Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Iran
- Author: Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
- Document source:
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Date:
19 June 2008
Contexte politique
Depuis l'accession au pouvoir de M. Mahmoud Ahmadinejad, en 2005, au terme d'élections jouées d'avance, tous les réformateurs ayant été écartés d'office par le Conseil des gardiens de la Constitution, un organe nommé par le Guide suprême, le Président iranien n'a eu de cesse de recourir à un nationalisme exacerbé afin de détourner l'attention de la population iranienne des graves difficultés auxquelles elle est confrontée.
L'année 2007 a été une année particulièrement noire pour les libertés en Iran, marquée par une répression inégalée à l'encontre de l'ensemble des acteurs de la société civile.1 La répression a ainsi continué de viser toute voix dissidente – en particulier celle provenant des journalistes, des étudiants, des syndicalistes, des opposants politiques, des universitaires et intellectuels, des dignitaires religieux modérés – et s'est traduite par des vagues récurrentes d'arrestations et de condamnations arbitraires. Nombre de journaux et de publications sur Internet ont en outre été interdits et les journalistes ont fait l'objet d'arrestations et de peines très sévères, en particulier ceux provenant de la province kurde.
Le recours à la peine de mort a par ailleurs considérablement augmenté : 265 personnes auraient été exécutées en 2007 (contre 177 en 2006),2 dont des personnes mineures au moment de la commission de l'infraction, et ce en violation flagrante du droit international. Outre le fait que la peine capitale est également appliquée aux crimes dits "sexuels" (adultère, homosexualité), le recours aux peines d'amputation et de lapidation s'est lui aussi fortement accru.
L'année 2007 a également été marquée par une répression croissante des minorités ethniques et religieuses en République islamique d'Iran : ainsi, trois Baha'is arrêtés à Shiraz en mai 2006 ont été condamnés à des peines de quatre ans de prison en novembre 2007, prétendument pour avoir mené de la propagande contre le régime. 51 autres ont été condamnés à un an de prison avec sursis, moyennant l'obligation de suivre des cours dispensés par l'Organisation de la propagande islamique. En réalité, ces personnes avaient participé à un projet humanitaire visant à dispenser des cours de soutien scolaire à des enfants marginalisés à Shiraz. Les minorités azérie, arabophone et kurde ont également été particulièrement visées.
Toutefois, en dépit du degré de répression croissant de la part des autorités, la société civile est restée dynamique, et la "Campagne pour un million de signatures", mouvement pour l'égalité des droits entre hommes et femmes, n'a cessé de croître en popularité.
Répression à l'encontre de la "Campagne pour un million de signatures"
Les animateurs et animatrices de la Campagne pour un million de signatures, officiellement lancée en août 2006, ne cessent d'être victimes d'une répression sévère. En 2007, l'Observatoire a ainsi documenté les cas de 44 militantes et militants poursuivis pour leurs activités de défense des droits des femmes en Iran.3
Pour rappel, la répression à leur encontre a débuté en juin 2006, quand plusieurs dizaines de militantes ont pris part à un rassemblement pacifique sur la place de Haft e-Tir à Téhéran, afin de demander que les dispositions législatives discriminatoires à l'encontre des femmes soient modifiées. Ce rassemblement pacifique avait été violemment réprimé et plusieurs militantes arrêtées puis libérées sous caution. En 2007, douze d'entre elles ont été condamnées à des peines de prison et/ou à des coups de fouet. Elles ont fait appel de ces décisions. Il convient en outre de noter que celles qui sont le plus sévèrement condamnées sont généralement de jeunes étudiantes sans passé militant, probablement afin de décourager les jeunes de rejoindre le mouvement.
Une fois arrêtés, les militants sont détenus arbitrairement, mis en accusation puis libérés moyennant des cautions très élevées, en attendant leur jugement. La caution peut s'élever à 250 000 euros, montant en principe réservé aux crimes les plus graves. De tels montants constituent en eux-mêmes une forme de répression et d'intimidation.
Fin 2007, quatre militantes de la campagne étaient toujours sous les verrous : Mmes Ronak Safarzadeh et Hanna Abdi, également membres de l'association "Azarmehr" pour les droits des femmes du Kurdistan, ainsi que Mmes Maryam Hosseinkhah et Jelveh Javaheri. Ces militantes ont fait l'objet d'une campagne d'intimidation et de diffamation dans les médias pro-gouvernementaux.
