Violations des Droits Fondamentaux des Travailleurs et des Réfugiés Nord-Coréens

Résumé

Les Nord-Coréens qui ont cherché refuge dans la Fédération de Russie sont poursuivis par le Service de la sécurité publique (SSP) de leur pays. Certains ont ainsi été arrêtés et rapatriés contre leur gré dans la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), où ils risquaient d'être emprisonnés et même condamnés à mort en vertu de la législation pénale nord-coréenne. Un Nord-Coréen a été sommairement exécuté par les autorités nord-coréennes à la frontière qui sépare la Corée du Nord et la Russie. De leur côté, les autorités russes ne protègent pas ces réfugiés comme elles le devraient, et procèdent même parfois à des expulsions. Les Nord-Coréens qui travaillent dans les diverses exploitations forestières nord-coréennes dans l'Extrême-Orient russe sont incarcérés puis renvoyés en Corée du Nord lorsqu'ils enfreignent les règlements. Telles sont certaines des conclusions exposées par Amnesty International dans le document ci-joint, qui décrit la situation des réfugiés et des travailleurs nord-coréen en Russie.

Dès sa création, en 1948, la Corée du Nord a entretenu des relations avec l'ex-URSS. Malgré certaines tensions pendant les années 60, les deux pays sont restés en bons termes, et cette amitié persiste encore aujourd'hui entre la Corée du Nord et la Fédération de Russie.

Après le démembrement de l'ex-URSS en 1991, les autorités russes sont devenues dépositaires d'un accord concernant un certain nombre de coupes forestières exploitées par la Corée du Nord dans la région de l'Extrême-Orient russe. Bien que des pressions aient été exercées, aussi bien au niveau national qu'international, pour obtenir la fermeture de ces exploitations en raison des graves violations des droits de l'homme qui y étaient perpétrées, l'accord a été renouvelé en février 1995. Les nouvelles dispositions prévoient que les autorités nord-coréennes doivent appliquer la législation russe en matière de traitement des travailleurs. La situation dans les exploitations semble s'être améliorée, mais Amnesty International reste préoccupée par le fait que les ouvriers accusés d'infractions au règlement, au lieu d'être incarcérés sur le chantier même comme autrefois, sont maintenant renvoyés en Corée du Nord pour y être punis.

Il existe deux sortes de réfugiés nord-coréens en Russie : des migrants venus travailler dans les exploitations forestières ou sur d'autres chantiers, et des émigrés clandestins. Les pratiques employées par les dirigeants de la Corée du Nord pour empêcher ces "fuites à l'étranger" s'inscrivent dans la politique générale déjà décrite par Amnesty International dans un document antérieur, intitulé République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord). Violations des droits de l'homme à huis clos (index AI : ASA 24/12/95, décembre 1995) ; les autorités nord-coréennes continuent notamment de monopoliser toute l'information concernant la situation des droits de l'homme dans le pays.

Le document ci-joint fait suite au rapport mentionné plus haut, ainsi qu'à celui publié par Amnesty International sous le titre Fédération de Russie/République populaire démocratique de Corée (RPDC). Refoulement de Lee Yen Sen en RPDC et craintes pour sa sécurité (index AI : EUR 46/06/96, février 1996).

À la fin de ce document, Amnesty International adresse un certain nombre de recommandations aux autorités russes et nord-coréennes. En particulier, elle engage le gouvernement russe à respecter pleinement ses obligations au regard de la Convention des Nations unies de 1951 relative au statut des réfugiés. Quant aux autorités nord-coréennes, l'Organisation leur demande de cesser immédiatement de poursuivre les réfugiés nord-coréens en Russie et de veiller à ce qu'aucun Nord-Coréen ne soit incarcéré pour le seul motif de vouloir quitter son pays.

* La version originale en langue anglaise du document résumé ici a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre Democratic People's Republic of Korea/Russian Federation: Pursuit, Intimidation and Abuse of North Korean Refugees and Workers. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI - septembre 1996.

Introduction

Violations des droits de l'homme en Corée du Nord

Le gouvernement nord-coréen semble exercer un contrôle quasi total sur les informations relatives aux droits de l'homme. En conséquence, la situation des droits fondamentaux dans ce pays demeure en grande partie un mystère, alors qu'ailleurs dans le monde, ces droits prennent une importance croissante et que les violations passent de moins en moins inaperçues.

Néanmoins, Amnesty International a pu recueillir auprès de sources indépendantes un certain nombre d'informations qui révèlent une pratique bien établie de graves atteintes aux droits de l'homme. L'Organisation a déjà fait connaître dans des documents antérieurs les cas et les noms de plus d'une cinquantaine de personnes susceptibles d'être considérées comme des prisonniers politiques ou d'opinion, et elle pense que leur nombre pourrait en réalité être beaucoup plus élevé. D'autres violations des droits fondamentaux lui ont également été signalées, notamment des exécutions – parfois publiques – et des mauvais traitements à l'encontre de prisonniers.

Après la chute de l'ex-Union soviétique, la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) a continué d'exploiter sur le territoire russe des coupes forestières et d'autres chantiers qui emploient plusieurs milliers de Nord-Coréens. Or, les droits de ces travailleurs sont gravement bafoués. Nombre d'entre eux abandonnent leur emploi pour chercher asile auprès du gouvernement russe ou ailleurs. Le présent document décrit les diverses atteintes aux droits fondamentaux dont sont victimes les Nord-Coréens dans la Fédération de Russie, sur les chantiers nord-coréens mais aussi en dehors de ceux-ci. Exécutions et mauvais traitements sont quelques-unes des formes de violations dénoncées. De plus, les autorités nord-coréennes poursuivent les réfugiés sur le territoire russe, et leurs homologues russes procèdent à des rapatriements forcés.

Dès sa création, en 1948, la Corée du Nord a entretenu des relations avec l'ex-URSS. Malgré certaines tensions pendant les années 60, les deux pays sont restés en bons termes, et cette amitié persiste encore aujourd'hui entre la Corée du Nord et la Fédération de Russie.

Après le démembrement de l'ex-URSS en 1991, les autorités russes sont devenues dépositaires d'un accord concernant un certain nombre de coupes forestières exploitées par la Corée du Nord dans la région de l'Extrême-Orient russe. Bien que des pressions aient été exercées, aussi bien au niveau national qu'international, pour obtenir la fermeture de ces exploitations en raison des graves violations qui y étaient perpétrées, l'accord a été renouvelé le 24 février 1995. Les nouvelles dispositions prévoient que les autorités nord-coréennes doivent appliquer la législation russe en matière de traitement des travailleurs. Les changements observés ces dernières années sur les chantiers forestiers, de même que les préoccupations d'Amnesty International à ce sujet, sont décrits au chapitre 1 du présent document.

Un certain nombre de travailleurs nord-coréens ont fui les exploitations forestières (ou autres chantiers nord-coréens en Russie), et ont préféré demander asile à un pays tiers plutôt que de rentrer chez eux. Les droits fondamentaux de ces Nord-Coréens ont été bafoués non seulement par leur propre gouvernement, mais aussi par les autorités russes, qui ont notamment procédé à des renvois forcés alors que les personnes ainsi rapatriées risquaient d'être emprisonnées ou même condamnées à mort en Corée du Nord. Amnesty International a connaissance de deux cas précis de Nord-Coréens qui auraient été exécutés après avoir été expulsés par les autorités russes. Il est toutefois quasiment impossible de savoir ce que deviennent les Nord-Coréens rapatriés contre leur gré, du fait que leurs dirigeants contrôlent très strictement la circulation de l'information et que la situation des droits de l'homme dans le pays peut donc difficilement être surveillée par la communauté internationale. Ces différentes questions sont développées au chapitre [1]

Il est montré dans ce même chapitre que le pouvoir central de la Fédération de Russie ne respecte pas ses obligations au regard de la législation internationale relative aux réfugiés. En Russie, la plupart du personnel administratif n'a pas changé depuis les années 80, et l'on est donc confronté à des responsables locaux qui refusent de suivre les nouvelles directives des autorités fédérales, choisissant au contraire de continuer à appliquer celles qui étaient en vigueur dans l'ex-URSS ; souvent, il s'agit de fonctionnaires russes chargés de l'application des lois.

Le présent document révèle également que la Corée du Nord n'épargne pas ses efforts pour dissuader ses ressortissants de "passer à l'étranger". Ceux-ci sont menacés (ou du moins se sentent menacés) de représailles contre leur famille en cas de fuite à l'étranger. Les réfugiés sont poursuivis sur le territoire russe et ceux qui les aident sont harcelés par le Service de la sécurité publique (SSP) nord-coréen. Ces pratiques semblent s'inscrire dans la politique déjà décrite par Amnesty International dans le document intitulé République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord). Violations des droits de l'homme à huis clos (index AI : ASA 24/12/95, décembre 1995) ; dans ce rapport, l'Organisation montrait comment les autorités nord-coréennes s'efforcent de monopoliser l'information pour empêcher la communauté internationale de surveiller la situation des droits fondamentaux dans le pays.

Amnesty International formule dans le présent document un certain nombre de recommandations à l'intention des gouvernements russe et nord-coréen, ainsi que de la communauté internationale. Les informations sur lesquelles se fonde ce rapport ont été recueillies par les délégués de l'Organisation auprès de sources indépendantes, notamment à l'occasion de plusieurs visites effectuées dans diverses régions de la Fédération de Russie.

