Amnesty International Rapport 2008 - Pologne
- Document source:
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Date:
28 May 2008
République de Pologne | |
Chef de l'État | Lech Kaczyński |
Chef du gouvernement | Jarosław Kaczyński, remplacé par Donald Franciszek Tusk le 16 novembre |
Peine de mort | abolie |
Population | 38,5 millions |
Espérance de vie | 75,2 ans |
Mortalité des moins de cinq ans (m/f ‰) | 10 / 9 ‰ |
Taux d'alphabétisation des adultes | 99,8 % |
Le gouvernement polonais a démenti les accusations selon lesquelles il aurait permis aux États-Unis de disposer de centres de détention sur son territoire, et a repoussé plusieurs demandes visant à la réouverture d'une enquête sur cette question. Les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres ont cette année encore été la cible de discriminations et de manifestations d'intolérance. Les conditions de détention des demandeurs d'asile, ainsi que les limites imposées aux droits des personnes disposant d'une « tolérance de séjour », suscitaient une certaine préoccupation.
Contexte
Des élections législatives anticipées ont eu lieu au mois d'octobre, la Diète (chambre basse du Parlement) ayant voté le 7 septembre sa propre dissolution. En effet, la coalition au pouvoir n'avait plus la majorité au Parlement à la suite de la défection d'une des formations la composant. Ces élections ont été marquées par le plus fort taux de participation enregistré depuis la première consultation de l'ère post-communiste, en 1991. Elles ont été remportées par la Plateforme civique, parti situé anciennement dans l'opposition, qui a constitué en novembre un nouveau gouvernement. Celui-ci, à l'instar de son prédécesseur, s'est opposé à l'incorporation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans la législation polonaise.
« Guerre contre le terrorisme »
La participation présumée de la Pologne au programme américain de détentions secrètes et de vols secrets liés aux « restitutions » restait un sujet de préoccupation. La commission temporaire du Parlement européen sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers (commission TDIP) a conclu en février que la Pologne n'avait pas enquêté sérieusement sur les informations relatives à la présence sur son territoire de centres de détention secrets gérés par les États-Unis. La commission TDIP a estimé que les enquêtes n'avaient pas été menées en toute indépendance et que les déclarations des membres du gouvernement à ses délégués étaient contradictoires et tendancieuses.
En avril, le Comité contre la torture [ONU] a instamment prié la Pologne de préciser la manière dont s'était déroulée l'enquête parlementaire sur la présence, à l'intérieur de ses frontières, de centres de détention secrets administrés par la CIA. Dans ses conclusions, publiées au mois de juillet, le Comité contre la torture s'est dit préoccupé par les allégations persistantes relatives à une participation de la Pologne au programme de « restitutions extraordinaires ». Interrogé à ce sujet, le Premier ministre de l'époque, Jarosław Kaczyński, a déclaré que son gouvernement considérait ces allégations comme une « affaire réglée ».
Le rapporteur sur les détentions secrètes de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Dick Marty, a publié en juin un deuxième rapport, révélant un certain nombre de nouveaux éléments indiquant que des « détenus de grande importance » pour les États-Unis avaient été internés par la CIA dans des centres de détention secrets en Pologne et en Roumanie, entre 2002 et 2005. Ce système, ainsi que diverses autres activités illégales de la CIA en Europe, aurait été rendu possible, selon le rapporteur, par un accord secret conclu en 2001 entre des pays membres de l'OTAN.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a estimé en juin qu'il était « désormais établi avec un haut degré de probabilité que des centres de détention secrets dirigés par la CIA, dans le cadre du Programme des détenus de grande importance » avaient existé pendant quelques années en Pologne et en Roumanie. L'Assemblée parlementaire a demandé que les services de renseignement militaire et de contre-espionnage en activité dans ces deux pays fassent l'objet d'un réel contrôle démocratique. Elle a également souhaité que ces faits donnent lieu à des enquêtes transparentes et que des réparations soient accordées aux personnes victimes de mesures de transfert et de détention illégales. La Pologne a affirmé n'avoir rien eu à voir avec des centres de détention secrets.
Le commissaire européen à la Justice, la Liberté et la Sécurité, Franco Frattini, a écrit en juillet au gouvernement polonais pour lui rappeler qu'il était tenu, aux termes de la Convention européenne des droits de l'homme, de vérifier si les allégations formulées étaient ou non fondées. Il avait mis en garde les États membres en 2005, les informant qu'ils s'exposaient à des sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de leur droit de vote au sein de l'Union européenne s'il s'avérait qu'ils avaient collaboré avec la CIA à l'organisation d'un système de prisons secrètes. À la fin de l'année, la Pologne n'avait pas répondu.
Le Comité européen pour la prévention de la torture a dénoncé en septembre le recours à la détention secrète et aux « restitutions » dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Discrimination en raison de l'orientation sexuelle
Les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres étaient toujours en butte à des comportements discriminatoires. Certains hommes politiques de tout premier rang, comme le président Lech Kaczyński ou Roman Giertych, qui a détenu le double portefeuille de vice-Premier ministre et de ministre de l'Éducation, tenaient toujours un discours ouvertement homophobe.
