Timor Oriental: Les Emeutes de Septembre et Octobre 1995: Détention Arbitraire et Torture

Introduction

Aux mois de septembre et octobre 1995, le Timor oriental a vécu les troubles les plus graves qu'il ait connus depuis les émeutes survenues en novembre 1994 à l'occasion du sommet de la Coopération économique des pays d'Asie-Pacifique (APEC), qui se tenait en Indonésie. Les troubles de 1995 ont entraîné des dommages matériels et des émeutiers ainsi que des membres des forces de police ont été blessés. Les autorités ont riposté aux émeutes en ayant notamment recours à la détention arbitraire, aux passages à tabac et à la torture. Trois cents personnes au moins ont été détenues de manière arbitraire après la vague d'arrestations qui a suivi les troubles. La plupart de ces personnes ont été relâchées peu de temps après avoir été appréhendées, mais au moins 43 d'entre elles seraient en instance de jugement pour leur implication présumée dans les émeutes.

Amnesty International ne cautionne pas les actes de violence qui ont eu lieu durant ces troubles. Néanmoins, l'Organisation déplore que les forces de sécurité indonésiennes se soient servi des émeutes comme prétexte pour arrêter des personnes engagées dans des activités indépendantistes non violentes et que les inculpés en instance de jugement ne soient pas autorisés à consulter librement des avocats de leur choix. Enfin, l'Organisation déplore que ces personnes n'aient que peu d'espoir de bénéficier d'un procès équitable.

Les autorités indonésiennes ont nié que les personnes arrêtées aient été victimes de tortures ou de mauvais traitements. Toutefois, Amnesty International a reçu des informations et des témoignages indiquant que les membres des forces de sécurité ont effectivement torturé et roué de coups les personnes détenues aux mois de septembre et d'octobre 1995. Tandis que les autorités niaient les informations faisant état de tortures, un détenu a été roué de coups et torturé par des membres de l'armée et de la police, puis a été relâché avec un certificat médical attestant qu'il était en bonne santé. Amnesty International a également obtenu des témoignages de Timorais de l'Est ayant demandé asile après être entrés dans des ambassades étrangères à Djakarta (capitale de l'Indonésie) de septembre à novembre 1995. Leurs témoignages font état, de manière détaillée, de graves violations des droits de l'homme, notamment de détentions arbitraires et de tortures, commises au cours des mois de septembre et d'octobre 1995. Le présent document expose le contexte des émeutes et décrit la pratique de la détention arbitraire et de la torture. Il conclut par des recommandations adressées au gouvernement de la République d'Indonésie.

Le contexte

Décembre 1995 a marqué les vingt ans d'occupation du Timor oriental par l'Indonésie. Novembre 1995 était le quatrième anniversaire du massacre de Santa Cruz perpétré à Dili en 1991, lorsque des soldats ont ouvert le feu sur des manifestants non violents. Les autorités indonésiennes se sont efforcées de faire en sorte que les Timorais de l'Est ne puissent commémorer librement ces anniversaires en accroissant la surveillance militaire, en procédant à des arrestations avant la tenue de ces événements et souvent en faisant subir des interrogatoires à des militants indépendantistes connus ou présumés. Des observateurs indépendants ont rapporté que les autorités avaient également essayé de prévenir ou de désorganiser toute manifestation projetée en diffusant des informations relatives au conflit religieux et en faisant naître des dissensions entre Timorais indépendantistes et Timorais favorables à l'intégration du Timor oriental à l'Indonésie.

Le 6 septembre 1995 a marqué le début de cinq jours d'émeutes intenses à Maliana (ville située à quelque 120 kilomètres à l'ouest de Dili). Ces émeutes sont nées de la colère des habitants face à la passivité du gouvernement devant une déclaration insultante envers la religion catholique proférée par un représentant de de l'administration pénitentiaire à Maliana [1]

Selon des sources indépendantes, les militaires auraient provoqué ces troubles en diffusant des informations relatives à cette déclaration. Le 7 septembre, ces nouvelles avaient gagné la ville de Viqueque, où des magasins appartenant à des travailleurs immigrés indonésiens ont été brûlés. Le 8 septembre, des manifes tations ont éclaté à Dili dans six quartiers différents. Le 9 septembre, le marché de Comoro a été brûlé, tandis que la police et les forces armées s'efforçaient de dis perser des manifestants dans plusieurs endroits aux alentours de Dili. Des mem bres de la police auraient été blessés au cours de ces émeutes. Le 10 septembre, les manifestants s'étaient apparemment dispersés, mais la tension était toujours vive en raison de la poursuite des arrestations par les forces de sécurité. Parallèlement aux émeutes de Dili, Maliana et Viqueque, des troubles se seraient produits à Liquiza, Maubesse et Suai.

