Détention Politique Prolongée, Recours à la Torture et Procès Inéquitables
- Document source:
-
Date:
1 December 1996
Les territoires relevant de l'Autorité palestinienne mise en place en mai 1994 comprennent quatre p. cent de la Cisjordanie et environ 60 p. cent de la bande de Gaza. Plus de 60 p. cent de la population de la Cisjordanie et de la bande de Gaza vivent désormais dans des régions placées sous la juridiction de cette autorité.
Des violations massives des droits de l'homme ont été commises ces deux dernières années dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne. Citons notamment les vagues d'arrestations arbitraires, le maintien en détention prolongée sans inculpation ni jugement de centaines de prisonniers politiques et le recours de plus en plus fréquent à la torture. Neuf personnes au moins sont mortes alors qu'elles étaient détenues par les forces de sécurité, dans des circonstances laissant à penser que la torture a joué un rôle dans ces décès. Les prisonniers jugés pour des délits politiques sont presque tous déférés à une cour de sûreté de l'État. Les procès qui se déroulent devant ces juridictions, dont les juges sont des membres des forces armées, sont sommaires, inéquitables et souvent secrets. Citons parmi les autres atteintes graves aux droits fondamentaux les homicides illégaux et des exécutions extrajudiciaires probables.
Bien que les membres de l'Autorité palestinienne, et particulièrement le président Arafat, se soient engagés à respecter les droits de l'homme, l'absence d'enquêtes approfondies, impartiales et publiques sur les violations ainsi que les arrestations de militants des droits de l'homme et de journalistes qui dénoncent les atteintes aux droits fondamentaux ont créé un climat de peur. Les condamnations sélectives et sans enquête approfondie d'auteurs présumés de violations des droits de l'homme ont renforcé le sentiment d'impunité des services de sécurité ils sont au moins 10 qui, souvent en compétition et indépendants, se croient autorisés à agir comme bon leur semble.
Amnesty International condamne les homicides délibérés et arbitraires de civils, et elle reconnaît que l'Autorité palestinienne a le droit et le devoir de traduire en justice les responsables de tels actes. Les personnes déférées à la justice devraient toutefois être inculpées d'infractions prévues par la loi, et jugées conformément aux normes internationales d'équité. Tout en reconnaissant que, dans le climat politique actuel, des pressions extérieures considérables s'exercent sur l'Autorité palestinienne, l'Organisation réaffirme que rien ne peut justifier le fait que des centaines de personnes soient maintenues en détention pendant plusieurs jours, voire des semaines ou des mois, en dehors de tout cadre légal, et que des tortures soient infligées à des centaines de Palestiniens, qu'il s'agisse de prisonniers politiques ou de droit commun.
Amnesty International exhorte l'Autorité palestinienne à prendre sans délai des mesures concrètes pour mettre un terme aux violations. Elle recommande la comparution immédiate de tous les détenus devant un juge, l'ouverture d'enquêtes exhaustives, indépendantes et publiques sur les plaintes pour torture et autres formes de mauvais traitements, la fin de l'impunité dont bénéficient ceux qui donnent l'ordre de commettre des violations ou qui en sont les auteurs, la liberté pour les défenseurs des droits de l'homme de mener leurs activités en toute sécurité, ainsi que la fin de la détention politique prolongée sans jugement et des procès devant les cours de sûreté de l'État. L'Organisation considère que les institutions étatiques tels le Conseil législatif et les organisations de défense des droits de l'homme ont un rôle particulièrement important à jouer pour veiller à ce que des garanties précises en matière de droits de l'homme soient introduites dans la législation nouvelle, qui devrait être appliquée sans délai.
Introduction
La Cisjordanie et la bande de Gaza sont occupées par Israël depuis 1967. Les territoires relevant de l'Autorité palestinienne mise en place en mai 1994 comprennent 60 p. cent de la bande de Gaza[1]2, ainsi que la ville de Jéricho et ses environs en Cisjordanie. Six villes de Cisjordanie sont passées sous le contrôle de l'Autorité palestinienne en novembre et en décembre 1995. Plus de 65 p. cent de la population de la Cisjordanie et de la bande de Gaza vivent désormais dans des territoires placés sous la juridiction de cette autorité. Un Conseil législatif de 88 membres chargé de superviser l'application des accords d'Oslo a été élu en janvier 1996.
Amnesty International expose dans le présent rapport les violations des droits de l'homme commises dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne. Citons notamment les arrestations arbitraires, le maintien en détention sans inculpation ni jugement de prisonniers politiques, le recours de plus en plus fréquent à la torture, les cas de mort en détention des suites de tortures, ainsi que les exécutions extrajudiciaires probables et les autres homicides injustifiés. L'absence d'enquêtes approfondies, impartiales et publiques sur les violations, les arrestations de militants des droits de l'homme et de journalistes qui dénoncent les atteintes aux droits fondamentaux, la fermeture de journaux et l'interdiction de certains livres ont créé un climat de peur. Les condamnations sélectives et sans enquête approfondie d'auteurs présumés de violations des droits de l'homme ont renforcé le sentiment d'impunité des services de sécurité, qui se croient autorisés à agir comme bon leur semble.
Amnesty International est consciente des pressions politiques extérieures exercées notamment par Israël et par les États-Unis d'Amérique sur l'Autorité palestinienne, afin que celle-ci sanctionne durement les auteurs d'attaques violentes contre des civils israéliens. L'adoption de diverses mesures en vue d'empêcher les attaques violentes contre des cibles israéliennes a souvent été la condition préalable à la mise en application d'accords conclus auparavant ou à la poursuite du processus de paix.
Ces pressions ont de toute évidence encouragé l'Autorité palestinienne à procéder, au cours des deux dernières années, à des vagues d'arrestations arbitraires. Des centaines de personnes ont alors été incarcérées sans inculpation ni jugement, et les auteurs présumés d'attaques violentes contre des Israéliens ou d'autres infractions à motivation politique ont fait l'objet de procès sommaires, iniques et souvent secrets.
Amnesty International condamne les homicides délibérés et arbitraires de civils, et elle reconnaît que l'Autorité palestinienne a le droit et le devoir de traduire en justice les responsables de tels actes. Les personnes déférées à la justice devraient toutefois être inculpées d'infractions prévues par la loi et jugées conformément aux normes internationales d'équité.
Rien ne peut justifier le fait que des centaines de personnes soient maintenues en détention pendant plusieurs jours, voire des semaines ou des mois, en dehors de tout cadre légal, et que des tortures soient infligées à des centaines de Palestiniens, qu'il s'agisse de prisonniers politiques ou de droit commun.
Au cours de ces deux dernières années, des représentants d'Amnesty International se sont rendus à plusieurs reprises dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne[2] En février 1996, le secrétaire général d'Amnesty International a évoqué les sujets de préoccupation de l'Organisation avec le président Yasser Arafat. Des délégués d'Amnesty International ont rencontré des ministres et des responsables de l'Autorité palestinienne, notamment le procureur général, des agents des forces de sécurité et des membres du Conseil législatif. Ils se sont également entretenus avec des victimes de violations, des médecins, des avocats et des militants des droits de l'homme. Parmi les représentants d'Amnesty International qui se sont rendus en 1996 dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne figurait un médecin, éminent spécialiste des droits de l'homme, qui a examiné certaines des victimes.
Étant donné le climat de peur qui règne et la possibilité réelle de représailles, le nom des victimes a été tenu secret à leur demande, hormis pour les cas déjà rendus publics, et les témoignages ne sont pas cités dans leur intégralité. Le droit de tous les Palestiniens, y compris les militants des droits de l'homme, les journalistes et les victimes, de parler ouvertement des violations des droits fondamentaux et d'exprimer leurs opinions sans prôner le recours à la violence, est un droit fondamental. Il sera impossible de bâtir une société fondée sur l'autorité de la loi tant que la liberté d'expression ne sera pas garantie.
Amnesty International exhorte l'Autorité palestinienne à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux violations décrites dans le présent rapport. Les recommandations de l'Organisation figurent à la fin de ce document.
1. Le contexte
L'Autorité palestinienne a été mise en place en mai 1994 dans la bande de Gaza et dans la région de Jéricho à la suite de l'accord sur la bande de Gaza et Jéricho (accord du Caire) signé le 4 mai 1994 par Israël et par les représentants de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Cet accord mettait en uvre la Déclaration de principes sur l'accord préliminaire concernant l'autonomie (dite Déclaration de principes) signée le 13 septembre 1993. Une administration intérimaire a été constituée sous la direction de Yasser Arafat, président de l'OLP, qui est rentré à Gaza en juillet 1994.
Un nouvel Accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza (également connu sous le nom d'Accord d'Oslo 2 ou Accord de Taba) a été conclu le 28 septembre 1995. Il a étendu la juridiction de l'Autorité palestinienne à d'autres zones de la Cisjordanie qui, à l'instar de la bande de Gaza, sont occupées par Israël depuis 1967.
L'Accord d'Oslo 2 divisait la Cisjordanie en trois zones. Dans la zone A qui comprend les villes principales, lesquelles représentent quatre p. cent du territoire de la Cisjordanie, le Conseil palestinien devait être chargé de la sécurité intérieure et de l'ordre public. Dans la zone B, qui comprend 440 villages de Cisjordanie, le Conseil palestinien devait disposer du pouvoir de maintenir l'ordre public pour les Palestiniens, Israël conservant l'autorité globale en matière de sécurité pour lui permettre de protéger les citoyens israéliens et de faire face à la menace terroriste (article XIII). Les zones A et B regroupent environ 68 p. cent de la population et couvrent 23 p. cent du territoire de la Cisjordanie. Dans la zone C, qui représente la plus grande partie du territoire, les pouvoirs civils devaient être progressivement transmis à l'Autorité palestinienne, sauf ceux concernant des points à négocier dans le cadre des discussions sur le statut permanent[3] (article XI).
En application de l'Accord d'Oslo 2, les troupes israéliennes se sont retirées à la fin de 1995 de six villes de Cisjordanie : Jénine le 13 novembre, Tulkarem le 10 décembre, Naplouse le 11 décembre, Qalqiliya le 16 décembre, Bethléem le 21 décembre et Ramallah le 27 décembre. Le redéploiement israélien concernant la majeure partie de Hébron qui devait se dérouler en janvier 1996 a été reporté au mois de mars. Il a été à nouveau ajourné à la suite de quatre attentats-suicides, perpétrés en février et en mars 1996 par des sympathisants d'organisations islamistes, et qui ont causé la mort de 59 personnes à Jérusalem, à Tel Aviv et à Ashqelon.
L'élection du président de l'Autorité palestinienne et des 88 membres du Conseil législatif s'est déroulée en janvier 1996. Yasser Arafat a été élu à la présidence avec plus de 90 p. cent des voix, tandis que le Fatah remportait 55 sièges au Conseil législatif.
Un certain nombre de personnes et de partis palestiniens s'opposent aux accords signés avec Israël. Des membres de ces partis notamment les partis islamistes Hamas (Mouvement de la résistance islamique) et Djihad islamique, ainsi que les formations de gauche, à savoir le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) se sont livrés à des actes de violence contre des Israéliens. Des sympathisants présumés de ces partis ont été arrêtés par l'Autorité palestinienne, mais également par Israël dans les territoires qu'il contrôlait directement. Les attentats-suicides sont la principale arme utilisée par le Hamas et le Djihad islamique ; pour sa part, le FPLP a revendiqué un certain nombre d'attaques à l'arme à feu, notamment celles ayant pris pour cible en 1996 des colons israéliens[4] qui circulaient en voiture dans la région de Hébron. Plus de cent Israéliens et ressortissants étrangers, dont plus de 70 civils, ont trouvé la mort depuis mai 1994 lors d'attentats-suicides perpétrés par des Palestiniens.
En réponse à ces attaques, Israël a fréquemment fermé la frontière connue sous le nom de "ligne verte" qui sépare la bande de Gaza et la Cisjordanie d'Israël (y compris la partie orientale de Jérusalem annexée par Israël en juin 1967). Le gouvernement israélien affirme que cette mesure a pour objectif d'éviter les attaques, mais celle-ci est très largement perçue comme une forme de châtiment collectif. Le bouclage de la frontière empêche les Palestiniens des Territoires occupés et de ceux relevant de l'Autorité palestinienne d'entrer en Israël où, en 1993, ils étaient 55 000 à aller travailler[5] Les Palestiniens de Ramallah ne peuvent se rendre à Jérusalem, à onze kilomètres de leur ville. Les malades de Cisjordanie et de Gaza n'ont pas accès aux hôpitaux situés de l'autre côté de la "ligne verte", et les produits importés ou exportés ne peuvent franchir la frontière. La politique israélienne de fermeture de la frontière coûterait à l'Autorité palestinienne de 4,5 à 6 millions de dollars par jour, représentant le déficit commercial et les salaires non perçus. À la mi-96, le taux de chômage était estimé à 39,2 p. cent à Gaza et 24,3 p. cent en Cisjordanie. Le revenu net a subi une baisse spectaculaire de 22 p. cent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza[6]
Benjamin Netanyahu, dirigeant du Likoud, a remporté les élections de mai 1996 face au Premier ministre sortant, Shimon Peres, et a pris ses fonctions de Premier ministre le mois suivant. Des manifestations violentes se sont déroulées en septembre 1996 à la suite de l'ouverture par Israël d'un tunnel longeant Al Haram al Sharif ("Le sanctuaire sacré", situé dans la vieille ville de Jérusalem et qui comprend le Dôme du rocher et la mosquée Al Aqsa). Les soldats israéliens ont utilisé du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et des balles réelles à très haute vitesse contre des manifestants civils, nombreux à jeter des pierres ; des hélicoptères de combat sont également intervenus. Les policiers palestiniens ont tiré sur des soldats et des gardes-frontières israéliens. Les forces israéliennes ont fait à plusieurs reprises une utilisation excessive ou aveugle de la force contre des manifestants qui, même s'ils jetaient des pierres, ne mettaient pas leur vie en danger. Des policiers palestiniens auraient également tiré sur des civils. Soixante-cinq Palestiniens, dont 37 membres des forces de sécurité, ainsi que 16 agents des services de sécurité israéliens ont été tués pendant ces quatre jours de manifestations. Une fois encore, Israël a totalement fermé les frontières avec les territoires relevant de l'Autorité palestinienne.