1. Préoccupations d'Amnesty International concernant les migrants nord-coréens en Russie

1.1 Une longue tradition de chantiers de construction et d'exploitations forestières et minières

À la connaissance d'Amnesty International, l'émigration de travailleurs nord-coréens vers l'ex-URSS remonte à 1967, lorsqu'un certain nombre d'exploitations forestières ont débuté dans l'Extrême-Orient russe. Ces migrants sont sélectionnés par les autorités nord-coréennes et partent en général pour une période de trois ans. Ils travaillent principalement sur les chantiers forestiers, mais également sur des chantiers de construction ou dans des mines.

Les exploitations forestières de Khabarovsk et de l'Amour, deux régions de l'Extrême-Orient russe, ont commencé en 1967 en vertu d'un accord conclu entre Leonid Brejnev, alors premier secrétaire du Parti communiste soviétique, et Kim Il-sung, alors président de la Corée du Nord. Aux termes de cet accord, les Soviétiques mettaient leurs ressources naturelles à la disposition des Nord-Coréens, qui se chargeaient en échange de fournir la main d'œuvre et de gérer les exploitations. Les bénéfices – qui atteindraient aujourd'hui plusieurs millions de dollars – étaient partagés entre les deux pays. Il semble qu'au départ, quelque 20 000 Nord-Coréens travaillaient sur les chantiers forestiers, mais à l'heure actuelle, ils ne seraient plus qu'entre 2 500 et 6 000. Des Nord-Coréens (environ 3 000, selon un réfugié) sont également employés dans des mines près de Novosibirsk, en Sibérie, et Amnesty International a été informée que d'autres encore travaillaient sur des chantiers de construction dans diverses villes de Rusie, notamment à Khabarovsk, dans l'Extrême-Orient, et à Tver, près de Moscou ; on ignore cependant leur nombre exact.

Bien que les conditions de vie dans les exploitations forestières ou autres chantiers en Russie soient très pénibles, il existe apparemment une concurrence féroce entre les Nord-Coréens pour aller travailler là-bas. Les salaires passent pour être beaucoup plus élevés en Russie qu'en Corée du Nord. Par exemple, des réfugiés ont expliqué qu'en trois ans, un ouvrier forestier pouvait économiser suffisamment d'argent pour acheter un réfrigérateur ou un téléviseur, alors que la plupart des Nord-Coréens ne pourraient même pas y parvenir au terme de toute une vie de labeur. Durant leur séjour en Russie, les migrants disposent d'un visa qui n'est valable que pour leur lieu de travail et de résidence. Pour tout déplacement personnel ou professionnel, ils doivent demander une autorisation spéciale aux autorités russes locales. Cette obligation est prévue par l'article 14-5 du nouvel accord de février 1995, et il est probable qu'une disposition similaire figurait déjà dans l'accord précédent.

Les procédures officielles d'embauche pour travailler en Russie sont réputées très sévères. Seules les personnes au passé familial « sans tache » et qui jouissent de la confiance des autorités nord-coréennes peuvent y être envoyées. Les candidatures doivent être approuvées par plusieurs responsables. Il semble toutefois que la plupart des candidats obtiennent l'autorisation de partir en soudoyant les fonctionnaires appropriés. Des Nord-Coréens ont en effet déclaré à Amnesty International qu'ils avaient fait des cadeaux, tels que des montres, de l'alcool ou de l'argent, à ceux qui devaient statuer sur leur candidature. L'un d'eux avait même promis à un fonctionnaire de lui rapporter un réfrigérateur.

Ce sont les autorités nord-coréennes qui sont chargées de nourrir les travailleurs des exploitations forestières. Or, d'après nombre d'anciens ouvriers forestiers, la nourriture est déplorable. L'un d'eux a raconté qu'un jour où une délégation parlementaire russe était venue inspecter leur chantier, les étagères avaient été subitement remplies de boîtes de conserves qu'il n'avait jamais vues auparavant. Selon d'autres sources, les travailleurs nord-coréens en Russie auraient habituellement un aspect maladif et déguenillé ; beaucoup n'auraient pas accès à des installations sanitaires.

Des Nord-Coréens employés en Russie ont déclaré à Amnesty International qu'ils étaient soumis à des séances de "rééducation", une à trois fois par semaine, sur leur lieu de travail. Ces séances seraient plus ou moins équivalentes à celles qui sont dispensées en Corée du Nord, et sont destinées, semble-t-il, à apprendre aux gens « à vivre en famille dans une société socialiste ». Selon un réfugié, l'un des objectifs est de « reconnaître sa propre faiblesse et de signaler celle des autres ». Les participants sont invités à critiquer tout particulièrement « le mauvais travail, les attitudes mauvaises et les mauvaises pensées ».

Les Nord-Coréens risquent aussi d'être soumis à un programme de "rééducation" ou à d'autres mesures lorsqu'ils reviennent de l'étranger. Par exemple, un ancien bûcheron qui avait travaillé pendant sept ans en Russie a déclaré que les deux fois où il était rentré en Corée du Nord pour y passer ses vacances, il avait été confiné dans un périmètre de quatre kilomètres autour de sa maison et qu'il ne pouvait en sortir sans autorisation spéciale. Un autre Nord-Coréen parti faire des études à l'étranger a expliqué que chaque fois qu'il revenait passer l'été chez lui, il était contraint de subir une "rééducation" durant environ un mois. Au cours de ces séances, les étudiants devaient regarder tous les films de propagande qu'ils avaient manqués pendant l'année ; la "rééducation" comprenait aussi des excursions à la campagne et des visites d'usines, ainsi que des entretiens en tête à tête avec de hauts fonctionnaires, visant apparemment à dépister chez les étudiants toute divergence avec le "kimilsunguisme". Ce témoin a affirmé que tous les Nord-Coréens qui étudiaient comme lui à l'étranger se retrouvaient à ces séances.

Un autre réfugié qui travaillait comme ouvrier forestier a affirmé qu'une fois rentrés chez eux, les migrants nord-coréens ne peuvent pas raconter à leurs amis ou à leurs voisins ce qu'ils ont vu en Russie et racontent à tout le monde qu'ils n'ont vu que des forêts et qu'ils devaient travailler si dur qu'ils n'avaient jamais le temps d'approcher la population russe.

1.2 Violations des droits de l'homme sur les chantiers

Les exploitations forestières nord-coréennes en Russie ont beaucoup fait parler d'elles au début des années 90, lorsque des journalistes russes ont révélé que l'un de ces chantiers comportait une prison et que tout bûcheron qui cherchait à s'enfuir était activement pourchassé par les agents du SSP et par leurs collègues soviétiques (cette collaboration des autorités nord-coréennes et russes pour arrêter les Nord-Coréens "en fuite" est plus amplement décrite au chapitre 2).

Selon ces journalistes, une exploitation forestière située dans la ville de Tchegdomyn était équipée d'une prison gérée par les autorités nord-coréennes. Les articles citaient les propos d'un réfugié nord-coréen, qui expliquait que les ouvriers du chantier pouvaient se retrouver sous les verrous pour divers motifs. Ceux qui étaient surpris en train de « faire des affaires » (c'est-à-dire du commerce) étaient généralement détenus pour quelques jours seulement, mais ceux qui étaient accusés d'être des « fauteurs de troubles » étaient apparemment incarcérés pour des périodes plus longues et soumis à des brutalités. Ce réfugié affirmait également qu'une petite pièce, dans le recoin le plus éloigné de la prison, servait aux prisonniers condamnés à mort. Il semble que tous les gardiens travaillaient pour le compte du SSP.

À la suite de ces révélations, une délégation conduite par Sergueï Kovalev, médiateur parlementaire chargé des droits de l'homme de la Fédération de Russie, a visité l'exploitation forestière mise en cause. Un ancien employé de ce chantier a déclaré à Amnesty International que les députés y avaient bel et bien découvert une prison et qu'après leur départ, celle-ci avait cessé d'être utilisée : les travailleurs accusés d'infractions étaient désormais envoyés dans les prisons d'autres chantiers ou reconduits en Corée du Nord.

D'après d'anciens bûcherons, toutes les exploitations étaient équipées d'une prison. Certains éléments démontrent qu'il existait au moins une autre prison en plus de celle du chantier de Tchegdomyn ; elle serait située dans le village d'Elkhilkan, à environ 400 kilomètres de la première.

Certains informateurs ont expliqué à Amnesty International qu'il y avait en fait deux sortes de prison : l'une pour les délinquants de droit commun, et l'autre pour les prisonniers politiques. Parmi les délits politiques figure le fait de critiquer le système nord-coréen, mais aussi celui de se disputer avec un supérieur, d'être en possession d'armes, etc. Plusieurs réfugiés ont déclaré avoir été incarcérés à maintes reprises dans une prison pour délinquants de droit commun. Aucun d'entre eux n'avait toutefois été maltraité. Selon un réfugié également, ceux qui étaient accusés de délits politiques étaient incarcérés durant deux semaines dans la prison réservée à cet effet, avant d'être renvoyés en Corée du Nord où les attendaient d'autres sanctions.

