Atteintes aux Droits de l'Homme en Période Electorale dans l'État de Jammu et Cachemire

« Nous craignons les armes à feu, quelle que soit la personne qui les brandisse. Qu'il s'agisse des « renégats », des forces de sécurité ou des militants. Si des élections ont lieu, la population sera prise en étau entre ces différents groupes. Bien sûr que nous avons peur des élections. Qui souhaite voir sa vie menacée ? »

Un habitant du Cachemire cité dans The Pioneer en date du 3 avril 1996.

Introduction

Ces derniers mois, Amnesty International a surveillé avec une inquiétude croissante la situation préoccupante des droits de l'homme dans l'État de Jammu et Cachemire. Juste avant et pendant les récentes élections à la chambre basse du Parlement de l'Union indienne, la Lok Sabha (Chambre du peuple), il semble que les atteintes aux droits de l'homme aient connu une forte recrudescence. Des personnalités, des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des dirigeants politiques ont été particulièrement menacés par les forces de sécurité, les milices sous contrôle du gouvernement et les groupes armés d'opposition. Amnesty International craint que cette situation ne se renouvelle avant et pendant les élections à l'assemblée législative de l'État de Jammu et Cachemire, prévues pour septembre 1996.

Depuis de nombreuses années, Amnesty International exhorte le gouvernement de l'Inde à mettre fin aux détentions arbitraires, à la torture, aux décès en détention, aux exécutions extrajudiciaires et aux "disparitions" imputables aux forces de sécurité indiennes dans l'État de Jammu et Cachemire. Elle le prie aussi d'enquêter sur tous ces cas afin de traduire les responsables en justice. Plus récemment, l'Organisation a instamment demandé au gouvernement de démanteler et désarmer les groupes de « renégats », d'anciens membres de groupes armés d'opposition faisant désormais cause commune avec le gouvernement. En effet, ils commettraient des atteintes aux droits de l'homme avec l'assentiment ou la complicité des autorités, voire sur leurs ordres. Amnesty International a aussi condamné sans équivoque les exactions – prises d'otages, torture, homicides délibérés et arbitraires – perpétrées par les groupes armés d'opposition, enjoignant à ces derniers de respecter les principes fondamentaux du droit humanitaire international.

Le présent document, préparé vers le milieu du mois de juin 1996, s'appuie entièrement sur des informations fournies à Amnesty International par des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes locaux et étrangers, ainsi que des victimes ou des familles de victimes de l'État de Jammu et Cachemire. En effet, pour l'instant, l'Organisation n'a pas été autorisée à se rendre dans cet État. Le 25 juillet 1996, au cours d'un séjour à New Delhi, une délégation d'Amnesty International a soumis le présent document à des responsables du ministère de l'Intérieur en leur demandant de formuler leurs commentaires avant sa publication. Au moment de mettre sous presse, l'Organisation n'avait toujours pas reçu de réponse.

Les élections dans l'État de Jammu et Cachemire

Dans l'État de Jammu et Cachemire, les dernières élections générales avant celles de 1996 s'étaient tenues en novembre 1989. La participation avait alors été inférieure à 5 p. cent. En février 1990, le gouvernement de l'État de Jammu et Cachemire, dirigé par le Chief Minister (Premier ministre) Farooq Abdullah, a été révoqué, l'assemblée de l'État dissoute et le Cachemire placé sous administration directe de New Delhi. Ces mesures ont été prises peu après le début de la lutte armée – qui se poursuit actuellement – entre l'opposition refusant l'autorité indienne au Cachemire et le gouvernement central. Depuis, 12 000 à 20 000 personnes auraient perdu la vie dans des homicides à caractère politique. Selon certaines sources militaires citées dans les médias, l'armée aurait tué quelque 4 500 militants dans l'État de Jammu et Cachemire entre 1990 et 1995 et en détiendrait plus de 19 000 autres, auquels s'ajouteraient près de 1 500 personnes s'étant rendues. En avril 1996, Press Trust of India a rapporté les propos d'un porte-parole du gouvernement selon lequel, au cours du premier trimestre 1996, 310 rebelles, 30 soldats indiens et 329 civils auraient été tués au Cachemire.

Dans l'État de Jammu et Cachemire, les récentes élections, qui visaient à pourvoir six sièges de députés (sur 545) à la chambre basse du Parlement de l'Union indienne, la Lok Sabha (Chambre du peuple), ont eu lieu après l'annonce de certains résultats pour le reste de l'Inde, où les élections s'étaient achevées début mai. Une pétition tentant de faire valoir que ce calendrier porterait préjudice au scrutin dans l'État de Jammu et Cachemire avait été rejetée par la Cour suprême. Les élections au Cachemire ont été échelonnées pour, semble-t-il, permettre la concentration et le redéploiement de troupes dans les localités où le scrutin était organisé. Ainsi, les élections ont eu lieu le 7 mai à Jammu et à Ladakh, le 23 mai à Baramula et à Anantnag et le 30 mai à Srinagar et à Udhampur. Les autorités indiennes auraient dépêché 50 000 à 60 000 soldats supplémentaires pour la période des élections, afin d'apporter un renfort aux quelque 350 000 membres des forces de sécurité stationnés en permanence dans l'État de Jammu et Cachemire.

La National Conference (Conférence nationale), parti traditionnellement au pouvoir dans l'État de Jammu et Cachemire, avait appelé la population et les fonctionnaires à boycotter les élections. Ce parti exige le rétablissement du statut dont jouissait le Cachemire avant 1953 et qui prévoyait une autonomie de l'État dans tous les domaines à l'exception de la défense, des affaires étrangères et des communications. Le président de la Conférence nationale, l'ancien Chief Minister Farooq Abdullah, a déclaré : « Nous n'avons pas participé aux élections, car nous avions peur qu'elles soient truquées […] et que nos travailleurs soient tués. » La All Party Hurriyat Conference [APHC, Conférence multipartite Hurriyat, rassemblant une trentaine de groupes qui, en dépit de leurs différents programmes politiques, s'opposent unanimement au rattachement de Jammu et Cachemire à l'Inde] a rejeté les élections, qu'elle considère comme hors de propos par rapport au problème du Cachemire, et a appelé au boycott général et à la grève. L'un des groupes de la Conférence Hurriyat, le Jammu and Kashmir Liberation Front (JKLF, Front de libération de Jammu et Cachemire), a déclaré que la tenue d'élections revenait à confirmer la revendication de l'Inde sur Jammu et Cachemire et que « par conséquent, elle pourrait s'avérer néfaste pour le mouvement de libération en cours ». Le Forum for Permanent Resolution of Jammu and Kashmir [FPR, Forum pour une solution permanente du problème de Jammu et Cachemire, constitué d'anciens séparatistes ayant rencontré, mi-mars 1996, des responsables du ministère de l'Intérieur de l'Union indienne, à New Delhi, pour un « dialogue inconditionnel »] a déclaré qu'il s'opposait également aux élections dans l'État de Jammu et Cachemire. Le FPR réclame la libération de tous les militants incarcérés, le retrait de l'armée ou l'exercice d'un contrôle sur ses troupes afin qu'elles cessent de harceler les civils pacifiques, ainsi que le désarmement des groupes de « renégats ». Après l'annonce de la tenue des élections à la Lok Sabha dans l'État de Jammu et Cachemire, deux membres du FPR ont boycotté, le 23 mars, les discussions avec la Commission Jain récemment mise sur pied, arguant que leur initiative n'était pas destinée à ouvrir la voie à des élections, mais à « créer une atmosphère de dialogue dans le but d'obtenir des résultats ».