2. L'Autorité palestinienne et les droits de l'homme
La Déclaration de principes signée en septembre 1993 par Israël et l'OLP ne faisait aucune référence aux droits de l'homme. Ceux-ci n'étaient mentionnés que de façon succinte dans l'Accord de 1994 sur la bande de Gaza et Jéricho. L'article XIV dispose :
« Israël et l'Autorité palestinienne exerceront leurs pouvoirs et responsabilités conformément au présent Accord, dans le respect des normes et principes des droits de l'homme et de la primauté du droit, internationalement reconnus. »
Des engagements similaires figurent à l'article XIX de l'Accord d'Oslo 2 de 1995[7]
L'Autorité palestinienne n'étant pas admise aux Nations unies en tant qu'État indépendant, elle ne peut ratifier les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ou la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le président Yasser Arafat a toutefois déclaré le 2 octobre 1993 aux représentants d'Amnesty International que l'OLP s'engageait à respecter l'ensemble des normes internationalement reconnues en matière de droits de l'homme et à les incorporer intégralement dans la législation palestinienne. Il a réitéré cet engagement lorsqu'il s'est entretenu avec le secrétaire général de l'Organisation le 7 février 1996.
Aux termes de l'article VII-1 de l'Accord sur la bande de Gaza et Jéricho :
« L'Autorité palestinienne disposera, dans le cadre de sa juridiction, du pouvoir de promulguer des lois, incluant les lois fondamentales, les lois, les règlements et autres actes législatifs. »
Immédiatement après la signature de la Déclaration de principes, la commission juridique du Conseil national palestinien (CNP) a entrepris de rédiger un projet de loi fondamentale qui devait servir de cadre pour le fonctionnement de l'Autorité palestinienne pendant la période de transition. Le texte de cette loi fondamentale a été largement diffusé au cours des deux dernières années et il a fait l'objet d'un débat dans l'opinion publique palestinienne. Chaque nouveau projet tendait à renforcer les dispositions relatives aux droits fondamentaux, mais l'Autorité palestinienne a tenté récemment de soumettre au Conseil législatif une version de la loi fondamentale contenant des garanties moins solides en matière de droits de l'homme. Le Conseil législatif a insisté pour débattre du quatrième projet. Ce texte, qui n'a pas encore force de loi mais qui a été adopté en première lecture par le Conseil législatif palestinien, est celui cité dans le présent rapport.
L'article 8 du quatrième projet de loi fondamentale palestinienne dispose :
« La Palestine reconnaît et respecte les droits fondamentaux et les libertés énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que dans les autres conventions et pactes qui garantissent ces droits et libertés. Les autorités palestiniennes adhèreront à ces instruments internationaux. »
La Commission palestinienne indépendante de défense des droits des citoyens, instaurée le 30 septembre 1993 par un décret du président Yasser Arafat, a pour mission de « surveiller la législation et les règlements ainsi que le fonctionnement des différents départements, organes et institutions de l'État de Palestine et de l'OLP afin de garantir le respect des dispositions nécessaires à la protection des droits de l'homme. » Cette commission, qui compte quatre avocats parmi ses membres, a ouvert des bureaux à Jérusalem, à Ramallah et à Gaza. Elle a publié en octobre 1996 son premier rapport annuel, couvrant une période qui s'achève en juillet 1995. Ce document expose en détail les investigations de la commission sur des cas de torture, de mort en détention et d'homicides imputables aux membres des services de sécurité palestiniens, ainsi que sur les conditions de détention et les restrictions à la liberté d'expression. Il contient en outre un certain nombre de recommandations adressées à l'Autorité palestinienne.
La population palestinienne des Territoires occupés bénéficie depuis des années de l'action d'un grand nombre d'organisations de défense des droits de l'homme tant palestiniennes qu'israéliennes, internationales ou mixtes qui font activement campagne en faveur du respect des droits de l'homme et des normes humanitaires. D'autres organisations concentrent leurs activités sur des problèmes précis comme la fin de la détention administrative en Israël, apportent une assistance juridique aux personnes arrêtées ou un soutien aux prisonniers palestiniens. La plupart des organisations palestiniennes continuent à agir en faveur des droits de l'homme dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne. Les responsables de certaines branches des services de sécurité palestiniens ont autorisé les organisations de défense des droits de l'homme à inspecter les centres de détention et à rencontrer les détenus. Les organisations ont également pu évoquer avec ces responsables leurs sujets de préoccupation, mais peu de mesures ont été prises. Les organisations de défense des droits de l'homme ont en outre participé à la mise en place des cours d'éducation aux droits de l'homme dispensés à l'école de police de Jéricho et dans des centres locaux[8]
La Commission palestinienne indépendante de défense des droits des citoyens et les autres organisations palestiniennes de défense des droits fondamentaux ont soumis à l'Autorité palestinienne des cas de violations imputables à des membres des forces de sécurité palestiniennes. Ces organisations se plaignent cependant de ne recevoir que rarement une réponse à propos des cas évoqués confidentiellement ; et lorsqu'elles rendent publics leurs sujets de préoccupation, il arrive que les personnes dont les déclarations sont considérées comme critiques envers l'Autorité palestinienne soient arrêtées et emprisonnées (cf. ci-après). Un certain nombre d'organisations palestiniennes de défense des droits de l'homme continuent toutefois d'exprimer publiquement leur inquiétude concernant les violations des droits de l'homme perpétrées par les forces de sécurité palestiniennes.
Amnesty International a exhorté l'Autorité palestinienne à adhérer aux normes internationales relatives aux droits de l'homme. Elle la prie également de soutenir les militants des droits de l'homme dans leur rôle légitime consistant à surveiller l'évolution de la situation des droits de l'homme, à contribuer au débat dans ce domaine et à uvrer pour que tout individu jouisse de l'ensemble de ses droits fondamentaux.
3. Une multiplicité de forces de police
L'article VIII de la Déclaration de principes de septembre 1993 disposait :
« En vue d'assurer l'ordre public et la sécurité intérieure des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, le Conseil établira une force de police importante [...] ».
L'Accord sur la bande de Gaza et Jéricho signé le 4 mai 1994 et l'Accord d'Oslo 2 conclu en 1995 redisent, pratiquement avec les mêmes mots, la nécessité d'établir « une force de police importante ». Il existe aujourd'hui un risque de voir celle-ci supplanter l'administration civile palestinienne.
L'article IV(2) annexe 1 de l'Accord d'Oslo 2 signé en 1995 prévoit que la police palestinienne consistera en une seule unité composée de quatre services police civile, sécurité publique, sécurité préventive, services de renseignement et de secours d'urgence ñ, placée sous le contrôle du Conseil. Le texte de cet article dispose : « Dans chaque district, tous les membres des quatre services de police dépendront d'un commandement central. » Les garde-côte palestiniens bahriyya, que l'on connaît également sous le nom de police maritime ou de marines sont mentionnés comme constituant une unité distincte.
Il n'existe toutefois pas de commandement unifié au niveau central ni à celui du district. Il est même difficile de connaître le nombre exact de services de sécurité ; au moins 10 services de police et de sécurité différents[9] agissent dans les zones relevant de l'Autorité palestinienne, et parfois en dehors de celles-ci. Dans chaque district palestinien peuvent opérer plusieurs branches des services de sécurité, qui n'ont que très peu de comptes à rendre. Aucune d'entre elles ne semble soumise à une autorité civile bien qu'en théorie le gouverneur (muhafez) de chaque ville soit le plus haut responsable des forces de sécurité présentes dans sa juridiction[10] L'étendue du contrôle exercé par les chefs de chacune des branches des forces de sécurité sur les unités déployées dans d'autres parties de la Cisjordanie est également peu claire.
La police palestinienne a été recrutée en partie chez les Palestiniens de la diaspora notamment parmi les membres de l'Armée de libération de la Palestine (ALP), bras armé de l'OLP ñ, et en partie dans la population locale de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Composés à l'origine de 12 000 policiers, les effectifs avaient atteint 20 000 hommes en juillet 1995. On estimait en septembre 1996 à plus de 40 000 le nombre des membres des différents services de sécurité. La bande de Gaza compte quelque 20 000 policiers, soit un membre du personnel chargé de l'application des lois pour 50 habitants ; il s'agit peut-être du taux de policiers le plus élevé au monde par rapport aux civils.
En théorie, tous les services de sécurité dépendent du général Nasser Youssef, chef de la sécurité publique, basé à Gaza. Celui-ci a déclaré à Amnesty International que les différents services des forces de sécurité étaient complémentaires, et qu'ils étaient dirigés par un conseil de sécurité présidé par Yasser Arafat. Dans la pratique, ces services semblent toutefois indépendants et souvent concurrents. Les prisonniers politiques peuvent avoir été arrêtés par les Services palestiniens de sécurité préventive théoriquement rattachés à la police ñ, par les services de renseignements (mukhabarat), par les services de renseignements militaires (istikhbarat), ou par la Force 17, unité spéciale dépendant directement du président Arafat. Un ancien détenu a déclaré aux représentants de l'Organisation :
« J'ai été arrêté deux fois et détenu sans inculpation ni jugement par quatre services de police différents. J'ai demandé au chef de la police qui faisait la loi, et il m'a répondu : « La loi, c'est nous. »
Tous les services de police sont armés. Les différents services des forces de sécurité qui ont procédé ces deux dernières années à des arrestations et à des placements en détention semblaient souvent ne pas agir en coordination ni même communiquer entre eux. Amnesty International a eu connaissance de cas dans lesquel une unité des forces de sécurité s'est présentée pour arrêter un individu qui avait déjà été interpellé par un autre service.
« Ce qui est singulier à propos de mon arrestation, c'est que j'étais détenu par les mukhabarat et que d'autres services des forces de sécurité continuaient à me rechercher ; ceux-ci sont même allés jusqu'à ériger des barrages routiers pour me retrouver. »
Les détenus passent parfois d'un service à l'autre pendant les interrogatoires :
« L'interrogatoire que j'ai subi d'ordre général, et sans tortures a été mené par quatre services de sécurité : les mukhabarat qui m'ont interpellé, les Services palestiniens de sécurité préventive, les istikhbarat et les forces spéciales. »
Les homicides par balles imputables aux forces de sécurité sont fréquents, étant donné le grand nombre de policiers armés. Plus de 50 civils ont été tués par la police palestinienne et plus d'une centaine d'autres blessés depuis 1994. Des opposants présumés à l'Autorité palestinienne semblent avoir été exécutés de manière extrajudiciaire, et des civils ont été victimes d'homicides délibérés et arbitraires. Des personnes ont par ailleurs trouvé la mort à la suite du déclenchement accidentel d'une arme à feu, ou au cours de fusillades entre des membres des forces de sécurité et des personnes qu'ils tentaient d'arrêter, voire entre différentes branches rivales des forces de sécurité.
C'est ainsi que le 18 novembre 1994, 13 personnes ont été tuées par des policiers qui ont ouvert le feu sur une manifestation de sympathisants du Hamas devant la mosquée Palestine à Gaza. Le 1[11]
Le 21 août 1996, Riba Nidal Hindi, une fillette de onze ans, a trouvé la mort à Gaza à la suite d'une fusillade entre des membres de la police et des agents des services de sécurité préventive. Le procureur général Khaled al Qidreh a déclaré que plusieurs personnes avaient été arrêtées, et qu'une enquête était en cours.
4. Les arrestations politiques arbitraires et la détention sans jugement
L'article 9-1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose :
« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. »
Le quatrième projet de loi fondamentale de l'Autorité palestinienne prévoit :
« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. »
Dans la bande de Gaza, les arrestations sont régies par l'ordonnance de 1924 du Code de procédure pénale (arrestation et perquisitions), promulguée à l'époque du mandat britannique sur la Palestine. L'article 10-1 de cette ordonnance dispose :
« Tout individu arrêté sans mandat et détenu en vertu du précédent article [qui confère aux policiers le pouvoir de procéder à des arrestations] sera présenté à un magistrat dans les quarante-huit heures suivant son interpellation. »
En Cisjordanie (soumise à l'autorité jordanienne de 1948 à 1967), les procédures d'arrestations sont régies par le Code jordanien de procédure pénale promulgué en 1961, qui prévoit que toute personne arrêtée doit comparaître dans les vingt-quatre heures devant le procureur général :
« 1. Le procureur général interrogera immédiatement l'accusé qui lui sera présenté en vertu d'une citation à comparaître. L'accusé qui comparaîtra en vertu d'un mandat sera interrogé dans les vingt-quatre heures suivant son placement en détention.
« 2. À l'expiration du délai de vingt-quatre heures, le fonctionnaire responsable de la détention présentera automatiquement l'accusé au procureur général. »
Article 112
« Si un accusé arrêté en vertu d'un mandat est maintenu en garde à vue pendant plus de vingt-quatre heures sans être interrogé par le procureur général ou sans être présenté à celui-ci conformément aux dispositions de l'article précédent, son arrestation sera considérée comme un acte arbitraire et le fonctionnaire responsable sera poursuivi pour privation de la liberté individuelle, infraction prévue au Code pénal. »
Article 113
Hormis la petite centaine de personnes ayant comparu devant les cours de sûreté de l'État, la grande majorité des quelque 2 000 prisonniers politiques arrêtés et incarcérés par l'Autorité palestinienne depuis deux ans ont été maintenus en détention sans inculpation ni jugement. Certains ont été détenus durant plusieurs jours, voire plusieurs mois, avant d'être remis en liberté sans inculpation. Ils ont été privés de contact avec un avocat et avec leurs proches pendant des semaines, quand ce n'était pas pendant toute la durée de leur détention. Certaines personnes ayant été incarcérées plusieurs semaines sans inculpation ni jugement ont affirmé qu'on avait refusé de leur délivrer le certificat de remise en liberté qu'elles sollicitaient.