Amnesty International a reçu de nombreuses informations dénonçant les mauvais traitements infligés dans les exploitations forestières et d'autres chantiers. Différentes formes de sévices étaient décrites. Par exemple, d'anciens bûcherons ont raconté que les délinquants étaient contraints de s'asseoir avec des rondins placés entre leurs genoux, ce qui est extrêmement douloureux. D'autres ont eu les jambes plâtrées ou enfermées dans une armature métallique (cf. chapitre 2.3.3).

Plusieurs sources ont également affirmé à Amnesty International que des travailleurs accusés d'infractions avaient été exécutés par les autorités nord-coréennes sur le chantier même ; l'Organisation n'a toutefois pas été en mesure de vérifier ces allégations.

La situation des droits de l'homme dans les autres centres de travail tels que les mines et les chantiers de construction est très peu connue (cf. chapitre 1.1). Amnesty International n'a pas eu connaissance de l'existence de prisons à ces endroits. Selon un réfugié qui a travaillé dans les mines près de Novosibirsk, « ceux qui sont accusés d'avoir commis une infraction sont renvoyés en Corée du Nord ». Il a lui aussi dénoncé l'usage de jambières métalliques destinées à immobiliser les prisonniers.

Nouvelles mesures, nouvelles préoccupations

Jusqu'au début des années 90, on ne savait pratiquement rien du sort des travailleurs nord-coréens employés sur les chantiers forestiers de l'Extrême-Orient russe. Cette ignorance était due en partie à l'éloignement des exploitations, mais aussi au fait que les autorités soviétiques accordaient quasiment les pleins pouvoirs aux Nord-Coréens. Il semble que les responsables soviétiques devaient même demander la permission pour visiter les chantiers. Les autorités nord-coréennes jouissaient donc d'une liberté quasi totale pour traiter les travailleurs à leur guise et en toute impunité. Les importants changements opérés dans le cadre de la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, en particulier la politique d'ouverture et la liberté de la presse, ont permis aux journalistes de dénoncer publiquement les violations perpétrés à l'encontre des bûcherons nord-coréens, le gouvernement de la Corée du Nord ne faisant toujours rien pour améliorer le traitement de ces travailleurs.

Toutefois, après que la presse eut attiré l'attention publique sur les atteintes aux droits de l'homme commises dans les exploitations forestières, les autorités nord-coréennes, de plus en plus sensibles aux critiques internationales, semblent avoir modifié quelque peu le traitement réservé aux ouvriers forestiers. Jusqu'aux années 80, l'emplacement éloigné des chantiers permettait de dissimuler ce qui s'y passait, mais aujourd'hui, les violations qui y sont perpétrées ont de moins en moins de chances d'échapper à la vigilance de la communauté nationale et internationale. Les autorités nord-coréennes ont manifestement tenu compte de ce nouveau facteur et se montrent désormais plus prudentes dans la façon dont elles traitent les travailleurs. Notamment, elles auraient supprimé au moins certaines des prisons.

Les révélations de la presse au sujet des violations endurées par les ouvriers forestiers ont également eu pour effet d'attirer de vives critiques, non seulement à la Corée du Nord, mais aussi à la Russie. Les pressions exercées par des militants russes des droits de l'homme ont contraint le gouvernement russe à réexaminer le renouvellement de l'accord sur les exploitations forestières, après l'expiration de celui-ci en décembre 1993, et à y ajouter un certain nombre de dispositions destinées à protéger les droits fondamentaux. Ainsi qu'il a été dit plus haut, un nouvel accord a finalement été conclu en février 1995, après de longues discussions car la Corée du Nord s'était d'abord opposée à l'introduction de garanties protégeant les droits fondamentaux des travailleurs.

Plusieurs réfugiés nord-coréens ont déclaré à Amnesty International qu'au lieu de punir sur place les travailleurs accusés de délits politiques, les autorités nord-coréennes les renvoyaient maintenant en Corée du Nord afin qu'ils soient châtiés là-bas. L'Organisation est préoccupée par cette nouvelle mesure, car même si les prisonniers politiques sont probablement mieux traités qu'avant sur les chantiers, ils ne continuent pas moins d'encourir un châtiment, dans des conditions désormais impossibles à contrôler par les observateurs internationaux des droits de l'homme. Amnesty International craint que cette nouvelle procédure ne soit encore un autre exemple des efforts déployés par le gouvernement nord-coréen pour empêcher la communauté internationale de surveiller la situation des droits fondamentaux dans le pays, une attitude qu'elle a déjà dénoncée dans un document antérieur (cf. index AI : ASA 24/12/95, op. cit.).

2. Les réfugiés

2.1 Le contexte

Situation générale des réfugiés en Russie

Les violations des droits fondamentaux dont sont victimes les réfugiés nord-coréens en Russie s'inscrivent dans un cadre plus large, à savoir la situation générale à laquelle sont confrontés tous les réfugiés de ce pays. Il est donc nécessaire, avant d'examiner leur cas, de décrire d'abord brièvement la situation globale des réfugiés dans la Fédération de Russie.

Après les bouleversements qui ont marqué la fin des années 80, la Russie a adhéré à un certain nombre d'instruments internationaux de défense des droits de l'homme et notamment, en février 1993, à la Convention des Nations unies de 1951 relative au statut des réfugiés. Un mois plus tard, en mars 1993, la Douma (Chambre basse du Parlement) a adopté une loi très détaillée sur les réfugiés et a autorisé le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à ouvrir un bureau à Moscou. Un Office fédéral d'immigration a été créé pour faire appliquer la législation sur les réfugiés.

Toutefois, malgré ce début prometteur, la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile en Russie ne s'est pas beaucoup améliorée. Un certain laps de temps s'est écoulé entre l'adoption de la loi sur les réfugiés et la mise en place de bureaux opérationnels de l'Office fédéral d'immigration, et ceux qui ont été ouverts hésitaient à entreprendre des procédures de détermination du statut de réfugié. Les demandeurs d'asile en Russie affirment qu'ils ont énormément de mal à introduire une requête.

À la connaissance d'Amnesty International, jusqu'à une date récente, les autorités russes n'accordaient le statut de réfugié qu'aux demandeurs d'asile originaires de l'ex-URSS (plusieurs familles afghanes l'auraient toutefois obtenu en mars 1996) ; de même, elles octroient parfois l'asile aux réfugiés en provenance des « pays proches », c'est-à-dire ceux de l'ex-Union soviétique.

Les membres de la Douma ont examiné récemment une nouvelle loi sur les réfugiés. Ce texte, qui prévoit de restreindre considérablement le droit d'asile et de réduire à un minimum l'aide matérielle accordée aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, n'est probablement pas conforme aux normes internationales de protection des réfugiés. Il n'a toutefois pas encore été voté.

Les demandeurs d'asile, comme d'ailleurs les étrangers en général et même les citoyens russes d'origine étrangère (en particulier asiatique ou moyen-orientale), sont souvent victimes de discrimination et de brutalités policières. Amnesty International écrit régulièrement aux autorités russes pour leur faire part de sa préoccupation à ce sujet. L'organisation Human Rights Watch a quant à elle publié en septembre 1995 un document qui dénonçait aussi des cas de violences à caractère raciste perpétrées par la police de Moscou [2]

Les réfugiés nord-coréens en Russie

Dans ce document, Amnesty International désigne sous le terme de réfugié tout Nord-Coréen qui ne veut pas rentrer chez lui. Le HCR considère lui aussi comme des réfugiés tous les demandeurs d'asile nord-coréens (cf. chapitre 2.3.1 pour de plus amples précisions). Les réfugiés nord-coréens en Russie peuvent être classés en deux catégories : d'une part, ceux qui ont été choisis par leur gouvernement pour être envoyés en Russie et qui, après avoir travaillé un certain temps là-bas, ont abandonné leur emploi dans l'intention de ne pas rentrer en Corée du Nord, et d'autre part, les Nord-Coréens qui sont entrés clandestinement en Russie, directement de Corée du Nord ou via la Chine, et qui sont bien souvent dépourvus de papiers en règle.

Amnesty International n'a pas pu déterminer exactement combien de réfugiés nord-coréens se trouvaient en Russie ; les estimations quant à leur nombre varie d'ailleurs énormément d'une source à l'autre. Par exemple, d'après certains informateurs de l'Organisation, les noms de 70 Nord-Coréens ayant disparu des chantiers forestiers de l'Extrême-Orient russe seraient enregistrés sur le système informatique de la police de Khabarovsk. D'autres éléments donnent toutefois à penser que les travailleurs manquants sont en réalité considérablement plus nombreux. En effet, ainsi que nous l'avons vu plus haut, lorsque le premier accord sur les exploitations forestières est arrivé à échéance, les gouvernements russe et nord-coréen ont passé plus d'un an à définir les termes du renouvellement (cf. chapitre 1). Or, durant toute cette période, les chantiers étaient paralysés et il semble que les autorités nord-coréennes ne se souciaient pas de payer ou de nourrir les travailleurs. Une partie de la main d'œuvre a été renvoyée n Corée du Nord, mais on estime qu'environ 2 500 ouvriers forestiers sont restés en Russie. Comme ils devaient subvenir eux-mêmes à leurs besoins, bon nombre d'entre eux ont quitté les chantiers pour aller chercher du travail dans les grandes agglomérations de la région. Il est très peu probable que les autorités nord-coréennes aient signalé ces défections à la police russe. On ignore en outre combien de ces travailleurs ont décidé de ne pas rentrer en Corée du Nord. De même, Amnesty International ne dispose d'aucune information sur le nombre de Nord-Coréens qui sont partis d'autres centres de travail, notamment des mines près de Novosibirsk et d'un chantier de construction à Tver.