Les « renégats » ont cherché à combler la « place laissée vacante dans l'opposition par la Conférence nationale » (Frontline, 31 mai 1996) en se présentant sous l'étiquette d'indépendants, car beaucoup de leurs formations politiques, récemment créées, n'étaient pas encore inscrites auprès de la Commission électorale. Les « renégats » sont d'anciens membres de groupes armés d'opposition qui, après avoir été attirés par la ruse, convaincus ou soumis à des mauvais traitements en détention ou à toute autre forme de contrainte, se seraient rangés aux côtés du gouvernement. Il semble que, depuis le début ou le milieu de l'année 1995, ils aient été entraînés, armés, logés et protégés par divers groupes militaires ou paramilitaires, pour le compte desquels il auraient commis des atteintes aux droits de l'homme contre des groupes armés d'opposition, leurs sympathisants présumés et la population en général. Utilisés à l'origine comme source de renseignements pour éliminer les groupes armés d'opposition, les « renégats » semblent prendre une part de plus en plus active dans les opérations des forces de sécurité contre ces mêmes groupes d'opposition.

Tant le gouvernement que l'opposition semblent avoir considéré les élections comme un référendum : les représentants de l'État y ont vu un référendum pour le processus démocratique et contre les militants, tandis que les groupes d'opposition en ont fait un référendum contre la politique du gouvernement de l'Union indienne au Cachemire. En conséquence, les groupes d'opposition ont affirmé que personne ne participerait au scrutin à moins d'y être contraint et ont soit lancé des appels au boycott, soit menacé tous ceux qui prendraient part au processus électoral. Dans le même temps, on a signalé à maintes reprises que le gouvernement et les « renégats » utilisaient l'appareil de l'État pour obtenir une forte participation électorale.

Les élections ont été marquées par la violence et auraient provoqué la mort d'au moins 16 personnes. De nombreux civils se sont plaints d'avoir été pris entre deux feux : les groupes militants menaçaient de s'en prendre aux personnes qui allaient voter, tandis que l'armée et les « renégats » proféraient des menaces contre celles qui ne participaient pas au scrutin.

Sur les six sièges de la Lok Sabha à pourvoir, quatre ont été remportés par le Parti du Congrès, un par le Janata Dal (Parti du peuple) et un par le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien)[1] ; aucun « renégat » n'a été élu.

À l'échelon national, à la suite des élections générales de fin avril et début mai 1996, qui ont conduit à un Parlement où aucun parti n'avait la majorité, le BJP a formé, le 16 mai, un gouvernement dirigé par le Premier ministre Atal Bihari Vajpayee. Toutefois, ce dernier a démissionné le 28 mai, faute d'avoir réussi à réunir une majorité. Le 1er juin, il a été remplacé par le Premier ministre H.D. Deve Gowda, à la tête d'un Front uni regroupant 13 partis, dont le Janata Dal, le Parti du Congrès, le Tamil Maanila Congress (TMC), le Dravida Munnetra Kazhagam (DMK, Fédération pour le progrès des Dravidiens), le Parti socialiste et le Telegu Desam Party. Début juin, le gouvernement a publié un programme minimum commun accepté par toutes les composantes du Front uni. Il promettait d'accorder à l'État de Jammu et Cachemire un « degré maximum d'autonomie » et de conserver tel quel l'article 370 de la Constitution indienne, qui garantit un statut particulier à cet État.

Par ailleurs, le gouvernement du Front uni a déclaré qu'il s'efforcerait d'organiser des élections à l'assemblée législative de l'État de Jammu et Cachemire « aussi rapidement que possible ». Le 16 juin, le Premier ministre H.D. Deve Gowda a déclaré : « Les élections au Parlement de l'Union indienne dans l'État de Jammu et Cachemire ont été un triomphe pour notre politique démocratique et ont montré la maturité dont a fait preuve la population en rejetant les militants, y compris ceux qui sont aidés et encouragés par-delà la frontière […] en nous appuyant sur cette évolution positive, nous devons achever de rétablir la normalité et le gouvernement populaire dans l'État de Jammu et Cachemire. »

Les élections à l'assemblée législative de l'État de Jammu et Cachemire, prévues une première fois pour juillet 1995, avaient été reportées suite au pillage du lieu saint de Charar-e Sharief perpétré le 11 mai 1995. Le gouvernement attribuait ce pillage aux groupes militants, tandis que ces derniers accusaient l'armée. En novembre 1995, ces élections ont été remises à une date indéterminée par la Commission électorale, qui a estimé que la sécurité n'était pas suffisante pour organiser des élections libres et équitables dans l'État de Jammu et Cachemire. Toutefois, en janvier 1996, la Cour suprême a ordonné à la Commission électorale d'engager un dialogue sur les élections avec le gouvernement de l'Union indienne.

Les réactions à l'appel du gouvernement central pour des élections à l'assemblée de l'État de Jammu et Cachemire ont été prudentes. Farooq Abdullah, ancien Chief Minister et président de la Conférence nationale, a demandé des éclaircissements au sujet des termes « degré maximum d'autonomie » et a suggéré d'organiser des élections à l'automne 1996. L'APHC, qui demande sans relâche la tenue de négociations tripartites entre l'Inde, le Pakistan et des représentants de Jammu et Cachemire et qui considère qu'il est pour cela nécessaire que New Delhi reconnaisse le « caractère contesté » de cet État, a réagi de manière contradictoire, semble-t-il. Début juin, son président, Moulvi Omar Farooq, a annoncé la volonté du groupement d'ouvrir des négociations avec le gouvernement indien et d'y associer le Pakistan « à un stade ultérieur ». Dans le même temps, un autre dirigent de l'APHC, Abdul Gani Bhatt, rejetait la proposition du gouvernement indien, car elle « ne répondait pas aux exigences fondamentales de la population, à savoir la différenciation, à l'avenir, du statut de Jammu et Cachemire conformément aux souhaits de ses habitants ». De même, le JKLF a expliqué qu'il « ne se battait pas pour l'autonomie mais pour la réunification de l'État dans son intégralité et la libre expression de la volonté souveraine de sa population sur son avenir ».

Le 7 août, la Commission électorale a annoncé que les élections à l'assemblée législative de l'État de Jammu et Cachemire, qui compte 87 sièges, se dérouleraient en quatre étapes, les 7, 16, 21 et 30 septembre. Peu après, la Conférence nationale a fait connaître son intention de participer au scrutin, de même que plusieurs partis nationaux comme le Janata Dal et des représentants de groupes de « renégats ». L'APHC a appelé au boycott des élections.

Les atteintes aux droits de l'homme en période pré-électorale

Au cours des mois qui ont précédé les élections à la Lok Sabha dans l'État de Jammu et Cachemire, Amnesty International a eu connaissance d'atteintes aux droits de l'homme perpétrées par des organes gouvernementaux, des « renégats » et des groupes armés d'opposition. Ces atteintes visaient essentiellement des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des dirigeants politiques en vue. Parmi les quelques défenseurs des droits de l'homme restant au Cachemire, certains ont dit à Amnesty International que leur position était devenue intenable, car le recours aux menaces et à l'usage de la force les mettaient dans l'impossibilité de réunir des informations et de rendre compte régulièrement des atteintes aux droits de l'homme.