De nombreuses arrestations résulteraient des pressions extérieures exercées notamment par Israël et par les États-Unis en vue d'obtenir l'interpellation des auteurs d'attaques violentes contre des cibles israéliennes. L'Autorité a bien entendu le devoir d'appréhender les individus accusés de crimes. Toutefois, l'ampleur des arrestations et leur caractère arbitraire laissaient souvent à penser que les forces de sécurité cherchaient uniquement à interpeller un grand nombre de sympathisants présumés de partis d'opposition, sans se préoccuper de savoir s'ils avaient commis, ou étaient soupçonnés d'avoir commis, une infraction pénale.
Les arrestations de sympathisants présumés de groupes opposés au processus de paix ont commencé peu après le transfert officiel de la bande de Gaza sous la juridiction de l'Autorité palestinienne, en mai 1994. La plupart des quelque 800 personnes arrêtées en 1994 ont été libérées quelques jours plus tard ; toutefois, un petit nombre de sympathisants de groupes islamistes ont été détenus pendant cinquante jours. Ces prisonniers ont été maintenus en détention en dehors de toute procédure légale : ils n'ont pas comparu devant un magistrat susceptible de statuer sur le bien-fondé de leur détention, et ils se sont vu officiellement interdire tout contact avec leur avocat et leurs proches (les familles des détenus ont toutefois été souvent autorisées à les rencontrer de manière informelle). Plutôt que d'évoquer des faits précis, les interrogatoires semblent s'être fréquemment limités à des questions d'ordre général concernant la vie personnelle des détenus et leur affiliation politique.
À partir de janvier 1995, les modalités d'arrestation et de placement en détention ont changé. Les personnes appréhendées ont été emprisonnées, souvent au secret, pendant plus de vingt jours soit une période plus longue qu'auparavant avant d'être remises en liberté sans inculpation. Le décret promulgué en février 1995 par le président Arafat et instituant une cour de sûreté de l'État a conféré à l'Autorité palestinienne le pouvoir de condamner des individus à de longues peines d'emprisonnement à l'issue de procès sommaires, et sans garanties légales suffisantes. Les procès devant la cour de sûreté de l'État ont commencé après que deux attentats à l'explosif eurent été perpétrés les 9 et 10 avril 1995 contre des Israéliens. À la date du 26 mai 1995, 33 personnes avaient été condamnées à des peines allant jusqu'à vingt-cinq ans d'emprisonnement à l'issue de procès sommaires et iniques.
Le nombre des affaires jugées par cette instance a diminué à partir de juin 1995, peut-être en raison des protestations émises tant au niveau local qu'international. Les personnes arrêtées n'ont toutefois pas été déférées à des tribunaux civils, et la pratique consistant à maintenir des prisonniers politiques en détention sans inculpation ni jugement n'a pas cessé. À la veille des élections du 26 janvier 1996, un certain nombre d'opposants présumés au processus de paix appartenant au FPLP et à des groupes islamistes ont été arrêtés dans les villes de Cisjordanie passées peu de temps auparavant sous la juridiction de l'Autorité palestinienne. Un ancien détenu a déclaré à Amnesty International :
« J'ai été arrêté cinq fois sous l'occupation israélienne puis remis en liberté. Quinze jours plus tard, j'étais arrêté par l'Autorité palestinienne et incarcéré dans la même prison. »
Jusqu'à la date d'octobre 1996, le plus grand nombre d'arrestations opérées par l'Autorité palestinienne ont eu lieu au lendemain des quatre attentats-suicides perpétrés fin février et début mars 1996 à Jérusalem, à Tel Aviv et non loin d'Ashqelon, des attaques qui ont causé la mort de 59 personnes, des civils pour la plupart. Plus de 1 200 sympathisants présumés des groupes islamistes auraient été arrêtés par l'Autorité palestinienne plus de 400 dans la bande de Gaza, et quelque 800 en Cisjordanie. Plus de 300 personnes ont par ailleurs été interpellées en Israël pendant la même période. En ce qui concerne les habitants de la zone B, ils pouvaient être arrêtées soit par Israël, soit par l'Autorité palestinienne. Au moins 150 prisonniers politiques étaient apparemment détenus en Cisjordanie et environ 300 à Gaza au moment de la rédaction du présent document.
La plupart des arrestations politiques sont effectuées sans mandat, et les détenus ne sont présentés ni à un juge ni à un procureur. Le témoignage suivant est typique de ceux recueillis par l'Organisation :
« Trois policiers en civil portant des bérets de la police sont arrivés. Ma femme leur a dit : « Qu'est-ce que vous voulez à Mohammed ? » Le chef a répondu : « On va l'emmener pour que tu te reposes un peu. Nous avons reçu l'ordre de l'arrêter. » Elle a répliqué : « Montrez-moi cet ordre. » Il a rétorqué : « L'ordre, c'est moi. »
Les membres des forces de sécurité qui procèdent aux arrestations disent souvent aux personnes interpellées qu'elles ne seront retenues que quelques minutes. Beaucoup sont détenues sans inculpation ni jugement pendant plusieurs mois. Les arrestations sont souvent opérées par un grand nombre de membres armés des forces de sécurité et s'accompagnent de violences injustifiées. Un journaliste accusé d'avoir rédigé un article critiquant l'Autorité palestinienne a déclaré :
« Je me rendais en voiture à une réunion quand mon véhicule a été encerclé par trois autres voitures. Une quinzaine d'hommes armés de fusils kalachnikov se sont précipités vers moi en me criant de lever les bras. Ils étaient en civil et circulaient à bord de voitures banalisées. Ils m'ont attaché les mains et m'ont bandé les yeux, puis ils m'ont emmené dans les locaux des istikhbarat. »
Le caractère arbitraire de bon nombre d'arrestations est illustré par les cas fréquents où les forces de sécurité ont interpellé, outre le suspect recherché, une seconde personne. C'est ainsi qu'un ancien prisonnier originaire de Cisjordanie a déclaré : « Mon frère cadet est plus grand que moi, ils l'ont donc arrêté aussi et l'ont gardé pendant deux jours. » Un étudiant appréhendé en mars 1996 a affirmé : « Mon frère me ressemble, ils nous ont donc arrêtés tous les deux. »
Des membres de la famille des personnes recherchées sont souvent retenus en otages de façon à faire pression sur celles-ci pour qu'elles se rendent. Un ancien détenu a déclaré que ses deux frères et son neveu âgé de quinze ans avaient été arrêtés par les mukhabarat, puis remis en liberté une fois qu'il s'était rendu. Musa al Ghaul et Jaber al Ghaul, des agriculteurs d'une cinquantaine d'années, ont été arrêtés à Gaza par les mukhabarat le 8 juin 1996 après que leur frère Adnan al Ghaul, un dirigeant du Hamas, fut entré dans la clandestinité. Les deux hommes ont affirmé que les policiers leur avaient dit : « On vous libèrera quand votre frère se sera rendu. » Leurs proches n'ont pas été autorisés à les rencontrer pendant les trente premiers jours de leur détention. Le général Amin al Hindi, responsable des mukhabarat, a déclaré aux représentants d'Amnesty International qui lui avaient soumis le cas de ces deux hommes que ceux-ci étaient détenus en raison de leurs activités personnelles. Relâchés au mois d'août, ils n'avaient pourtant, à l'instar de centaines d'autres détenus, jamais été inculpés.
L'article 14 de la loi de 1924 relative à l'information judiciaire et au procès dispose :
« Un magistrat devant lequel un accusé a comparu, en état d'arrestation ou non, dans le cadre d'une instruction pourra pendant la durée de la procédure prononcer, de temps à autre, le placement en détention de l'accusé pour des périodes ne pouvant dépasser quinze jours, et décerner mandat de dépôt pour la dite période ou accepter la remise en liberté sous caution[12]13. »
Les responsables des Services palestiniens de renseignements (mukhabarat) à Gaza ont déclaré aux délégués de l'Organisation qui se sont rendus dans leurs locaux que les détenus n'étaient pas inculpés ni jugés car les enquêtes étaient liées entre elles, et que les procès ne pouvaient avoir lieu avant que toutes les investigations soient terminées. Bien que les détenus aient régulièrement affirmé qu'ils n'avaient pas comparu devant un magistrat, les dossiers présentés aux délégués d'Amnesty International[13] contenaient une ou plusieurs prolongations de détention délivrées par un magistrat pour une période de quinze jours. Ces prolongations ne couvraient toutefois jamais la totalité de la détention. C'est ainsi que dans un dossier contenant cinq prolongations de détention, la dernière remontait à plus de deux mois auparavant. Un autre dossier ne renfermait qu'une seule prolongation datée du mois de janvier, soit sept mois avant la visite des représentants de l'Organisation.
Des "collaborateurs" personnes soupçonnées de collaboration actuelle ou passée avec les services secrets israéliens et des sympathisants présumés du Fatah-Conseil révolutionnaire (appelé aussi groupe Abou Nidal[14]15) ont été détenus au secret pendant de longues périodes. Des personnes qui avaient travaillé pour l'Autorité palestinienne ont également été maintenues en détention prolongée au secret ; la raison précise de leur arrestation est souvent peu claire.
Khaled Wahba, vingt-deux ans, ancien étudiant à l'université de Bir Zeit ayant renoncé à ses études pour devenir policier, a été arrêté le 15 mai 1995. Sa famille, ignorant quel service de sécurité l'avait interpellé et où il était détenu, est allé de service en service pour tenter de le retrouver. Elle a finalement appris que le jeune homme était détenu par les istikhabarat, mais n'a pas été autorisée à le rencontrer. Khaled Wahba a été libéré sans inculpation le 23 novembre 1995 après avoir été détenu pendant plus de six mois au secret. Il portait encore des marques sur le corps, et ses proches en ont déduit qu'il avait été sauvagement battu pendant sa détention. Arrêté à nouveau le 7 décembre 1995, le jeune homme a été maintenu au secret par les istikhbarat pendant plus de deux mois. Les délégués d'Amnesty International ont soumis son cas au président Arafat le 7 février 1996. Khaled Wahba a été autorisé trois semaines plus tard à recevoir la visite de ses proches. Il était toujours détenu sans inculpation ni jugement au moment de la rédaction du présent rapport.
Le commandant Farid Al Salya, membre de la police palestinienne affecté à l'état-major du général Nasser Youssef, a été arrêté apparemment par les Services de sécurité préventive le 7 juillet 1996, soit une semaine après l'interpellation de son subordonné, le sergent Muhammad Ferhat. Les deux hommes auraient été détenus au secret à Ramallah sans que leurs familles ne soient informées du lieu de leur incarcération. Ils auraient ensuite été détenus à Gaza par la Force 17, et seraient maintenus au secret sur ordre du président Yasser Arafat. Le commandant Al Salya aurait été transféré le 18 septembre à l'hôpital Shifa de Gaza, après s'être cassé la jambe en sautant du deuxième étage du centre de détention de la Force 17. Amnesty International a soumis à plusieurs reprises le cas de ces deux hommes à l'Autorité palestinienne sans recevoir de réponse.
Généralement les familles des personnes maintenues en détention pendant de longues périodes ont des entrevues avec des personnalités palestiniennes ou leur adressent des requêtes. Nombre de ces familles ont affirmé qu'on leur avait répondu que seul le président Arafat pouvait ordonner la remise en liberté de leurs proches. Les conditions de détention et les règles régissant les visites varient d'une prison ou d'un centre de détention à l'autre. De nombreux établissements pénitentiaires autorisent les détenus à recevoir la visite de leur famille et de membres des organisations de défense des droits de l'homme. À l'exception des prolongations de détention, apparemment accordées en l'absence des détenus, un facteur semble commun à toutes ces arrestations : les prisonniers sont détenus en dehors du cadre légal, ils ne sont ni inculpés ni jugés, et il n'existe aucune procédure d'examen impartial du bien-fondé de leur détention.
L'emprisonnement de militants des droits de l'homme et de journalistes
Un certain nombre de militants des droits de l'homme et de journalistes qui avaient critiqué l'Autorité palestinienne ou désobéi aux ordres du président Yasser Arafat ont été arrêtés. Des éléments indiquent d'ores et déjà que certaines personnes qui avaient dénoncé les atteintes aux droits de l'homme ne sont désormais plus disposées à le faire.
Citons parmi les militants des droits de l'homme qui ont été arrêtés :
Raji Sourani, directeur du Centre palestinien pour les droits de l'homme, et qui était à l'époque directeur du Centre de Gaza pour le droit et la loi. Il a été interpellé le 14 février 1995 et détenu pendant seize heures pour avoir organisé un séminaire au cours duquel devait être évoqué le décret instaurant les cours de sûreté de l'État. Il a été libéré sans inculpation.
Bassem Eid, militant des droits de l'homme, a été appréhendé le 2 janvier 1996. Il travaillait alors pour l'organisation israélienne de défense des droits de l'homme B'Tselem. Cette organisation venait de publier un rapport laissant entendre que des Palestiniens coupables d'actes de torture avaient été intégrés dans les Services palestiniens de sécurité préventive. Il a été libéré sans inculpation le lendemain.
Iyad al Sarraj, président de la Commission palestinienne indépendante de défense des droits des citoyens et directeur du Programme de santé mentale de Gaza, a été arrêté trois fois en 1995 et en 1996 pour avoir critiqué ouvertement la situation des droits de l'homme dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne.
Muhammad Dahman, directeur du bureau de Gaza de l'organisation de défense des droits de l'homme Al Damir (La Conscience), a été interpellé le 12 août 1996 par les mukhabarat pour avoir publié un communiqué réclamant une enquête sur le suicide présumé de Nahed Dahlan à l'issue d'un interrogatoire. Il a été inculpé de provocation par diffusion de fausses nouvelles et renvoyé devant la cour de sûreté de l'État. Muhammad Dahman a été détenu jusqu'au 27 août ; les poursuites engagées à son encontre ont apparemment été abandonnées.