Dès que la Corée du Nord a commencé à envoyer de la main d'œuvre en Union soviétique, certains de ces travailleurs ont abandonné leur emploi parce qu'ils ne voulaient pas rentrer chez eux. Le présent document se centre plus particulièrement sur le cas des exploitations forestières dans l'Extrême-Orient russe, plutôt que sur les autres chantiers qui emploient aussi des Nord-Coréens, pour la simple raison que les informations disponibles à leur sujet sont plus nombreuses. Il n'y a toutefois pas lieu de penser que le phénomène des "défections" soit très différent dans les autres centres de travail. Au début, il était extrêmement difficile de s'échapper d'un chantier forestier. Le service nord-coréen de la sécurité publique surveillait très strictement les sorties, et tout travailleur qui parvenait quand même à s'enfuir était arrêté par la police soviétique qui le ramenait aussitôt au chantier. Cette collaboration était le résultat d'un « protocole secret » inclus dans l'accord sur les exploitations forestières, n vertu duquel le SSP pouvait faire appel à son homologue soviétique et intervenir sur le territoire de l'ex-URSS. Elle a officiellement pris fin en 1993, lorsque le « protocole secret » a été déclaré illégal par Sergueï Kovalev, alors médiateur parlementaire chargé des droits de l'homme, mais en réalité, les agents du SSP opèrent toujours en Russie, et leurs collègues russes continuent de les aider dans certains cas (cf. chapitre 2.3.3).

Avec la politique d'ouverture entreprise par l'ex-URSS, les migrants nord-coréens ont été de plus en plus nombreux à quitter leur emploi dans l'intention de ne pas rentrer chez eux. Il semble que cette tendance ait été encouragée en partie par le fait que les autorités, tant russes que nord-coréennes, ont relâché la surveillance qu'elles exerçaient sur les travailleurs. Par exemple, nombre d'entre eux font actuellement du commerce dans l'Extrême-Orient russe. Grâce à cette nouvelle liberté de mouvement qui a coïncidé avec l'arrivée d'étrangers dans la région, les travailleurs nord-coréens ont pu établir davantage de contacts avec le reste du monde, et en particulier avec la République de Corée (Corée du Sud), qui semble avoir eu sur eux une influence déterminante. L'Extrême-Orient russe a en effet connu une véritable invasion sud-coréenne (produits, hommes d'affaires ou simples visiteurs) et les Nord-Coréens, qui avaient toujours entendu dire par leurs dirigeants que la Corée du Sud était un pays pauvre au réime tyrannique, ont compris en découvrant les produits d'un pays industrialisé et moderne que cette image qu'on leur avait donnée était fausse. Des réfugiés nord-coréens ont raconté à Amnesty International qu'ils écoutaient la radio sud-coréenne en Russie et qu'ils étaient très impressionnés par ce qu'ils entendaient.

Le plus souvent, ce sont des raisons d'ordre économique qui décident les migrants nord-coréens à ne pas revenir dans leur pays d'origine. Pour d'autres, cependant, les considérations politiques sont un facteur décisif. Amnesty International a notamment été informée d'au moins deux cas de réfugiés dont les proches auraient été victimes de violations des droits de l'homme en Corée du Nord et qui craignaient de subir le même sort en rentrant chez eux. Un autre migrant a expliqué qu'il s'était « enfui » parce que la structure politique de la Corée du Nord lui semblait vouée à l'échec.

La situation actuelle des réfugiés nord-coréens en Russie

Selon toute apparence, la plupart des réfugiés nord-coréens en Russie ignorent les droits qui sont les leurs en vertu du droit international. En particulier, ils ne savent pas qu'ils doivent être protégés en tant que réfugiés et ne réclament donc pas automatiquement cette protection. À Moscou, la présence d'organisations internationales et non gouvernementales de défense des droits de l'homme permet de pallier en partie ce problème. Plusieurs d'entre elles ont notamment aidé des réfugiés nord-coréens à être reconnus comme tels par le gouvernement russe ou à se réinstaller dans un autre pays. En outre, une association de réfugiés nord-coréens existe depuis 1995 dans la capitale russe (la traduction en français du manifeste de cette association figure à l'annexe).

Dans l'Extrême-Orient russe, en revanche, les réfugiés nord-coréens ne sont quasiment pas informés de leurs droits. Il n'existe que très peu de groupes de défense des droits fondamentaux dans la région, et aucun ne semble s'intéresser jusqu'à présent aux problèmes des réfugiés nord-coréens. De leur côté, bon nombre des dirigeants locaux ne cherchent pas non plus à les aider et se soucient avant tout de rester en bons termes avec les autorités nord-coréennes. En conséquence, les réfugiés nord-coréens sont très réticents à faire appel aux autorités russes, même lorsqu'ils connaissent l'existence de dispositions internationales visant à garantir leurs droits.

La situation des réfugiés qui travaillaient sur un chantier forestier est d'autant plus difficile qu'aux termes du nouvel accord sur les exploitations forestières signé le 24 février 1995, tout départ du lieu de travail sans autorisation préalable est considéré comme un délit. L'article 14-5 dispose que «... Ces cartes d'identité [...] ne sont valables que sur le lieu de travail et le lieu de résidence temporaire ». L'accord prévoit également que « les organes coréens compétents » sont tenus d'aider leurs homologues russes chargés de l'application des lois à s'assurer que les travailleurs nord-coréens en Russie respectent bien la législation et la réglementation relative aux étrangers. L'article 14-12 dispose en effet : « Les organes compétents de la partie coréenne offrent leur assistance aux organes compétents russes pour résoudre toute affaire concernant le respect de la législation sur le statut légal des étrangers et de la réglementation régissant la résidence des étrangers dans la Fédération de Russie. Or, selon l'interprétation qu'on lui donne, cette disposition peut fort bien signifier que les autorités nord-coréennes ont le droit de pourchasser et d'arrêter les Nord-Coréens qui ont quitté leur travail sans permission.

Les réfugiés interviewés par Amnesty International en Russie redoutaient généralement qu'en cas d'interpellation, les autorités russes ou le SSP ne les rapatrient de force en Corée du Nord. C'est pourquoi beaucoup d'entre eux vivent dans la clandestinité, durant de longues périodes allant parfois jusqu'à deux ans ou plus. Souvent, ces réfugiés n'ont pas l'intention de rester en Russie, parce qu'ils pensent que les autorités russes ne vont pas leur accorder l'asile et qu'en tant qu'étrangers illégaux, ils ne pourront donc pas vivre normalement en Russie. Pour bon nombre des réfugiés nord-coréens, la seule façon de reprendre une vie normale consiste à quitter la Russie pour gagner la Corée du Sud.

La Corée du Sud et les réfugiés nord-coréens

Depuis longtemps, la Corée du Sud a pour politique d'accueillir les réfugiés nord-coréens. Toutefois, à mesure que leur nombre augmentait, les procédures d'acceptation sont devenues plus longues et les avantages offerts aux nouveaux réfugiés ont été réduits. Récemment, plusieurs décisions de justice ont décrété qu'en vertu de la Constitution de la Corée du Sud, tout Nord-Coréen était aussi un Sud-Coréen. On ne sait pas encore dans quelle mesure ces décisions vont influer sur les procédures de demande d'asile. Quoi qu'il en soit, les réfugiés nord-coréens qui ont été acceptés en Corée du Sud semblent avoir énormément de mal à s'adapter à la société locale.

À l'inverse, un certain nombre de réfugiés ont déclaré à Amnesty International qu'ils préféraient ne pas aller en Corée du Sud parce qu'ils craignaient que cela ne cause du tort à leurs proches restés en Corée du Nord. Ils pensaient qu'en restant en Russie, les conséquences pour leur famille seraient moindres. Certains réfugiés auraient choisi pour cette raison de demeurer clandestins en Russie plutôt que de demander asile en Corée du Sud.

Un autre problème des réfugiés est celui des papiers d'identité. En général, les Nord-Coréens qui partent travailler en Russie se voient retirer leur passeport à la frontière par les autorités de leur pays. Des responsables du Service russe des passeports et des visas ont assuré à Amnesty International que leurs bureaux délivraient une carte d'identité à tous les travailleurs nord-coréens, mais certains réfugiés affirment ne l'avoir jamais reçue.

Tous les réfugiés nord-coréens interrogés par Amnesty International ont déclaré qu'ils avaient détruit leur carte d'identité avant de quitter leur lieu de travail, parce qu'ils pensaient que la police russe les reconduirait immédiatement au chantier si elle les trouvait. Beaucoup préfèrent manifestement changer d'identité dans l'espoir de protéger ainsi leur famille en Corée du Nord, et utilisent donc des noms d'emprunt. Cette absence de papiers d'identité n'est pas sans causer des problèmes. Par exemple, les autorités russes ont refusé de reconnaître le mariage d'une Russe, Tatiana Dokoutchaeva, avec un réfugié nord-coréen, Choi Gyong-ho, parce que ce dernier n'avait pas de papiers (cf. chapitre 2.3.2). Le Service des passeports et des visas de Khabarovsk est même allé jusqu'à dire à Amnesty International que toute personne qui se déclare nord-coréenne sans être en mesure de présenter la carte censée lui avoir été délivrée par ce service n'est en fait pas un citoyen de Corée du Nord mais probablement un Coéen de nationalité russe qui utilise ce subterfuge pour tenter d'aller en Corée du Sud.

