Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Somalie
- Author: Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
- Document source:
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Date:
19 June 2008
Contexte politique
En janvier 2007, les troupes du Gouvernement fédéral de transition (GFT), appuyées par l'armée éthiopienne, ont repris le contrôle de la capitale Mogadiscio ainsi que de la plupart des régions du centre et du sud de la Somalie auparavant sous contrôle de l'Union des tribunaux islamistes (UTI). Ce changement n'a eu aucune conséquence sur la sécurité des personnes. Au contraire, les violences et l'instabilité se sont accrues du fait des affrontements entre les insurgés et les forces GFT/éthiopiennes. Les deux camps se sont rendus coupables de graves violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire : explosions de bombes et tirs de mortiers à l'aveugle, attaques suicides, tirs dans la foule. Les combats de rue auraient causé la mort de plusieurs centaines de civils. Et si, en mars 2007, suivant l'adoption de la résolution 1744 du Conseil de sécurité des Nations unies, 1 600 militaires de la Mission de l'Union africaine en Somalie (MUAS) sont arrivés dans le pays, cette présence n'a pas permis l'arrêt des violences.
Entre octobre et novembre 2007, les combats se sont une nouvelle fois intensifiés, faisant de nombreux morts parmi la population civile. Des viols, des enlèvements et des pillages auraient également eu lieu. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), près d'un million et demi de personnes auraient, à la fin de l'année, un besoin urgent d'assistance et de protection.
Fin 2007, aucune solution politique n'avait été trouvée et les appels au dialogue avec les insurgés continuaient de se heurter à l'exigence du retrait préalable de l'armée éthiopienne.
Obstacles au travail humanitaire
Dans ce contexte de guerre, les organisations humanitaires font face à d'importants obstacles dans l'accomplissement de leur travail, notamment dans leurs efforts de protection de la société civile, parmi lesquels des contrôles permanents lors de leurs déplacements, des embuscades et vols de convois humanitaires ; des taxes surélevées sur l'assistance humanitaire ; des actes de harcèlement ; des arrestations arbitraires ; des enlèvements. L'enlèvement de deux membres de Médecins sans frontières (MSF), Mmes Mercedes Garcia, médecin espagnole, et Pilar Bauza, infirmière argentine, le 26 décembre 2007, à Bossasso, la capitale du Puntland, située au nord du pays, a ainsi médiatisé la situation de violence et d'anarchie qu'a vécu la Somalie tout au long de l'année. Les deux femmes ont été relâchées le 2 janvier 2008.1
L'acheminement de l'aide humanitaire par voie de mer est en outre rendu difficile par la reprise des piratages de bateaux au large des côtes du Puntland et de la Somalie du sud, utilisés comme moyen de financer l'effort de guerre. Les escortes militaires n'ont pas empêché plusieurs bateaux d'être attaqués, compromettant, par exemple, les activités du Programme alimentaire mondial.
Atteintes à l'intégrité physique et arrestations arbitraires de défenseurs
Toute voix qui tente d'évoquer publiquement les graves violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire perpétrées à l'occasion du conflit en Somalie s'expose à de graves représailles. Ainsi, un éminent défenseur, M. Isse Abdi Isse, directeur de l'organisation KISIMA pour la paix et le développement, a été tué par balle le 14 mars 2007 alors qu'il participait à une conférence soutenue par l'UNICEF sur le soutien socio psychologique aux enfants touchés par la guerre civile, la sécheresse et les inondations.2
Les parties au conflit cherchent ainsi à faire taire les organisations de défense des droits de l'Homme. Dans ce contexte, certains journalistes indépendants tentent de relayer la dénonciation des violations des droits de l'Homme, devenant à leur tour la cible de graves exactions. En conséquence, la plupart des responsables de médias indépendants ont quitté le pays. Par exemple, selon l'Observateur de la liberté de la presse en Somalie (Somalia Press Freedom Observer), huit journalistes ont été tués en 2007, dont la moitié ont été victimes d'assassinats ciblés, perpétrés par des tueurs à gages.3 Parmi eux des personnalités importantes du monde des médias, dont le co-fondateur de Radio Horn Afrik et le directeur du groupe de presse Shabelle Media. Cinquante-trois journalistes ont en outre été arrêtés. D'autre part, en début d'année, trois journalistes, MM. Ali Abdi Dini, Mohamed Omar Sheikh Ibrahim et Ibrahim Mohamed Rashid Farah, ont été arrêtés dans le Somaliland et condamnés à deux ans et cinq mois d'emprisonnement aux termes d'un procès inéquitable après la publication dans le journal Haatuf d'une série d'articles accusant le président du Somaliland de népotisme et de corruption. M. Yusuf Abdi Gabobe, directeur de publication de Haatuf, a quant à lui été condamné à deux ans d'emprisonnement pour "obstruction". La licence de publication du journal a été révoquée. Enfin, le 16 décembre 2007, un cameraman français, M. Gwenlaouen Le Gouil, a été enlevé par une bande armée alors qu'il tournait un reportage sur l'émigration clandestine dans le Puntland. Il a été relâché le 24 décembre.
L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).
1 Cf. communiqués de MSF, 27 décembre 2007 et 2 janvier 2008.
2 Cf. communiqué du Réseau de l'est et de la corne de l'Afrique (East and Horn of Africa Human Rights Defenders' Network – EHAHRD-Net), 16 mars 2007.
3 Ces huit journalistes tués sont MM. Ali Mohammed Omar, Mohammed Abdullahi Khalif, Abshir Ali Gabre, Ahmed Hassan Mahad, Mahad Ahmed Elmi, Ali Iman Sharmarke, Abdulkadir Mahad Moallim Kaskey et Bashir Nur Gedi.
A cet égard, la présidence de l'Union européenne a "condamn[é] fermement l'assassinat de deux journalistes en Somalie et réaffirm[é] son soutien à tous ceux qui oeuvrent en faveur de la liberté d'expression et luttent pour garantir l'existence de médias impartiaux et la diffusion d'informations exactes. Mahad Ahmed Elmi et Ali Iman Shamarke étaient des personnalités importantes en Somalie et leur travail était essentiel pour promouvoir la démocratie et la réconciliation" (Cf. communiqué 12389/07 (Presse 190), Déclaration de la présidence au nom de l'Union européenne condamnant le meurtre de deux journalistes somaliens, 21 août 2007). De même, dans sa résolution P6_TA(2007)0544, adoptée le 15 novembre 2007, le Parlement européen a "condamn[é] le fait que le GFT harcèle systématiquement les journalistes, ferme des médias et n'enquête pas sur les assassinats de journalistes, attitude qui nuit gravement aux activités journalistiques indépendantes en Somalie".
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