Seule la mise en place d'importantes mesures de sécurité a permis de faire un peu de propagande électorale. Les candidats, dont beaucoup étaient inconnus de la population locale, ont obtenu une protection policière et des véhicules blindés. Nombre d'entre eux vivaient en dehors de leur circonscription électorale et ne s'y sont rendus que pour déposer leurs feuilles de candidature et tenir des meetings électoraux sous la protection de la police. Malgré les ordres donnés le 17 avril par le gouvernement afin d'interdire aux candidats de porter des armes, beaucoup d'entre eux ont engagé leurs propres gardes du corps armés. Les groupes armés ayant prévenu la population de ne pas se rendre aux meetings électoraux, l'assistance était clairsemée et prompte à se disperser au moindre signe de violence. Les « renégats », visiblement soutenus par différents organes chargés de faire respecter la loi, ont forcé les gens à assister aux meetings de leurs candidats, les menaçant de « terribles représailles » s'ils n'obtempéraient pas. Les candidats du Parti du Congrès ont averti qu'ils se retireraient des élections si les groupes d'opposition n'étaient pas désarmés, car leurs meetings étaient souvent interrompus et leurs candidats et sympathisants menacés.

Quelques jours seulement après l'annonce, le 19 mars 1996, de la tenue des élections générales dans l'État de Jammu et Cachemire, 23 membres de la faction Amanullah Khan du JKLF ont, semble-t-il, été délibérément tués par la police de l'État. Six jours plus tôt, au moins neuf membres du JKLF et deux agents de la Jammu and Kashmir Armed Police (JKAP, Police armée de Jammu et Cachemire) étaient morts au cours d'un échange de coups de feu sur le lieu saint de Hazratbal, à Srinagar. Le JKLF a ensuite occupé Hazratbal pour protester contre la présence, à cet endroit, de la JKAP et des Border Security Force (BSF, Forces de sécurité des frontières). Le groupe du JKLF a quitté Hazratbal le 26 mars et a rejoint ses bureaux situés juste à l'extérieur de la porte sud du lieu saint. Le 27 mars, le gouverneur K.V. Krishna Rao a déclaré : « Je prévoyais une opération dans la nuit. S'ils n'étaient pas sortis, ils seraient tous morts. Les forces de sécurité étaient prêtes. Ils ont eu de la chance. » (Reuter, 27 mars 1996) Au milieu des déclarations et contre-déclarations sur le contenu des négociations qui ont précédé, Shabbir Siddiqui, le président du JKLF, a déclaré, le 29 mars, aux journalistes que le statu quo ante avait été rétabli, mais que le groupe avait en fait été arrêté ; de même, le gouverneur K.V. Krishna Rao a affirmé que les hommes du JKLF avaient été « mis en état d'arrestation ».

Le 30 mars, avant l'aube, le Special Operations Group (Groupe des opérations spéciales) de la police, aidé des BSF et des Central Reserve Police Force (CRPF, Forces centrales de réserve de la police), a encerclé les bureaux du JKLF et ordonné aux personnes qui s'y trouvaient de se rendre. Après que trois hommes, trois femmes et quatre enfants furent sortis, les forces de sécurité ont ouvert le feu à l'arme automatique et ont tiré des obus de mortier contre le bâtiment, tuant 23 membres du JKLF, dont Shabbir Siddiqui, et deux garçons âgés de dix à douze ans. La police a affirmé que le groupe de Siddiqui avait tenté de reprendre le lieu saint et avait ouvert le feu, mais d'après le JKLF et l'APHC, le groupe n'était pas armé au moment du massacre. Selon les médias, la police n'a subit aucune perte ce jour-là ; toutefois, le directeur général de la police, A.K. Suri, a déclaré qu'au cours de l'échange de coups de feu ayant éclaté entre la police et le JKLF suite au refus de ce dernier de se rendre, six policiers avaient été blessés. À la connaissance d'Amnesty International, aucune enquête n'a été ouverte.

L'APHC qui, par le biais de manifestations pacifiques et de démarchage de porte en porte dans les rues de Srinagar, a appelé la population à boycotter les élections et a exhorté les groupes séparatistes à ne pas recourir à la violence pendant la période électorale, a elle-même été la cible d'attaques répétées, semble-t-il de la part de « renégats ». Le 2 mai, un incendie s'est déclaré au siège de l'organisation au moment où celle-ci devait tenir une réunion (qui avait été reportée) sur sa campagne d'opposition aux élections. Le 9 mai, des hommes armés identifiés comme des « renégats » du groupe Ikhwan ul Muslimeen (Frères musulmans) ont tiré sur Abdul Gani Lone, Shabir Ahmad Shah, Mohammad Yasin, Syed Ali Shah Gilani, Javid Ahmad Mir et Abdul Gani Bhatt, six hauts dirigeants de l'APHC qui faisaient du démarchage contre les élections près du village de Bombai (district de Baramula). Les policiers chargés d'escorter ces six hommes sont intervenus et ont maîtrisé les attaquants. Le 11 mai, une mine a explosé sur la route où circulaient Yasin Malik et Javid Ahmed Mir, sans faire de blessés. Le 16 mai, une roquette a été tirée contre le domicile de Syed Ali Shah Gilani, à Hyderpora (Srinagar) ; elle n'a pas atteint le bâtiment principal, mais a causé d'importants dégâts dans les immeubles environnants. Le domicile de Syed Ali Shah Gilani avait déjà été attaqué en octobre et en décembre 1995, ainsi qu'en janvier, en mars et le 9 mai 1996. Des attaques à la grenade et à l'arme automatique contre le domicile d'Abdul Gani Lone ont également été signalées en janvier, en février et en avril 1996.

Des « renégats » auraient perturbé la campagne de candidats d'autres partis. Ainsi, Taj Mohiuddin, candidat du Parti du Congrès pour la circonscription d'Anantnag, a affirmé que des « renégats » du groupe Ikhwan ul Muslimeen (Frères musulmans) avaient essayé de l'empêcher de mener sa campagne mi-avril : « […] près du lieu où je devais faire un discours au cours d'un meeting électoral dans la ville d'Anantnag, j'ai vu deux hommes armés s'approcher de moi. […] Ils ont dit qu'ils ne me laisseraient pas prononcer mon discours et, quand j'ai manifesté mon désaccord, ils ont armé leurs pistolets. » La police a déclaré que les deux hommes étaient des membres de la police spéciale en service à Anantnag et a ouvert une procédure contre Taj Mohiuddin pour menaces. Ce dernier a affirmé, pour sa part, que le gouvernement protégeait les « renégats ».

Au cours des quelques mois qui ont précédé les élections, les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes ont été particulièrement menacés dans l'exercice de leur droit à la liberté d'expression par des attaques provenant aussi bien des forces gouvernementales que des « renégats ». Le 27 mars, le corps en décomposition de Jalil Andrabi, avocat défenseur des libertés publiques et président de la Commission des juristes du Cachemire, a été retrouvé les mains liées et le visage mutilé dans la rivière Jhelum. Le rapport d'autopsie a par la suite révélé que Jalil Andrabi avait sans doute été tué quelque 14 jours plus tôt ; il serait mort de blessures par balle à la tête et portait aussi à cet endroit des traces de coups infligés avec un objet contondant.