Les trois interpellations d'Iyad al Sarraj en décembre 1995 puis en mai et en juin 1996 illustrent une escalade dangereuse. Le 7 décembre 1995, cet homme a été détenu sans inculpation pendant neuf heures pour avoir, semble-t-il, critiqué l'Autorité palestinienne. Il a été arrêté le 18 mai 1996 après avoir donné une interview dans laquelle il dénonçait la situation des droits de l'homme dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne. Son maintien en détention a été prolongé par un tribunal mais il n'a pas été inculpé. Remis en liberté le 26 mai, il a de nouveau été arrêté le 10 juin 1996. Le docteur Iyad al Sarraj, mondialement connu pour ses travaux en médecine et pour son action en faveur des droits de l'homme, aurait été battu, jeté par terre et frappé à coups de pied par des policiers peu après son interpellation. Il a d'abord été inculpé de détention de drogue puis, après avoir réussi à transmettre une déclaration concernant les sévices qui lui avaient été infligés, il a été poursuivi pour violences sur la personne de policiers. Iyad al Sarraj a été libéré le 26 juin, après des interventions énergiques au niveau local et international[15] Détenu pendant dix-sept jours, il n'a pu recevoir qu'une visite du consul général des États-Unis et une autre de ses surs.
Des journalistes qui avaient critiqué l'Autorité palestinienne ou dénoncé des violations des droits de l'homme ont également été arrêtés. Tahar Nunu, interpellé en avril 1995, a été détenu pendant vingt-trois jours sans jugement. Il avait apparemment laissé entendre que des membres du mouvement Hamas qui, selon la version officielle, étaient morts à la suite de l'explosion de bombes, avaient en réalité été délibérément abattus par des membres des services de sécurité palestiniens. Il a été à nouveau détenu pendant quelques heures le 30 août pour avoir déclaré que Mahmud Zahhar avait été torturé (cf. p. 22). Mahr al Alami, rédacteur en chef du quotidien Al Qods (Jérusalem), a été appréhendé le 25 décembre 1995 et détenu durant six jours : il aurait publié un entretien entre le président Arafat et le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem en huitième page et non à la une, ainsi que l'avait, semble-t-il, demandé le bureau du président Arafat.
La détention pendant vingt-cinq jours du docteur al Sarraj, militant des droits de l'homme connu dans le monde entier, a suscité des pressions au niveau international en faveur de sa libération. Cependant, il demeure toujours inculpé. Amnesty International craint que les droits fondamentaux d'autres militants des droits de l'homme et de personnes moins connues, mais qui risquent tout autant d'être victimes d'arrestations arbitraires, de mauvais traitements, d'actes de torture et de détention prolongée, ne soient bafoués.
5. La torture et les mauvais traitements
L'article 7 du PIDCP dispose : « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »
L'article 11 du quatrième projet de loi fondamentale palestinienne dispose : « Tous les individus ont droit au respect inhérent à la dignité humaine. Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nul ne sera soumis sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique. Toute déclaration ou tous aveux obtenus sous la torture ou la menace de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant ne pourront être retenus. »
Le recours à la torture à l'encontre des prisonniers politiques et de droit commun risque de devenir systématique dans certains centres de détention de Gaza et de Cisjordanie. La crainte de représailles exprimée par les victimes au cas où leur nom serait rendu public par des organisations de défense des droits de l'homme s'est renforcée au cours de l'année écoulée ; elle est étroitement liée au recours de plus en plus fréquent à la torture et aux mauvais traitements. Les chercheurs des organisations de défense des droits de l'homme qui ont travaillé pendant les premiers mois de l'Autorité palestinienne ont constaté que la plupart des victimes d'arrestation arbitraire et d'emprisonnement politique étaient prêtes à déposer une plainte officielle et à voir leur nom et leur témoignage rendus publics. À la mi-96, la peur était telle que la simple mention du nom paraissait de trop : ainsi, un étudiant de vingt-quatre ans travaillant dans telle université, torturé par tel service à tel endroit, craignait d'être identifié même si son nom n'était pas indiqué. Un homme qui avait été détenu avec 12 autres personnes dans une cellule exiguë redoutait pour sa part des représailles si le nom du centre de détention ou le type de sévices subis étaient mentionnés.
De juin 1994 à juin 1995, soit pendant la première année de l'Autorité palestinienne, il semble que les personnes torturées étaient généralement celles accusées de collaboration avec les services de sécurité israéliens ou soupçonnées de certaines infractions de droit commun, notamment le trafic de drogue et la prostitution. C'est ainsi qu'une femme enceinte arrêtée à Gaza en juin 1994 aurait été détenue pendant sept jours, la plupart du temps dans la prison centrale de Gaza. Apparemment accusée de prostitution, elle a été battue au cours de ses interrogatoires, lesquels ont duré plus de quatre jours. Cette personne a affirmé que les sévices avaient provoqué une fausse couche.
La majorité des centaines de membres présumés d'organisations hostiles au processus de paix qui ont été arrêtés à Gaza[16] Muhammad al Simri, détenu en instance de procès, aurait été battu en mars 1995 ; il a été jugé ultérieurement par la cour de sûreté de l'État pour avoir transporté des bombes en Israël.
À la mi-95, les informations faisant état de passages à tabac et de mauvais traitements infligés à Gaza aux prisonniers politiques et de droit commun sont devenues plus nombreuses. Mahmud al Zahhar, dirigeant du mouvement Hamas à Gaza, a été arrêté le 28 juin 1995. Détenu pendant plus de trois mois sans inculpation ni jugement, il aurait été battu au point d'avoir le bras cassé ; on lui a en outre rasé la barbe et les cheveux[17] Selon certaines sources, des personnes vivant dans des zones de Cisjordanie ne relevant pas de l'Autorité palestinienne ont été enlevées à leur domicile par des membres de groupes paramilitaires[18] proches de l'Autorité palestinienne ou par les services de sécurité palestiniens, notamment les Services de sécurité préventive, et torturés dans des centres de détention secrets de Cisjordanie ou dans la prison de Jéricho.
Après la signature de l'Accord d'Oslo 2 (Accord de Taba) en septembre 1995, la fin de la domination israélienne sur les villes principales de Cisjordanie a été célébrée avec faste à Naplouse, Ramallah et Bethléem. Toutefois, au cours du mois qui a suivi, des cas de torture et de passage à tabac de Palestiniens ont été signalés dans ces villes. Les premiers cas survenus en janvier 1996 ont été souvent rendus publics. Les victimes de torture et leurs avocats ont déposé des plaintes officielles devant le procureur général en Cisjordanie ou devant les procureurs locaux, et ils ont écrit au président Arafat et aux autres membres de l'Autorité palestinienne. Des regrets, et l'annonce que les coupables seraient sanctionnés, ont parfois été exprimés, mais dans la plupart des cas les plaintes n'ont donné lieu à aucune réponse. Les plaignants qui persistaient dans leur action ont affirmé qu'ils avaient été menacés d'être incarcérés ou déférés à la cour de sûreté de l'État.
Amnesty International a recueilli des témoignages circonstanciés et concordants faisant état de tortures infligées par la plupart des services des forces de sécurité palestiniennes, notamment la police, les Services de sécurité préventive, les mukhabarat, les istikhbarat, la Force 17 et la bahriyya (police maritime). Le recours à la torture semble très répandu à Gaza, tandis que la situation est plus fluctuante en Cisjordanie. Depuis la fin de 1994, c'est une pratique courante dans les centres de détention de Jéricho dominés par les Services de sécurité préventive et les mukhabarat. Dans les territoires transférés sous juridiction de l'Autorité palestinienne en 1995, Naplouse et Bethléem sont des villes où nombre d'anciens détenus ont fait état de tortures. L'aile de la prison de Jneid à Naplouse, sous contrôle de la police maritime, est devenue en juillet et en août 1996 un lieu où le recours à la torture était systématique. Des cas de torture ont également été signalés à Tulkarem et à Ramallah. Le recours à la torture est toutefois très rare, voire inexistant, dans certains centres de détention et prisons.
Les méthodes de torture
Les méthodes de torture sont très variées. Il est possible que cela dépende des antécédents des tortionnaires. Certaines méthodes, notamment la privation de sommeil et les positions douloureuses utilisées dans la bande de Gaza, ressemblent de manière frappante aux méthodes de torture israéliennes infligées de longue date aux prisonniers politiques palestiniens. De nombreuses victimes ont toutefois déclaré que leurs tortionnaires venaient de l'extérieur c'est-à-dire qu'il s'agissait de Palestiniens revenus d'exil depuis 1994 plutôt que des Territoires occupés.
les brûlures de cigarettes ou causées par des appareils électriques
Mahmud Jumayel, mort le 31 juillet 1996 après avoir été torturé le 27 juillet dans la prison de Jneid à Naplouse, a été brûlé à l'aide d'appareils électriques, alors qu'il était suspendu en l'air et battu. Le Dr Milroy, médecin légiste indépendant, a examiné à la demande d'Amnesty International une série de photographies du corps de cet homme. Voici ce qu'il a noté :
« [...] brûlures multiples en forme de U. Beaucoup sont profondes et correspondent à des brûlures causées par une résistance électrique du type de celles utilisées pour les bouilloires. Une vingtaine ou plus de ces blessures sont présentes sur le thorax, l'abdomen, le dos et les membres. »
D'autres prisonniers, qui sont toujours incarcérés, auraient subi les mêmes sévices. Les brûlures de cigarettes sont fréquemment signalées :
« Le colonel a dit aux sept policiers : « Allez-y ! » Ils m'ont fait allonger par terre et m'ont enlevé mes chaussures. Quatre d'entre eux avaient des câbles électriques à la main ; ils avaient ôté le plastique d'un côté de façon à mettre les fils métalliques à nu. Ils ont commencé à me frapper sur la plante des pieds, et ils m'ont brûlé avec des cigarettes. »
le shabeh ("fantôme", position douloureuse) et la privation de sommeil
Des détenus ont affirmé qu'on leur avait recouvert la tête d'une cagoule et qu'on les avait forcés à rester assis ou debout jusqu'à vingt jours durant, les mains attachées par des menottes à une chaise[19]20, sans pouvoir dormir. Cette méthode est parfois combinée, comme en Israël, avec l'incarcération dans une cellule de la taille d'un placard (khazana) ou l'exposition à de l'air conditionné glacé. La diffusion de musique criarde vingt-quatre heures sur vingt-quatre à pleine puissance semble être utilisée comme forme supplémentaire de torture sensorielle ; cette méthode est semblable à celle décrite par des prisonniers torturés dans les prisons israéliennes.
Amnesty International a recueilli les témoignages suivants :
« Les membres du Service de sécurité préventive m'ont fait asseoir sur une chaise. J'avais les yeux bandés, j'entendais les pleurs et les hurlements des détenus et les portes du bureau qui s'ouvraient et se fermaient. De la musique criarde, peut-être américaine, japonaise ou hébraïque, était diffusée sans interruption. Je suis resté assis pendant trois jours, ils me frappaient sur la tête et la nuque pour me réveiller. J'ai rencontré par la suite des gens qui m'ont dit qu'ils avaient passé vingt ou trente jours sans dormir. Certains ont dû rester debout contre un mur, les bras en l'air, ou à genoux. »
« Les mukhabarat nous obligent à rester assis sur une chaise sans bouger. Ils appellent cela uslub al kursi (la procédure de la chaise). On ne peut pas dormir. Cela a duré deux jours et demi. Ils m'ont ensuite enfermé dans un khazana, qui est une sorte de haut placard mesurant 70 cm sur 50 ; on y est assis, on ne peut rien faire, mais il est possible de se tenir debout. Cet endroit est considéré comme la salle de repos pendant les interrogatoires. Ils me demandaient ensuite de m'accroupir et me faisaient parfois rester dans cette position de une à trois heures. J'ai également été forcé de rester debout ou assis à moitié nu devant un climatiseur. Les interrogatoires se déroulent le plus souvent au milieu de la nuit. J'ai été traité de la sorte pendant une vingtaine de jours, puis j'ai été transféré. Je n'ai pas été autorisé à consulter un médecin pendant toute cette période, mais j'ai subi un examen médical par la suite. »
« Ils m'ont tout de suite emmené dans la salle du shabeh, qui est un couloir étroit dans lequel un tuyau est fixé à environ deux mètres du sol. J'ai dû m'agripper au tuyau pendant qu'ils nous frappaient, moi et les autres, à coups de poing et de pied. Pendant le shabeh, j'avais la tête recouverte d'une cagoule et parfois les mains attachées par des menottes. Le premier jour, je suis resté dans cette position pendant trois heures environ. »
la suspension à un crochet fixé au plafond
La victime est suspendue par les pieds ou par les poignets attachés par des menottes. Cette méthode est parfois appelée farrouj (poulet), mais elle diffère de la forme de torture désignée sous ce nom dans les autres pays du Moyen-Orient, où la victime est suspendue à une barre horizontale. La victime est souvent battue ou soumise en même temps à d'autres sévices, tels ceux déjà décrits.
Un détenu a fait le récit suivant :
« Les membres des istikhbarat m'ont interrogé pendant seize heures. Leurs questions visaient juste à prouver que j'avais fait quelque chose. Ils ont commencé à me frapper au visage pendant que quelqu'un poussait de toutes ses forces sur les menottes dans mon dos. Puis ils m'ont relié les mains, toujours attachées par des menottes dans mon dos, à une chaîne qui pendait d'un crochet fixé au plafond et ils se sont mis à me frapper sur tout le corps à coups de câble électrique et de matraque. Ils m'ont attaché les jambes avec des cordes, ils m'ont frappé sur la plante des pieds à coups de bâton et de câble, et ils m'ont donné des coups de pied dans la poitrine et dans les jambes. Le lendemain, ils m'ont emmené dans un bureau et celui qui m'interrogeait m'a dit : « J'espère que tu ne nous en veux pas, excuse-nous et considère que tu as été frappé par ton père ou ton frère. » Il m'a interdit de parler à quiconque de ce que j'avais subi et il m'a relâché. »
les coups de câble, de tuyau, de bâton et les coups de poing et de pied
Les coups sont sans doute la forme la plus courante de torture et de mauvais traitements. L'utilisation de câbles électriques, dont le revêtement en plastique est généralement arraché pour que les fils soient à nu, est très souvent signalée.
