des interventions de membres des forces de sécurité.

Selon des témoignages émanant d'anciens membres de la Ligue communiste "23 septembre", à la fin des années 70 María Teresa Gutiérrez Hernández faisait partie de la direction nationale de ce mouvement. D'après certaines sources, cette direction a été particulièrement visée et victime de violations graves des droits fondamentaux: disparitions, tortures, exécutions extrajudiciaires, perpétrées par des membres des forces de sécurité (plus particulièrement par la Brigade blanche) fin 1981 et début 1982. Depuis 1978, les policiers avaient à plusieurs reprises interrogé les membres de la famille de María Teresa Gutiérrez Hernández qui auraient en outre été harcelés, arrêtés, et même maltraités par des membres des forces de sécurité qui étaient à la recherche de María Teresa.

Les autorités mexicaines n'ont cessé de nier qu'elle ait jamais été détenue, malgré les récits de témoins, notamment d'anciens détenus qui affirment qu'à la suite de son enlèvement, elle avait été détenue dans plusieurs centres de détention clandestins. Les informations établissant un lien entre la "disparition" de María Teresa Gutiérrez Hernández et les actions de la Brigade blanche n'ont jamais fait l'objet d'enquêtes sérieuses menées par les organes compétents, notamment la CNDH. La mère de María Teresa Gutiérrez Hernández, Elvira Hernández Angeles continue de rechercher sa fille "disparue" bien que les autorités affirment ignorer tout de son sort.

Le 8 mars 1976, José de CORRAL GARCÍA, professeur à l'Universidad de Sonora, a été enlevé à Puebla, État de Puebla par la PJE, qui l'accusait d'avoir projeté d'attaquer une banque. Le journal Novedades des 9 et 10 mars 1976 a fait état de son arrestation, en modifiant toutefois le nom. Il aurait été soigné à l'Hospital del Sagrado Corazón de Jesús, à Puebla, pour des blessures compatibles avec des tortures infligées lors de l'enlèvement avant d'être emmené au siège de la PJE.

José de Jesús Corral García,
professeur d'université
enlevé à Puebla, État de PUEBLA,
le 8 mars 1976
par des membres de la Police
judiciaire de cet État.

Le 9 mars 1976, il a été transféré à Mexico et présenté à la presse par un responsable de haut rang des services spéciaux. Puis il a été emmené au Camp militaire n°1.

Les autorités soupçonnaient José de Jesús Corral, originaire de l'État de Chihuahua, d'être un des dirigeants de la Ligue communiste "23 septembre" à l'époque où il a été arrêté. En 1980, le Procureur général de la république de l'époque a déclaré que José de Jesús Corral avait quitté la Ligue communiste "23 septembre" et qu'il se cachait. Selon des témoignages d'anciens prisonniers politiques, déclarations qu'ils ont faites aux membres de la famille Corral García au début des années 80, José de Jesús Corral avait été vu dans plusieurs centres de détention clandestins à Mexico et à Chihuahua. Les enquêtes menées par la CNDH à son sujet n'ont pas permis de retrouver sa trace. Deux de ces frères, Salvador et Luis Miguel Corral García, ont été tués par des policiers dans des circonstances suspectes, le premier en 1972 et le second en 1977.

José de Jesús Corral García est toujours au nombre des "disparus". Sa famille n'a jamais pu avoir accès aux documents susceptibles d'étayer les déclarations du gouvernement selon lesquelles il serait entré dans la clandestinité après avoir quitté la Ligue communiste "23 septembre". Aucune information satisfaisante ne lui a été donnée quant à l'endroit où pouvait se trouver José de Jesús Corral. Le gouvernement mexicain continue de dire qu'il ignore tout de son sort.

Jesús Piedra Ibarra,
fils de Rosario Ibarra de Piedra,
"disparu" le 18 avril 1975.

Le 18 avril 1975, Jesús PIEDRA IBARRA, étudiant en médecine et membre de la Ligue communiste "23 septembre", a été enlevé par des membres de la PJE dans une rue de Monterrey, État du Nuevo León. Plusieurs témoins ont assisté à son enlèvement et l'ont vu résister pour ne pas être jeté de force dans un véhicule. D'après certaines informations, il aurait plus tard été transféré au Camp militaire n°1.

À la fin de 1978, un membre de la PJE est allé voir la mère de Jesús Piedra Ibarra, Rosario Ibarra de Piedra, et l'a informée que son fils était détenu dans une caserne militaire de Torreón, État de Coahuila. Toutefois, il a été impossible de confirmer cette information. Sa famille n'a jamais reçu aucune information concernant l'endroit où il se trouvait. Rosario Ibarra a continué à rechercher son fils "disparu", bien que le gouvernement mexicain ait déclaré ne rien savoir du sort de celui-ci.

D'année en année, Amnesty International a fait part aux autorités mexicaines de ses préoccupations concernant plus de 300 cas de "disparitions". Des dizaines d'entre eux ont également été soumis au WGEID des Nations unies.

Dans une déclaration faite devant la Commission des droits de l'homme des Nations unies lors de la session de 1986, le groupe de travail (WGEID) a dit qu'« [il] considérait qu'un cas était élucidé quand un gouvernement l'informait du lieu où se trouvait une personne portée disparue, qu'elle soit en vie ou non, et ce, d'une manière qui soit suffisamment précise pour que l'on puisse raisonnablement attendre des familles qu'elles acceptent cette information » (traduction non officielle).

Pendant les années 80, Amnesty International a demandé aux autorités mexicaines de fournir des preuves écrites permettant d'étayer les affirmations selon lesquelles un prisonnier "disparu" avait été tué lors d'un affrontement ou d'une autre manière (c'est l'explication qui était généralement donnée à de nombreuses familles de "disparus" dans les années 80). L'Organisation a également insisté pour que les familles des victimes puissent avoir accès aux conclusions des enquêtes menées sur ces affaires. Dans aucun de ces cas non élucidés, ni Amnesty International, ni les familles des victimes n'ont reçu l'information demandée.

Dans son rapport de 1997 à la Commission des droits de l'homme des Nations unies, le WGEID insistait « sur la nécessité de prendre des mesures plus efficaces pour faire la lumière sur les cas dits "anciens", ceux qui remontent aux années 70 et rappelle au gouvernement qu'il doit continuer à procéder "impartialement à une enquête approfondie" (art. 13) "tant qu'on ne connaît pas le sort réservé à la victime d'une disparition forcée"(art. 13 § 6).« Toutefois », déclarait le groupe de travail, « étant donné que de nouveaux cas continuent d'être signalés, il est nécessaire d'insister sur l'urgence qu'il y a, {...} à prendre "des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour prévenir et éliminer les actes conduisant à des disparitions forcées" (art. 3) »[21] Cependant, le gouvernement mexicain n'a jusqu'à présent pas réagi au nombre de plus en plus grand d'appels émanant de parents de personnes ayant "disparu" depuis de longues années, ainsi que d'organismes mexicains et internationaux, qui demandaient que des recherches soient faites afin de déterminer le lieu où se trouvent les "disparus". Il n'a pas non plus traduit les responsables en justice.

"Disparitions" dans les années 90

Pendant ces années, après le tollé qu'avait soulevé dans la population la "disparition" de José Ramón García Gómez, on a signalé moins de cas de "disparition". En revanche, entre 1990 et 1993, les informations reçues par Amnesty International ont fait état de moins de six cas de "disparitions" alors que d'autres types de violations graves des droits fondamentaux, en particulier des cas de torture systématique et d'exécutions extrajudiciaires, ont continué d'être signalés, et en grand nombre. L'Organisation, notant la baisse du nombre des "disparitions", a fait campagne pour que diminue également le nombre des atteintes graves aux droits fondamentaux.