Le 8 mars, alors qu'il se trouvait dans sa voiture, Jalil Andrabi avait été enlevé, apparemment par des membres d'une unité de 35 tirailleurs des Rashtriya Rifles (régiment paramilitaire placé sous le contrôle du ministère de la Défense) stationnés à Badgam et dirigés par un commandant sikh. Des « renégats » auraient servi de "guetteurs" et signalé la victime aux soldats. La femme de Jalil Andrabi, Rifat, qui a assisté à la scène, a tenté de faire établir, au commissariat de Sadar, un procès-verbal introductif accusant l'armée d'être responsable de l'enlèvement, mais sa demande a été rejetée. Plus tard dans la soirée, l'inspecteur général de la police aurait assuré au téléphone à Rifat Andrabi que son mari était « avec eux » et qu'il serait remis en liberté une fois l'enquête terminée. Le lendemain matin, la Kashmir Bar Association (Association du Barreau du Cachemire), dont Jalil Andrabi était membre, a déposé devant la haute cour une requête en habeas corpus [procédure permettant la comparution immédiate d'un détenu devant une autorité judiciaire, afin de contester la légalité de la détention et permettre ainsi une éventuelle remise en liberté]. La haute cour a alors ordonné à tous les organes chargés de l'application de la loi de l'État de dire s'ils détenaient Jalil Andrabi. Le 11 mars, l'armée a déclaré sous serment devant la haute cour que « les Rashtriya Rifles n'opéraient pas dans cette zone, qu'aucun de leurs membres n'avait été dépêché ni n'était présent à Parrayapora à 17 h 30 et qu'aucun d'entre eux n'avait arrêté ou reçu le présumé détenu à la date et l'heure indiquées… ». La police aurait invité la famille à modifier son procès-verbal introductif afin de ne plus faire mention de l'implication de l'armée, mais de déclarer, en lieu et place, que la victime avait été emmenée par des personnes non identifiées ; la famille a accepté à condition de pouvoir rencontrer Jalil Andrabi. Le 13 mars, le procès-verbal introductif a finalement été établi, mais la famille n'a pas été informée du sort de Jalil Andrabi. Le lendemain, la haute cour a déclaré qu'elle n'était pas satisfaite des déclarations écrites sous serment des membres subalternes de l'armée et du ministère de l'Intérieur qui niaient la détention de Jalil Andrabi, et a ordonné aux secrétaires de la Défense et de l'Intérieur de déposer leurs propres déclarations écrites sous serment sur le sort de Jalil Andrabi. La haute cour a également ordonné qu'une enquête spéciale à ce sujet soit menée sous la direction de l'inspecteur général adjoint de la police. Quant à l'inspecteur général de la police, il devait ouvrir une information. La haute cour devait être tenue informée de l'évolution des investigations au jour le jour.

L'enquête sur la détention de Jalil Andrabi, puis sur les circonstances de sa mort, n'a toujours pas abouti ; Amnesty International n'a d'ailleurs eu connaissance d'aucun résultat préliminaire. La composition et la tâche de l'équipe chargée de l'enquête semblent avoir été modifiées arbitrairement par l'inspecteur général de la police : alors que l'équipe d'origine ne devait recevoir ses instructions que de la haute cour et ne rendre des comptes qu'à elle seule, l'équipe désignée le 5 juin par l'inspecteur général de la police doit informer celui-ci de l'évolution de l'enquête au jour le jour. En raison de ces modifications, la famille Andrabi a formé un recours pour entrave à la bonne marche de la justice.

Un indice laissé par Jalil Andabi lui-même ne semble pas avoir fait avancer l'enquête de manière significative. Le 30 janvier 1996, il avait dit à des journalistes que deux hommes armés non identifiés, peut-être des « renégats », avaient tenté, la veille, de l'attirer hors de chez lui et qu'il les avait photographiés en cachette.

Jalil Andrabi s'était battu pour une amélioration des conditions de détention dans l'État de Jammu et Cachemire et avait dénoncé des cas d'homicides en détention, de détention arbitraire et de "disparitions". En octobre 1994, à la suite d'une requête déposée par Jalil Andrabi, la haute cour avait statué que des commissions de district, composées d'autorités judiciaires, policières et médicales, devaient effectuer des visites régulières dans l'ensemble des prisons, des centres de détention et des cellules de garde à vue de l'État. À la connaissance d'Amnesty International, ces visites n'ont eu lieu que dans un seul district, en décembre 1994, et n'ont pas été renouvelées par la suite. Les visites effectuées ont révélé de nombreux cas de détention illégale, de torture et de mauvais traitements. En octobre 1995, à la suite d'une autre requête déposée par Jalil Andrabi, le gouvernement de l'État de Jammu et Cachemire s'était engagé à ce qu'aucun prisonnier cachemiri ne soit détenu en dehors de cet État.

Jalil Andrabi devait aller représenter la Commission des juristes du Cachemire lors de la réunion de la Commission des droits de l'homme des Nations unies du 18 mars 1996, à Genève. En janvier de la même année, il avait déclaré à des journalistes qu'il savait qu'il était sur la liste noire du gouvernement depuis qu'il avait assisté à une réunion de cette commission à Genève, l'année précédente. Peu avant sa mort, Jalil Andrabi avait participé à une conférence à New Delhi au cours de laquelle il avait condamné les violations des droits de l'homme commises par les autorités de l'État de Jammu et Cachemire. Sa mort constitue un obstacle supplémentaire à la libre collecte d'informations sur les atteintes aux droits fondamentaux perpétrées au Cachemire ; elle est considérée par beaucoup comme une tentative délibérée de mettre fin à toute surveillance de la situation des droits de l'homme dans cet État.

Le 10 avril 1996, peu après le décès de Jalil Andrabi, le corps d'un autre défenseur des droits de l'homme, Ghulam Rasool Sheikh, rédacteur en chef, a été retrouvé dans la rivière Jhelum, près de Pampore. D'après ses proches, cet homme avait été enlevé le 20 mars par des « renégats » accompagnés de militaires. Les autorités de l'État ont nié l'accusation et affirmé que Ghulam Rasool Sheikh avait été enlevé par des militants. Peu auparavant, cet homme avait dénoncé publiquement l'augmentation du nombre d'homicides et d'incendies criminels dans sa ville natale de Pampore. Des journalistes cachemiris ont fait pression pour qu'une enquête sur l'enlèvement et l'homicide de Ghulam Rasool Sheikh soit ouverte, mais, à la connaissance d'Amnesty International, rien n'a été fait en ce sens.

Environ un mois plus tôt, le 6 mars, Ghulam Nabi Khayal, correspondant de la télévision pakistanaise et membre de longue date de la communauté locale des journalistes, a été attaqué dans l'enceinte de sa maison, située dans le secteur de Rawalpora, à Srinagar, par des hommes armés non identifiés qui ont essayé de l'enlever et ont lancé des grenades dans son domicile. Si les autorités ont accusé les groupes séparatistes d'être responsables de cette attaque, Ghulam Nabi Khayal a affirmé que les forces de sécurité indiennes effectuaient de nombreuses patrouilles dans le secteur et qu'il était donc très peu probable que des membres d'un groupe armé d'opposition aient pu atteindre sa maison sans être repérés.

Des personnalités ont aussi été la cible de groupes armés d'opposition et de « renégats » au cours de la période pré-électorale. Ainsi, Yousuf Omar, président du Kashmir Public Relief Trust (Fonds d'assistance publique du Cachemire), administrateur de la banque de sang Rufaidah et président de l'Islamic Study Circle (Cercle d'études islamiques), un groupement apolitique, a été grièvement blessé par balle le 16 avril dans son bureau de Srinagar, semble-t-il par des « renégats » qui ont essayé de l'enlever. Comme il résistait, ils lui ont tiré dans le bras et dans l'estomac.