Des troubles ont à nouveau éclaté à Dili le 10 octobre, avec des affrontements entre opposants et personnes favorables à l'intégration du Timor oriental à l'Indonésie. Des groupes de jeunes gens ont élevé des barricades dans certains quartiers de Dili. Selon les informations reçues, des coups de feu sporadiques auraient été tirés et du gaz lacrymogène aurait été utilisé par les autorités. Les troubles se sont poursuivis pendant quatre jours, les affrontements se soldant par des dizaines de blessés. Après que les forces de sécurité eurent mis un terme aux émeutes, le degré de surveillance militaire serait resté élevé à Dili. Des membres des forces de sécurité auraient patrouillé dans les rues de la ville et perquisitionné au domicile des personnes présumément impliquées dans les émeutes.

Ces troubles ont été immédiatement suivis par des commentaires des autorités expliquant que les émeutes résultaient d'un conflit religieux entre les catholiques, majoritaires au Timor oriental, et les immigrés indonésiens, pour la plupart mu sulmans. Les reporters favorables au gouvernement ont appuyé cette version des faits et ont souligné la dure condition des musulmans indonésiens qui, après avoir émigré au Timor oriental, avaient dû fuir à cause des émeutes. Toutefois, de nom breux observateurs ont fait remarquer que les autorités avaient ignoré les motifs politiques sous-tendant ces émeutes et ces troubles, afin de faire naître des sympa thies en faveur de l'intégration du Timor oriental à l'Indonésie et de marginaliser les sentiments indépendantistes. En outre, selon des sources indépendantes, les militaires auraient été à l'origine des troubles survenus au mois de septembre, ainsi que des émeutes qui se sont produites à Dili au mois d'octobre, en faisant appel à des agents provocateurs qui dressaient les différents groupes timorais les uns contre les autres et s'efforçaient d'exacerber les conflits religieux.

Les arrestations

Trois cents personnes pour le moins auraient été arrêtées en raison de leur implication présumée dans les émeutes. Jusqu'à quarante-trois d'entre elles elles seraient actuel-lement en instance de jugement[2]

En septembre 1995, au moins 60 personnes auraient été appréhendées par la police et les militaires en une seule semaine. Les arrestations ont eu lieu à Maliana, Viqueque, Dili et Mananuto. Le nombre de personnes appréhendées en octobre s'élevait à 262. Le 20 octobre, le chef de la police du Timor oriental a annoncé que 162 d'entre elles étaient retenues en garde à vue par la police aux fins d'interrogatoire, tandis que les 100 autres avaient été relâchées. Les autorités n'ont pas fourni de liste officielle des personnes encore détenues et en instance de jugement. Les autorités de police indonésiennes ont fait savoir que le groupe serait jugé pour destruction de biens, coups et blessures et incendie volontaire, probablement aux termes de l'article 170 du Code pénal indonésien. Amnesty International déplore que les 43 inculpés ne puissent communiquer librement avec leurs familles et des avocats de leur choix.

Amnesty International s'inquiète de ce que les arrestations opérées aient été arbi traires, les forces de sécurité ayant appréhendé des personnes connues pour être des militants politiques mais qui n'étaient pas forcément impliquées dans les émeutes. L'Organisation déplore en outre que les personnes détenues l'aient souvent été au-delà des délais légaux sans avoir été inculpées. Certaines de ces personnes semblent n'avoir pris aucune part aux émeutes, avoir seulement exercé des activités non violentes ou avoir fait l'objet d'arrestations antérieures. Les autorités indonésiennes ont tenté de nier le caractère politique de ces arrestations. Le chef de la police du Timor oriental, le colonel Andreas Sugianto, a déclaré le 25 septembre 1995 que les personnes appréhendées « avaient toutes commis des actes de nature purement pénale, mais n'étaient pas des éléments subversifs ».