Cependant Amnesty International constate depuis 1994 une augmentation alarmante du nombre des "disparitions" qui lui sont signalées. C'est manifestement pour leur militantisme politique ou de base, si pacifique qu'il ait été, qu'un bon nombre de victimes étaient visées. La plupart des "disparitions" ont eu lieu dans le cadre d'opérations menées par l'armée et la police, opérations qu'elles prétendaient être anti-insurrectionnelles en particulier dans les États du Chiapas, de Guerrero et d'Oaxaca, au sud du pays, où des groupes armés d'opposition ont continué d'apparaître en 1994 et 1996, selon les États. D'autres "disparitions" ont été signalées à l'occasion d'opérations de lutte contre la drogue dans d'autres parties du pays, en particulier dans les États de Sinaloa et de Chihuahua au nord du pays.

Le rôle de l'armée mexicaine

Du fait de l'existence de l'Armée zapatiste de libération nationale[22] (EZLN), à laquelle elles ont été confrontées en janvier 1994 et en juin 1996, le rôle des forces armées mexicaines s'est progressivement transformé. D'abord concernées par la protection de la sécurité nationale, elles en sont venues à se préoccuper plus étroitement du contrôle de la sécurité intérieure. Tendance qui a entraîné le recrutement de personnel de l'armée dans les services à la fois du PGR et du PGE. Fin décembre 1997, des postes-clés étaient aux mains de l'armée au sein du PGR ainsi que dans 25 des 32 PGE. Des organisations non-gouvernementales mexicaines de défense des droits fondamentaux ont de plus en plus fréquemment fait part de leur inquiétude au sujet de la militarisation de la sécurité intérieure, déclarant que cet état de fait avait eu de graves conséquences sur la situation des droits de la personne humaine au Mexique[23]

Les forces armées mexicaines auraient entamé une redéfinition de leurs objectifs à court et moyen terme. Ceux-ci comporteraient: une réorganisation de l'armée en petites unités spécialisées pour s'assurer une plus grande mobilité et davantage de précision dans les tâches qui leur incombent; l'amélioration du service du renseignement militaire; la création d'"unités spéciales" dans chaque région militaire, en particulier dans les États du Chiapas, de Guerrero et d'Oaxaca, munies d'équipements spécialisés; enfin la redéfinition du concept de "sécurité nationale". Le fait que l'armée, pour réaliser ses programmes de lutte contre les stupéfiants, ait prévu une nouvelle formation de son personnel et se soit dotée d'équipements nouveaux et plus perfectionnés fait également partie d'une politique qui, selon toute vraisemblance, constitue une menace pour la protection des droits fondamentaux.[24]

Des modifications récentes de la législation ont institutionnalisé la participation des forces armées aux questions relatives à la sécurité publique. La Ley General que Establece las Bases de Coordinación del sistema Nacional de Seguridad Pública, (loi générale établissant les bases de la coordination du système national de sécurité publique), est entrée en vigueur le 11 décembre 1995. Elle permet une coordination des opérations de la police et de l'armée dans l'ensemble du Mexique, sous la supervision du Secretario Ejecutivo (Secrétaire exécutif). Depuis cette date, la plupart des chefs de corps de la police sont des militaires de haut rang. Il est pourtant dit à l'article 129 de la Constitution mexicaine que:

« En temps de paix, aucune autorité militaire ne peut exercer d'autres fonctions militaires que celles qui sont strictement liées à la discipline militaire » (traduction non-officielle) (En tiempos de paz, ninguna autoridad militar puede ejercer más funciones que las que tengan exacta conexión con la disciplina militar).

Malgré les restrictions inscrites dans la constitution qui interdisent aux forces armées de procéder à des arrestations de civils[25], la Cour suprême a, en mars 1996, statué que les forces armées pouvaient prendre part à des opérations de sécurité publique, entre autres procéder à des arrestations, si le président le jugeait nécessaire, ajoutant qu'en dernier ressort, la responsabilité de telles mesures revenait au président.

En octobre 1996, La Ley Federal contra la Delincuencia Organizada (Loi fédérale contre la délinquence organisée), a été approuvée par le Congrès. Cette loi, entre autres choses, accorde aux forces de sécurité des pouvoirs leur permettant de maintenir en détention des suspects ou de mettre des personnes sur écoute téléphonique (avec l'autorisation d'un juge). Elle s'applique à des personnes soupçonnées d'implication dans des affaires de trafic d'armes et de drogue, dans des activités terroristes, dans le blanchiment d'argent, dans la fabrication de fausse monnaie, dans la traite des étrangers en situation illégale et d'enfants et le trafic d'organes humains ainsi que le vol de véhicules. Dans son préambule, le projet de loi présenté établissait que, étant donnée la gravité du problème posé par le crime organisé, il était nécessaire de:

« envisager certaines exceptions à l'application à tous de quelques unes des garanties de la personne humaine [inscrite dans la Constitution] » (traduction non-officielle) (considerar ciertas excepciones... a la aplicación general de algunas de las garantias individuales [establecidas en la Constitución]).

Le Congrès a également approuvé la modification de plusieurs articles de la Constitution afin de permettre que ces modifications entrent dans la législation et qu'en conséquence les forces armées puissent intervenir d'avantage dans les questions relevant de la sécurité publique.[26]

Les ONG de défense des droits fondamentaux ont critiqué cette nouvelle législation visant à lutter contre les groupes d'opposition armée et le crime organisé, disant qu'elle constituait un danger pour l'autorité de la loi au Mexique. Selon elles, les pouvoirs étendus des forces armées réduisent les garanties constitutionnelles et donnent aux forces armées de plus en plus de possibilités d'intervenir dans les affaires politiques du pays.

Les organisations mexicaines de défense des droits fondamentaux ont également avancé l'idée que de telles mesures risquent d'entraîner des violations des droits de la personne humaine.[27] Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que les victimes de violations des droits fondamentaux perpétrées par des militaires au Mexique ne disposent pratiquement d'aucun recours devant la loi. Bien que leurs cas relèvent officiellement d'une juridiction civile, les affaires relatives aux droits fondamentaux sont systématiquement déférés devant les tribunaux militaires en violation de l'article 13 de la Constitution mexicaine qui déclare: « les tribunaux militaires ne pourront en aucun cas ni pour aucun motif étendre leur compétence à des personnes n'appartenant pas à l'armée » (traduction non-officielle).

(los tribunales militares en ningún caso y por ningún motivo, podrán extender su jurisdiccón sobre personas que no pertenezcan al ejército).

Grâce à ces tribunaux militaires, les coupables sont régulièrement restés impunis. Par ailleurs, les personnes qui réclament la mise en place de systèmes de contrôle au sein des forces armées afin que les violations des droits humains fassent l'objet d'enquêtes et que les coupables soient déférés devant la justice, courent le risque d'être elles-mêmes poursuivies. Ainsi, le Général de brigade Gallardo est détenu dans une prison militaire depuis le 9 novembre 1993 pour avoir demandé que soit nommé un médiateur chargé des droits humains au sein des forces armées. Amnesty International le considère comme un prisonnier d'opinion et réclame sa remise en liberté immédiate et sans condition.[28]

En janvier 1995, des organisations de défense des droits humains ont pris contact avec l'IACHR et lui ont soumis cette affaire. Le 23 janvier 1997, l'IACHR a décidé de publier un rapport sur le cas du Général Gallardo. Ce rapport comporte plusieurs recommandations à l'attention du gouvernement mexicain, notamment la remise en liberté immédiate du général. Pourtant jusqu'à présent, les autorités mexicaines ne les ont pas suivies.