Les groupes armés d'opposition ont menacé les fonctionnaires chargés des élections et la population de « terribles représailles » s'ils participaient au scrutin. Ainsi, le 11 mai, sept groupes armés d'opposition ont fait une déclaration dans laquelle ils avertissaient qu'ils tueraient tout fonctionnaire qui participerait au processus électoral dans l'État ; les groupes signataires de cette déclaration étaient les suivants : Hizb ul Mujahideen (Parti des moudjahidin), Tehrik ul Mujahideen, Al Jihad, Al Barq, Hizbullah (Parti de Dieu), Al Umar et Hizb ul Momineen. Il ont aussi ordonné aux fonctionnaires de fermer leurs bureaux entre le 13 et le 31 mai. Parallèlement, le gouvernement indien donnait l'ordre aux fonctionnaires d'assurer leur service pendant la période électorale. Lorsque quelque 10 500 fonctionnaires du gouvernement central ont été envoyés au Cachemire pour aider le personnel local à organiser les élections, le porte-parole du Hizbullah, Kalim Siddiqui, a déclaré, le 18 mai, que « si les employés des autres États n'étaient pas partis avant le 22 mai, [son] groupe les tuerait, eux et leurs familles ». La plupart, mais pas la totalité, des écoles et des administrations sont restées fermées pendant la période électorale, car la population craignait plus les groupes d'opposition que le gouvernement. Peu auparavant, à la mi-avril, le Jammu and Kashmir Islami Harkatul Mohmineen et le Khalistan Liberation Front (Front de libération du Khalistan) avaient lancé un ultimatum de vingt-quatre heures aux candidats se présentant aux élections pour qu'ils se retirent ; ils menaçaient de tuer ceux qui ne coopéreraient pas ou leurs familles.

Dans un certain nombre de cas, les groupes armés d'opposition ont mis leurs menaces à exécution, enlevant ou tuant des représentants du gouvernement et de l'armée et des candidats. Le 9 avril, Ghulam Hassan Pinglana, ancien député du Parti du Congrès, septuagénaire, a été abattu dans son village du district de Pulwama, semble-t-il par le Hizb ul Mujahideen (Parti des moudjahidin). Le 12 avril, une bombe placée dans un bureau de vote à Anantnag a blessé six personnes qui se trouvaient dans le bâtiment ; aucun groupe n'a revendiqué cet attentat. En revanche, le 16 avril, le groupe Al Jihad a revendiqué l'explosion d'une mine à Srinagar, qui a provoqué la mort d'au moins deux personnes, le commandant adjoint des BSF, Subhash Sharma, et un enfant. D'après des informations provenant des hôpitaux, plus de 25 civils, parmi lesquels un enfant, ont été blessés ; des témoins ont affirmé qu'une grande partie des blessés avaient été touchés par les tirs arbitraires de représailles des BSF après l'attaque. Al Jihad a prévenu qu'il entreprendrait d'autres opérations du même type si les élections se poursuivaient. Le 20 avril, le frère de Wali Mohammad Wani, candidat de l'Awami Tehriq Party (Parti du mouvement national) dans la circonscription de Baramula, a été abattu par des membres d'un groupe armé d'opposition qui n'avaient pas réussi à trouver le candidat lui-même. L'Awami Tehriq Party est un parti créé par des « renégats ». Un de ses militants avait été abattu deux jours plus tôt, à Srinagar, par des membres non identifiés d'un groupe armé d'opposition alors qu'il distribuait des tracts électoraux.

Le 3 mai, des membres d'un groupe armé d'opposition non identifié auraient tué trois hommes devant les habitants rassemblés du village de Bapsar, dans le district d'Udhampur. Ils cherchaient apparemment à intimider ces derniers et à les empêcher de participer aux élections. Le 4 mai, le dirigeant du Parti du Congrès, Mohammad Ayub Khan, a perdu sa femme et deux enfants au cours d'une attaque à la grenade à Rajouri. Le même jour, trois Hindous, appartenant, semble-t-il, au comité de défense d'un village local, ont été alignés devant leurs domiciles, dans le village de Sudhmahadev (district d'Udhampur), et abattus. Onze de leurs voisins hindous ont été enlevés et se sont vu confisquer les armes qui leur avaient été données pour leur défense. Une vingtaine d'habitations ont été incendiées. Avant de partir, le groupe aurait collé sur un mur une affiche dans laquelle il menaçait de tuer d'autres personnes si les villageois participaient aux élections.[2]

Il est souvent difficile de déterminer quelle partie au conflit est responsable des enlèvements et des homicides. Ainsi, le 5 mai, huit travailleurs népalais ont été abattus soit par des membres d'un groupe armé d'opposition non identifié, soit par un groupe de « renégats », dans le village de Lasjan, près de Srinagar. La nuit précédente, dix Népalais avaient été enlevés dans la carrière de pierres où ils travaillaient ; deux d'entre eux ont réussi à s'échapper. Aucun groupe n'a revendiqué ces actes, mais les autorités ont affirmé qu'ils étaient destiné à perturber les élections. Pour sa part, l'APHC a déclaré que les responsables des homicides étaient des « renégats ».

Les journalistes ont vu l'exercice de leur profession et leur droit à la liberté d'expression sévèrement restreints par les menaces et les attaques provenant des deux camps – le gouvernement et les « renégats » d'une part et les groupes armés d'opposition d'autre part. Le 19 avril 1996, Kashmir Press, un organe représentatif de la presse locale, a suspendu ses publications pour une période indéterminée à la suite de menaces proférées par l'Hizb ul Mujahideen (Parti des moudjahidin) contre tout journal qui publierait une déclaration ou une publicité du gouvernement. Auparavant, le 17 avril, le gouvernement de l'Union indienne avait diffusé une circulaire interdisant aux journaux de publier toute déclaration d'un membre d'un groupe armé d'opposition ou toute information pouvant entraver le processus électoral, par exemple des menaces contre des candidats ou des représentants du gouvernement. Le ministère de l'Intérieur de l'Union prévenait que toute violation de cette directive entraînerait des poursuites pénales.

électoral, par exemple des menaces contre des candidats ou des représentants du gouvernement. Le ministère de l'Intérieur de l'Union prévenait que toute violation de cette directive entraînerait des poursuites pénales.

Atteintes aux droits de l'homme pendant les élections

Pendant la première phase des élections, qui a eu lieu le 7 mai à Jammu et à Ladakh, peu de cas de violence et une forte participation, s'élevant respectivement pour les deux villes à environ 55 pour cent[3] et 80 p. cent[4], ont été signalés.