Amnesty International a appris que certains réfugiés nord-coréens avaient commis des actes de désespoir pour éviter d'être renvoyés en Corée du Nord. En 1988 par exemple, l'un d'eux, Kim Sun-ho, se serait suicidé pendant son rapatriement ; il se serait jeté sous un train à Belogorsk, une ville de l'Extrême-Orient russe. Un autre réfugié interpellé par le SSP aurait tenté de se donner la mort en s'ouvrant le ventre.

L'Organisation a également été informée de plusieurs cas de réfugiés nord-coréens qui avaient délibéremment commis une infraction afin d'être condamnés sur place à une peine d'emprisonnement, car les prisons soviétiques (et russes, par la suite) étaient à leurs yeux le seul endroit où ils échapperaient au SSP. Il semble que ces Nord-Coréens commettent une nouvelle infraction dès qu'ils arrivent au bout de leur peine, parce qu'ils craignent qu'une fois libérés, les autorités russes ne les renvoient en Corée du Nord. Selon un informateur, certains seraient même allés jusqu'au meurtre. Amnesty International pense que des Nord-Coréens ont effectivement purgé, ou sont encore en train de purger, une peine dans un établissement de rééducation pour étrangers situé à Mordovia. L'un d'eux a été rapatrié de force par les autorités russes, en 1995, au mépris de la législation internationale relative aux réfugiés (cf. le document publié par l'Organisation sous le titre Fédération de Russie/République populaire démocratiqu de Corée (RPDC). Refoulement de Lee Yen Sen en RPDC et craintes pour sa sécurité, index AI : EUR 46/06/96).

2.2 La politique des autorités russes et nord-coréennes à l'égard des réfugiés nord-coréens

La position des autorités russes

La politique adoptée par le pouvoir central de la Fédération de Russie consiste à tolérer les réfugiés nord-coréens sur son territoire, mais sans leur accorder le statut de réfugié ni leur délivrer de permis de résidence. Ces réfugiés sont en fait encouragés à quitter le pays pour aller se réinstaller ailleurs. Cette "politique de tolérance" va à l'encontre de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, en vertu de laquelle le gouvernement russe est en effet tenu de recenser et de protéger les demandeurs d'asile en quête de protection. En outre, les autorités russes ne veillent pas comme elles le devraient au respect des droits des réfugiés nord-coréens (cf. chapitre 2.3.2 pour de plus amples détails).

En vertu de cette "politique de tolérance", les réfugiés nord-coréens devraient se trouver relativement en sécurité en Russie (notamment, ils ne devraient pas courir un trop grand risque d'être d'expulsés), mais ce n'est pas toujours le cas. En effet, les autorités fédérales ne suivent pas toujours cette politique, comme le montre le cas de Lee Yen-sen. En septembre 1995, ce réfugié nord-coréen a été rapatrié dans son pays d'origine sans que sa demande d'asile n'ait été examinée ; or, cette mesure d'expulsion a été approuvée par le Procureur général de la Fédération de Russie.

Un autre problème grave est que le pouvoir central ne semble pas contrôler totalement les pratiques des autorités locales vis-à-vis des réfugiés. Ces dernières appliquent souvent leur propre politique ou refusent même de reconnaître l'existence du problème des réfugiés nord-coréens. Cet état de fait a été clairement observé par une délégation d'Amnesty International qui a tenté d'évoquer la question des Nord-Coréens avec les autorités de Khabarovsk, pendant l'été 1995. Les fonctionnaires en question ne manifestaient pour ainsi dire aucune volonté d'aider ces réfugiés et allaient même souvent jusqu'à nier que leur situation fût problématique. Les représentants du ministère de l'Intérieur à Khabarovsk ont refusé de rencontrer les délégués d'Amnesty International, affirmant que les activités de l'Organisation ne faisaient que « nuire à la Russie ». Pour sa part, l'Office d'immigration de cette même ville a affirmé n'avoir jamais vu le moindre réfugié nord-coréen ; il a renvoyé les délégués d'Amnesty Internationa auprès des représentants des Affaires étrangères, qui ont déclaré que les Nord-Coréens ne relevaient pas de leur compétence. Par ailleurs, un article publié à la mi-1995 dans le journal local, Tikhookeanskaya zvezda, critiquait vivement les personnes qui venaient en aide aux réfugiés nord-coréens.

Il convient toutefois de signaler qu'il existe quelques exceptions. Certains hauts fonctionnaires en poste dans l'Extrême-Orient russe ont réellement tenté de résoudre le problème des réfugiés nord-coréens dans la région. Leurs efforts se limitent cependant aux mesures appliquées par les autorités fédérales et ne vont pas jusqu'à accorder le statut de réfugié aux Nord-Coréens.

La position des autorités nord-coréennes

La Corée du Nord n'autorise pas ses ressortissants à quitter le pays pour se réinstaller ailleurs. Cette interdiction est clairement énoncée dans l'article 47 du Code pénal nord-coréen de 1987, qui qualifie d'infraction pénale la « fuite à l'étranger ». Récemment, un amendement à l'article 47 a réduit la peine prévue pour cet acte, mais sans pour autant, semble-t-il, le dépénaliser (cf. chapitre 2.3.1).

Un Nord-Coréen parti travailler sur un chantier forestier dans l'ex-URSS à la fin des années 80 a affirmé qu'avant son départ, les autorités nord-coréennes lui avaient fait signer une « déclaration de loyauté ». Elles l'auraient averti en ces termes : « Si tu manques à la promesse que tu as signée, non seulement tu seras puni, mais tous les tiens restés au pays le seront aussi ». D'autres réfugiés ont déclaré qu'on leur avait demandé de donner par écrit les raisons pour lesquelles ils souhaitaient aller en Russie. Ils étaient censés dire que leur intention était de satisfaire la volonté du président Kim Il-sung et de travailler pour le bien de la patrie.

Les autorités nord-coréennes se servent également de leurs relations diplomatiques pour tenter d'empêcher les "fuites à l'étranger", en faisant intervenir les autorités russes ou les organisations internationales. Dans nombre de cas, par exemple, elles ont averti leurs homologues russes que tel ou tel Nord-Coréen ayant demandé asile à la Russie ou ailleurs était fiché comme délinquant en Corée du Nord. Or, le traité d'extradition signé par les deux États en 1957 dispose que toute personne "ayant tenté de fuir à l'étranger" et ayant un casier judiciaire doit être rapatriée dans son pays d'origine. Le cas de Kim Myung-se illustre cette façon de faire. Cet homme, qui étudiait en Russie depuis plusieurs années, a été accusé par les autorités nord-coréennes d'escroquerie, d'avoir volé de l'or dans les locaux de l'ambassade, et de meurtre. Ces accusations n'ont toutefois été mentionnées que lorsqu'il est devenu évident que l'étudiant, qui avait disparu de son logement, n'avait pas l'intention de rentrer en Corée duNord. Kim Myung-se a obtenu l'asile en Russie en 1992.

De même, après que la presse eut parlé d'un certain nombre de Nord-Coréens qui avaient quitté la Russie pour la Corée du Sud, les autorités nord-coréennes ont contacté les services du HCR à Moscou et à Genève pour leur faire savoir que ces réfugiés étaient des délinquants qui avaient volé de l'argent et d'autres biens, et qu'ils devraient être traduits en justice en Corée du Nord.

2.3 Violations à l'encontre des réfugiés nord-coréens

2.3.1 La position d'Amnesty International sur les réfugiés nord-coréens

L'article 33-1 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, à laquelle la Russie est partie, dispose :

« Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.»

Or, les Nord-Coréens qui ont décidé de ne pas rentrer chez eux sont manifestement exposés à une sanction s'ils sont renvoyés de force en Corée du Nord. L'article 47 du Code pénal nord-coréen, dans sa version de 1987, prévoit en effet que :

« Tout citoyen de la République qui trahit le pays et le peuple en s'enfuyant dans un pays étranger ou en passant à l'ennemi [...] sera interné dans une institution de redressement pour une durée qui ne sera pas inférieure à sept années. Dans le cas où il aurait commis une infraction d'une extrême gravité, il sera puni de la peine de mort... »

En février 1996, le gouvernement nord-coréen a déclaré à Amnesty International que l'article 47 avait été amendé en 1995 et qu'à présent, le texte disposait que « tout citoyen qui se livre à des actes contre l'État comme fuir à l'étranger dans l'intention de renverser la République [c'est Amnesty International qui souligne] doit être puni ». Toutefois, bien qu'elle en ait fait la demande à maintes reprises, l'Organisation attend toujours d'être informée du texte exact du nouvel article 47 et en particulier des peines qu'il prévoit maintenant.

Amnesty International craint qu'en vertu de cet article (y compris, sans doute, de la version qui aurait été amendée), les Nord-Coréens rapatriés contre leur gré ne risquent d'être condamnés à des peines d'emprisonnement, voire à la peine de mort, pour la seule raison d'avoir choisi de ne pas rentrer chez eux. L'Organisation considère comme un prisonnier d'opinion toute personne détenue uniquement pour avoir manifesté le désir de quitter son pays d'origine ou de ne pas y revenir ; elle s'oppose en outre à la peine capitale dans tous les cas (pour plus d'informations sur le sort des Nord-Coréens rapatriés de force, cf. index AI : ASA 24/12/95).