Lors des entretiens qui ont eu lieu en novembre 1995 entre les membres de sa délégation et de hauts responsables du gouvernement mexicain, l'Organisation s'est déclarée préoccupée par l'impunité systématique dont ont bénéficié les militaires accusés d'avoir commis des violations des droits humains, et qu'en conséquence, accorder à l'armée le pouvoir de procéder à des arrestations et à des interrogatoires, non seulement constituerait une infraction aux lois constitutionnelles, mais risquerait également de provoquer une augmentation du nombre des violations des droits humains, notamment des "disparitions" imputables à l'armée; une telle mesure irait à l'encontre des intentions formulées par le gouvernement mexicain de mettre un terme à ces pratiques. Celui-ci a opposé une fin de non-recevoir aux craintes exprimées par Amnesty International, en les déclarant « infondées ». Malheureusement, de récents événements tels que la militarisation de l'État du Chiapas témoignent du bien fondé de ces préoccupations et montrent qu'il est nécessaire de prendre de toute urgence des mesures efficaces afin de mettre un terme aux violations des droits humains perpétrées par l'armée.

En septembre 1997, lors de la rencontre au Mexique avec de hauts responsables, le secrétaire général d'Amnesty International s'est dit inquiet de la militarisation progressive d'un certain nombre de régions du Mexique et de la crise des droits humains qui en a résulté.

Il a notamment déploré l'inquiétante augmentation du nombre des "disparitions " et autres graves atteintes aux droits fondamentaux commises par l'armée mexicaine ainsi que l'impunité dont continuent de jouir les coupables. L'Organisation engage vivement le gouvernement mexicain à mettre en application les recommandations présentées au président Zedillo dans un mémorandum qui lui a été soumis en France en octobre 1997.

"Disparitions" et autres violations des droits humains commises lors d'opérations anti-insurrectionnelles

"Disparitions" dans l' État du Chiapas:

Le 1er janvier 1994, la EZLN, composée en grande partie d'Indiens, a lancé son action en prenant le contrôle d'un certain nombre de municipalités de cet État. La semaine suivante, l'armée mexicaine qui avait été dépêchée dans la région avait repris le contrôle de la majorité des villes occupées par la EZLN. Au moins 140 personnes (civils, soldats et rebelles confondus) auraient trouvé la mort lors des affrontements armés qui ont eu lieu dans les premières semaines de conflit. Des centaines d'autres ont été soumis à des arrestations arbitraires et à des actes de torture tandis que des dizaines de paysans indiens militants ont été victimes d'exécutions extrajudiciaires perpétrées par l'armée lors des opérations qu'elle a menées au Chiapas. Quatorze personnes au moins ont""disparu".

Le 7 janvier 1994, aux premières heures de la matinée, des dizaines de soldats mexicains sont arrivés au village de Morelia, habité essentiellement par des Indiens Tzeltal, situé à proximité d'Altamirano dans l'État du Chiapas. Sebastián SANTIS LOPEZ (65 ans), Severiano SANTIS GOMEZ (60 ans) et Hermelindo SANTIS GOMEZ (45 ans) tous trois chefs de leur communauté de paysans Tzeltal, ont été emmenés à l'intérieur d'une église où ils ont été torturés. Des hommes qui se trouvaient sur la place du village à ce moment là ont entendu leurs cris et plus tard certains d'entre eux ont vu qu'on les faisait monter de force dans une ambulance militaire. Au moins l'un de ces trois chefs semblait saigner abondamment de la tête et des témoins ont parlé de coupures au visage et aux oreilles. D'après nos sources, les mains de l'un d'eux semblaient inertes comme s'il avait eu le bras cassé. On n'a plus rien su de ces trois hommes, jusqu'à ce qu'on retrouve leurs corps, le 10 février 1994 à proximité de Morelia. Leurs blessures donnaient à penser qu'ils avaient été victimes d'exécutions extrajudiciaires.

Sebastián Santis López (à gauche) et Hermelindo Santis Gómez (à droite).
Leurs corps ont été découverts le 10 février 1994.
Ils avaient apparemment été victimes d'exécutions extrajudiciaires.

Après la découverte des corps des victimes, les observateurs locaux chargés de veiller au respect des droits humains ainsi que les proches ont demandé à des médecins légistes indépendants de confirmer leur identité et de dire de quoi et comment ils sont morts. L'armée a tenté d'empêcher les enquêtes d'avoir lieu et de falsifier les éléments de preuve. Ainsi, le 12 février 1997, les corps qui étaient sous la garde du ministère public local d'Altamirano, ont été subtilisés par des militaires pendant plusieurs heures. En s'appuyant sur les résultats d'une enquête menée en parallèle par une autorité judiciaire militaire, l'armée a déclaré fin février que les dépouilles étaient un mélange d'os ne provenant pas d'êtres humains et de vieux fragments de squelettes humains.

Petrona López Santis, veuve de Sebastián Santis López; Carmelina López Santis, veuve de Severino Santis Gómez; et Paulina Domínguez Gómez, veuve d'Hermelindo Santis Gómez. © Benjamin Flores / APRO FOTO

Des médecins légistes indépendants et qualifiés ont affirmé qu'à n'en pas douter, les corps découverts à proximité de Morelia le 10 février 1994 appartenaient bien aux trois hommes qui avaient "disparu". Leur identité à été établie grâce à un test d'ADN. Selon les rapports, les victimes sont mortes à la suite de nombreux coups reçus au cours des trois mois qui ont précédé la découverte de leurs corps. En dépit de preuves du contraire, les autorités mexicaines continuent de nier leur responsabilité dans ces meurtres.

En juin 97, à la suite d'une série de recommandations faites par le IACHR au gouvernement mexicain en octobre 96, les autorités ont accepté de rouvrir le dossier. Cependant elles n'ont, jusqu'à maintenant, pas traduit les coupables en justice.

Quatorze autres paysans indiens Tzeltal originaires du Chiapas ont "disparu" à la suite de leur enlèvement par les forces armées lors des opérations que celles-ci ont menées dans la région en janvier 1994. Il s'agit des personnes suivantes: Juan MENDOZA LORENZO et Eliseo PéREZ SANTIS originaires de San Miguel, Ocosingo; Leonardo MÉNDEZ SÁNCHEZ originaire d'Ejido La Garrucha; Vicente LÓPEZ HERNÁNDEZ, Manuel SÁNCHEZ GONZÁLEZ, Enrique GONZÁLEZ GARCÍA, Marcelo PÉREZ JIMÉNEZ, Nicolás CORTEZ HERNÁNDEZ, tous originaires d'Ejido Patihuitz; Alejandro SÁNCHEZ LÓPEZ originaire d'Ejido La Galeana; Doroteo RUIZ HERNÁNDEZ, Marcos GUZMÁN PÉREZ, Diego AGUILAR HERNÁNDEZ, Fernando RUIZ GUZMÁN et Antonio GUZMÁN GONZÁLEZ tous originaires du Prado, Ocosingo. Les autorités n'ont fourni aucune indication sur le lieu où se trouvaient ces personnes, qui demeurent "disparues".

Les protestations énergiques des observateurs nationaux et internationaux face à l'ampleur des violations des droits humains commises par l'armée, ont conduit le gouvernement à annoncer la mise en place d'un cessez-le-feu et à engager des pourparlers de paix avec les rebelles. Le cessez-le-feu a duré effectivement jusqu'au 9 février 1995, jour où le président Ernesto Zedillo Ponce de León a ordonné de nouvelles mesures répressives à l'encontre des dirigeants de la EZLN. L'armée a effectué de très nombreuses arrestations de civils et interdit aux journalistes, aux observateurs chargés de veiller au respect des droits humains et aux personnes appartenant aux organisations d'aide humanitaire, de se rendre dans la région. Des informations signalant que des atteintes aux droits fondamentaux continuaient d'être commises ont provoqué un tollé général au Mexique et à l'étranger.

Le 14 février 1995, le président Zedillo a interrompu les opérations de répression, mais l'armée est restée omniprésente dans la région. Les négociations de paix avec la EZLN se sont poursuivies jusqu'à la fin de 1996, date à laquelle elles se sont interrompues en raison de la non-application par le gouvernement d'accords antérieurs. Néanmoins, à la fin février 1998, aucun autre affrontement armé entre l'armée et la EZLN ne nous avait été rapporté.