Au cours de la seconde phase du scrutin, qui s'est déroulée le 23 mai à Baramula et à Anantnag, des correspondants indépendants indiens et étrangers et des observateurs chargés de surveiller la situation des droits de l'homme ont signalé qu'ils avaient vu des membres de l'armée indienne et du groupe paramilitaire des Rashtriya Rifles, ainsi que des « renégats », forcer les gens sous la menace de leurs armes à sortir de chez eux pour aller voter. D'après les autorités, le taux de participation électorale a été de 35 p. cent à Baramula et de 43 p. cent à Anantnag, contre moins de 5 p. cent lors des élections législatives de 1989. Une équipe de militants indiens des droits de l'homme, comprenant notamment des représentants du Committee for the Protection of Democratic Rights (CPDR, Comité pour la protection des droits démocratiques), du Lokshahi Hakk Sanghatana et de l'Andhra Pradesh Civil Liberties Committee (APCLC, Comité pour la défense des libertés publiques en Andhra Pradesh), a rapporté que « le 23 mai, [des membres de] l'armée indienne allaient de maison en maison, faisant sortir les habitants sous la menace de leurs armes et les poussant comme du bétail jusqu'aux bureaux de vote. L'armée avait prévenu les habitants que s'ils rentraient chez eux sans une marque [d'encre] sur un de leurs doigts[5], elle les considérerait comme des sympathisants ou des militants ». Des « renégats » appartenant au groupe Ikwan ul Muslimeen (Frères musulmans) auraient même menacé les habitants de Pampore de les décapiter s'ils n'étaient pas en mesure de montrer cette marque. D'après des militants des droits de l'homme, dans les villes de Baramula et de Sopore ainsi que dans le village de Muchpora (circonscription d'Anantnag), les militaires ont violemment chargé à coups de lathis (baguettes) des manisfestants protestant contre les méthodes coercitives de l'armée de même que des journalistes couvrant les manifestations. Un photographe de l'Agence France Presse, Tauseef Mustafa, a été battu à coups de crosse de fusil et s'est vu confisquer sa pellicule lorsque les militaires l'ont vu photographier des femmes blessées par les soldats. Des journalistes ont rapporté que, dans la ville de Baramula, une unité de l'armée avait encerclé et détenu une cinquantaine d'enfants jusqu'à ce que leurs proches, qui avaient tenté de boycotter les élections, aient voté.

Au moins un décès lié aux élections a été signalé, celui de Shah Naza, âgée de sept ans, qui a été frappée, sans doute à coups de crosse de fusil, le 23 mai, à Ajar, dans le district de Kupwara. Les villageois s'étaient rassemblés devant la mosquée pour protester contre l'obligation qui leur était faite d'aller voter, quand les forces armées ont frappé sans discrimination dans la foule. La fillette a été transportée dans un hôpital militaire pour y recevoir des soins. Elle a ensuite été transférée à l'hôpital civil de Handwara, puis à l'Institut des sciences médicales de Srinagar, où elle est décédée le 24 mai d'un œdème au cerveau.

Il semble que certains groupes armés d'opposition se soient livrés à des homicides en guise de représailles après les élections d'Anantnag et de Baramula. Le 26 mai, deux agents électoraux du candidat du Parti du Congrès pour la circonscription d'Anantnag, Ghulam Qadir Ganai et Ghulam Mohamad Khan, ont été enlevés par des hommes armés à leur domicile, dans le village de Beigam (Kulgam, district d'Anantnag) ; leurs corps ont été retrouvés deux jours plus tard. Le candidat du Parti du Congrès a affirmé que les « renégats » du Jammu Kashmir Ikhwan (groupe Liaqat) avaient tué ces deux hommes à cause du fort taux de participation électorale. Pour leur part, les autorités ont démenti la qualité d'agents électoraux du Parti du Congrès des deux victimes.

À Srinagar, où s'est déroulée la dernière phase du processus électoral le 30 mai, un calme relatif a régné pendant le scrutin d'Anantnag et de Baramula en raison de longues grèves (du 20 au 23 et du 26 au 30 mai) organisées à l'appel de plusieurs groupes d'opposition protestant contre les élections. Quelques incidents ont toutefois été signalés. Ainsi, le 23 mai, à Kupwara, cinq « renégats » ont été abattus par des troupes paramilitaires qui les avaient pris pour des séparatistes se comportant de manière suspecte. Le 24 mai, d'après des sources officielles, quatre membres non identifiés d'un groupe armé d'opposition ont été abattus par des militaires indiens au cours d'une fusillade dans les faubourgs de Srinagar. Toutefois, des témoins ont rapporté que les quatre hommes avaient été traînés hors de chez eux et abattus à bout portant.

Les groupes armés d'opposition ont essayé à maintes reprises de perturber les préparatifs des élections et le scrutin ; ils s'en sont particulièrement pris aux représentants du gouvernement. Des véhicules transportant des fonctionnaires s'occupant des élections ont été attaqués plusieurs fois en différents endroits de l'État de Jammu et Cachemire. Ainsi, une attaque a eu lieu le 18 mai à Kanthpora, dans le district de Kupwara. Le 20 mai, dans le secteur de Lal Chowk de Srinagar, sept membres des Border Security Force (BSF, Forces de sécurité des frontières) ont été légèrement blessés par une grenade qui a manqué leur jeep et a explosé juste devant le véhicule. Le 25 mai, à Doda, l'explosion d'une bombe de forte puissance à un arrêt de bus a fait 3 morts et 47 blessés ; la plupart des victimes faisaient partie d'un groupe de fonctionnaires chargés des élections qui se rendait en convoi de Doda à Bhanderwah sous haute protection. Aucun groupe n'a revendiqué cet attentat. Le 28 mai, une roquette tirée contre un hôtel de Srinagar, où logeaient plus d'une centaine de fonctionnaires chargés des élections et de médecins appelés au Cachemire pour assurer les urgences médicales pendant la période électorale, a manqué sa cible de peu et n'a fait aucun blessé. Le 29 mai, des groupes armés d'opposition ont tiré quatre roquettes qui ont explosé dans les faubourgs de Srinagar sans faire de dégâts. Le 30 mai, à Brindaban (Udhampur), quatre soldats chargés de surveiller les élections ont été blessés par l'explosion d'une mine au passage de leur véhicule. Le même jour, deux membres d'un groupe paramilitaire ont été blessés au cours d'attaques à la grenade. Cinq roquettes tirées en début de matinée sur la ville n'ont fait aucune victime.

Des groupes armés d'opposition seraient responsables de certains attentats à la bombe perpétrés en dehors de l'État de Jammu et Cachemire. Ainsi, le 21 mai, une bombe a explosé dans un marché de New Delhi, faisant 13 morts et 56 blessés ; cet attentat a été revendiqué par deux groupes cachemiris [le Jammu and Kashmir Islamic Front (Front islamique de Jammu et Cachemire) et le Lashk-e-Sajad] et un groupe sikh [le Khalistan Liberation Front (Front de libération du Khalistan)]. Le 22 mai, un bus a explosé au Rajasthan, tuant 22 passagers ; aucun groupe n'a revendiqué cet attentat, mais la police soupçonne des groupes cachemiris.

Comme pendant la période pré-électorale, certaines atteintes aux droits de l'homme, parmi lesquelles des assassinats, ont été perpétrées par des personnes ou des groupes non identifiés. Ainsi, le 15 mai, Bashir Ahmed Mattoo, éminent professeur de physique et membre du Muslim Welfare Trust (Fonds musulman d'assistance publique), a été abattu par des hommes armés non identifiés alors qu'il montait dans un bus à Srinagar.

Plusieurs personnes ont été détenues arbitrairement et maltraitées par les forces de sécurité, apparemment pour intimider des quartiers entiers et inciter les gens à voter ou pour faire pression sur les dirigeants politiques. Le 13 mai, Ghulam Hassan Mukhdoomi, gendre du dirigeant de l'APHC Syed Ali Shah Gilani, a été arbitrairement arrêté à Tujjar Sharif (Sopore), par le groupe paramilitaire des Rashtriya Rifles agissant en collaboration avec un groupe de « renégats » ; il a été détenu pendant trois jours dans le camp de Bomai (Sopore). Aucune charge n'a été retenue contre Ghulam Hassan Mukhdoomi, qui est un auxiliaire médical sans affiliation politique apparente. Son arrestation a été généralement considérée comme visant à faire pression sur les dirigeants de l'APHC. La veille du scrutin de Srinagar, la plupart de ces derniers, parmi lesquels leur président Umar Farooq, ainsi que Yasin Malik, Syed Ali Shah Gilani, Shabir Ahmed Shah et Abdul Gani Bhatt, ont été placés en résidence surveillée, apparemment pour les empêcher de prononcer des discours en public contre les élections. Un haut fonctionnaire de police aurait déclaré : « Nous prenons les mesures nécessaires pour parer à toute perturbation. » Les assignations à domicile ont été levées après les élections. Le 30 mai, Javed Mir et Shakeel Bakhshi, dirigeants du JKLF, ont été arrêtés alors qu'ils manifestaient contre les élections, mais ils ont été relâchés dans la journée.