Par ailleurs, Amnesty International est aussi extrêmement préoccupée par les informations selon lesquelles les autorités nord-coréennes exécuteraient sommairement des Nord-Coréens rapatriés de force dans leur pays (cf. chapitre 2.3.3).

L'Organisation s'oppose au renvoi forcé de tout demandeur d'asile dont les droits fondamentaux risquent d'être gravement bafoués dans son pays d'origine. À cet égard, elle rappelle aux autorités russes les obligations qui leur sont imposées par le principe fondamental du non-refoulement, tel qu'il est énoncé à l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Tous les demandeurs d'asile nord-coréens qui ne veulent pas rentrer chez eux sont considérés comme des réfugiés par le HCR.

2.3.2 Violations commises par les autorités russes
Violations motivées par des considérations ethniques

Amnesty International a été informée de nombreux cas de réfugiés nord-coréens qui avaient été victimes d'atteintes aux droits de l'homme motivées par des considérations ethniques. Ces actes s'inscrivaient dans une pratique plus générale de violations systématiques perpétrées à l'encontre des étrangers en Russie (cf. chapitre 2.1).

Par exemple, les réfugiés nord-coréens sont souvent interpellés dans les rues de Moscou par des responsables de l'application des lois qui demandent à vérifier leur identité. Ceux qui ne sont pas en mesure de présenter leurs papiers se voient généralement infliger une amende. Or, il convient de signaler à ce sujet que la police russe refuse habituellement d'accepter comme pièce d'identité les cartes fournies aux réfugiés par le HCR. Amnesty International a même eu connaissance de plusieurs cas où des policiers avaient déchiré des documents de ce genre. Lors des contrôles, les policiers ont coutume de fouiller les réfugiés nord-coréens et souvent, le montant de l'amende imposée correspond exactement à la somme d'argent qu'ils ont trouvée sur la victime. Un réfugié a raconté à l'Organisation qu'il avait été appréhendé cinq fois par la police et qu'il avait déboursé un total de quelque 200 dollars US en deux ans en règlement de ses amendes. Un autre a déclaré avoir été détenu à plusieurs reprises pour une courtedurée à la suite d'un contrôle d'identité.

Selon les informations dont dispose Amnesty International, plusieurs réfugiés nord-coréens auraient aussi été roués de coups par des policiers, pour n'avoir pas présenté exactement le type de pièce d'identité que ceux-ci voulaient voir, ou parce qu'ils n'avaient pas d'argent sur eux. Ce fut notamment le cas de "M. Kim"2, un réfugié qui aurait été frappé au visage et aux yeux à l'époque où il vivait à Moscou, à la mi-95.

Refus d'accorder le statut de réfugié

Les autorités russes refusent en général de considérer les demandeurs d'asile nord-coréens comme des réfugiés, ou de leur délivrer des permis de séjour. Ainsi qu'il a été dit plus haut (cf. chapitre 2.1), ce traitement est appliqué en Russie à l'ensemble des réfugiés qui ne sont pas originaires de l'ex-Union soviétique.

Un certain nombre de réfugiés nord-coréens ont sollicité l'asile en Russie, mais pour autant que l'on sache, les autorités russes n'ont accordé qu'une seule fois le statut de réfugié à un Nord-Coréen : c'était en 1992 et cette décision, qui a pris la forme d'un décret présidentiel, était le résultat de vives pressions exercées tant au niveau national qu'international. Deux autres Nord-Coréens se seraient vu accorder un permis de séjour dans l'Extrême-Orient russe. Dans les deux cas, toutefois, les intéressés avaient un conjoint russe qui a mobilisé la presse locale et fait intervenir des connaissances personnelles travaillant dans l'administration locale.

Dans tous les autres cas portés à la connaissance d'Amnesty International, les autorités russes ont refusé d'accorder le statut de réfugié ou un permis de séjour, ou bien l'ont accordé pour le supprimer ensuite sans raison manifeste. Toutes sortes d'excuses sont invoquées pour justifier ces refus.

Par exemple, en 1991, un Nord-Coréen a écrit au président Boris Eltsine pour solliciter l'asile en Russie. Apparemment, il s'est vu accorder un permis de séjour temporaire, et on lui a dit qu'il pourrait obtenir la nationalité russe au bout de deux ans. Néanmoins, lorsqu'il s'est adressé deux ans plus tard à la Commission sur la citoyenneté (organe présidentiel chargé des affaires d'asile et de nationalité), on lui a répondu qu'il ne pouvait pas être naturalisé russe parce qu'il « n'avait pas de propiska[3] ». Il a été invité à quitter la Russie au plus tôt. Ce réfugié a été accueilli par la Corée du Sud en 1995.

Dans bien d'autres cas, c'est l'absence de papiers d'identité qui a servi de prétexte aux autorités russes pour refuser l'asile à des Nord-Coréens. C'est ainsi que Choi Gyong-ho, un Nord-Coréen qui a épousé une Russe en 1993, n'a pas pu faire reconnaître son mariage parce qu'il n'avait pas de papiers. Toutes ses tentatives pour être autorisé à rester en Russie sont demeurées vaines. Lorsqu'il a écrit aux organes présidentiels, on l'a renvoyé auprès de l'administration locale ; et lorsqu'il s'est rendu dans les bureaux d'un service administratif local, il a été arrêté, puis livré quelques semaines plus tard aux autorités nord-coréennes.

Dans l'ensemble, les autorités russes ne se montrent pas du tout disposées à accorder l'asile aux réfugiés nord-coréens, ni d'ailleurs à aucun réfugié non originaire de l'ex-URSS. Elles ont même rapatrié de force plusieurs Nord-Coréens et de ce fait, les réfugiés sont extrêmement réticents à leur présenter une demande d'asile. L'Office d'immigration de Khabarovsk a affirmé à Amnesty International qu'aucun Nord-Coréen ne lui avait jamais soumis une demande d'asile et qu'en conséquence, il considérait comme inexistant le problème des réfugiés nord-coréens en Russie. L'Organisation juge inadmissible que les autorités russes, volontairement ou non, dissuadent en fait les demandeurs d'asile et les réfugiés potentiels de solliciter un statut auquel ils peuvent prétendre.

Expulsions

Dans le document intitulé République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord). Violations des droits de l'homme à huis clos, Amnesty International décrivait déjà les cas de plusieurs Nord-Coréens qui avaient été rapatriés contre leur gré par les autorités russes.

Parmi eux se trouvaient notamment Choi Gyong-ho (cf. plus haut), et Song Chang-keun, arrêté fin mars 1995 à Khabarovsk dans le cadre d'une enquête sur un meurtre. Lorsqu'il a été relâché faute de preuves, Song Chang-keun a été livré aux autorités nord-coréennes. À cette date, il avait déjà demandé asile à la Corée du Sud et attendait la réponse des autorités (cf. chapitre 2.3.3 pour plus de précisions).

Autre cas de refoulement récent, celui de Lee Yen-sen. Victime d'atteintes aux droits de l'homme dans son propre pays, ce Nord-Coréen avait sollicité à plusieurs reprises l'asile en Russie (sa dernière demande remontait à 1994). Les autorités russes l'ont expulsé vers la Corée du Nord sans même examiner convenablement sa requête, et sans attendre ni demander, semble-t-il, des garanties quant à sa sécurité (pour plus d'informations sur cette affaire, cf. index AI : EUR 46/06/96).

En décembre 1995, trois Nord-Coréens ont été arrêtés à l'aéroport de Vladivostok, et les autorités russes ont apparemment décidé de les refouler vers la Corée du Nord. Toutefois, après que le premier d'entre eux eut été abattu à la frontière même par des agents nord-coréens, elles ont préféré ne pas rapatrier les deux autres pour raisons humanitaires et les ont reconduits à la prison de Vladivostok (pour plus de détails, cf. chapitre 2.3.3). Amnesty International considère que la décision de renvoyer ces trois Nord-Coréens chez eux constituait une violation d'un des principes fondamentaux du droit coutumier international, selon lequel nul ne doit être refoulé vers un pays où sa vie ou sa liberté peut être menacée. C'est pourquoi elle appelle instamment les autorités russes à accorder l'asile aux deux Nord-Coréens restants ou, si ceux-ci le préfèrent, à leur permettre de demander asile à un autre pays de leur choix.

Amnesty International s'inquiète de ce que les Nord-Coréens cités plus haut, de même que d'autres de leurs compatriotes également renvoyés de force en Corée du Nord, risquent d'être incarcérés, voire condamnés à mort, en vertu du Code pénal nord-coréen, pour le seul motif d'avoir choisi de ne pas rentrer chez eux. Une telle incarcération ferait d'eux des prisonniers d'opinion. L'Organisation est également préoccupée à l'idée que certains Nord-Coréens rapatriés contre leur gré aient pu être exécutés de façon sommaire par les autorités de leur pays d'origine. Ainsi qu'elle l'a déjà évoqué au chapitre 2.3.1, Amnesty International estime que toutes ces expulsions de réfugiés nord-coréens constituent une violation manifeste de l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, à laquelle la Russie est partie.