Néanmoins, depuis 1994, Amnesty International recueille des informations sur la recrudescence des activités des groupes paramilitaires au Chiapas, groupes dont certains ont été formés par l'armée et opèrent avec l'assentiment des autorités locales. Ces groupes se sont rendus coupables de plus en plus de violations graves des droits fondamentaux, notamment d'exécutions extrajudiciaires. L'Organisation craint de voir, à l'avenir, ces groupes paramilitaires impliqués dans des "disparitions", s'ils ne sont pas démantelés et leurs membres traduits en justice.

"Disparitions" dans les États de Guerrero et d'Oaxaca

Dans l'État de Guerrero, les mouvements pacifiques de protestation contre les violations incessantes des droits économiques et sociaux des paysans ont provoqué un redoublement des violations des droits humains soutenues par le gouvernement.

Gilberto Vásquez Romero,
militant paysan,
"disparu" le 24 mai 1995
dans l'État de Guerrero.

Ainsi, le 28 juin 1995, 17 paysans ont été victimes d'exécutions extrajudiciaires et 19 autres ont été blessés par la PJE lors d'un massacre qui a eu lieu à Aguas Blancas dans l'État de Guerrero. Les victimes participaient à un grand rassemblement de paysans non armés, comprenant des femmes et des enfants, qui se rendaient en camion à Atoyac de Alvarez, près d'Acapulco, dans l'État de Guerrero. Ils allaient prendre part à une manifestation organisée pour exiger que soit révélé l'endroit où était retenu Gilberto Romero Vásquez, militant paysan "disparu" de cette ville le 24 mai 1995 (voir ci-dessous). Parmi les victimes, beaucoup appartenaient à l'Organisation paysanne de la Sierra du Sud[29] (OCSS), organisation de défense des droits des paysans de l'État de Guerrero dont Gilberto Romero était un membre actif. Au moins 50 membres de la police et fonctionnaires de l'État, obéissant aux ordres des plus hautes autorités de l'État, ont tendu une embuscade aux camions, et ont ouvert le feu sur les paysans pendant 15 minutes environ. Selon des informations confirmées plus tard par les autorités locales, le gouverneur de l'État de Guerrero, Rubén Figueroa Alcócer, avait ordonné aux forces de sécurité de réprimer la manifestation à Atoyac de Alvarez en recourant à la violence si nécessaire. Il s'est avéré plus tard que l'attaque avait été préméditée et que des membres du gouvernement local étaient même venus pour filmer le massacre. Le film a subi un montage très particulier et a été modifié de sorte qu'il étaye la version des autorités de l'État selon laquelle les paysans auraient été tués lors d'échanges de coups de feu avec les forces de sécurité. La projection du film original, sans montage, sur une chaîne de télévision nationale, qui montre clairement que les paysans n'étaient pas armés lorsqu'ils ont été massacrés, a provoqué un scandale au Mexique au début de l'année 1996.

A la suite de ces massacres, des appels sont venus de toutes parts, demandant au gouvernement mexicain d'ouvrir au plus vite une enquête efficace et de traduire les coupables en justice. En juillet 95, dix membres de la PJE, dont deux commandants, ont été placés en détention et accusés d'homicides. Cependant, de hauts fonctionnaires de l'État sont restés impunis. À la suite de la diffusion du film intégral sans montage du massacre, Rubén Figueroa Alcócer a été démis de ses fonctions à titre provisoire en mars 1996, dans l'attente d'une enquête officielle de la Cour suprême concernant son éventuelle implication dans le massacre. En dépit de preuves évidentes de son implication, fin février 98, le gouverneur de l'État de Guerrero n'avait toujours pas été officiellement inculpé pour sa responsabilité dans le massacre.

Après le massacre de 1995, des centaines d'agents de police sont arrivés dans la région et pendant les semaines suivantes, on a signalé à Amnesty International des dizaines de cas de menaces, de manoeuvres d'intimidation et de violations des droits fondamentaux perpétrées par les forces de sécurité et les groupes paramilitaires à l'encontre des paysans militants. Plusieurs dirigeants de l'OCSS ont dû se cacher parce qu'ils craignaient pour leur vie, et deux d'entre eux au moins ont été tués par des paramilitaires.

Les violations des droits sociaux et économiques, qui n'ont rien perdu de leur violence, auxquelles s'ajoute l'impossibilité pour la plupart des personnes qui sont victimes, dans l'État de Guerrero, d'atteintes flagrantes aux droits humains d'en appeler efficacement à la justice, auraient favorisé l'apparition d'une opposition armée ainsi que la recrudescence de la violence politique. Ainsi, le 28 juin 1996, lorsque les proches des victimes d'Aguas Blancas et des membres de l'OCSS sont retournés sur le lieu du massacre afin de célébrer une messe du souvenir pour le premier anniversaire du massacre, un groupe d'opposition armée jusque-là inconnu dénommé l'Armée populaire révolutionnaire[30] (EPR) a fait une apparition pour annoncer ses plans d'action, visant notamment à venger les violations des droits fondamentaux perpétrées par les forces de sécurité. A la suite de cette apparition impromptue, l'EPR et les forces de sécurité mexicaines se sont affrontées à plusieurs reprises, principalement dans l'État de Guerrero et dans celui d'Oaxaca, qui est son voisin.

Des opérations anti-insurrectionnelles de grande ampleur ont été menées par l'armée et la police depuis juillet 1996 dans les États de Guerrero et d'Oaxaca. Au cours de ces opérations, des centaines de paysans militants ont été placés en détention, torturés et, dans certains cas, ont "disparu". Les autorités mexicaines ont elles aussi lancé une action visant les membres de l'OCSS. Plus de 100 mandats d'arrêt ont été délivrés; plusieurs dizaines de militants, parmi lesquels certains de ses dirigeants, ont été placés en détention, et ce en l'absence de toute preuve (exceptées les déclarations arrachées sous la torture) établissant un lien entre l'organisation paysanne et l'EPR. L'Organisation a recueilli des informations sur plusieurs dizaines de cas de "disparitions" de courte durée de paysans qui ont été torturés pour qu'ils avouent avoir des liens avec l'EPR. Dans la plupart des cas, ces paysans étaient appréhendés par des membres de l'armée et de la police nationale ou par des hommes armés non identifiés, mais dont on pense qu'ils appartenaient à l'armée. Retenus dans des centres de détention clandestins situés, selon certaines informations, dans des casernes militaires, ils étaient torturés puis libérés quelques jours plus tard sans inculpation, en général à la suite de campagnes de protestation nationales ou internationales menées en leur faveur.

Depuis 1996, en particulier dans l'État de Guerrero et d'Oaxaca, Amnesty International a recensé plusieurs dizaines de cas de "disparitions" de courte durée de militants de base ou de représentants des communautés à mettre au compte des membres de l'armée ou de la police judiciaire nationale. Dans tous les cas, ces personnes ont été torturées pendant la période où elles étaient portées "disparues".

C'est ainsi que Manuel RAMIREZ SANTIAGO et Fermín OSEGUERA SANTIAGO, respectivement présidents du Comité de défense des droits du peuple[31], organisation de défense des droits civils, et du Syndicat des menuisiers[32], syndicat local de travailleurs, ont été placés en détention le 22 octobre 1996 dans le centre de détention de la ville de Tlaxiaco, située dans l'État d'Oaxaca. Plusieurs témoins ont identifié les coupables comme étant des membres de la PJE. Ces deux militants ont "disparu" jusqu'au 1er novembre 1996, jour où ils ont été relâchés les mains liées près du district de Nochixtlan dans l'État d'Oaxaca. Ils ont été torturés lors de leur captivité dans un centre de détention tenu secret, dans une caserne militaire, pense-t-on. Des tortures, comprenant des passages à tabac, des décharges électriques et des semi-asphyxies leur étaient infligées tout au long d'interrogatoires poussés sur les activités de l'EPR. Ceci porte à croire que les ravisseurs faisaient partie des forces de sécurité mexicaines et intervenaient dans le cadre d'une opération anti-insurrectionnelle du service de renseignement.