Le 29 mai, deux charpentiers, Mohammed Ramzan et Abdul Rashid, sans engagement politique apparent, ont été arrêtés chez eux, à Solina Balla (Srinagar), par les BSF. Celles-ci étaient accompagnées par des membres du Special Task Force (Détachement spécial) de la police de Jammu et Cachemire. Une équipe du South Asia Human Rights Documentation Centre (Centre sud-asiatique de documentation sur les droits de l'homme) menant une enquête à ce sujet a appris par des témoins oculaires que les deux hommes avaient été battus au cours de leur arrestation et dans le commissariat de Shergadi où ils avaient été conduits. Ils avaient ensuite été transférés dans un centre de détention non déclaré situé dans le quartier Jawahar Nagar de Srinagar, où des personnes du voisinage avaient récemment vu 21 jeunes hommes être amenés. Les habitants du quartier pensent que l'arrestation et la mise en détention arbitraires de Mohammed Ramzan et d'Abdul Rashid visaient à intimider leurs voisins afin qu'ils aillent voter le lendemain à Srinagar.

Comme les habitants de Baramula et d'Anantnag, des personnes vivant dans des secteurs périphériques de Srinagar ont rapporté que des militaires les avaient menacées, le 29 mai, de leur trancher les mains si elles ne portaient pas sur le doigt la marque d'encre prouvant qu'elles avaient voté ; des plaintes similaires ont été enregistrées à Udhampur. Certains habitants de Srinagar ont déclaré à des correspondants étrangers que des membres des forces de sécurité les avaient menacés de « terribles représailles » s'ils ne se rendaient pas aux urnes.

Plus tard, les autorités ont affirmé que le taux de participation électorale avait été de 37 p. cent à Srinigar et de 55 p. cent à Udhampur, tandis que des observateurs indépendants ayant circulé dans la région de Srinagar l'estimaient à moins de la moitié de ce chiffre. D'après les sources officielles, les bulletins nuls ont représenté environ 10 p. cent des votes à Srinagar et 7,5 p. cent à Baramula ; pour les autorités, il s'agit d'un faible pourcentage, qui indique que les électeurs n'ont pas été contraints de voter et n'ont donc pas ressenti le besoin d'invalider leurs bulletins.

Dans le secteur de Batamaloo de Srinagar, plusieurs journalistes ont été malmenés par des militaires pour avoir photographié la police en train de frapper une manifestante. Un photographe travaillant pour l'agence de presse indienne Press Trust of India se serait effondré, la tête en sang, après avoir été frappé à coups de crosse de fusil par un membre des BSF. Un journaliste a expliqué : « Les photographes se sont précipités lorsqu'un membre des BSF a commencé à malmener une manifestante. Alors, les militaires se sont retournés et nous ont chargés. » Cinq autres journalistes, dont certains travaillant pour des journaux de Delhi, ont été blessés dans d'autres parties de la ville alors qu'ils couvraient les élections. Un haut fonctionnaire de police, Gopal Sharma, aurait déclaré à propos des mauvais traitements infligés aux journalistes : « Ce qui est arrivé n'aurait jamais dû avoir lieu. Nous condamnons cet incident. » Les BSF ont utilisé des gaz lacrimogènes pour disperser les manifestants rassemblés devant la principale mosquée de la ville, faisant une vingtaine de blessés. D'après un témoin, « les troupes ont tout simplement chargé et ont commencé à tirer au hasard dans la foule ». Un correspondant de l'agence Reuter s'est vu interdire l'accès à la zone de la mosquée par les militaires, mais a vu un grand nombre de blessés être placés dans un camion.

Le 30 mai, à Srinagar, trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées alors que manifestaient dans les rues de la ville des centaines de personnes criant des slogans anti-indiens. Parmi les morts se trouvait Ghulam Nabi, qui a été tué lorsque les forces paramilitaires ont ouvert le feu au hasard sur la foule des manifestants, dans le secteur de Dalal Mohallah, peut-être en représailles à une attaque menée auparavant contre un détachement des BSF. Cependant, la police a affirmé que Ghulam Nabi était mort lors d'un échange de coups de feu entre des hommes d'un groupe armé d'opposition et les forces de sécurité. Un autre membre des BSF serait décédé après s'être accidentellement tiré dessus au cours d'une débandade devant un bureau de vote à la suite d'une manifestation antiélectorale. Un troisième membre des BSF est mort lors d'une attaque à la grenade menée par un groupe armé d'opposition pendant les dernières heures du scrutin.

Les autorités indiennes ont démenti les affirmations des témoins oculaires sur le recours à la contrainte, aux menaces et à l'usage de la force contre les personnes ne voulant pas participer aux élections. Le Chief Secretary (secrétaire d'État à l'Intérieur) de l'État de Jammu et Cachemire, Ashok Kumar, qui a reconnu ne pas s'être rendu dans les districts concernés pendant le scrutin, a affirmé au cours d'une conférence de presse que ce que les reporters avaient vu étaient des troupes offrant leur protection aux électeurs contre les représailles des groupes d'insurgés. « Je dis la vérité », a-t-il souligné, « la population n'a pas été menée de force [aux urnes]. » Un porte-parole du ministère de l'Intérieur du gouvernement central a affirmé, le 24 mai, que les plaintes concernant le recours à la contrainte étaient un « mécanisme de défense » de la population contre d'éventuelles représailles de la part des militants ayant appelé au boycott du scrutin. Il a précisé que l'importante présence militaire était nécessaire « pour protéger les candidats, les électeurs et les fonctionnaires chargés des élections ». Le général de corps d'armée Jagjit Singh Dhillon a déclaré qu'il était possible que des soldats aient demandé aux électeurs de se rendre aux urnes, mais qu'ils n'avaient pas reçu l'ordre de contraindre qui que ce soit à le faire. De même, après la fin des élections à Srinagar, le directeur général de la police, Manohar Nath Saberwal, a démenti les accusations de contrainte, qui, selon lui, faisaient partie d'une « campagne de désinformation ». Pour sa part, le gouverneur K.V. Krishna Rao a déclaré : « La population est pleinement consciente que ces élections ont été tout à fait libres et équitables. Toutefois, s'il existe des plaintes quelconques, elles feront l'objet d'une enquête approfondie. » La Commission électorale a qualifié les élections dans l'État de Jammu et Cachemire de « relativement libres et équitables ». En réponse aux accusations de contrainte, T.N. Seshan, le président de cette commission, a déclaré au cours d'une conférence de presse que cette instance n'avait reçu aucune plainte écrite à ce sujet. En dépit de ces protestations, le poids écrasant des éléments dont dispose Amnesty International donne à penser que le processus électoral a été entaché par des manoeuvres d'intimidation et des menaces d'atteintes aux droits de l'homme.