L'Organisation est en outre préoccupée par le fait que l'arrestation de ces personnes se soit déroulée en violation de la législation indonésienne et des normes internationales. Amnesty International déplore également que ces personnes n'aient pas été autorisées à consulter librement des avocats et que les personnes maintenues en détention risquent à présent d'être jugées de manière inéquitable. Les arrestations et détentions ont suivi un schéma similaire, qui comprenait l'ensemble ou partie des caractéristiques suivantes :

–    les personnes détenues ont été arrêtées sans mandat ;

–    les détenus semblent avoir été fréquemment déplacés d'un centre de détention à un autre, et seraient aussi passés d'une garde à vue policière à une détention militaire ;

–    les personnes détenues n'ont été inscrites dans aucun registre par les autorités ;

–    les détenus ne se sont pas vu offrir la possibilité de consulter des avocats de leur choix, et n'ont pas pu en faire la demande ;

–    les détenus ont été maintenus en détention sans être inculpés pendant une durée supérieure aux vingt-quatre heures légales ;

–    nombre de ces détenus ont été victimes de manœuvres d'intimidation, de menaces, de mauvais traitements, de passages à tabac et de torture.

Toutes ces pratiques sont en accord avec les précédentes informations fournies à Amnesty International concernant les arrestations et les détentions effectuées au Timor oriental : elles tendent ouvertement à réprimer les activités indépendantistes.

Deux des personnes détenues étaient des frères, tous deux ayant été arrêtes en lieu et place d'un troisième frère, connu des autorités pour son implication dans des activités indépendantistes. Ces deux hommes ont été arrêtés aux alentours du 12 octobre, à Dili. L'un des frères aurait été appréhendé à son domicile par des policiers et des militaires, puis placé en garde à vue. Le second frère a été arrêté dans la rue, et il aurait été frappé alors qu'on le forçait à monter dans un véhicule pour l'emmener vers un poste de police de Dili. À son arrivée au poste, des policiers et des militaires l'auraient torturé en lui faisant subir des décharges électriques. Les deux frères auraient été maintenus en détention pendant une semaine et n'auraient pu demander à bénéficier d'un avocat indépendant.

Au bout d'une semaine, le troisième frère s'est rendu au même poste de police et ses deux frères ont été relâchés. Il a été interrogé pendant une journée en la présence d'un prêtre qui l'avait accompagné au poste de police, puis a été relâché. Une semaine plus tard, les membres des forces de sécurité se sont rendus à son domicile pour le chercher. Il n'était pas chez lui à ce moment-là, mais il s'est ensuite à nouveau rendu à la police. Cette fois, néanmoins, des dispositions ont été prises pour qu'il soit emmené au siège des Services de renseignements de l'armée (Satuan Tugas Intelijen, SGI) du commandement de réserve militaire du Timor oriental (KOREM 164/Wira Dharma). Craignant d'éventuelles tortures s'il se trouvait entre les mains des militaires des SGI, cet homme s'est échappé alors qu'on le conduisait à leur quartier général. Il a fui le Timor oriental peu de temps après.

Au mois de septembre, un autre homme a été arrêté parce qu'il était soupçonné d'avoir pris part à une manifestation. Il aurait été appréhendé à l'extérieur de la cathédrale de Dili par des membres des SGI et emmené dans un centre de détention militaire à Los Palos, à la périphérie de Dili. Il a été maintenu en détention pendant trois jours, au cours desquels il a été passé à tabac et a subi des interrogatoires relatifs aux autres Timorais impliqués dans des activités indépendantistes. Un autre jeune Timorais de l'Est a été arrêté par la police aux alentours du 8 octobre, à Bidau, et a d'abord été détenu dans un poste de police de cette ville. Il a ensuite été transféré au siège des Services de renseignements de l'armée, où il aurait été roué de coups et torturé ; deux de ses dents auraient été cassées.

La torture

Au Timor oriental, torture et mauvais traitements sont infligés de manière régulière aux détenus politiques, et les personnes arrêtées à la suite des émeutes de septembre et d'octobre 1995 n'ont pas fait exception à la règle. Amnesty International est préoccupée par le fait que les efforts déployés par les autorités indonésiennes pour limiter l'accès au Timor oriental des observateurs des droits de l'homme et des journalistes indépendants augmentent les risques encourus par les personnes toujours détenues. Les Timorais de l'Est arrêtés et détenus au cours des dernières années affirment que les autorités transfèrent fréquemment dans un centre de détention militaire les personnes gardées à vue par la police, lorsque les policiers ne parviennent pas à obtenir de ces personnes les informations ou les renseignements qu'ils recherchent. La torture et les mauvais traitements seraient pratiqués par la police, mais les méthodes employées par les militaires, qui comprennent systématiquement des passages à tabac et des actes de torture, sont considérées comme étant plus efficaces pour obtenir des informations.