Felipe SÁNCHEZ ROJAS, président du Centre de développement régional indigène[33] (CDRI), organisation de développement locale et non-gouvernementale d'Oaxaca, a été placé en détention par les forces de sécurité le 29 octobre 1996. D'après certaines informations, vers 22 heures, Felipe Sánchez Rojas rentrait avec un collègue aux bureaux du CDRI à Oaxaca, capitale de l'État d'Oaxaca. On l'a informé qu'en début de journée, un inconnu qui était à sa recherche s'était présenté au bureau et l'attendait dehors. Lorsque Felipe Sánchez Rojas s'est approché de lui, il a été saisi par cet homme et deux autres personnes qui se trouvaient avec lui; ils l'ont menacé avec une arme et l'ont contraint de monter dans un véhicule sans plaque d'immatriculation. Felipe Sánchez Rojas avait déjà signalé que les bureaux du CDRI étaient placés sous la surveillance d'inconnus et de militaires. Il a réapparu le 2 novembre. À sa libération, il a déclaré que pendant sa "disparition", il avait été interrogé et torturé; il avait entre autres reçu des coups sur les oreilles et sur d'autres parties du corps. Ses ravisseurs, qui ont été identifiés par lui et d'autres témoins comme faisant partie des forces de sécurité, voulaient le forcer à avouer son implication dans une attaque menée par l'EPR dans la ville de Tlaxiaco, dans l'État d'Oaxaca, le 28 août 1996. Felipe Sánchez Rojas a déclaré que pendant qu'on le torturait, ses ravisseurs avaient aussi menacé d'autres défenseurs des droits humains qu'il connaissait.

Le 28 mai 1997, Martín Barrientos Cortés (18 ans), militant paysan, a été enlevé par des militaires alors qu'il se trouvait à proximité de El Eucuyachi, dans l'État de Guerrero, où vit sa communauté, puis il a été transféré par hélicoptère dans un lieu inconnu, qui se situerait dans la 49ème base militaire. Il a réapparu le 9 juin après avoir subi des tortures, il a notamment été roué de coups, torturé à l'électricité sur le thorax et presque asphyxié. Il a été accusé d'entretenir des liens avec l'EPR27. Comme la plupart des victimes, il a déposé une plainte auprès des autorités locales, dont la CNDH, qui ne l'ont pas enregistrée et n'ont pas voulu attester des blessures qui lui avaient été infligées après son examen par un médecin légiste de la CNDH le 13 juin. Ce refus ayant soulevé un tollé général, la CNDH est revenue sur ses conclusions et a reconnu que Martín Barrientos Cortés avait bien été torturé pendant sa "disparition". Néanmoins, au moment où nous rédigeons ce rapport, les coupables n'ont toujours pas été traduits en justice ni suspendus de leurs fonctions et la victime et ses proches ont été menacés de mort pour avoir porté plainte contre l'armée mexicaine et ont dû fuir leur communauté.

Il est arrivé que des personnes victimes de "disparitions" de courte durée lors d'opérations anti-insurrectionnelles menées par les forces de sécurité, aient été plus tard retrouvées mortes dans des circonstances indiquant qu'elles avaient été victimes d'exécutions extrajudiciaires.

Ainsi, en avril et en mai 1997, Pedro HERNÁNDEZ MONJARÁS et Selerino JIMÉNEZ ALVAREZ, deux paysans indiens Zapotèques appartenant à la communauté de San Agustín Loxicha, dans l'État d'Oaxaca, ont été enlevés par des membres du PJE, le premier en avril 1997, le second en mai. Ont été témoins des enlèvements, entre autres, Riquilda HERNÁNDEZ MARTÍNEZ (20 ans), fille de Pedro Hernández Monjarás, et María Estela GARCÍA RAMÍREZ (24 ans), épouse de Selerino Jiménez Alvarez. Lorsqu'elles ont demandé aux autorités à être informées du sort de leurs proches, on leur a présenté les corps des deux hommes. Les autorités leur ont déclaré qu'ils étaient décédés au cours d'un affrontement armé quelques heures après avoir été vus pour la dernière fois par leurs proches, ce qui est en totale contradiction avec les informations selon lesquelles les deux hommes ont été emmenés de leur domicile sans armes. Personne n'a été traduit en justice à la suite de ces exécutions extrajudiciaires. Par ailleurs, les deux femmes ont fui leur communauté après avoir été à plusieurs reprises menacées de mort par les autorités qui voulaient ainsi les obliger à retirer leurs plaintes. Au moment de la rédaction de ce document, elles craignaient toujours pour leur vie et ne pouvaient pas retourner dans leur communauté.

La femme et la fille
de Gilberto Vásquez Romero
lors d'une visite
d'Amnesty International
dans l'État de Guerrero
en novembre 1995.

Si la plupart des cas rapportés à l'Organisation sont des "disparitions" de courte durée survenues lors d'opérations anti-insurrectionnelles, on ne sait toujours pas où se trouvent un grand nombre de victimes.

Ainsi, le 24 mai 1995, Gilberto ROMERO VÁSQUEZ, militant paysan et dirigeant de l'OCSS, a "disparu" à Atoyac de Álvarez, dans l'État de Guerrero. Le 18 mai 1995, il avait participé à une rencontre avec les autorités locales, organisée par l'OCSS, qui voulait qu'il soit répondu à ses revendications concernant l'obtention de ressources agricoles de base. Au cours de la rencontre, il a été menacé par les autorités présentes qui lui reprochaient son rôle de porte-parole des paysans. La manifestation organisée des semaines plus tard par les paysans de la région pour demander que soit dévoilé le lieu de détention de Gilberto Romero Vásquez, s'est terminée dans un bain de sang. Les membres de la PJE ont tué 17 paysans qui se rendaient à la manifestation à Atoyac de Álvarez (voir ci-dessus). En décembre 1997, on ne savait toujours pas où se trouvait Gilberto Romero Vásquez et personne n'a été traduit en justice à la suite de sa "disparition".

Gregorio Alfonso ALVARADO LÓPEZ est enseignant et responsable du Syndicat d'enseignants de l'État de Guerrero[34] (CETEG) et du Conseil de Guerrero 500 ans de résistance indigène, noire et populaire[35] (CG500ARI), organisation non-gouvernementale de défense des droits des indigènes. Il a été enlevé par un groupe paramilitaire à Chilpancingo dans l'État de Guerrero, le 26 septembre 1996.

Quelques jours après sa "disparition", une délégation composée de son épouse, Norma Lorena Valdez Santos, et de membres du CG500ARI, a déposé une plainte officielle auprès du ministre de l'Intérieur concernant l'enlèvement et la "disparition" de Gregorio Alfonso Alvarado López. Le ministre a nié toute implication du gouvernement dans cette affaire et a déclaré aux membres de la délégation que des groupes paramilitaires qui échappaient au contrôle de son gouvernement opéraient dans l'État de Guerrero. À deux reprises, en janvier et en août 1996, Gregorio Alvarado López avait porté plainte devant la CNDH et l'organisme correspondant au niveau de l'État, parce qu'il était suivi depuis novembre 1995 par des inconnus circulant à bord de véhicules banalisés, immatriculés dans l'État fédéral et dans celui de Guerrero. Leurs occupants l'auraient pris en photos, ainsi que sa maison et sa famille, plaçant celle-ci sous surveillance. L'enquête menée par le ministère public de Guerrero a révélé qu'une des voitures au moins appartenait à la PJF.

Slogan extrait d'un tract réclamant
que Gregorio Alvarado López,
vu pour la dernière fois
le 26 septembre 1996,
soit présenté vivant:
« Il a été emmené vivant,
nous voulons le voir vivant! ».