La situation post-électorale

La paix dans l'État de Jammu et Cachemire n'est pas revenue avec la fin des élections à la Lok Sabha, et les atteintes aux droits de l'homme se poursuivent. Le 2 juin, au moins cinq agents de dépouillement, appartenant semble-t-il aux groupes de « renégats » Muslim Mujahideen (Moudjahidin musulmans) et Jammu Kashmir Ikhwan, ont été tués et une quarantaine d'autres personnes blessées, lorsque les forces paramilitaires ont ouvert le feu sur eux, les accusant de perturber le dépouillement dans le district d'Anantnag. Le Chief Secretary Ashok Kumar a annoncé qu'un haut magistrat enquêterait sur « les circonstances ayant mené à la fusillade contre des militants ». Le 8 juin, dix civils hindous ont été délibérément et arbitrairement tués dans le village de Kalmari (district de Doda). Selon les informations reçues, des membres d'un groupe séparatiste auraient fait irruption au domicile de Jagan Nath, un fonctionnaire de l'office des forêts qui avait participé au processus électoral en dépit des menaces ; ils l'ont d'abord décapité, puis ont fait subir le même sort à sa femme, son père, son fils, sa fille âgée de six ans et une amie. Lorsque des parents habitant la maison voisine ont donné l'alarme, les hommes armés ont tué quatre autres membres de la famille et en ont blessé plusieurs autres. Aucun groupe n'a revendiqué ces homicides.

La veille, dans la nuit du 7 juin, un violent attentat à la voiture piégée devant le domicile du dirigeant de l'APHC, Abdul Gani Lone, à Rawalpora, a fait cinq blessés légers et causé d'importants dégâts matériels chez cet homme et dans les maisons voisines. Abdul Gani Lone, qui s'en est sorti indemne, a accusé les autorités d'être responsables de cette tentative d'assassinat. La même nuit, des tireurs non identifiés ont ouvert le feu et lancé une grenade contre le domicile d'un autre dirigeant de l'APHC, Syed Ali Shah Gilani. Des hommes en uniforme militaire auraient été vus sur les lieux, puis partant dans un camion de l'armée. L'attaque n'a fait aucun blessé. Syed Ali Shah Gilani a déclaré que quelques jours plus tôt, dans la nuit du 1er juin 1996, des hommes armés accompagnés de militaires avaient tenté de le tuer à son domicile. Le 17 juin, des membres des BSF auraient investi le bureau du dirigeant de l'APHC Shamir Ahmad Shah et frappé cinq permanents politiques qui s'y trouvaient.

Les attaques menées par des groupes armés d'opposition contre des représentants de l'État ont elles aussi continué. Le 12 juin, à Nashri Nallah, sur la route reliant Jammu à Srinagar, une bombe a explosé dans la voiture du commissaire principal de la police et des télécommunications, Bupinder Singh, faisant deux blessés.

Le droit à la liberté d'information n'a été que progressivement rétabli. Le 17 juin, les rédacteurs en chef de journaux du Cachemire ont annoncé la reprise des publications en dépit des menaces persistantes proférées contre la presse par les groupes armés d'opposition.

Avec l'annonce des prochaines élections à l'assemblée législative de l'État de Jammu et Cachemire, qui doivent commencer le 7 septembre, les menaces et les actes de violence ont réapparu. Une nouvelle organisation de groupes armés d'opposition pro-pakistanais, le United Jihad Council (Conseil du djihad unifié), rassemblant les groupes Hizb ul Mujahideen (Parti des moudjahidin), Harkat ul Ansar (Mouvement des partisans), Al Jihad, Tehreek ul Mujahideen et Al Umar Mujahideen, a appelé à une grève de 38 jours à compter du 24 août pour boycotter les élections. Elle aurait également annoncé que « toute personne passant outre l'appel à la grève serait considérée comme un traître et traitée en conséquence ». Le 19 août, Mohammad Shafi Khan, candidat du Janata Dal (Parti du peuple), a été abattu, semble-t-il par des membres d'un groupe armé d'opposition. Le gouvernement a promis d'assurer la sécurité des candidats et aurait dépêché sur place 70 000 soldats supplémentaires.

Préoccupations et recommandations d'Amnesty International

Amnesty International estime qu'il est urgent que le gouvernement assure un respect total du droit à la vie et à la sécurité de la population civile de Jammu et Cachemire. En particulier, les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes doivent bénéficier d'une protection adéquate afin de pouvoir poursuivre sans crainte leurs activités dans l'État de Jammu et Cachemire. L'Organisation invite le gouvernement de l'Inde à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les élections toutes proches ne soient pas entachées de nouvelles atteintes aux droits de l'homme.

Amnesty International exhorte le gouvernement de l'Union indienne à :

diligenter des enquêtes impartiales et indépendantes sur toutes les violations des droits de l'homme signalées dans l'État de Jammu et Cachemire – notamment la torture et les menaces de torture, les exécutions extrajudiciaires et les arrestations arbitraires à caractère politique – et rendre publics les termes de leur mandat et leurs conclusions ;

faire en sorte que tous les responsables de violations des droits de l'homme soient traduits en justice et que le cycle de la violence et de l'impunité soit rompu ;

désarmer et démanteler les groupes de « renégats » qui auraient commis des atteintes aux droits de l'homme ;

assurer la protection des défenseurs des droits de l'homme, parmi lesquels les journalistes qui font état des violences commises, et autoriser les organes de défense des droits de l'homme des Nations Unies – tels que le Rapporteur spécial sur la torture, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et le Groupe de travail sur les disparitions –, ainsi que les organisations internationales de défense des droits de l'homme comme Amnesty International, à se rendre dans l'État de Jammu et Cachemire. Le refus persistant d'accorder cette autorisation donne l'impression que le gouvernement indien craint le regard des observateurs internationaux sur la situation des droits de l'homme dans la région.

Amnesty International exhorte également tous les groupes armés d'opposition à :

respecter les principes fondamentaux du droit humanitaire international selon lesquels les personnes ne participant pas directement aux hostilités doivent, en toutes circonstances, être traitées avec humanité ;

renoncer à des pratiques telles que les prises d'otages, la torture et les mauvais traitements à l'encontre de prisonniers, ainsi que les homicides délibérés sur la personne de civils. En particulier, les civils ne doivent pas être tués pour avoir exprimé leurs opinions ou pour les idées politiques qu'on leur attribue, pas plus que pour la personnalité de leurs proches ou parce qu'ils appartiennent à une autre communauté religieuse.

La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre India: Human rights abuses in the election period in Jammu and Kashmir. Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI - octobre 1996.



[1] Résultat des élections en 1989 : Conférence nationale : 3, Parti du Congrès : 2 et Indépendants : 1.

[2] De plus en plus, les villageois sont entraînés et équipés dans le cadre de « comités villageois de défense » pour aider les unités anti-insurrectionnelles officielles. La création d'une centaine de nouveaux comités dans les districts de Doda et d'Udhampur, constitués chacun de 10 à 15 hommes, essentiellement d'ancien militaires, a été approuvée par les autorités de l'État en juin 1996 ; 30 comités de ce type auraient été créés dans le district depuis le début de l'année. Pour le moment, les pouvoirs, la structure de commandement et les responsabilités de ce type de comités ne sont pas connus d'Amnesty International.

[3] Participation à peu près identique à celle de 1989.

[4] 6 p. cent de moins qu'en 1989.

[5] Marque appliquée par les fonctionnaires des bureaux de vote afin de prouver qu'une personne a voté.

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La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X8DJ, Royaume-Uni. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI

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