L'un des témoins des arrestations de septembre 1995 a déclaré avoir rencontré une personne qui venait d'être relâchée après trois jours de détention ; elle portait des traces de coups et avait du sang séché sur le visage. D'autres témoins ont rapporté avoir vu des détenus avec des plaies ouvertes. Le législateur timorais Manuel Carrascalao a déclaré que des détenus qu'il avait rencontrés s'étaient plaints d'avoir été roués de coups. Selon d'autres sources, une étudiante aurait été gravement blessée au bras par des membres des forces de sécurité. Comme dans d'autres cas portés à la connaissance d'Amnesty International, cette femme avait peur de se faire soigner à l'hôpital, à moins d'être accompagnée par des témoins.

D'après des informations non confirmées, onze lycéennes auraient été arrêtées le 9 septembre 1995 et deux d'entre elles auraient été violées par des soldats. Un autre homme, détenu au début du mois de septembre par les SGI, a été frappé dès qu'il a été placé dans une salle d'interrogatoire des SGI. On lui a enjoint de ne rapporter à personne, notamment aux observateurs des droits de l'homme, la ma nière dont il avait été traité, le menaçant de mort s'il le faisait. Après avoir été dé tenu et interrogé pendant environ quatre heures, cet homme a été relâché. Deux jours plus tard, une vingtaine de militaires en uniforme sont arrivés à son domicile pour le chercher. Il n'était pas chez lui et a réussi à fuir le Timor oriental peu de temps après.

Au nombre des détenus torturés figure également Tito. Cet homme a été arrêté le 9 septembre à Bidau (Dili) par des militaires, bien qu'il ait affirmé n'avoir pas pris part aux émeutes. Au moment de son arrestation, il a été frappé à coups de barre de fer et de poing. Ensuite, tandis qu'il était emmené vers un hôpital militaire, il a été à nouveau passé à tabac ; des soldats lui ont marché sur la gorge et lui ont donné des coups de pied dans la poitrine. Le lendemain, il a de nouveau été frappé. À la suite de ces coups, Tito a eu des saignements de nez et a vomi du sang. Il a ensuite été emmené au siège de la police de Dili, où il a encore été battu, malgré son état. Le lendemain, 12 septembre,Tito a de nouveau été passé à tabac. Il a ensuite été relâché la nuit venue.

Lors de sa libération, Tito s'est vu remettre au siège de la police un certificat signé par un médecin attestant qu'il était en bonne santé. Des témoins qui l'ont rencontré après sa remise en liberté ont déclaré qu'il semblait avoir été gravement maltraité lors de sa détention. Son visage était contusionné, enflé et portait des plaies ouvertes ; ses deux yeux étaient pochés. L'une de ses mains était enflée et son corps portait des traces de coups. En outre, il ne pouvait pas marcher normalement.

Comme dans la plupart des cas de détention arbitraire au Timor oriental, Tito a été arrêté sans mandat. Sa famille ne semble pas avoir été informée de son lieu de détention et il ne paraît pas avoir été autorisé à consulter un avocat pendant qu'il était détenu. En outre, on ne lui a pas remis de document attestant de sa libération. Comme il est rare que les personnes détenues au Timor oriental soient inscrites dans un registre, il est peu probable que la détention de Tito l'ait été.

Déception à l'issue de l'enquête menée par la Komnas HAM (Commission nationale des droits de l'homme)

La Commission nationale des droits de l'homme d'Indonésie (Komisi Nasional Hak Asasi Manusia [Komnas HAM]) s'est rendue au Timor oriental pour y mener une enquête sur les informations faisant état de violations des droits de l'homme commises au cours des émeutes de septembre 1995. Les conclusions de la commission ont déçu de nombreux observateurs. Au lieu de centrer son enquête sur les violations perpétrées au Timor oriental par les forces de sécurité, la commission a conclu que des atteintes aux droits de l'homme avaient été commises par un groupe timorais à l'encontre d'un autre groupe, ce qui ferait référence à des attaques menées par la majorité catholique timoraise à l'encontre des immigrés musulmans indonésiens.