Gregorio Alvarado était un délégué du CG500ARI à la Convention nationale démocratique[36] organisée par la EZLN au Chiapas en août 1994. Il a également été conseiller auprès d'un député de l'État de Guerrero, membre du Parti de la révolution démocratique (PRD), dirigeant du Conseil des peuples Tlapanecos de la région des montagnes de l'État de Guerrero[37] et membre du Parti communiste mexicain[38]. Amnesty International estime que Gregorio Alvarado López a été visé par les autorités en raison de ses activités militantes en faveur des plus défavorisés et de sa participation à des manifestations pacifiques contre les violations des droits humains en zones rurales. Son cas a été soumis en mars 1997 à la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIADH). Dans sa réponse à la communication faite par la CIADH sur ce cas, le gouvernement mexicain a nié l'implication des forces de sécurité dans la "disparition" de Gregorio Alvarado López.[39] Cette réponse est en contradiction avec les précédentes déclarations officielles qui reconnaissaient la responsabilité des forces de sécurité dans la "disparition" de ce dernier.

Fredy NAVA RÍOS[40], étudiant âgé de 16 ans et recrue de l'armée rattachée au 49ème bataillon d'infanterie de Petatlán dans l'État de Guerrero, a été vu pour la dernière fois le 25 mai 1997. Ses proches se sont rendus à plusieurs reprises à la caserne militaire de Petatlán pour demander où il se trouvait. Il leur a tout d'abord été répondu que Fredy Nava avait demandé une permission puis on leur a affirmé qu'il était en congé. Cependant, le 18 juillet, le Secretaría de la Defensa Nacional (SEDENA, Secrétariat de la défense nationale) a informé Manuel Nava Baltazar, père de Fredy Nava, qu'un ordre de mise en détention avait été délivré au motif qu'il aurait déserté l'armée, tout en niant qu'il ait jamais été détenu par l'armée. Or, Manuel Nava avait été informé par un soldat que son fils avait été détenu pendant quatre jours dans une caserne militaire d'Atoyac, dans l'État de Guerrero; là, après l'avoir ligoté et lui avoir bandé les yeux, on l'aurait passé à tabac pour le forcer à "avouer" son implication dans un affrontement qui a eu lieu entre l'armée et l'EPR le 27 mai 1997. Selon certaines informations, l'adolescent a par la suite été transféré au Camp militaire n°1 de la ville de Mexico. Fin février 1998, on ne savait toujours pas où il se trouvait.

"Disparitions" ayant eu lieu dans le contexte de la lutte contre le trafic de drogue.

Amnesty International est également préoccupée par l'augmentation constante du nombre des "disparitions" dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue. L'Organisation note que les circonstances dans lesquelles se produisent les "disparitions" dissuadent souvent les proches et les observateurs chargés de veiller au respect des droits humains de porter plainte, de peur d'être accusés d'apporter leur soutien aux trafiquants de drogue. Par conséquent, il semblerait que le nombre de "disparitions" rapportées à l'Organisation soit bien en dessous du chiffre réel. Ainsi, certaines autorités mexicaines ont reconnu devant les médias qu'en 1997, plus de 100 cas de "disparitions" avaient été enregistrés dans le seul État de Chihuahua.[41] Dans plusieurs dizaines de cas, les personnes étaient visées en raison des démêlées qu'elles avaient eu avec les autorités locales, de plus, plusieurs d'entre elles auraient été confondues avec d'autres personnes ayant des relations avec des trafiquants de drogue.

Dans les États de la Sinaloa, du Chihuahua et de la Basse-Californie ont eu lieu un grand nombre de "disparitions" d'hommes d'affaires ayant, semble-t-il, des liens avec le marché de la drogue[42] En dépit de nombreuses preuves accablantes qui révèlent l'implication des forces de sécurité, dont le PGR et l'armée, dans la plupart des cas, le gouvernement nie le plus souvent toute responsabilité dans les "disparitions".

José Rómulo Rico Urrea,
vu pour la dernière fois
le 25 septembre 1996
à Culiacán
dans l'État de la Sinaloa.

José Rómulo RICO URREA, homme d'affaires de la Sinaloa, a été enlevé par des militaires le 25 septembre 1996 alors qu'il voyageait en voiture à Culiacán dans l'État de la Sinaloa. Sa famille a immédiatement porté plainte devant les PGE dans ce même État et il lui a été répondu que José Rómulo Rico Urrea était placé en détention au bureau local du PGR à Culiacán. Le lendemain 26 septembre, lorsque la famille s'est rendue dans les bureaux du PGR, on lui a dit que Rómulo Rico n'y était pas détenu La voiture de ce dernier a été retrouvée ce même jour et on y a découvert un carnet qui appartenait, semble-t-il, au chef de l'information des services secrets militaires de la Cinquième région militaire. Le carnet renfermait des informations sur l'enlèvement de plusieurs personnes par des militaires et il contenait des instructions codées relatives à la surveillance des journalistes enquêtant sur les violations des droits fondamentaux.

Même si ensuite le PGR a nié détenir José Rómulo Rico, des informations délivrées par le SEDENA reconnaissent la participation d'un ancien officier de l'armée ainsi que d'un chef de la police de l'État du Jalisco dans l'enlèvement de l'homme d'affaires (le PGR est responsable des actes commis par le PJE et le PJF). Selon un communiqué délivré par le SEDENA, ce chef de la police était un proche collaborateur du général Jesús Gutiérrez Rebollo, chef de l'Institut national de lutte contre le trafic de drogue[43] (INCD) entre décembre 1996 et février 1997.

En février 1997, à la suite de la divulgation de preuves qui établissaient un lien entre lui et un puissant baron de la drogue mexicain, le Général Gutiérrez Rebollo a été démis de ses fonctions et emprisonné pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Le communiqué du SEDENA en date du 18 février, indique que l'ancien officier de l'armée ainsi que le chef de la police, tous deux accusés d'avoir participé à l'enlèvement de Rómulo Rico, avaient aussi des liens avec des trafiquants de drogue.

En dépit d'innombrables preuves établissant l'implication de membre de haut rang de l'armée et de la police dans l'enlèvement et la "disparition" de José Rómulo Rico, fin novembre 1997, l'enquête ouverte par le PGR n'a pu déterminer l'endroit où se trouvait l'homme d'affaires. En outre, aucun de ceux dont on savait qu'ils avaient participé à la détention et la "disparition" n'ont été traduits en justice.

Les proches des "disparus" de l'État de la Sinaloa ont dressé la liste d'au moins trente personnes qui ont "disparu" de cet État depuis juin 1996; la plupart dans le cadre d'opérations présumées de lutte contre la drogue. Les autorités locales n'ont jamais pu fournir d'informations permettant de déterminer l'endroit où se trouvaient ces "disparus".

C'est à Ciudad Juárez dans l'État de Chihuahua que l'on recense le plus grand nombre de "disparitions"dans le cadre de ces opérations. Ainsi, le 6 octobre 1996, Rubén Guillermo JURADO ARMENDÁRIZ a été enlevé à Ciudad Juárez par trois inconnus armés, qui faisaient, semble-t-il, partie des forces de sécurité. Rubén Jurado quittait son domicile lorsque les trois hommes sont sortis d'une voiture, et le menaçant d'une arme, l'ont obligé à monter dans leur véhicule, puis ont démarré. En dépit de la plainte déposée par sa femme, Lucía Solís de Jurado, le jour même de son enlèvement, les proches ou les organisations non gouvernementales de défense des droits humains n'ont pu avoir connaissance des résultats de l'enquête menée sur la "disparition" de Rubén Jurado. Ce dernier reste "disparu".