Un ancien détenu a fait le récit suivant :
« Les membres des istikhbarat m'ont poussé dans une pièce blanche et ils m'ont frappé à coups de bâton, de câble et de poing tout en hurlant. Quand ils m'ont frappé à la tête, je suis tombé. L'un de ceux qui m'interrogeaient a posé son pied sur mon cou, tandis que les autres continuaient à me battre. J'ai ensuite été remis à des membres des Services de sécurité préventive qui m'ont frappé à coups de câble électrique et de poing ; ensuite, j'avais la jambe toute noire, et je n'ai pas pu me tenir debout pendant trois jours. J'ai rencontré quelqu'un dont le corps entier était noir. Je pense que mon histoire est très simple en comparaison de ce qui est arrivé à d'autres. »
Les coups sur les parties sensibles du corps, comme les testicules, sont également signalés :
« Celui qui m'interrogeait me demandait de me déshabiller. Si je refusais, on m'attachait les mains avec des menottes et j'étais contraint d'enlever mes vêtements. Puis les gardiens m'écartaient les jambes : l'un d'entre eux me tenait la jambe gauche, un autre la jambe droite, et le troisième s'asseyait sur ma poitrine. Celui qui m'interrogeait me frappait alors avec un tuyau sur les testicules et sur le pénis et je m'évanouissais. »
le plastique fondu versé sur le corps
« J'ai été interrogé par l'armée, la Force 17, et par les mukhabarat pendant plus de vingt jours, surtout la nuit. Ils m'ont fait toutes sortes de choses ; ils ont notamment fait couler du plastique fondu sur mon corps, et ils me frappaient en disant : « Nous voulons montrer aux Israéliens que nous avons attrapé celui qui a tué le colon. Si tu avoues, ta peine sera très légère, dix ans à peu près, et on te relâchera au bout d'un mois. »
les menaces et les insultes
Un certain nombre de détenus ont insisté sur le fait que la plupart des gardiens étaient aimables et serviables, surtout pendant la première année de l'Autorité palestinienne. Toutefois, depuis que le recours à la torture s'est répandu, les insultes contre la famille et les menaces de sanctions, de blessures ou de viol des parentes des prisonniers sont fréquemment signalées.
Un ancien détenu a déclaré :
« Quatre membres des mukhabarat m'ont frappé et je suis tombé par terre. J'ai alors été transféré à la prison et ils m'ont dit que je ne pourrais plus jamais passer mes examens, et qu'ils allaient violer ma mère et mes surs. »
Les raisons du recours de plus en plus fréquent à la torture
Les services de sécurité palestiniens ont reçu une aide importante des gouvernements étrangers depuis 1994. Le personnel de grade inférieur ou égal à celui de chef de service a été formé grâce à ce financement, en général par des policiers envoyés notamment par le Danemark, les États-Unis, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Une formation aux droits de l'homme a également été dispensée. L'évaluation des résultats de ces formations ainsi que d'autres formations reste à faire, et il n'est pas possible de savoir si les tortionnaires ont suivi les cours sur les droits de l'homme financés par des pays étrangers. L'aide et la formation ayant également concerné les plus hauts échelons de la hiérarchie, il est pratiquement certain que les responsables des services de sécurité en ont bénéficié. Toutefois, les chefs des services de sécurité palestiniens qui ont recours à la torture essentiellement la police, les Services de sécurité préventive, les mukhabarat, les istikhbarat, la bahriyya et la Force 17 cautionnent, pour le moins, les agissements de leurs subordonnés en n'ordonnant pas d'enquêtes sur les plaintes pour torture.
En préparant son rapport sur la cour de sûreté de l'État en avril 1995, Amnesty International a enquêté sur les conditions de la détention préventive de 29 membres de groupes islamistes ou de gauche opposés au processus de paix, arrêtés au cours des deux mois précédents. Deux d'entre eux s'étaient plaints de tortures et de mauvais traitements, notamment de passages à tabac. La situation s'est nettement dégradée en 1996. Les représentants de l'Organisation se sont rendus à deux reprises dans la région et ils ont rencontré d'anciens prisonniers, des militants des droits de l'homme, des avocats, des médecins et des proches des victimes. Après ces entretiens, il est difficile d'échapper à la conclusion suivante : sur plus de 800 personnes arrêtées à Gaza depuis février 1996, la majorité ont été torturées, ainsi qu'au moins un quart de celles arrêtées en Cisjordanie.
Le recours à la torture est favorisé par l'allongement de la détention au secret. Alors qu'en 1994 les proches des prisonniers politiques pouvaient généralement rencontrer ceux-ci au bout de quelques jours de détention, il est désormais fréquent qu'ils soient privés de tout contact avec eux pendant la première semaine au moins. La grande majorité des personnes interpellées en mars 1996, lors de la vague d'arrestations qui a suivi les attentats-suicides de février et de mars 1996, ont été immédiatement mises au secret. Celles arrêtées en Cisjordanie ont généralement été maintenues au secret jusqu'à une semaine durant, tandis que la plupart de celles appréhendées à Gaza, où le recours à la torture était systématique, ont été privées de tout contact avec l'extérieur pendant au moins un mois. L'Organisation a rappelé à l'Autorité palestinienne le lien existant, comme dans d'autres pays du monde, entre la détention au secret et le recours à la torture. Elle a insisté sur le fait que le contrôle de la détention au secret par une autorité judiciaire et la possibilité pour les détenus de rencontrer sans délai leurs proches, un avocat et un médecin, jouaient un rôle important dans la prévention de la torture.
Citons, parmi les autres facteurs qui favorisent le recours à la torture, le développement rapide de la police palestinienne ce qui a permis à des policiers non formés d'exercer des fonctions d'autorité ñ, la nécessité d'obtenir des informations sur des opérations passées ou futures, et la volonté d'obtenir des aveux. La torture a également été infligée à titre de vengeance ou de châtiment notamment contre les détenus de droit commun et les "collaborateurs". Depuis dix-huit mois, le recours à la torture reflète la frustration résultant du fait que les attaques armées contre des Israéliens retardent le processus de paix et entraînent la fermeture des frontières, avec toutes les conséquences économiques afférentes à cette mesure.
Par ailleurs, le fait que les plaintes formulées par les victimes contre leurs tortionnaires ne sont pratiquement jamais suivies d'effets a créé un climat d'impunité qui favorise le recours à la torture. L'Autorité palestinienne, au plus haut niveau, n'a rien fait jusqu'à présent pour mettre un terme à la torture, ce qui donne l'impression qu'une bonne partie des autorités cautionnent cette pratique, voire l'encouragent. Les tortionnaires n'ont été traduits en justice ou sanctionnés que dans de très rares cas qui avaient attiré l'attention des médias, ou lorsque la victime était une personnalité suffisamment connue. Les rares procès qui ont lieu, procès sommaires qui se déroulent le plus souvent en secret, semblent avoir pour but de dissimuler les circonstances du recours à la torture et d'étouffer toute enquête concernant les implications hiérarchiques, plutôt que d'élucider les affaires et de rendre la justice. La faiblesse des tribunaux, le non-respect des procédures régissant l'arrestation et la détention, ainsi que l'absence d'enquêtes et de réparation, sont parmi les facteurs institutionnels qui permettent à la torture de perdurer et se développer.
6. Les cas de mort en détention
Au moins neuf personnes détenues par les services de sécurité palestiniens sont mortes dans des circonstances qui laissent à penser que les sévices subis ont pu causé directement ou indirectement leur décès. Les autorités ont gardé le silence et tenté de dissimuler ces cas de mort en détention. Des enquêtes ont été annoncées concernant plusieurs de ces cas, mais les conclusions n'ont jamais été rendues publiques. À plusieurs reprises, les autorités ont déclaré que des membres des forces de sécurité responsables de la mort de détenus avaient été sanctionnés ; jamais, toutefois, le nom des coupables n'a été révélé, jusqu'à ce que la mort de Mahmud Jumayel, en juillet 1996, fasse l'objet d'une large publicité au niveau international.
Farid Hashem Abu Jarbu, originaire de la bande de Gaza, a été arrêté le 26 juin 1994. Il est mort en détention le 6 juillet de la même année, apparemment après avoir été torturé. Le ministre palestinien de la Justice, Freih Abu Middein, a annoncé que le décès de cet homme était dû à des violences. Quatre membres de la police palestinienne ont été arrêtés, mais il semble qu'ils aient été remis en liberté par la suite sans avoir été jugés.
Salman Jalaytah a été appréhendé à Jéricho le 15 janvier 1995 par des membres des Services de sécurité préventive. Le 18 janvier, la famille de cet homme a été informée de son décès. Elle a pu voir le corps, qui avait subi une autopsie, et a constaté la présence de traces de violences. Rashid Fityani, beau-frère de Salman Jalaytah, interpellé en même temps que celui-ci, a déclaré à ses proches qu'ils avaient tous deux été privés de nourriture, soumis à des décharges électriques, pincés avec des tenailles et frappés à l'aide de câbles[20]
Yusuf al Sharawi, vingt et un ans, a été tué d'une balle dans la tête le 26 mai 1995 au cours d'un interrogatoire à Gaza. Le procureur général Khaled al Qidreh aurait déclaré : « Un policier tenait une mitraillette à la main, l'arme est tombée et a heurté la table. Le coup est parti, une balle a atteint [le détenu] à la tête et l'a tué. C'était entièrement accidentel. » Le procureur général a ajouté que le policier responsable serait jugé mais, à la connaissance d'Amnesty International, aucun procès n'a eu lieu. Les lettres adressées par l'Organisation à Khaled al Qidreh pour solliciter des éclaircissements sur la mort de Yusuf al Sharawi sont restées sans réponse.
Muhammad Atwa Abd al Majid al Amur, un agriculteur de cinquante ans originaire de Khan Yunis dans la bande de Gaza, a été arrêté à son domicile le 24 avril 1995 par des membres des Services de sécurité préventive. Ce père de 17 enfants a été incarcéré à Rafah. Transféré le 19 juin 1995 à l'hôpital Shifa, il est décédé le 21 juin. Le jour même, sa famille a été informée de l'endroit où il se trouvait. Selon les informations parvenues à Amnesty International, le corps de cet homme portait des traces de brûlures, et d'autres éléments indiquaient qu'il avait été torturé. Une autopsie a été pratiquée, mais les conclusions n'en ont pas été rendues publiques. Aucune enquête ne semble avoir été ordonnée.
Tawfiq Subaih al Sawarkeh, trente-six ans, est mort le 27 août 1995 dans la prison centrale de Gaza peu de temps après son arrestation. Les autorités palestiniennes ont d'abord affirmé qu'il avait succombé à une crise cardiaque. Par la suite, le président Yasser Arafat a ordonné l'ouverture d'une enquête, et il a annoncé que les deux policiers qui avaient interrogé cet homme avait été entendus et suspendus. Le président Arafat s'est rendu au domicile de la famille al Sawarkeh ; à cette occasion, il aurait déclaré que tous les auteurs d'actes de torture seraient sévèrement sanctionnés. Personne ne semble toutefois avoir été inculpé ni jugé dans cette affaire.
Azzam Muslah, ressortissant américain, est mort le 28 septembre 1995. Cet homme de cinquante-deux ans a été interpellé le 27 septembre à 16 h 30 par des membres des Services de sécurité préventive ; il se trouvait alors dans un café situé à côté de son domicile, dans le village d'Aïn Yabrud, non loin de Ramallah, en dehors du territoire relevant de l'Autorité palestinienne. Le 28 septembre, ses proches se sont rendus dans les divers centres de détention de Jéricho pour savoir où il se trouvait, en vain. On leur a dit qu'il avait été remis aux mukhabarat. Le lendemain vers deux heures du matin, le corps d'Azzam Muslah a été ramené dans son village. La famille de cet homme a affirmé qu'il présentait des ecchymoses et des coupures à la tête. Sous l'influence de pressions extérieures, il a été procédé à l'exhumation du corps d'Azzam Muslah vingt et un jours après le décès, et une autopsie a été pratiquée : celle-ci a conclu qu'avant de mourir, la victime avaient eu trois côtes cassées. Trois membres des mukhabarat auraient été jugés et condamnés, les deux premiers à une peine d'un an d'emprisonnement, et le troisième à sept ans de prison. Aucune information n'a toutefois été rendue publique concernant les circonstances de la mort d'Azzam Muslah, le déroulement du procès ou le nom des policiers impliqués.
Mahmud Jumayel, vingt-six ans, originaire de Naplouse, a été arrêté le 18 décembre 1995. Détenu sans inculpation ni jugement à Jéricho par les Services de sécurité préventive, il n'a apparemment pas été maltraité. Il a été remis à la police maritime le 26 juillet et transféré à la prison de Jneid à Naplouse. Là, il aurait été suspendu par les pieds pendant trois heures d'une heure à quatre heures du matin ñ, frappé à coups de câble et de matraque et brûlé avec des appareils électriques. Il est mort le 31 juillet 1996 à l'hôpital Hadassah de Jérusalem.
Le président Yasser Arafat a ordonné l'ouverture d'une enquête, et une commission d'enquête a été désignée par le Conseil législatif palestinien. Les conclusions des investigations n'ont pas été rendues publiques, mais le Conseil législatif a discuté du rapport rédigé par la commission lors d'une séance à huis clos les 14 et 15 août 1996[21]
Peu après la mort de Mahmud Jumayel[22]23, deux autres personnes sont mortes dans des circonstances qui laissent à penser que leur décès ou leur suicide a pu être causé de façon directe ou indirecte par des tortures ou des mauvais traitements. Aucun de ces cas n'a fait l'objet d'une enquête exhaustive, impartiale et publique.
Nahed Mujahed Dahlan, vingt-quatre ans, a été retrouvé le 7 août 1996 à proximité de sa maison dans le village d'al Qarara, près de Khan Yunis. Le corps aurait présenté des cicatrices et des ecchymoses à l'abdomen, aux bras et aux jambes. Transféré à l'hôpital, le jeune homme est mort peu après. Dans la semaine précédant sa mort, il avait apparemment été convoqué tous les soirs par les mukhabarat aux fins d'interrogatoire, et relâché le lendemain matin. D'après les conclusions de l'autopsie, Nahed Dahlan se serait suicidé en absorbant de l'insecticide. Aucune copie du rapport d'autopsie n'a toutefois été remis à sa famille. Muhammad Dahman, directeur de l'organisation de défense des droits de l'homme al Damir, a été arrêté et détenu pendant quinze jours pour avoir publié un communiqué dans lequel il réclamait l'ouverture d'une enquête et laissait entendre que les policiers qui avaient interrogé Nahed Dahlan pouvaient être responsables de sa mort.