Répression à l'encontre des journalistes défenseurs issus de minorités
Fin 2007, de nombreux journalistes qui promeuvent les droits des minorités dans le cadre de leurs activités restaient emprisonnés, dont quatre journalistes kurdes défenseurs des droits de l'Homme : M. Mohammad Sadegh Kaboudvand, président du Message du peuple du Kurdistan, un journal de défense des droits des Kurdes, détenu dans l'attente de son procès ; M. Ejlal Ghavami, du même journal, condamné à trois ans de prison en juin 2007 ; MM. Abdolvahed Boutimar et Adnan Hassanpour, deux journalistes kurdes condamnés à mort en juillet 2007 en raison de leurs écrits revendiquant les droits culturels de la minorité kurde.4
Poursuite de la répression à l'encontre des dirigeants syndicaux
En 2007, la répression à l'encontre des mouvements syndicaux s'est poursuivie. Par exemple, en mars 2007, des manifestations organisées à l'appel de plusieurs syndicats se sont tenues afin de dénoncer le refus du Parlement iranien d'adopter un projet de loi relatif à la parité salariale. En conséquence, en avril 2007, plusieurs centrales syndicales ont fait l'objet d'attaques et de fermetures. Lors de ces opérations, plusieurs dizaines de dirigeants syndicaux ont été arrêtés, parmi eux M. Mahmoud Salehi, président du Comité d'organisation pour l'établissement des syndicats et ancien dirigeant du Syndicat des travailleurs des boulangeries de Saqez, condamné le 11 mars 2007 à un an de prison ferme et trois ans de prison avec sursis suite à sa participation à l'organisation de la célébration du 1er mai 2004 à Sagez, et dont l'état de santé, dans le cadre de sa détention, nécessitait, fin 2007, une intervention médicale urgente.
Le 10 juillet 2007, M. Mansour Osanloo, président du Syndicat des employés de la compagnie de bus de Téhéran et sa banlieue (Sherkat-e Vahed), a également été incarcéré suite à un enlèvement commandité par les autorités iraniennes. Il a par la suite été accusé d'"atteinte à la sécurité nationale". Fin 2007, il restait arbitrairement détenu, malgré un état de santé nécessitant un suivi médical constant. En outre, M. Ebrahim Madadi, vice-président du syndicat, a été détenu du 9 août au 16 décembre 2007. M. Reza Dehghan, membre du Comité des syndicats des peintres, a également été incarcéré du 18 novembre au 16 décembre 2007 pour avoir soutenu publiquement M. Mansour Osanloo.
L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).
1 Dans sa résolution P6_TA(2007)0488, adoptée le 25 octobre 2007, le Parlement européen s'est ainsi dit "profondément préoccupé par le renforcement brutal de la répression des mouvements de la société civile en Iran au cours de l'année écoulée" et a "invit[é] les autorités iraniennes à mettre un terme à la répression violente des défenseurs des droits des femmes, [...] des mouvements étudiants, des défenseurs des droits des minorités, des intellectuels, des enseignants, des journalistes, des auteurs de blogs et des syndicalistes".
2 Cf. site de M. Emmadeddin Baghi, un journaliste spécialisé dans les droits de l'Homme, www.emmadbaghi.com.
3 Le 5 avril 2007, Mme Yakin Ertürk, Rapporteure spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, M. Ambeyi Ligabo, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'expression et d'opinion, et Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme, ont exprimé leur inquiétude après avoir été informés que des agents de sécurité iraniens avaient arrêtés quatre femmes et un homme le 3 avril à Téhéran, alors qu'ils collectaient des signatures pour une campagne en faveur de l'amendement des lois iraniennes discriminatoires à l'égard des femmes. Ils ont en outre noté que "l'arrestation de ces cinq [...] défenseurs des droits de l'Homme n'est pas un incident isolé, mais s'intègre dans une tendance continue et inquiétante", dans la mesure où "les femmes et les hommes iraniens qui ont manifesté pacifiquement ou ont agi en faveur de l'égalité des sexes et les droits des femmes ont été arrêtés ou attaqués à plusieurs reprises [...]" (Cf. communiqué des Nations unies. Traduction non officielle).
4 Le 3 août 2007, l'Union européenne s'est dite "particulièrement préoccupée par les peines de mort frappant deux journalistes kurdes, MM. Adnan Hassan pour et Abdolvahed Boutimar [...] [ainsi que par] la répression croissante contre tous les groupes qui exercent leur droit à la liberté d'expression, notamment dans les régions comptant des minorités arabe et kurde" (Cf. déclaration de la présidence au nom de l'UE sur les condamnations à mort prononcées à l'encontre de MM. Adnan Hassan pour et Abdolvahed Boutimar).
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