De plus en plus de "disparitions" sont également signalées dans l'État de Basse-Californie du Nord, situé près de la frontière avec les États-Unis. Ainsi, le 10 mars 1994 au matin, José Manuel BELTRÁN BELTRÁN et Juan Martín LÓPEZ SOTO ont été enlevés par six membres du PJF sur le parking d'un restaurant de Mexicali, dans l'État de Basse Californie. Les agents de police ont fait monter de force les deux hommes dans l'un de leurs véhicules et ont emmené la voiture appartenant à José Manuel Beltrán. Les proches des deux hommes ont porté plainte auprès des autorités de cet État, notamment auprès du PJF, mais il leur a été répondu que leurs noms ne figuraient pas sur la liste de détenus. Cependant, le 17 mars 1994, les proches de José Manuel Beltrán et de Juan Martín López lors d'une visite aux bureaux de l'INCD dans la ville de Mexico, auraient reconnu la voiture de José Manuel Beltrán dont la plaque d'immatriculation avait été enlevée.

En dépit des nombreuses preuves indiquant que les deux hommes étaient détenus par des membres des forces de sécurité, appartenant notamment au PJF et à l'armée, fin novembre 1997, leur lieu de détention n'était toujours pas connu.

Parmi les personnes victimes de "disparitions" dans le cadre d'opérations de lutte contre la drogue, on compte quelques étrangers, en particulier des ressortissants des États-Unis. Ainsi, en janvier 1997, Manuel HERNÁNDEZ PINEDO a "disparu" à la suite de son enlèvement au domicile d'un proche à Ciudad Juárez. Un autre citoyen des États-Unis, Alejandro Enrique HODOYÁN PALACIOS, a été placé en détention non reconnue jusqu'au 22 février 1997, à la suite de son enlèvement par l'armée à Guadalajara dans l'État du Jalisco, en septembre 1996. Lors de sa détention non reconnue dans une caserne militaire locale et sous la garde d'officiers haut gradés, il a été soumis à de longs interrogatoires au cours desquels il a été torturé: privation sensorielle suivie de décharges électriques ainsi que des simulacres répétés d'exécution. Ces interrogatoires portaient sur des présumées infractions à la législation sur les stupéfiants commis avec d'autres détenus mexicains. Après sa libération il a de nouveau "disparu" le 5 mars 1997 à Tijuana dans l'État de la Basse-Californie du Nord, et ses proches ont depuis reçu à plusieurs reprises des menaces de mort parce qu'ils cherchaient à savoir où il était détenu.

Étant donné qu'il n'existe aucun recours juridique dans les cas de "disparitions" signalées dans la zone frontalière entre le Mexique et les États-Unis, les proches des "disparus", parmi lesquels des citoyens américains, ont fondé l'Association des proches et des amis de personnes "disparues". Cette association est située du côté américain de la frontière, à El Paso au Texas, craignant des représailles de la part des autorités mexicaines. L'association a dressé la liste de près de 90 personnes "disparues" dans la seule Ciudad Juárez au cours d'opérations que les proches qualifient de « sale guerre contre la drogue.»

Conclusions et recommandations

Au cours des quatre dernières années, Amnesty International a constaté une progression constante du nombre des "disparitions" opérées par les forces de sécurité. La plupart d'entre elles ont lieu dans le cadre d'opérations anti-insurrectionnelles ou de lutte contre la drogue auxquelles l'armée participe de plus en plus fréquemment.

L'impunité dont jouissent les responsables de "disparitions" ne fait que renforcer le caractère terrifiant de cette pratique de plus en plus courante. L'Organisation est préoccupée de constater que les victimes n'ont aucune possibilité de recours efficace devant la loi pour obtenir réparation.

Amnesty International demande instamment au gouvernement mexicain de prendre immédiatement des mesures efficaces afin de mettre un terme aux pratiques déplorables auxquelles se livrent des membres des forces de sécurité. L'Organisation estime que les recommandations suivantes, dont certaines ont été exposées dans un mémorandum adressé au président Ernesto Zedillo en octobre 1997 pourraient, si elles étaient appliquées, mettre fin à la pratique des "disparitions" au Mexique:

·        le gouvernement mexicain devrait faire une déclaration ferme dans laquelle il reconnaîtrait et condamnerait ces pratiques et s'engagerait à retrouver la trace des "disparus" et à mettre fin aux "disparitions" dans le pays.

·        faire en sorte que la "disparition" soit considérée, dans la législation nationale, comme une infraction pénale punie par des sanctions proportionnelles à la gravité de l'infraction;

·        adhérer à la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes;

·        garantir que toutes les plaintes et informations faisant état de "disparitions" feront l'objet d'enquêtes rapides, impartiales et efficaces menées par un organisme indépendant des personnes présumées responsables. Cet organisme devra être doté des pouvoirs et des moyens nécessaires pour mener les enquêtes. Le gouvernement devra veiller à ce que les méthodes ainsi que les résultats des enquêtes soient rendus publics;

·        veiller à ce que l'interdiction de procéder à des "disparitions" soit inscrite dans les règlements applicables aux forces de sécurité et figure dans les programmes de formation de tous les agents de l'État chargés des arrestations, des interrogatoires et des détentions de suspects. Ces agents devraient être informés qu'ils ont le droit et le devoir de refuser d'obéir à tout ordre de participer à une "disparition". Un ordre émanant d'un supérieur hiérarchique ou d'une autorité publique ne doit jamais être invoqué pour justifier la participation à une "disparition". La responsabilité des supérieurs devrait toujours être prise en compte, même s'ils se sont abstenus d'intervenir par omission dans les cas de "disparitions" opérées par des agents de l'État placés sous leur commandement;

·        veiller à ce que tout responsable de l'application des lois ayant ordonné des "disparitions", ou ayant encouragé ou cautionné cette pratique soit traduit en justice, quel que soit le temps écoulé depuis la "disparition".

·        déclarer que les agents de l'État soupçonnés d'être impliqués dans des "disparitions" seront suspendus de leur fonction pendant toute la durée de l'enquête. S'ils sont reconnus coupable, ils devraient être automatiquement révoqués, sanction qui viendrait s'ajouter à la peine prononcée par le tribunal. Un système efficace d'information du public devrait être mis en place afin d'empêcher les fonctionnaires de l'État révoqués pour violations des droits humains d'être nommés de nouveau à des postes semblables dans d'autres juridictions;

·        veiller à ce que les proches des victimes puissent avoir accès aux informations relatives aux enquêtes et soient habilités à présenter des éléments de preuve. Les demandeurs, les témoins, les avocats ainsi que les autres personnes participant aux enquêtes devraient être protégés contre les mesures d'intimidation et de représailles;

·        garantir que toutes les violations des droits fondamentaux perpétrées par des membres des forces de sécurité feront l'objet d'enquêtes et seront jugées par des tribunaux civils;

·        veiller à ce que les proches, les avocats, les juges ainsi que les autres organismes officiels aient rapidement accès à des informations précises concernant l'arrestation de toute personne, son lieu de détention ainsi que ses éventuels transferts et mises en liberté;

·        veiller à ce que les prisoniers ne soient détenus que dans des lieux de détention officiellement reconnus;

·        tenir des registres de tous les prisonniers, régulièrement mis à jour, qui seront disponibles dans tous les lieux de détention et faire en sorte que les proches, les avocats, les juges et les autres organismes officiels aient accès à ces informations;

·        veiller à ce que les responsables de l'application des lois ainsi que les autres agents du gouvernement reçoivent une formation suffisante concernant les normes nationales et internationales relatives à la protection des droits humains, et soient instruits de la manière de les appliquer correctement;

·        déclarer que les victimes de "disparitions" ainsi que leurs ayants droit sont en droit d'obtenir réparation de façon équitable et appropriée de l'État, notamment des indemnités pécuniaires. Les victimes qui sont libérées devraient recevoir des soins médicaux appropriés et être réinsérées;

·        appliquer effectivement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ratifiés par le Mexique, respectivement le 23 mars et le 23 janvier 1986;

·        conformément à l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le gouvernement mexicain devrait déclarer qu'il reconnait la compétence du Comité des Nations unies contre la torture pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers affirmant que le gouvernement a violé les obligations qui lui incombent en vertu de cette convention;

·        rappeler au gouvernement mexicain qu'il a, en vertu des articles 62 et 100 de la Déclaration de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme qui s'est tenue à Vienne en 1993, l'obligation de faire un rapport sur les progrès réalisés dans l'application de la Déclaration qui prévoit notamment que les États ont « le devoir, en toutes circonstances, de faire procéder à des enquêtes dès qu'il y a des raisons de penser qu'une "disparition" forcée s'est produite dans un territoire placé sous leur juridiction et de poursuivre les auteurs présumés en justice » (traduction non-officielle);

·        mener des enquêtes exhaustives sur les activités de tous les groupes paramilitaires opérant dans le pays et y mettre un terme, enfin traduire en justice ceux qui ont des liens avec des groupes de ce type responsables de violations des droits humains.