Khaled Isa al Habal, un agriculteur du village de Kharbata, situé non loin de Ramallah, est mort le 11 août 1996, quelques heures après son interpellation la veille par des membres des Services de sécurité préventive. Cet homme de soixante-six ans avait été arrêté avec cinq de ses fils à la suite de la mort d'une femme, survenue lors d'une dispute concernant un lopin de terre. Deux des fils de cet homme, libérés pour pouvoir assister aux obsèques, ont affirmé qu'ils avaient entendu, entre une heure et cinq heures du matin, des hurlements et des bruits de coups provenant de la pièce dans laquelle leur père et leurs trois frères étaient détenus. Le corps de Khaled al Habal a été remis à sa famille le 13 août, après qu'une autopsie eut été pratiquée. Le rapport d'autopsie n'a pas été rendu public, mais des représentants de l'Autorité palestinienne ont annoncé que Khaled al Habal s'était pendu. La famille de cet homme a déclaré que, si le corps portait des traces de contusions, notamment sur les jambes et dans le dos, aucune marque de strangulation n'était toutefois visible au niveau du cou. Amnesty International a réclamé l'ouverture d'une enquête approfondie, mais aucune investigation ne semble avoir été effectuée.
L'Organisation a demandé la copie de tous les rapports d'autopsie et rapports d'enquête relatifs à ces décès en détention. Aucune réponse n'était parvenue au moment de la rédaction du présent rapport.
7. Les cours de sûreté de l'État
« Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
Article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme
« Toute personne arrêtée ou placée en détention sera informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la raison de son interpellation ainsi que de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle. Elle disposera du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et pourra communiquer avec le conseil de son choix. Elle sera jugée, sans retard excessif, en sa présence et d'une manière lui permettant d'assurer sa défense avec l'assistance d'un défenseur de son choix. »
Article 45 du quatrième projet de loi fondamentale palestinienne
La cour de sûreté de l'État a été instituée par un décret promulgué en février 1995 par le président Arafat. Le 9 avril 1995, soit quelques heures après deux attentats à l'explosif revendiqués par le Hamas et le Djihad islamique, qui avaient fait huit morts (sept soldats israéliens et un étudiant américain) et 40 blessés, elle a commencé à juger des personnes accusées d'atteintes à la sécurité. La cour de sûreté de l'État a siégé à Gaza, à Jéricho, à Naplouse et à Jénine.
Les procès qui se déroulent devant la cour de sûreté de l'État ne respectent pas les normes les plus élémentaires du droit international. Durant les premiers mois d'existence de cette juridiction, les procès avaient lieu en secret, en pleine nuit (débutant le plus souvent vers minuit), et certains n'auraient duré que quelques minutes. Les autorités n'annonçaient pas à l'avance l'ouverture des procès. Des accusés ont affirmé n'avoir appris qu'ils allaient être jugés qu'au moment où ils avaient été extraits, au milieu de la nuit, de leurs cellules, voire seulement en pénétrant dans la salle d'audience. Les familles des accusés, même si elles leur avaient rendu visite quelques jours ou quelques heures auparavant, ne savaient rien des charges retenues ni de la date du procès avant d'apprendre par la radio que leurs proches avaient été condamnés la nuit précédente. Certains accusés ont été jugés, déclarés coupables et condamnés un ou deux jours seulement après leur arrestation.
Amnesty International et d'autres organisations locales et internationales de défense des droits de l'homme ont fermement dénoncé cette violation flagrante du droit à un procès équitable. Certaines procédures ont été améliorées par la suite : les procès sont dans certains cas publics, et ils se déroulent parfois dans la journée. Les procédures demeurent néanmoins des plus inéquitables. Des responsables des forces de sécurité font office de juges, et les accusés sont, dans presque tous les cas, défendus par des avocats commis d'office qui font partie des forces de sécurité[23]
Le principe 5 des Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature dispose : « Chacun a le droit d'être jugé par les juridictions ordinaires selon les procédures légales établies. Il n'est pas créé de juridictions n'employant pas les procédures dûment établies conformément à la loi afin de priver les juridictions ordinaires de leur compétence. »
Les premiers prisonniers qui ont comparu devant la cour de sûreté de l'État étaient pour la plupart accusés d'avoir recruté des volontaires pour des attentats-suicides ou d'avoir organisé des séances d'entraînement au maniement des armes. Dans un certain nombre de cas, la cour de sûreté de l'État a servi à empêcher l'extradition en Israël de Palestiniens soupçonnés de participation à des attaques armées. Le 26 août 1995, à l'issue du premier procès qui se soit déroulé à Jéricho, Rashid al Khatib et Abd al Majid Dudin ont été condamnés respectivement à des peines de sept et douze ans d'emprisonnement pour « activités portant atteinte à la sécurité générale, à l'Autorité palestinienne et au processus de paix[24]25 ».
Après la mort de Mahmud Jumayel, le 31 juillet 1996, trois membres de la police maritime ont été arrêtés et jugés à Jéricho le 3 août par la cour de sûreté de l'État. Ils étaient inculpés d'homicide involontaire aux termes de l'article 384 (a) du code de l'OLP (1979). Le capitaine Abd al Hakim Hijjo et le lieutenant Umar Qadumi ont été condamnés à quinze ans de travaux forcés, et le sergent Ahmad Biddo à une peine de dix ans de travaux forcés. Le procès, qui n'a duré que deux heures dont une demi-heure de suspension d'audience ñ, était de toute évidence inéquitable. Les accusés étaient assistés par un avocat militaire commis d'office qui n'a pas pris leur défense, aucun témoin n'a été entendu, et aucune information n'a été donnée sur les responsables ayant ordonné les sévices. L'Autorité palestinienne a le devoir de traduire en justice les auteurs de crimes, mais elle doit les renvoyer devant une juridiction normalement constituée, qui soit conforme aux normes internationales en matière d'équité. Le procès des responsables présumés de la mort de Mahmud Jumayel n'a pas permis d'établir les véritables circonstances qui ont entraîné la mort en détention de cet homme.
Quinze jours après ce procès, cinq personnes accusées de troubles à l'ordre public et de violences sur la personne de membres des forces de sécurité palestiniennes ont été condamnées à des peines comprises entre deux et douze ans d'emprisonnement. Le procès, qui s'est déroulé à Naplouse et a duré sept heures, était manifestement inéquitable, en raison du fait que les condamnations étaient fondées sur des aveux obtenus sous la torture. Les accusés avaient participé à une manifestation, organisée le 2 août à Tulkarem, pour réclamer la libération de personnes détenues depuis cinq mois sans inculpation ni jugement[25]
Une évolution récente illustre le danger que peut représenter l'existence des cours de sûreté de l'État si celles-ci sont utilisées contre les militants des droits de l'homme qui dénoncent les violations de ces droits par l'Autorité palestinienne. Iyad al Sarraj et Muhammad Dahman ont été respectivement inculpés en juin et en août 1996 par la cour de sûreté de l'État. Bien qu'ils aient été remis en liberté sans avoir été jugés, les procès devant cette juridiction demeurent un instrument dangereux permettant de se passer des tribunaux civils dans les affaires considérées comme relevant de la sécurité intérieure. Le décret n¡ 49 de février 1995 portant création de la cour de sûreté de l'État prévoyait qu'il s'agirait d'une juridiction militaire destinée à se substituer aux tribunaux de droit commun pour les affaires relatives à la sécurité, et que ses décisions ne seraient soumises qu'à la ratification du pouvoir exécutif. Ce décret contrevient aux droits fondamentaux internationalement reconnus, notamment au droit de comparaître devant un tribunal compétent, indépendant et impartial, au droit d'être jugé par des tribunaux de droit commun appliquant une procédure prévue par la loi, et au droit d'interjeter appel devant une instance supérieure. Même si les procédures appliquées par la cour de sûreté de l'État étaient amendées, l'existence même de cette juridiction constituerait une violation des normes internationales.
8. L'absence de voies de recours internes
« Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par les lois. »
Article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme
« Le droit de recours devant les tribunaux est garanti à tous. Toute décision et tout acte administratif peuvent être réexaminés par les tribunaux. »
Article 39 du quatrième projet de loi fondamentale palestinienne
L'impuissance du pouvoir judiciaire
À partir de juin 1994, les avocats palestiniens ont eu, pendant plusieurs mois, recours à la loi en formulant des plaintes devant les tribunaux pour mettre un terme aux violations ; cependant, les procédures étaient systématiquement entravées à tous les niveaux. C'est ainsi qu'une société où les citoyens tentaient d'en appeler à la loi pour obtenir le respect de leurs droits a découvert qu'il n'y avait d'autre loi que celle de la police. Désormais, les personnes arrêtées pour des motifs politiques par des membres des forces de sécurité palestiniennes ne désignent que rarement un avocat. Le placement en détention et la remise en liberté des prisonniers politiques semblent déterminés par des choix politiques plutôt que par des éléments de preuve. Le système juridique et l'appareil judiciaire, déjà fragilisés par près de trente années d'occupation[26]27, se voient dépouillés de leur indépendance.
Le premier prisonnier politique détenu par l'Autorité palestinienne était Hani Abed, chargé de cours à l'université et dirigeant du Djihad islamique. Arrêté le 24 mai 1994, il n'a pas été présenté à un juge dans le délai légal de quarante-huit heures. Son avocat s'est plaint auprès de responsables de la police et de la justice, et il a introduit une requête en habeas corpus le 6 juin 1994, soit treize jours après l'arrestation de Hani Abed, afin de savoir où ce dernier était détenu. Le juge aurait refusé de statuer en se déclarant incompétent, au motif que ni lui-même ni le procureur n'avaient donné l'ordre d'interpeller Hani Abed. Le juge a renvoyé l'affaire à dix jours ; toutefois, Hani Abed a recouvré la liberté dès le 14 juin.
Deux mois plus tard, en août 1994, un avocat a introduit une requête devant la Cour suprême de Gaza pour obtenir la remise en liberté de sympathisants du Djihad islamique, arrêtés et maintenus en détention sans avoir été inculpés ni présentés à un juge. La requête demandait au président Yasser Arafat, au ministre de la Justice Freih Abu Middein, au procureur général Khaled al Qidreh et au général Nasser Youssef, chef de la police, de faire connaître les raisons pour lesquelles ces 24 personnes ne pouvaient être remises en liberté. Huit jours plus tard, le procureur général a sollicité un délai pour répondre ; une période de vingt et un jours lui a alors été accordée. Avant l'expiration de ce délai, tous les prisonniers cités dans la requête avaient été remis en liberté .
Un ingénieur, apparemment soupçonné de liens avec un groupe politique d'opposition, a été arrêté à Gaza le 23 octobre 1994 et incarcéré pendant trois mois dans la prison centrale de cette ville sans être inculpé ni jugé. Un requête en sa faveur a été introduite devant la Cour suprême, laquelle a ordonné sa remise en liberté le 12 janvier 1995. L'ingénieur, libéré le 14 janvier 1995, a de nouveau été arrêté le lendemain par les mukhabarat. Un tribunal d'instance (mahkama al sulh) a alors décerné un mandat de dépôt pour quinze jours, mandat qui ne semble pas avoir été renouvelé. Pourtant, cet homme a passé seize mois supplémentaires dans la prison centrale de Gaza, sans inculpation ni jugement, et n'a été libéré qu'en mai 1996.
L'Accord d'Oslo 2 (ou Accord de Taba) signé le 28 septembre 1995 souligne le droit de tout individu de contester en justice toute décision du pouvoir exécutif. L'article VIII dispose :
« Toute personne ou organisation ayant fait l'objet d'un acte ou d'une décision du Chef de l'Autorité exécutive du Conseil (ou d'un membre de cette Autorité) qu'elle estime être un abus de pouvoir ou non conforme à la loi ou à la procédure, pourra soumettre l'acte ou la décision en question au tribunal palestinien compétent. »
D'autres procédures similaires ont été engagées par la suite devant la Haute Cour palestinienne pour contester le non-respect de décisions de justice, mais elles n'ont pas davantage abouti.
C'est notamment le cas pour 10 étudiants de l'université de Bir Zeit, arrêtés sans mandat après les attentats-suicides commis en février et en mars 1996, et détenus pendant plusieurs mois sans inculpation ni jugement. Leurs avocats, agissant notamment dans le cadre du Projet d'action pour les droits de l'homme de Bir Zeit, ont adressé le 19 mai 1996 une requête au procureur général de Ramallah en le priant de rendre visite aux étudiants en prison, et de mener une enquête sur leur maintien en détention. Le procureur a répondu que les étudiants étaient détenus par l'autorité militaire et non par une autorité civile. Les avocats se sont alors tournés vers le procureur militaire, lequel a répondu verbalement que la détention de ces étudiants ne relevait pas de sa compétence. Le 26 juin, les avocats ont introduit une requête devant la haute cour de Ramallah : ils réclamaient une injonction préliminaire priant le président Arafat et le procureur général Khaled al Qidreh de faire connaître les raisons de l'incarcération des étudiants et d'ordonner leur remise en liberté. Après plusieurs ajournements, le procureur général a fait savoir, le 25 juillet, que la cour n'était pas compétente sur ce point et que la détention de ces étudiants n'était pas illégale. Le 31 juillet, cinq juges réunis sous la présidence d'Amin Abd al Salam, président de la Cour suprême, ont entendu les réquisitions du procureur général et les plaidoiries de la défense. L'affaire a été renvoyée au 18 août, date à laquelle la Cour suprême a conclu à l'unanimité que la détention des étudiants était illégale et a ordonné leur libération immédiate. Un ordre de remise en liberté a été transmis à la prison de Ramallah, et des fonctionnaires ont apparemment dit aux avocats que les étudiants allaient être élargis. L'un d'entre eux avait déjà été libéré avant la fin du procès, six autres l'ont été par groupes de deux le 27 septembre, le 29 septembre et le 7 octobre. Trois étudiants étaient toujours détenus à la date du 22 octobre 1996. Le juge Abd al Salam qui présidait la Cour suprême a été mis à la retraite peu après cette affaire.