2.3.3 Violations commises par les autorités nord-coréennes

Poursuite et harcèlement

Amnesty International est préoccupée par certaines informations selon lesquelles les migrants nord-coréens qui ont abandonné leur travail ou manifesté le désir de ne pas rentrer en Corée du Nord continueraient d'être pourchassés en territoire russe, et parfois même appréhendés, par des personnes vraisemblablement liées au Service de la sécurité publique (SSP) nord-coréen. Ceux qui aident les réfugiés seraient eux aussi harcelés par le SSP. Il semble que le SSP ait parfois embauché des personnes de façon ponctuelle pour effectuer certaines tâches déterminées. Dans bien des cas, ce sont des responsables russes de l'application des lois qui l'ont aidé à poursuivre les réfugiés.

Toujours d'après ces informations, un certain nombre de maisons abritant des réfugiés nord-coréens ont été placées sous surveillance continuelle. Les personnes qui aidaient les réfugiés à se cacher étaient soumises à une vigilance similaire. Un habitant de l'Extrême-Orient russe, "M. Ivanov", a ainsi raconté à Amnesty International qu'au début des années 90, pendant une longue période, il avait pu voir des agents nord-coréens sous ses fenêtres, à toute heure de la journée. Ces hommes étaient là même en hiver, sautillant sur place pour se réchauffer. Plusieurs autres personnes de cette même région ont déclaré à l'Organisation qu'elles avaient été suivies dans leurs déplacements en ville et même plus loin, parce que le SSP les soupçonnait d'aider des Nord-Coréens à se cacher.

Selon plusieurs sources en Extrême-Orient et à Moscou, le SSP effectuerait également des perquisitions chez les personnes qu'il soupçonne de cacher des réfugiés. Il semble que des responsables russes de l'application des lois assistent souvent à ces perquisitions. C'est ainsi que le 29 juin 1995, un policier nord-coréen accompagné de trois collègues russes s'est présenté à l'appartement que "M. Kwon" partageait à Moscou avec un compatriote, réfugié comme lui. Un réfugié nord-coréen a été appréhendé et emmené au commissariat, mais il a réussi à s'échapper pendant que le véhicule des policiers s'arrêtait près d'un marché, et il a pu gagner ensuite une autre cachette plus sûre.

De même, vers le milieu des années 90, un habitant de Khabarovsk soupçonné d'aider les réfugiés nord-coréens a été victime d'une perquisition sans mandat, au cours de laquelle les matelas auraient été éventrés et le contenu des placards, passé au crible. En Ukraine, à la fin des années 80, l'appartement d'un réfugié nord-coréen aurait été pillé pendant que son occupant se trouvait à l'hôpital pour avoir été roué de coups par des agents du SSP. Des informateurs ont également raconté à Amnesty International qu'à Moscou, après le départ d'un étudiant nord-coréen qui avait choisi d'entrer dans la clandestinité, les chambres de ses camarades avaient été fouillées de fond en comble.

Plusieurs personnes ont affirmé à l'Organisation que les agents du SSP versaient des pots-de-vin à leurs collègues russes pour s'assurer leur collaboration dans ces perquisitions.

Amnesty International a reçu en outre un certain nombre d'informations signalant que les membres du SSP n'hésitaient pas à intimider verbalement ou physiquement les réfugiés nord-coréens, de même que les personnes soupçonnées d'aider ceux-ci à se cacher. L'un de ces réfugiés a affirmé par exemple qu'il avait été roué de coups par des individus qui, à son avis, étaient liés au SSP. Un autre a déclaré qu'un agent du SSP l'avait menacé en lui disant « tu seras libre quand on t'aura tué ». Des menaces similaires ont été proférées à l'encontre de personnes qui s'occupaient des réfugiés.

Dans un cas, les agents du SSP se seraient servi d'un Nord-Coréen déjà arrêté pour tendre un piège à un de ses compatriotes qui se cachait ; ils l'auraient ainsi amené à leur ouvrir sa porte, puis auraient tenté de l'arrêter.

Les responsables du SSP surveilleraient aussi les endroits où les réfugiés nord-coréens sont susceptibles de se rendre. Ce serait notamment le cas de l'ambassade de Corée du Sud. Les itinéraires permettant de sortir clandestinement de Russie seraient également surveillés.

Amnesty International condamne vigoureusement le fait que les autorités nord-coréennes pourchassent et harcèlent les réfugiés nord-coréens. De telles pratiques constituent en effet une violation de l'article 12-2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Représailles apparemment exercées contre les proches des Nord-Coréens ayant fui à l'étranger

Amnesty International est profondément préoccupée par les informations selon lesquelles les autorités nord-coréennes prendraient des mesures de représailles à l'encontre des familles des "fugitifs". Pour certains réfugiés, il s'agit d'une menace tacite, mais plusieurs autres ont déclaré à l'Organisation qu'avant leur départ de Corée du Nord, on les avait ouvertement prévenus que de telles mesures pourraient être prises. Amnesty International a été informée de quelques cas où la famille d'un "fugitif" ou d'une personne accusée d'un délit politique avait été emmenée vers une destination inconnue. L'Organisation condamne vigoureusement toute mesure punitive infligée aux proches d'un "fugitif", et considère comme un prisonnier d'opinion toute personne qui serait incarcérée pour le seul motif d'avoir des liens avec un "fugitif" ou une personne accusée d'un délit politique.

Mauvais traitements à l'encontre des réfugiés détenus

Amnesty International a également reçu des plaintes dénonçant les brutalités infligées par les autorités nord-coréennes aux réfugiés qui ont été arrêtés. En 1989, par exemple, les autorités russes auraient sauvé "M. Park", un Nord-Coréen qui avait, semble-t-il, été si violemment battu après son arrestation par le personnel de sécurité nord-coréen qu'il en était « méconnaissable ». Les réfugiés interrogés par l'Organisation ont décrit diverses formes de mauvais traitements. Les ouvriers forestiers qui attendaient d'être reconduits en Corée du Nord parce qu'ils avaient commis une infraction étaient habituellement immobilisés au moyen d'un plâtre qui leur couvrait entièrement les jambes. "M. Choi", un réfugié qui résidait à Moscou lorsque les délégués d'Amnesty International l'ont interviewé, a décrit les armatures métalliques qui servaient aussi à immobiliser les "délinquants" en leur emprisonnant complètement les jambes. D'autres témoignages ont corroboré cette description. Un autre réfugié a raconté qu'un de es compatriotes qui avait réussi à s'évader plusieurs fois avait été immobilisé au moyen d'une corde rattachée à une aiguille qui lui traversait le nez. Amnesty International condamne ces traitements cruels, inhumains et dégradants.

Exécutions présumées de réfugiés nord-coréens rapatriés de force

Amnesty International a reçu de nombreuses informations signalant que les réfugiés nord-coréens appréhendés ou rapatriés de force étaient exécutés par les autorités de leur pays. Même si la plupart de ces allégations n'étaient pas étayées d'exemples précis dûment démontrés, elles présentent néanmoins une similitude avec un drame survenu récemment à la frontière russo-coréenne.

En juin 1996, le gouverneur du territoire administratif du Littoral (Primorsky Kray) aurait déclaré au cours d'une conférence de presse qu'un Nord-Coréen expulsé par les autorités russes avait été abattu à son arrivée en Corée du Nord, en présence de soldats russes affectés à la surveillance des frontières. Il a expliqué que cet homme avait été arrêté en décembre 1995, avec deux de ses compatriotes, à l'aéroport de Vladivostok. Tous trois étaient soupçonnés de chercher à s'enfuir en Corée du Sud avec de faux passeports de ce pays. Une enquête a toutefois permis d'établir qu'ils étaient des citoyens nord-coréens. Il semble que les autorités russes avaient d'abord décidé de les expulser, mais après que le premier d'entre eux eut été abattu à la frontière même par des agents nord-coréens, elles ont préféré ne pas rapatrier les deux autres pour raisons humanitaires, et les ont donc ramenés à la prison de Vladivostok.

Un autre cas d'exécution présumée est celui de Song Chang-keun, qui a été livré aux autorités nord-coréennes en août 1995. En Russie, une source digne de foi a informé Amnesty International que Song Chang-keun avait été exécuté sur le sol russe, après avoir été remis aux autorités des chantiers forestiers. Celles-ci démentent cependant ces allégations. Pour appuyer leurs dires, début 1996, elles ont fourni à Amnesty International une photo de Song Chang-keun prise, selon elles, après son retour en Corée du Nord. L'Organisation n'a toutefois pas été en mesure de vérifier la véracité de cette affirmation, et reste donc très préoccupée par le sort de Song Chang-keun.

