Déclaration orale adressée à des organisations non gouvernementales, à Genève, le 1eravril 1998

Depuis plus de vingt ans, Amnesty International suit de près la situation des droits humains au Mexique, s'intéressant tout particulièrement aux mesures d'ordre législatif, juridique et administratif prises en vue de garantir la protection et le respect des droits fondamentaux dans ce pays.

Si l'Organisation s'est maintes fois félicitée de l'adoption de telles mesures, elle n'a cessé de se préoccuper de la persistance des atteintes aux droits humains, qui touchent un large éventail de la population. Les victimes les plus fréquentes sont de toute évidence les individus les plus marginalisés, comme les femmes et les paysans indigènes, mais Amnesty International a recensé des cas démontrant que d'autres catégories de personnes –catholiques, journalistes et militants de partis politiques d'opposition, entre autres– ne sont pas à l'abri de ces violences. En outre, il ne fait aucun doute que la grande majorité des victimes ou de leurs proches ne disposent d'aucun recours judiciaire efficace leur permettant de faire traduire en justice les auteurs de violations des droits humains ou d'être indemnisés pour les torts subis. Amnesty International continue d'être informée de cas de menaces et d'agressions subies par des défenseurs des droits humains, notamment des prêtres œuvrant dans ce domaine ou des journalistes ayant dénoncé des violations de ces droits.

Les efforts déployés en vue de remédier à la détérioration de la situation des droits humains au Mexique sont loin d'être satisfaisants. Au cours des dernières années, les forces armées ont joué un rôle croissant dans le domaine de la sécurité intérieure et il est de notoriété publique que les militaires accusés de violations des droits humains demeurent impunis. Il est préoccupant de constater l'ampleur prise par ce phénomène, tout particulièrement dans les États où les forces de sécurité ont été mobilisées dans le cadre d'opérations anti-insurectionnelles ou pour lutter contre le trafic de stupéfiants.

Amnesty International a constaté, non sans une vive inquiétude, une augmentation du nombre de "disparitions" signalées au Mexique au cours des trois dernières années. Dans de nombreux cas, la participation de membres des forces de sécurité ne fait guère de doute. L'absence, dans la législation mexicaine, de toute disposition punissant ce crime grave, ainsi que l'impunité dont jouissent les auteurs, contribue à perpétuer cette situation. Le gouvernement mexicain doit manifester sa volonté de régler le problème des "disparitions" en signant et en ratifiant la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées des personnes, adoptée par l'Organisation des États américains le 28mars1996.

En outre, la fréquence des cas de torture au Mexique continue pas d'inquiéter Amnesty International. Le gouvernement mexicain s'est formellement engagé à respecter les traités internationaux interdisant l'usage de la torture, notamment lorsqu'il a ratifié la Convention des Nations unies contre la torture, en janvier 1987, et la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture, en décembre 1985. Toutefois, le Comité des Nations unies contre la torture a constaté, dans son rapport d'avril1997, que la torture était une pratique systématique, et que, à de rares exceptions près, les auteurs de ce crime n'étaient jamais traduits en justice.

Le massacre de 45indigènes survenu à Acteal (État du Chiapas), en décembre 1997, et imputé à des membres d'un groupe paramilitaire a mis en lumière la consternante absence de protection en matière de droits humains au Mexique. Dans les semaines qui ont précédé le massacre, les organisations de défense des droits humains, nationales et internationales, avaient attiré l'attention sur les tensions observées dans la région, à la suite d'informations faisant état de menaces, d'attaques, de destructions de maisons et de déplacements forcés des communautés indigènes. Tout en reconnaissant la gravité de la situation au Chiapas, Amnesty International tient à rappeler que la dégradation de la situation des droits humains dépasse les frontières de cet État. Dans un certain nombre d'autres régions, en particulier dans les États de Guerrero et d'Oaxaca, l'Organisation a recensé de très nombreux cas d'atteintes flagrantes aux droits humains, notamment des actes de torture, des "disparitions" et des exécutions extrajudiciaires, imputés à des membres des forces de sécurité et à des groupes dits paramilitaires. À l'instar de la tuerie d'Acteal, le massacre, en juillet1995, de 17paysans par des membres de la police judiciaire de l'État de Guerrero, à Aguas Blancas, avait choqué la communauté internationale. Mais il ne s'agit pas d'un événement isolé. Depuis, Amnesty International a été informée de nombreux homicides perpétrés à l'encontre de membres du Partido de la Revolución Democrática (PRD, Parti de la révolution démocratique), principal parti d'opposition mexicain, ainsi que de militants paysans, par des représentants des forces de sécurité ou de prétendus groupes paramilitaires. Plusieurs exécutions extrajudiciaires probablement survenues dans les États de Guerrero et d'Oaxaca au cours de l'année 1997 s'inscrivent dans ce contexte.

En septembre 1997, Amnesty International a présenté au gouvernement mexicain un ensemble de recommandations exhaustives dans l'optique de mettre fin à la détérioration de la situation des droits humains et à l'impunité qui règne dans le pays. Il n'y a pas lieu, ici, de donner le détail de ces recommandations. Toutefois, l'Organisation profite de cette occasion pour émettre les recommandations suivantes:

1.   Le gouvernement mexicain doit respecter et appliquer pleinement les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels il est partie. En outre, il doit s'efforcer d'appliquer les autres normes relatives aux droits humains, qui, bien que n'ayant pas force de loi, permettront au Mexique de montrer qu'il entend se conformer à l'esprit et à la lettre de la Déclaration universelle des droits de l'homme et d'autres normes qui en découlent.

2.   Amnesty International engage le gouvernement mexicain à mettre un terme à l'impunité, en veillant à ce que toutes les allégations d'atteintes graves aux droits humains, telles que actes de torture, "disparitions" et exécutions extrajudiciaires, donnent lieu sans délai à des enquêtes exhaustives et impartiales, et que les auteurs de telles violations soient déférés à la justice dans les plus brefs délais.

3.   Amnesty International exhorte le gouvernement mexicain à élaborer et à appliquer un Plan national d'action pour la protection des droits humains, conformément à la Déclaration et au Programme d'action de Vienne adoptés par le Mexique et d'autres États membres des Nations unies, lors de la Conférence mondiale de l'ONU sur les droits de l'homme, en juin 1993.

Selon Amnesty International, l'adoption et la mise en œuvre des recommandations indiquées ci-dessus constitueront pour le Mexique un grand pas en avant dans la voie de la protection des droits fondamentaux, en ce 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre Mexico: Human Rights in Jeopardy. Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL -ÉFAI- juin 1998.

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