L'intervention du pouvoir exécutif dans les procédures judiciaires, qui empêche les tribunaux de faire respecter la primauté du droit et d'accorder une réparation aux victimes de violations des droits de l'homme, a entraîné une perte de confiance dans le pouvoir judiciaire comme moyen d'obtenir justice. Pour cette raison, rares sont désormais les prisonniers détenus pour des motifs politiques qui désignent un avocat. Ainsi que l'a déclaré la femme d'un détenu :
« Pourquoi gaspiller mon argent ? Il est détenu pour des motifs politiques et, quoi que je fasse, il ne sera libéré que lorsque le président l'aura décidé. »
Même lorsqu'un avocat est muni d'une procuration rédigée par le détenu ou par les proches de celui-ci, les services de sécurité refusent souvent d'en tenir compte. C'est ainsi que des membres de la police maritime affectés à la garde de détenus à la prison de Jneid à Naplouse ont confisqué à un avocat des déclarations sous serment et des procurations qui lui avaient été remises par la Société palestinienne pour la défense des droits de l'homme et de l'environnement (LAWE, anciennement connue sous le nom d'Établissement de l'eau et de la terre). Les quatre détenus Naser Jumaa, Jamal al Nabulsi, Muammar Mabrukeh et Abd al Halim Mabrukeh étaient incarcérés sans inculpation ni jugement depuis décembre 1995, et tous se plaignaient d'avoir été récemment torturés.
Les personnes qui ont formulé des plaintes pour torture devant l'Autorité palestinienne se sont heurtées aux mêmes obstacles. Dès le transfert de la Cisjordanie à l'Autorité palestinienne fin 1995, des victimes de torture ont adressé des plaintes à la police, ou bien aux autorités judiciaires ou administratives. L'une d'entre elles a déclaré :
« J'étais très en colère. J'ai rédigé mon témoignage et je l'ai photocopié en 100 exemplaires. J'ai adressé des copies au président Arafat, au ministre de la Justice Freih Abu Middein, au procureur général, au chef de la police et au gouverneur. Je n'ai pas obtenu une seule réponse. Je suis allé avec mon avocat déposer plainte auprès du procureur général, qui a promis d'examiner le dossier. Je n'en ai plus jamais entendu parler. Un membre de la police a fini par me dire que si je continuais à faire autant de bruit, je serais traduit devant la cour de sûreté de l'État. »
Une personne qui a été sauvagement battue par des policiers a déclaré :
« On nous a dit que des mesures allaient être prises et que les policiers seraient révoqués. Nous avons engagé une procédure et réclamé une indemnisation. Maintenant on ne s'en occupe plus, on voit que les policiers qui nous ont torturés sont toujours là et qu'aucune mesure n'a été prise. »
Les enquêtes n'aboutissent pas
L'Autorité palestinienne a annoncé des investigations ou l'ouverture d'enquêtes après certains cas de violation flagrante des droits de l'homme. À la connaissance d'Amnesty International, les conclusions de ces enquêtes n'ont jamais été rendues publiques ni communiquées aux victimes ou aux organisations de défense des droits de l'homme ; en règle général, il semble même qu'aucun rapport ne soit rédigé. Les sanctions prononcées ne sont que rarement appliquées.
Dans les quelques affaires où les auteurs présumés de violations des droits fondamentaux ont été traduits en justice, les procès étaient inéquitables, et les éléments à charge n'étaient ni présentés ni contestés.
Nous exposons ci-après quelques-uns seulement des cas pour lesquels l'ouverture d'une enquête a été annoncée, dont les résultats n'ont pourtant jamais été rendus publics.
Après la mort de 13 personnes tuées devant la mosquée Palestine de Gaza le 18 novembre 1994, le président Arafat a annoncé, le 21 novembre, la désignation d'une commission d'enquête judiciaire formée de cinq membres et présidée par Qusay Abadlah, président de la Cour suprême. Un certain nombre de témoins ont été entendus, mais les conclusions de la commission d'enquête n'ont jamais été rendues publiques. Aucune sanction disciplinaire ne semble avoir été prise ni aucun responsable traduit en justice.
Muhammad al Jundi, originaire de Shijayeh dans la bande de Gaza, a été arrêté par la police palestinienne le 5 janvier 1995 et incarcéré dans la prison centrale de Gaza. L'interpellation de cet homme de trente-trois ans était apparemment liée au meurtre de six membres des Faucons du Fatah dans le camp de Jebaliyya, en mars 1994. Entre le 25 mars et le 1er avril 1996, Muhammad al Jundi a été remis aux Faucons du Fatah, qui l'ont alors tué. Le ministre de la Justice, Freih Abu Middein, a annoncé « l'ouverture immédiate d'une enquête approfondie sur ce meurtre ». Les conclusions de cette enquête n'ont jamais été rendues publiques.
L'ouverture d'une enquête sur le meurtre d'Ayman al Razayna et d'Amar al Aaraj, deux militants du Djihad islamique tués dans le camp de Shatti à Gaza le 3 février 1996, a été annoncée par Muhammad Dahlan, commandant en second des Services de sécurité préventive. Le président Arafat l'a confirmé publiquement, puis répété à une délégation d'Amnesty International lors d'une rencontre le 7 février 1996. Un commission d'enquête présidée par Jamal al Sourani, secrétaire général du comité exécutif de l'OLP, aurait été mise en place le 9 février 1996. Jamal al Sourani a toutefois déclaré le 18 février que les investigations avaient été interrompues.
Le 17 février 1995, le chef de la police de Tulkarem a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les circonstances de la mort de Raed Harasheh, tué par une balle perdue tirée par un policier. Les conclusions de cette enquête n'ont jamais été rendues publiques.
Les parodies de procès dont sont l'objet les responsables de violations des droits fondamentaux semblent davantage destinées à couvrir leurs agissements qu'à réparer les torts commis. Le procès des tortionnaires d'Azzam Muslah et le procès militaire qui s'est ouvert en juillet 1996 pour juger les auteurs présumés du meurtre de Taysir al Lawzi, en avril 1996, se sont apparemment déroulés à huis clos, sans que le nom des avocats de la défense ne soit communiqué. Le procès des responsables des tortures infligées à Mahmud Jumayel a été évoqué plus haut.
Le Conseil législatif
L'article 1 de la Déclaration de principes de 1993 dispose :
« Le but des négociations israélo-palestiniennes dans le cadre du processus de paix en cours au Moyen-Orient est, entre autres, d'établir, pour les Palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, une Autorité intérimaire palestinienne autonome, c'est-à-dire un conseil élu (désigné ci-après "le Conseil"), pour une période transitoire n'excédant pas cinq ans et conduisant à un accord permanent basé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité. »
En mars 1996, à l'issue de sa séance inaugurale, le Conseil législatif a désigné 12 commissions, dont une commission juridique et une commission des droits de l'homme. Les membres du conseil ont fait un certain nombre de déclarations importantes sur des questions touchant aux droits de l'homme, notamment à l'occasion des débats sur la loi fondamentale qui a été adoptée en première lecture. Les membres du conseil ont fermement dénoncé les violations des droits fondamentaux, évoquant entre autres le recours à la torture et la détention prolongée sans jugement. La commission d'enquête du Conseil législatif mise en place pour enquêter sur les circonstances de la mort de Mahmud Jumayel (26 juillet 1996, cf. p. 29) et sur l'homicide de Tulkarem (2 août 1996, cf. p. 37) a montré que le conseil était déterminé à jouer un rôle actif dans la surveillance de la situation des droits de l'homme. La commission a émis une série de recommandations, demandant notamment que tous les centres de détention soient identifiés et contrôlés par les services du procureur général, et que les procédures d'arrestation et de placement en détention soient mises en conformité avec les principes des droits de l'homme, de façon à empêcher le recours à la torture. La commission préconise également l'instauration d'un mécanisme spécial chargé d'enquêter sur les actes de torture et les violations imputables aux membres des services de sécurité ; elle souhaite enfin que les compétences des différents services de sécurité soient clairement définie afin d'éviter que, en matière d'arrestation et de placement en détention, ces compétences ne se chevauchent.
La capacité du Conseil législatif à demander des comptes au pouvoir exécutif et à veiller à la mise en uvre des recommandations relatives aux droits de l'homme continue toutefois de demeurer extrêmement limitée.
Conclusion
De nombreux facteurs sont à l'origine de la détérioration de la situation des droits de l'homme dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne. Le fait que les responsables de l'Autorité palestinienne n'aient pris aucune mesure pour mettre un terme à la torture et aux autres violations des droits fondamentaux, ainsi que l'impunité quasi totale dont bénéficient les auteurs de tels agissements, donnent le sentiment général que ces pratiques sont cautionnées au plus haut niveau. Le souhait de la communauté internationale de voir aboutir le processus de paix au Moyen-Orient l'amène à faire passer la recherche de la paix avant les préoccupations relatives aux droits de l'homme. De nombreux pays sont, de fait, peu disposés à évoquer les violations des droits fondamentaux imputables tant à Israël qu'à l'Autorité palestinienne. L'importance considérable accordée aux questions de sécurité dans les accords de paix signifie inévitablement que les droits de l'homme ne sont une priorité pour aucune des parties. La détention prolongée et les procès sommaires des personnes hostiles au processus de paix sont acceptés comme étant nécessaires à la paix ; dans cette perspective, le respect par l'Autorité palestinienne des normes les plus élémentaires en matière de droits de l'homme paraît beaucoup moins important.
Amnesty International réaffirme régulièrement qu'aucune paix durable ne pourra être instaurée au Moyen-Orient en l'absence de garanties précises pour les droits de l'homme. Dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne, le non-respect des garanties institutionnelles dans ce domaine porte atteinte à la primauté du droit et aux institutions gouvernementales qui auraient dû protéger et promouvoir les droits de l'homme. Les tribunaux ordinaires ont été marginalisés, et la population a perdu confiance dans l'intégrité du processus politique. Le Conseil législatif risque d'être mis de côté. Les organisations de défense des droits de l'homme sont persécutées et critiquées au lieu d'être encouragées dans leur action. La police, apparemment toute puissante et dispensée de rendre des comptes, forte de plus de 40 000 membres et bénéficiant de financements étrangers importants au titre de la formation, n'en est pas moins fragile. Ce sont le manque de communication, le non-respect des procédures régissant l'arrestation et la détention, ainsi que l'existence de centres de détention secrets qui révèlent la faiblesse de cette administration. La situation ne pourra que se détériorer si des mesures concrètes ne sont pas prises pour lutter contre les violations et garantir la primauté du droit.
Recommandations
Le 16 août 1996, à l'issue de la visite d'une délégation de l'Organisation dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne, Amnesty International a rendu publics ses sujets de préoccupation et a soumis directement à l'Autorité palestinienne les recommandations suivantes :
1) La condamnation publique de la torture
Après la mort de trois personnes en trois semaines, apparemment des suites de tortures, Amnesty International a demandé au président Arafat de condamner publiquement, au nom de l'Autorité palestinienne, le recours à la torture. Le 15 août 1996, le président Arafat a confié au secrétaire d'État norvégien aux Affaires étrangères, Jan Egeland, qu'il « ne tolèrerait pas la torture ». Cette déclaration, publiée par le journal norvégien Aftenposten, a été favorablement accueillie par l'Organisation. Des cas de torture ayant été signalés par la suite, Amnesty International exhorte l'Autorité palestinienne à publier une déclaration dans les médias palestiniens rappelant clairement la condamnation de la torture par le président Arafat, dans tous les cas et quelle que soit l'infraction commise. La déclaration devrait en outre être adressée à toutes les unités des services de sécurité et placardées dans tous les centres de détention de la police.
2) L'autorisation des visites du Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
Pour des raisons humanitaires, le CICR devrait pouvoir rendre librement visite, de manière régulière et confidentielle, à toutes les personnes détenues pour des raisons de sécurité dans des centres de détention et des prisons relevant de l'Autorité palestinienne. Un "accord" signé le 1er septembre 1996 avec des représentants du CICR autorise cet organisme à rendre visite à tous les détenus dans toutes les prisons, quelles que soient les charges retenues contre eux, et sans intervention ni contrôle des membres des services de sécurité palestiniens. Amnesty International accueille favorablement la signature de cet accord.
L'Organisation appelle l'Autorité palestinienne à mettre en uvre cette recommandation, ainsi que celles qui ont été émises à la suite de la visite de sa délégation :
3) Pas d'impunité pour les tortionnaires
Amnesty International a salué la déclaration du président Arafat qui a affirmé, lors de la visite des représentants de l'Organisation en février 1996 : « Personne n'est au-dessus des lois. ». Elle prie l'Autorité palestinienne de veiller à ce que les auteurs d'actes de torture soient traduits en justice à l'occasion de procès publics et équitables, conformément aux normes internationales.
4) Contacts avec l'extérieur et comparution immédiate devant un juge
Les familles, les avocats et les médecins devraient pouvoir rencontrer immédiatement les détenus. Ceux-ci devraient être présentés à un magistrat dans le délai légal de quarante-huit heures.
5) Des enquêtes exhaustives et publiques
Aucun rapport d'enquête sur des atteintes aux droits de l'homme commises sous l'Autorité palestinienne n'a jamais été rendu public. Amnesty International lance un appel à l'Autorité palestinienne pour qu'elle instaure une commission d'enquête constituée de personnes connues pour leur indépendance, leur intégrité et leur attachement aux droits de l'homme, afin qu'elles enquêtent sur le recours à la torture par les services de sécurité. La commission devrait être habilitée à visiter tous les centres de détention et toutes les prisons, à recueillir le témoignage des détenus et de toute autre personne concernée, à assurer la protection des témoins et à émettre des recommandations. Ses rapports devraient être rendus publics.