3. Recommandations

3.1 Recommandations aux autorités fédérales et locales de la Fédération de Russie

En ce qui concerne les exploitations forestières nord-coréennes en Russie, Amnesty International engage les autorités russes à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'exercer une stricte surveillance sur ces chantiers. Tout particulièrement, elles devraient :

·        s'assurer qu'aucun Nord-Coréen n'est incarcéré en Russie pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions ;

·        veiller à ce qu'aucun Nord-Coréen ne soit maltraité sur les chantiers ou pendant des déplacements entre la Russie et la Corée du Nord ; notamment, les entraves telles que les plâtres ou les jambières métalliques doivent être proscrites, de même que le sévice consistant à faire asseoir les détenus avec des rondins entre les genoux ;

·        garantir qu'aucun travailleur nord-coréen ne sera rapatrié de force dans son pays d'origine s'il risque d'y être victime de violations des droits de l'homme, par exemple en étant maltraité, incarcéré pour le seul motif d'avoir exprimé pacifiquement ses opinions, ou même condamné à mort. À cet égard, lorsqu'un travailleur nord-coréen est renvoyé chez lui avant la fin de son contrat ou de la période minimum prévue aux termes de l'accord sur les exploitations forestières[4]4, les autorités russes devraient examiner soigneusement les raisons de ce départ avant de l'autoriser. o En ce qui concerne la situation des réfugiés nord-coréens en Russie, les autorités russes devraient :

·        veiller à ce que les droits de tous les réfugiés et demandeurs d'asile soient respectés. Notamment, les autorités russes doivent prendre des mesures pour garantir qu'aucun demandeur d'asile ne sera jamais rapatrié dans son pays d'origine avant d'avoir pu bénéficier d'une procédure de détermination du statut de réfugié équitable et complète, c'est-à-dire ayant abouti à une décision finale ; concrètement, cela signifie que sa demande d'asile doit avoir été examinée par l'Office d'immigration, et qu'il a eu le droit de faire appel de la décision devant un autre organe indépendant (l'appel doit en outre avoir un effet suspensif) ;

·        respecter le principe fondamental du droit coutumier international selon lequel nul ne doit être refoulé vers un pays où sa vie ou sa liberté peut être menacée, et donc veiller à ce que des Nord-Coréens ne soient jamais renvoyés contre leur gré en Corée du Nord puisqu'ils risquent d'y être emprisonnés ou (sommairement) exécutés ;

·        garantir que les réfugiés nord-coréens (et ceux d'autres nationalités) jouissent pleinement de tous leurs droits en Russie. En particulier, ils doivent être protégés contre les agents du SSP nord-coréen et contre toute violation à caractère raciste de la part des responsables russes de l'application des lois. Toute personne qui bafouerait les droits de ces réfugiés doit être déférée à la justice ;

·        prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre immédiatement un terme aux interventions du SSP visant à poursuivre les réfugiés sur le territoire russe ;

·        envisager un amendement à l'article 14 de l'accord de 1995 sur les exploitations forestières, en vue de supprimer toute disposition susceptible d'autoriser les autorités nord-coréennes à poursuivre les Nord-Coréens qui ne veulent pas rentrer chez eux.

3.2 Recommandations aux autorités nord-coréennes

Amnesty International demande instamment aux autorités nord-coréennes de respecter les droits fondamentaux des Nord-Coréens qui partent travailler dans la Fédération de Russie. En particulier, elles devraient :

·        garantir qu'aucun travailleur nord-coréen n'est incarcéré en territoire russe simplement pour avoir exprimé ses opinions sans recourir à la violence ni prôner son usage. Toute personne actuellement détenue pour cette raison doit être libérée immédiatement et sans conditions ;

·        mettre immédiatement un terme à l'utilisation d'entraves métalliques et de plâtres pour immobiliser les jambes des prisonniers, ainsi qu'au sévice consistant à placer des rondins de bois entre les genoux, et à toute autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant ;

·        s'assurer que les travailleurs nord-coréens qui sont renvoyés chez eux parce qu'ils sont accusés d'avoir enfreint la réglementation en exprimant pacifiquement leurs opinions, ne risquent pas d'être emprisonnés ni soumis à aucune autre forme de châtiment en Corée du Nord. Toute personne déjà incarcérée pour le seul motif d'avoir exprimé ses opinions sans avoir eu recours à la violence ni prôné son usage doit être libérée immédiatement et sans conditions. o En ce qui concerne les Nord-Coréens qui ne veulent pas rester dans leur pays d'origine, Amnesty International engage les autorités nord-coréennes à prendre les initiatives suivantes :

·        ouvrir une enquête exhaustive sur l'exécution sommaire du Nord-Coréen qui, d'après les autorités russes, aurait été abattu en 1996 à la frontière russo-coréenne, et déférer les responsables à la justice ;

·        modifier immédiatement les mesures relatives aux "fugitifs" de façon à permettre aux citoyens nord-coréens d'entrer et de sortir librement du pays, et satisfaire ainsi aux obligations internationales imposées par l'article 12-2 du PIDCP, qui dispose que « Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien. » ;

·        prendre sans tarder des mesures pour faire cesser toutes les opérations de poursuite ou de harcèlement à l'encontre des réfugiés nord-coréens et des personnes qui les aident en Russie ou ailleurs. Notamment, la pratique consistant à menacer les Nord-Coréens de représailles contre leurs proches doit être immédiatement supprimée ;

·        fournir à Amnesty International des éclaircissements complets, dûment étayés, sur le sort et la situation au regard de la loi de tous les Nord-Coréens rapatriés de force qui sont cités dans les documents de l'Organisation intitulés République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord). Violations des droits de l'homme à huis clos (index AI : ASA 24/12/95) et Fédération de Russie/République populaire démocratique de Corée (RPDC). Refoulement de Lee Yen Sen en RPDC et craintes pour sa sécurité (index AI : EUR 46/06/96). Parmi eux figurent notamment Choi Gyong-ho, Lee Yen-sen, Song Chang-keun, Choi Yen-dan et Lee Sung-nam ;

·        s'assurer qu'aucun Nord-Coréen rapatrié contre son gré n'est placé en détention pour le seul motif de n'avoir pas voulu rentrer en Corée du Nord (ce qui ferait de lui un prisonnier d'opinion), ni condamné à la peine de mort pour cette même raison ;

·        veiller à ce qu'aucun travailleur ou réfugié nord-coréen ne soit maltraité de quelque façon que ce soit pendant son transfert vers la Corée du Nord ou en toutes autres circonstances ;

·        ratifier la Convention des Nations unies de 1987 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3.3 Recommandations au HCR et à la communauté internationale

Amnesty International invite la communauté internationale à faire pression sur les autorités russes et nord-coréennes afin que celles-ci mettent en œuvre les recommandations formulées plus haut. L'Organisation demande tout particulièrement au HCR d'inciter le gouvernement russe à remplir toutes les obligations qui sont les siennes en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, notamment d'accorder l'asile aux réfugiés nord-coréens en Russie et de leur assurer une protection totale. Enfin, Amnesty International recommande aussi au HCR de dispenser une formation sur la protection des réfugiés aux autorités locales de la Fédération de Russie.

Annexe

[La déclaration suivante émane d'un groupe de réfugiés nord-coréens qui se sont enfuis de Corée du Nord et ont créé une association à Moscou. Les opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement celles d'Amnesty International.]

Nous sommes des réfugiés qui se sont enfuis de Corée du Nord. Nous aspirons à être libres. Nous rejetons la répression politique exercée par une dictature héréditaire et le mépris sans pareil des droits de l'homme.

Nous espérons la réunification de notre pays. Tant que nous vivons à l'étranger, nous avons des difficultés à assurer notre sécurité personnelle et à subvenir aux besoins des uns et des autres. Pour faire face à ces problèmes ici et ailleurs, nous lançons l'appel suivant :

1. Récemment, les autorités n'ont cessé d'affirmer que des réfugiés avaient été enlevés par la Corée du Sud. En réalité, un très grand nombre de fugitifs du Nord ont été enlevés par des agents de la Corée du Nord et rapatriés de force dans ce pays. Nous sommes fermement solidaires pour nous défendre et nous dénonçons vigoureusement cette déformation inhumaine et exagérée de la vérité.

2. Nous obéissons aux lois et à l'ordre de la nation dans laquelle nous vivons et nous œuvrons pour que les droits fondamentaux de la personne, notamment ses droits juridiques, soient protégés par la législation nationale et internationale.

3. Jusqu'à ce que nous soyons autorisés à obtenir l'asile en Corée du Sud ou jusqu'à ce que nous soyons autorisés à résider en Russie, nous nous engageons ensemble à subvenir à nos besoins élémentaires.

4. Nous sollicitons les encouragements et le soutien des Nations unies, de la Croix-Rouge internationale, de l'Église et des organisations de défense des droits de l'homme.

5. Nous aspirons à ce que notre association joue un rôle de pionnier sur la voie de la réunification de notre patrie. »

Le 30 décembre 1994
Association de réfugiés des fugitifs nord-coréens

Septembre 1996



[1] Tous les noms entre guillemets sont des pseudonymes destinés à préserver, pour des raisons de sécurité, l'anonymat des réfugiés.

[2] Human Rights Watch/Helsinki, Crime or simply punishment?: Racist attacks by Moscow law enforcement [Crime ou simple châtiment ? Agressions racistes par les agents de la force publique à Moscou], septembre 1995.

[3] Le système des propiskas servait à maintenir une surveillance et une influence sur le lieu de résidence des citoyens dans l'ex-Union soviétique. Il a été officiellement aboli par la Constitution de 1993 qui garantit la liberté totale de mouvement, mais dans la pratique, il continue d'être largement utilisé, en particulier à Moscou et à Saint-Pétersbourg.

[4] L'article 3 de l'accord conclu en 1995 entre la Corée du Nord et la Fédération de Russie dispose que les bûcherons nord-coréens sont embauchés pour une durée minimum de trois ans.

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La version originale en langue anglaise du document résumé ici a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre Democratic People's Republic of Korea/Russian Federation: Pursuit, Intimidation and Abuse of North Korean Refugees and Workers. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL -ÉFAI- septembre 1996.

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