Le rapport de la commission fait état d'atteintes aux droits de l'homme commises « par un groupe de la communauté à l'encontre d'un autre groupe », et notamment d'atteintes aux droits à la liberté de religion, à la sûreté de la personne, à la propriété, à un niveau de vie suffisant et à ne pas être pas soumis à la peur. Les conclusions de l'enquête ne faisaient aucun commentaire sur le nombre élevé d'arrestations arbitraires ou la pratique de la torture et des mauvais traitements imputables aux forces de sécurité. Les recommandations formulées par la Komnas HAM dans le cadre de ses conclusions n'indiquaient pas des mesures pouvant être prises pour protéger les individus contre les violations des droits de l'homme perpétrées par les forces de sécurité, notamment contre l'arrestation arbitraire et la torture. Elles se référaient essentiellement aux problèmes de conflits interethniques au Timor oriental. Amnesty International ne cautionne aucun des actes de violence commis au cours des émeutes. Toutefois, l'Organisation déplore que la Commission nationale des droits de l'homme d'Indonésie, organisme au sujet duquel le gouvernement indonésien reçoit des félicitations croissantes de la part de la communauté internationale, n'ait pas, dans cette affaire, examiné de manière sérieuse les violations des droits de l'homme perpétrées par les forces de sécurité.

Les conclusions décevantes de la commission sont connues alors que la Komnas HAM a annoncé sa décision d'ouvrir un bureau au Timor oriental. Amnesty Inter national estime que le statut juridique actuel de la commission, le manque de clarté de ses objectifs et de sa structure, ainsi que ses méthodes de travail, ne lui permettent pas d'être un organisme efficace de surveillance des violations des droits de l'homme au Timor oriental. Cette opinion trouve un écho dans le rapport de décembre 1994 du rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Dans ce rapport, qui portait sur les efforts entrepris par le gouvernement indonésien pour enquêter sur le sort des personnes tuées ou portées disparues lors du massacre de Santa Cruz, qui avait eu lieu à Dili en 1991, le rapporteur spécial déclarait :

« ... la Commission nationale des droits de l'homme n'est pas le mécanisme le plus approprié pour s'occuper des violations des droits de l'homme au Timor oriental. Son mandat, les moyens d'action à sa disposition et ses méthodes de tra vail sont insuffisants. En outre, la population du Timor oriental ne lui fait pas confiance. De toute manière, elle ne s'est pas occupée des questions intéressant le Timor oriental. En conséquence, le rapporteur spécial recommande qu'une com mission des droits de l'homme au Timor oriental soit créée pour pour surveiller la situation des droits de l'homme, recevoir des plaintes et enquêter de manière ndépendante, adresser des recommandations aux autorités compétentes.[3]

Conclusions et recommandations

Les violations des droits de l'homme perpétrées durant et après les émeutes s'inscrivent dans le droit fil de la politique gouvernementale au Timor oriental. Elles montrent que les autorités indonésiennes ne sont pas prêtes à y tolérer des activités indépendantistes pacifiques. Elles montrent en outre que le gouvernement n'a pas fait en sorte que les membres des forces de sécurité agissent dans le respect des normes internationales relatives à la défense des droits de l'homme.

Afin de prévenir les pratiques de détention arbitraire à l'encontre des militants politiques, ainsi que de torture et de mauvais traitements, Amnesty International exhorte le gouvernement de la République d'Indonésie à :

–    faire en sorte qu'il y ait au Timor oriental une surveillance indépendante et approfondie de la situation des droits de l'homme, en permettant aux observateurs indépendants des droits de l'homme, d'où qu'ils viennent, ainsi qu'aux journalistes étrangers, d'avoir accès au Timor oriental ;

–    mettre un terme à la pratique de la détention arbitraire de militants politiques présumés ;

–    s'assurer que les personnes détenues soient relâchées à moins d'être inculpées d'une infraction prévue par la loi ;

–    accorder aux personnes détenues l'autorisation de consulter immédiatement des avocats de leur choix ;

–    tenir un registre pénitentiaire accessible à tous ;

–    faire en sorte qu'une enquête impartiale soit ouverte sans délai sur les récents cas de torture en détention et que les membres des forces de sécurité tenus pour responsables répondent de leurs actes devant la justice ;

–    veiller à ce que les personnes inculpées en raison de leur implication présumée dans les émeutes soient jugées dans le respect des normes internationales rela tives à l'équité des procès.



[1] Sanusi Abubakar, directeur de la prison de Maliana, a été depuis condamné à une peine d'emprisonnement d'au moins quatre ans pour avoir proféré des insultes à l'égard d'une religion.

[2] Se reporter à la liste ci-jointe.

[3] Commission des droits de l'homme [des Nations unies], cinquante et unième session, Exécu tions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Additif, Rapport présenté par M. Bacre Waly Ndiaye, Rapporteur spécial, sur la mission qu'il a effectuée en Indonésie et au Timor oriental du 3 au 13 juillet 1994, E/CN.4/1995/61/Add.1, page 29.

Comments:
La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre East Timor: The September and October 1995 riots: Arbitrary detention and torture. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI - mars 1996.

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