6) Liberté pour les défenseurs des droits de l'homme de mener leurs activités en toute sécurité
La peur des représailles crée un climat propice à la torture. Les défenseurs des droits de l'homme, les avocats et tous les Palestiniens devraient avoir le droit de dénoncer des cas précis de violations des droits de l'homme et évoquer des sujets de préoccupation d'ordre plus général, sans craindre d'être arrêtés arbitrairement ou de voir leur intégrité physique menacée.
7) Pas de détention politique prolongée sans jugement
Des centaines de personnes ont été maintenues en détention pendant plus de six mois sans inculpation ni jugement. Certains détenus politiques sont demeurés jusqu'à deux ans en détention sans être jugés. Amnesty International demande à l'Autorité palestinienne de libérer immédiatement tous les prisonniers d'opinion arrêtés du seul fait de leurs convictions, alors qu'ils n'avaient pas usé de violence ni préconisé son usage. Tous les autres détenus politiques devraient être libérés, à moins qu'ils ne soient jugés rapidement et équitablement par des tribunaux présentant toutes les garanties d'équité prévues par les normes internationales.
8) Fin des procès devant les cours de sûreté de l'État
Les cours de sûreté de l'État n'offrent pas les garanties d'une procédure équitable. Les procès instruits par ces juridictions devraient être interrompus, et les personnes déjà condamnées devraient bénéficier d'un nouveau procès conforme à l'équité.
Outre ces recommandations déjà soumises à l'Autorité palestinienne, Amnesty International préconise d'autres mesures destinées à renforcer les institutions juridiques et de défense des droits de l'homme, ainsi qu'à soumettre les forces de sécurité à l'autorité de la loi. Le renforcement des institutions constituerait une protection solide pour les droits de l'homme dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne.
1) L'appareil judiciaire
Conformément aux recommandations des Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, celle-ci doit être garantie (principe 1). La justice doit s'exercer à l'abri de toute ingérence injustifiée, et les décisions des tribunaux ne sont pas sujettes à révision (principe 4). Les juges doivent être inamovibles (principe 12).
2) Le Conseil législatif
Amnesty International prie instamment l'Autorité palestinienne d'approuver la loi fondamentale, et le Conseil législatif de l'adopter dès que possible. Elle appelle au respect des garanties en matière de droits de l'homme contenues dans cet instrument. L'Organisation espère en outre que le Conseil législatif exercera véritablement un contrôle sur les actes du pouvoir exécutif en matière de droits de l'homme.
3) La Commission palestinienne indépendante de défense des droits des citoyens
La Commission palestinienne indépendante de défense des droits des citoyens devrait avoir le droit, le devoir et le pouvoir d'enquêter sur toutes les plaintes ou violations qui lui sont signalées, soit par l'intermédiaire de son propre personnel soit en désignant une commission d'enquête indépendante composée de personnes connues pour leur impartialité et leur indépendance. Les conclusions de ces enquêtes devraient être rendues publiques sans délai, et les recommandations mises en uvre. Une commission spéciale, habilitée à visiter tous les lieux de détention utilisés par les services de sécurité de l'Autorité palestinienne, devrait être créée. Les visites pourront avoir lieu à n'importe quel moment, sans notification préalable, et les membres de la commission seront autorisés à s'entretenir confidentiellement avec les détenus.
4) Les forces de sécurité
Les différentes unités des forces de sécurité devraient être rationalisées et placées sous une structure de commandement unique. Tous les membres des forces de sécurité devraient être munis d'une carte d'identité précise, et présentable sur demande. Les centres de détention des forces de sécurité devraient être clairement identifiés et contrôlés. Les arrestations ne devraient être opérées qu'en vertu d'un mandat. La famille des personnes interpellées devrait être immédiatement informée de leur arrestation et de leur lieu de détention. Des registres centralisés concernant les placements en détention devraient être tenus. Une évaluation de la formation dispensée aux différentes unités des forces de sécurité devrait être entreprise.
Amnesty International demande à tous les pays qui fournissent aide et formation aux services de sécurité de l'Autorité palestinienne de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que ces recommandations soient appliquées par l'Autorité palestinienne.
5) La législation palestinienne
Les principes fondamentaux d'un Code pénal et d'un Code de procédure pénale palestiniens devraient être définis clairement. Ils devront être conformes aux garanties figurant dans les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme.
Annexe - La police et les forces de sécurité
Bien que le nombre d'organismes chargés de l'application des lois ait considérablement augmenté, il est souvent difficile d'établir une distinction claire quant au rôle précis de leurs différentes unités.
1. La Sécurité nationale (al amn al watani). Cet organisme devrait, en théorie, chapeauter l'ensemble des forces de sécurité palestiniennes. Il semble, dans la pratique, n'être qu'un organisme parmi d'autres.
2. La police civile (al shurta). Principal organisme chargé de l'application des lois, dirigé à Gaza par Ghazi Jebali.
3. La Sécurité publique (al amn al ammi). Service de sécurité générale.
4. Les Services palestiniens de sécurité préventive (al amn al wiqai). Principal organisme chargé de la coordination avec les services de sécurité israéliens.
5. Le Département des enquêtes criminelles (al bahth al jinai). Contrairement au service précédent, ce département est chargé des enquêtes sur les infractions qui ont été commises.
6. Les Renseignements (al mukhabarat). L'un des principaux services chargés des arrestations politiques.
7. Les Renseignements militaires (al istikhbarat). En théorie, ce service est surtout chargé de surveiller les membres des services de sécurité.
8. La Force 17 (quwa sabaa asher, parfois appelée Garde présidentielle, al haras al riasi). Corps d'élite formé au Liban et chargé tout spécialement de la sécurité du président Arafat, cette force lui est particulièrement dévouée, ainsi que l'indique son autre nom.
9. La police maritime (al bahriyya, parfois traduit par Marines ou garde-côtes). Réputée pour le traitement particulièrement dur qu'elle inflige aux prisonniers politiques détenus à Gaza depuis 1994.
10. Les forces spéciales (al quwat al khassa). Leur mission consiste apparemment à contrôler le fonctionnement des autres services de sécurité.
11. La défense civile (al difaa al madani). Chargée des interventions et secours d'urgence.
Il existe, semble-t-il, d'autres unités, notamment la Garde nationale (al haras al watani).
Le président Arafat a annoncé en août 1996 la création d'un système de sécurité universitaire (jihaz amn al jamia) destiné à prévenir les soulèvements étudiants sur les campus, à les réprimer s'ils se produisent, à surveiller le climat politique dans les universités, et à arrêter les étudiants hostiles à l'Autorité palestinienne. Bien qu'ayant suscité une vive opposition des universités, du ministre de l'Enseignement supérieur et des membres du Conseil législatif, ce service n'a pas été supprimé.
[1] Parmi les territoires qui ne relèvent pas de l'Autorité palestinienne figurent les zones militaires israéliennes et les colonies israéliennes.
[2] Les délégués d'Amnesty International ont également effectué des recherches sur les sujets de préoccupation de l'Organisation en Israël et dans les Territoires occupés qui sont toujours sous l'autorité directe d'Israël. Cf. les documents intitulés Israël et Territoires occupés (y compris les territoires relevant de l'Autorité palestinienne). Droits de l'homme : une année d'espoirs déçus (index AI : MDE 15/07/95) ; Israël et Territoires occupés. Décès consécutif à des secousses violentes : le cas d'Abd al Samad Harizat (index AI : MDE 15/23/95) ; Israël-Liban. Homicides illégaux de civils lors de l'opération "Raisins de la colère" (index AI : MDE 15/42/96) ; « Sous contrôle médical constant ». Les professionnels de la santé face à la torture et aux mauvais traitements en Israël et dans les Territoires occupés (index AI : MDE 15/37/96).
[3] Il s'agissait, entre autres, de Jérusalem, des réfugiés palestiniens, des frontières, des relations extérieures et des citoyens israéliens résidant dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne. Les négociations qui devaient s'ouvrir au plus tard en mai 1996 n'avaient pas commencé à la fin d'octobre 1996.
[4] Quelque 144 000 colons israéliens vivent dans plus de 190 colonies installées depuis 1967 en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
[5] Le nombre de ces travailleurs était d'environ 85 000 avant l'Intifada déclenchée en 1987.
[6] Chiffres fournis par le Bureau du coordinateur spécial des Nations unies. Cf. également News From Within, vol. 12 n¡ 6 de juin 1996, et PCHR Closure Updates, 1996.
[7] Le terme "Autorité palestinienne" est remplacé par celui de "Conseil". La formulation a été critiquée car elle ne demande pas aux deux parties de respecter les normes relatives aux droits de l'homme. Cf. entre autres A human rights assessment of the draft Basic Law for the National Authority in the Transitional Period, Joanna Oyderian et Maherin Gangat, al Haq, Ramallah, 1996, article 1.2.4 (en arabe).
[8] Amnesty International collabore avec al Haq et le Centre palestinien d'information sur les droits de l'homme à un programme communautaire d'éducation aux droits de l'homme.
[9] Cf. la liste des services de sécurité donnée en annexe, p 43.
[10] Des gouverneurs sont nommés dans les villes de Cisjordanie uniquement.
[11] Amnesty International a écrit au procureur général pour demander les conclusions de l'enquête sur l'homicide de Taysir al Lawzi, ainsi que des informations sur d'éventuelles mesures à l'encontre des policiers. Des manifestations ont eu lieu à Ramallah en avril 1996 à la suite de la mort de Taysir al Lawzi, et l'Autorité palestinienne a promis que les auteurs de cet homicide seraient sanctionnés. Le 28 juillet 1996, à l'issue d'un procès qui s'est déroulé devant le tribunal militaire, un membre des istikhbarat a été reconnu coupable d' « avoir causé la mort » de Taysir al Lawzi et un agent des Services de sécurité préventive d' « utilisation injustifiée d'arme à feu ». Les deux hommes ont été condamnés à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement.
[12] Aux termes du Code jordanien de procédure pénale de 1961, applicable en Cisjordanie, le détenu doit être présenté au procureur général ou à l'un de ses subordonnés, lequel peut prolonger la détention pour une période de quinze jours si l'infraction commise est punissable d'une peine d'emprisonnement (art. 114-1). L'article 179 du Code pénal jordanien de 1960 prévoit qu'un directeur de prison ou un gardien qui accueille un détenu sans un ordre écrit est passible d'une peine comprise entre un mois et un an d'emprisonnement pour privation de la liberté individuelle.
[13] Les délégués d'Amnesty International qui se sont rendus à Gaza en août 1996 ont demandé sans préavis la communication du dossier d'un prisonnier dont le nom figurait sur une liste qui leur avait été présentée, et où figuraient les noms de plus de 100 personnes détenues par les mukhabarat .
[14] Le groupe Abou Nidal dirigé par Sabri Khalil al Banna (Abou Nidal) a été créé en 1973 à la suite d'une scission au sein du Fatah. Aujourd'hui basé en Libye, il a revendiqué par le passé un certain nombre d'actes de violence visant des civils, ainsi que l'assassinat de Palestiniens.
[15] Le Conseil législatif palestinien a également réclamé, le 13 juin, la libération d'Iyad al Sarraj.
[16] Seul un petit nombre de personnes arrêtées en raison de leur opposition au processus de paix ont été détenues à Jéricho jusqu'en décembre 1995. Les prisonniers politiques incarcérés à Jéricho au cours de la première année de l'Autorité palestinienne étaient essentiellement accusés de collaboration avec les services de sécurité israéliens. Le recours à la torture et aux mauvais traitements à l'encontre de ces prisonniers et des détenus de droit commun était monnaie courante.
[17] Les forces de sécurité rasent la barbe des islamistes qui, en tant que groupe, tiennent à se distinguer par le port de la barbe.
[18] Comme les Faucons du Fatah. Cf. Neither Law nor Justice. Extra-judicial punishment, abduction, unlawful arrest, and torture of Palestinian residents of the West Bank by the Palestinian Preventive Security Service, B'Tselem, Jérusalem, août 1995.
[19] La différence avec le shabeh israélien est que, dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne, on ne signale pas l'utilisation de chaises d'enfant plutôt que de chaises normales.
[20] Pour toute information complémentaire sur les cas de Farid Abu Jarbu et de Salman Jalaytah, consulter le document intitulé Israël et Territoires occupés (y compris les territoires relevant de l'Autorité palestinienne). Droits de l'homme : une année d'espoirs déçus (index AI : MDE 15/07/95).
[21] Cf. p. 40 les recommandations de la commission d'enquête nommée par le Conseil législatif.
[22] Cf. le document intitulé Autorité palestinienne. Mort en détention de Mahmud Jumayel (index AI : MDE 15/62/96), publié en septembre 1996.
[23] Pour de plus amples informations sur la cour de sûreté de l'État, consulter le document publié en juillet 1995 et intitulé Israël et Territoires occupés (y compris les territoires relevant de l'Autorité palestinienne). Gaza. Des procès secrets, sommaires et iniques se déroulent au milieu de la nuit (index AI : MDE 15/15/95).
[24] David Libai, alors ministre israélien de la Justice, aurait déclaré qu'Israël détenait la preuve que les condamnés avaient préparé l'attentat-suicide du 21 août, mais qu'aux termes de l'Accord d'Oslo, l'Autorité palestinienne n'était pas légalement tenue de transférer les suspects tant qu'ils étaient maintenus en détention. La Déclaration de principes du 13 septembre 1993, annexe 3 (protocole relatif aux affaires juridiques), article 2-7 (transfert des suspects et prévenus), dispose à l'alinéa f-2 : « Si la personne recherchée est placée en détention préventive ou si elle purge une peine d'emprisonnement, la partie qui reçoit la demande peut ajourner le transfert à l'autre partie jusqu'à la fin de la détention ou de l'emprisonnement. » La même disposition figure à l'annexe IV, article II-f-2 de l'Accord d'Oslo 2.
[25] Ce jour-là, l'un des manifestants a été abattu par un policier palestinien alors que la vie de ce dernier n'était pas en danger.
[26] Depuis 1967, les Palestiniens ont dans la plupart des cas été jugés par des tribunaux militaires israéliens. Cf. le livre publié en juillet 1991 par Amnesty International et intitulé Israël et Territoires occupés. Justice militaire (index AI : MDE 15/34/91).
Disclaimer: © Copyright Amnesty International
This is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.