La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre MEXICO: "Disppearances": a black hole in the protection of human rights. Index AI: AMR 41/05/98. Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL – ÉFAI – Service RAN – mai 1998.

AMNESTY INTERNATIONAL ÉFAI



[1] Selon Amnesty International, une "disparition" a lieu lorsque: « il existe des raisons de penser qu'une personne a été placée en détention par des agents de l'État et que les autorités nient sa détention, dissimulant ainsi son sort et le lieu où elle se trouve ». cf Disappearances and Political Killings (Disparitions et assassinats politiques) Index AI ACT 33/01/94, février 1994, p. 13.

[2] L'article II de la Convention stipule qu'on entend par disparition forcée, « la privation de liberté d'une ou de plusieurs personnes sous quelque forme que ce soit, causée par des agents de l'État, ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou le consentement de l'État, suivie du refus de reconnaître cette privation de liberté ou de donner des informations sur le lieu où se trouve cette personne ce qui, en conséquence, ce qui en conséquence l'empêche d'exercer les recours juridiques et de jouir des garanties de procédure prévus par la loi (Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes OEA/SevP, AG/doc.3114/94rev.1, 8 juin 1994) (traduction non-officielle).

[3] Pour plus d'informations sur la Déclaration de Vienne, veuillez vous reporter au document d'Amnesty International Keeping the Spirit of Vienna alive: a guide to the Vienna Declaration and Programme of Action (IOR 52/01/96) (Maintenir l'esprit de la Déclaration de Vienne: guide de la Déclaration et du programme d'action de Vienne).

[4] Voir Nations unies, La déclaration et le programme d'action de Vienne, A/CONF.157/23, paragraphe 62.

[5] Le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires (WGEID) estime que les "disparitions" qui ont été signalées au Mexique dans les années 70 et le début des années 80 se sont produites pour quelque 98% d'entre elles dans l'État de Guerrero. (Voir rapport des Nations unies, E/CN. 4/1997/34, page 43).

[6] Partido de los Póbres

[7] cf. Préoccupations d'Amnesty International au Mexique Index AI AMR 41/13/86, juillet 1986).

[8] Liga Comunista 23 de Septiembre

[9] Brigada Blanca

[10] Brigada Jaguar

[11] cf. Les violations des droits fondamentaux des femmes se multiplient. Pour que justice soit faite: vaincre la peur. Index AI: AMR 41/09/96, mars 1996.

[12] Movimiento Armado Revolucionario

[13] Comité Pro Defensa de Presos, Perseguidos, Desaparecidos y Exiliados Políticos

[14] Partido de la Revolucíon Democrática

[15] cf.Ley de la Comisión Nacional de Derechos Humanos, loi de la Commission nationale des droits de l'homme, article 6, chapitre III (29 ju in 1992).

[16] Programa sobre Presuntos Desaparecidos, (programme relatif aux personnes présumées disparues) a été de plus en plus critiqué en raison de son incapacité à fournir des informations fiables concernant les cas qui lui avaient été soumis, et pour ne pas avoir traduit en justice les responsables (voir Informe sobre desaparecidos forzados en Mexico, Comisión Mexicana de Defensa y Promocion de los Derechos Humanos A.C., 1997).

[17] Coalición Obrera, Campesina y Estudiantil del Istmo

[18] La Regidora de Educación del Ayuntamiento représente l'éducation dans la municipalité de Juchitán.

[19] Partido Revolucionario de los Trabajadores

[20] Au Mexique, les preparatorias reçoivent des étudiants qui ont terminé leur éducation secondaire et qui désirent continuer leurs études à un niveau supérieur.

[21] document ONU E/CN.4/1997.34 p.44.

[22] Ejército Zapatista de Liberación Nacional

[23] Voir document d'information Human Rights Violations in Mexico (Violations des droits fondamentaux au Mexique) mai 1997, Centro de Derechos Humanos Miguel Agustín Juárez, AC.

[24] cf. Eric Olson. Issues in International Drug Policy - The evolving role of Mexico's Military in Public (Problèmes en matière de politique internationale de lutte contre la drogue. L'évolution du rôle de l'armée mexicaine dans les programmes de sécurité publique et anti-drogue). Bureau de Washington sur l'Amérique latine, mai 1996.

[25] Les forces armées ne peuvent arrêter des civils que lors de périodes où les garanties constitutionnelles sont suspendues, avec l'accord du Congrès, situation qui ne s'est pas produite dans l'histoire récente du Mexique.

[26] À cette époque, le Partido Revolucionario Institucional (PRI, Parti révolutionnaire institutionnel) alors au pouvoir, détenait la majorité au Congrès. Depuis ont eu lieu en juillet 1997 des élections parlementaires (au milieu du mandat présidentiel) qui ont mis fin à plus de 60 ans de majorité absolue du PRI à la Chambre des députés.

[27] Voir Rafael Ruiz Harrell, Las absurdas reformas penales de 1996 Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, (Les réformes absurdes du droit pénal en 1996; Commission mexicaine de défense et de promotion des droits humains) A.C. avril 1996 pp. 15-18; et Coincidencia de organismos: La seguridad pública sin respeto a los derechos humanos tiene un nombre, dictadura ((Relation entre organismes: la sécurité publique en l'absence de respect des droits humains porte un nom, dictature) Proceso, n °1015, 15 avril 1996, pp. 16-17.

[28] cf.Mexique. La dissidence réduite au silence: l'emprisonnement du Général de Brigade José Francisco Gallardo Rodríguez, Index AI: AMR 41/31/97, mai 1997.

[29] Organización Campesina de la Sierra del Sur

[30] Ejército Popular Revolucionario

[31] Comité de Defensa de los Derechos del Pueblo

[32] Unión de Tablajeros A.C.

[33] Centro de Desarollo Regional Indígena

[34] Coordinación Estatal de Trabajadores de la Educación

[35] Consejo Guerrerense 500 Años de Resistencia Indígena, Negra y Popular

[36] Convención nacional democrática

[37] Consejo de pueblos Tlapanecos de la Montaña

[38] Partido comunista mexicano

[39] Voir AU 237/96, Index AI: AMR 41/61/96, 8 octobre 1996.

[40] Voir AU 230/97, Index AI: 41/61/97, 23 juillet 1997 et la mise à jour Index AI: AMR 41/77/97, 19 août 1997.

[41] Voir l'article A toll of "disappearances" in Mexico's war on drugs [La guerre que mène le Mexique contre la drogue donne lieu à d'innombrables "disparitions"], New York Times, 7 octobre 1997 et également Acusan a " Karatecas " por los secuestros , El Norte (édité à Ciudad Juárez) le 18 août 1997.

[42] Voir le rapport sur les "disparitions", Academia de Derechos Humanos de Baja California.

[43] Instituto Nacional para el Combate contra las Drogas

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La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre MEXICO: "Disppearances": a black hole in the protection of human rights. Index AI: AMR 41/05/98. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL, ÉFAI, Service RAN, mai 1998.

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