Tout aussi préoccupant était le projet annoncé en mars par le gouvernement d'interdire « la promotion de l'homosexualité » et autres pratiques « déviantes » dans les écoles polonaises, et de « punir quiconque fait la promotion de l'homosexualité ou de toute autre déviance de nature sexuelle au sein des établissements d'enseignement », toute transgression de cette règle pouvant valoir à son auteur un licenciement, une amende ou une peine d'emprisonnement.
La dissolution du Parlement a empêché que ces mesures ne soient mises en place. Les institutions européennes ont cependant précisé que de telles dispositions constitueraient une violation des obligations internationales de la Pologne, de la Constitution polonaise et des engagements pris par ce pays lors de son adhésion à l'Union, en 2004. Elles auraient notamment pour effet d'institutionnaliser la discrimination dans le système scolaire polonais et de faire de la promotion de l'égalité une infraction pénale.
Le commissaire européen à l'Emploi, aux Affaires sociales et à l'Égalité des chances, Vladimir Špidla, a déclaré que la Commission ferait usage de tous ses pouvoirs et de tous les moyens à sa disposition pour combattre l'homophobie. Le Parlement européen a pour sa part exprimé sa colère et son inquiétude face à l'intolérance croissante dont étaient l'objet les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres dans différents pays d'Europe. Les autorités polonaises, nommément désignées, ont été appelées « à condamner publiquement et à sanctionner les déclarations formulées par les dirigeants publics incitant à la discrimination et à la haine pour des motifs d'orientation sexuelle ».
En juin, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'est dit vivement préoccupé par plusieurs aspects des prises de position du gouvernement polonais à l'égard des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres. Citant une brochure destinée à la jeunesse qui bénéficiait d'une recommandation officielle, il s'est exprimé en ces termes : « La description donnée de l'homosexualité est offensante, non conforme aux principes de l'égalité, de la diversité et du respect des droits humains de toute personne ». Le commissaire s'est également dit inquiet face aux mesures envisagées visant à pénaliser la promotion supposée de l'homosexualité dans les écoles. Il a déploré « tous les discours de haine à l'égard des homosexuels » et a appelé les autorités polonaises à faire de même.
Liberté d'expression
En septembre, la Cour européenne des droits de l'homme a rejeté la demande de réexamen déposée par l'État polonais après l'arrêt initial rendu en mai en faveur de Polonais militant pour les droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres. Ces militants avaient obtenu gain de cause face aux autorités polonaises, en l'occurrence Lech Kaczyński, maire de Varsovie (plus tard président de la République), qui avait interdit le défilé pour l'égalité prévu en juin 2005 dans la capitale. L'arrêt de la Cour, rendu à l'unanimité et estimant cette interdiction illégale et discriminatoire, est donc devenu définitif.
Réfugiés et demandeurs d'asile
Les personnes bénéficiant d'une « tolérance de séjour » – souvent originaires de Tchétchénie, en Fédération de Russie – étaient toujours exclues des programmes d'intégration, réservés aux seuls réfugiés reconnus.
Selon certaines informations, des demandeurs d'asile placés en centre de détention n'auraient pas reçu les soins médicaux que leur état nécessitait. Le Comité contre la torture [ONU] s'est inquiété des conditions de vie en vigueur dans les zones de transit et dans les centres de rétention où étaient placés les étrangers en attente d'expulsion.
- Malgré plusieurs requêtes en ce sens, les autorités n'ont pas répondu aux questions concernant les circonstances de la mort, en octobre 2006, d'Isa Abubakarow, un ressortissant russe d'origine tchétchène qui n'aurait pas bénéficié de soins médicaux appropriés. Isa Abubakarow avait été interné au centre de détention pour réfugiés de Lesznowola, après avoir été transféré de Belgique en Pologne en juin 2006. Le médiateur polonais a adressé au procureur régional de Grójec une protestation concernant les conditions d'accueil et l'absence de prise en charge médicale au centre de Lesznowola. L'affaire était en cours à la fin de l'année 2007.
Peine de mort
Le gouvernement s'est opposé, en septembre, à la proposition du Conseil de l'Europe de lancer une Journée européenne contre la peine de mort. La nouvelle équipe parvenue au pouvoir en décembre s'est cependant déclarée favorable à cette initiative.
Discrimination à l'égard des femmes
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes [ONU] s'est inquiété en février du rejet répété, par le Parlement, d'un projet de loi globale relative à l'égalité entre les sexes. Il s'est également étonné de la suppression, en 2005, du poste de représentant spécial pour l'égalité entre hommes et femmes. Le nouveau gouvernement n'a pas voulu rétablir cette fonction, malgré les appels lancés en ce sens par plusieurs ONG.
Visites et documents d'Amnesty International
- Des délégués d'Amnesty International se sont rendus en Pologne au mois de mai.
- Europe and Central Asia: Summary of Amnesty International's Concerns in the Region, January – June 2007 (EUR 01/010/2007).
- Pologne. S'il était adopté, le projet de loi sur l'école bafouerait les droits des étudiants et des professeurs et renforcerait l'homophobie (EUR 37/001/2007).
- Pologne et Roumanie. Il faut assumer la responsabilité des sites secrets de détention (EUR 37/003/2007).
- Poland: Submission to the UN Universal Periodic Review: First session of the HRC UPR Working Group 7-18 April 2008 (EUR 37/005/2007).
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