Recommandation 1403 (1999) Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie

1.   L'Assemblée réaffirme la position qu'elle a exprimée dans ses Recommandations 1384 (1998), 1397 (1999), 1400 (1999) et sa Résolution 1182 (1999) sur la crise au Kosovo et la situation en République fédérale de Yougoslavie.

2.   Elle rappelle que les dispositions des Résolutions 1160 (1998), 1199 (1998) et 1203 (1998) du Conseil de sécurité de l'Onu, de même que les principes de l'Accord intérimaire de Rambouillet proposé, même s'il n'a pas été signé par toutes les parties, forment la base d'un règlement de la crise au Kosovo.

3.   L'Assemblée déplore une nouvelle fois qu'en raison de l'attitude intransigeante des autorités serbes et yougoslaves, et de l'incapacité du Conseil de sécurité des Nations Unies à contraindre ces dernières à respecter ses résolutions en la matière, la diplomatie n'ait pu mettre un terme à la politique criminelle du Président Milosevic, et que le recours à la force soit devenu inévitable.

4.   Elle rappelle que la décision de l'Otan de mener une action militaire limitée contre la République fédérale de Yougoslavie avait pour but d'empêcher une aggravation de la tragédie humaine dont était déjà victime le Kosovo et d'inciter les autorités de la République fédérale de Yougoslavie à signer l'Accord intérimaire de Rambouillet proposé.

5.   Jusqu'à présent, l'action militaire de l'Otan n'a pas réussi à mettre fin à la tragédie humanitaire dans la région. Depuis le début des frappes aériennes, les autorités serbes ont accéléré le rythme auquel s'effectue l'épuration ethnique au Kosovo, aggravant ainsi le risque d'une extension du conflit aux pays voisins et d'une guerre longue qui déstabiliserait encore davantage le sud des Balkans. L'action militaire de l'Otan a également fait de nombreuses victimes parmi la population civile. L'Assemblée déplore toutes les victimes civiles du conflit et appelle à leur porter assistance.

6.   L'Assemblée condamne fermement la politique de nettoyage ethnique systématique menée au Kosovo par l'armée yougoslave et les forces paramilitaires serbes, qui ont détruit des villages entiers, assassiné des civils innocents, commis des crimes de guerre, en particulier l'enlèvement et le viol de femmes, comme arme de guerre systématique, et expulsé des centaines de milliers de personnes vers les pays voisins.

7.   L'Assemblée tient le Président Milosevic ainsi que les dirigeants serbes et yougoslaves pour responsables de ces crimes contre l'humanité.

8.   Elle demande instamment que les auteurs de ces actes criminels soient traduits devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Tout gouvernement disposant de preuves concernant ces actes criminels devrait les communiquer immédiatement au tribunal.

9.   L'Assemblée rappelle que seule la mise en œuvre de réformes démocratiques dans toute la République fédérale de Yougoslavie, le fonctionnement d'un régime politique démocratique, la prééminence du droit et la protection des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités nationales, peuvent conduire à une intégration progressive et conditionnelle de ce pays au sein de la communauté internationale, y compris à l'adhésion au Conseil de l'Europe.

10.  L'Assemblée exprime l'espoir que les peuples yougoslave et serbe pourront mener à bien les changements démocratiques et souligne que leur participation à la réalisation de la vision d'une Europe pacifique unie par des valeurs communes est indispensable.

11.  La position du Gouvernement du Monténégro dans le présent conflit et sa volonté de poursuivre les réformes démocratiques en dépit des menaces des autorités serbes appellent un soutien sans faille de la communauté internationale.

12.  Les initiatives prises par le Secrétaire général des Nations Unies et par l'Union européenne en vue de tenter de résoudre le conflit par la voie diplomatique méritent l'appui total de l'Assemblée.

13.  L'Assemblée espère que les initiatives de paix entreprises par les autorités russes conduiront à une solution politique acceptable du conflit.

14.  Elle se félicite de l'engagement du Fonds de développement social du Conseil de l'Europe de dégager 2 millions d'euros pour les réfugiés dans la zone en crise.

15.  L'Assemblée demande que le Conseil de l'Europe, en tant qu'organisation paneuropéenne dont l'objectif est de défendre les droits de l'homme, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités nationales, la démocratie pluraliste et la prééminence du droit, conformément à son Statut, joue un rôle plus actif dans la recherche d'une solution politique à la crise.

16.  L'Assemblée note le manque d'unanimité entre les Etats membres du Conseil de l'Europe concernant l'usage de la force dans la recherche d'une solution au conflit.

17.  Par conséquent, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:

i.    de faire tout son possible pour contribuer à l'aboutissement d'un règlement politique du conflit;

ii.    d'exploiter pleinement son caractère paneuropéen pour réduire les divergences entre les Etats membres sur la façon de mettre fin au conflit;

iii.   de veiller à ce que, dans le cadre de tous les efforts internationaux déployés pour résoudre la crise et maîtriser ses conséquences, le Conseil de l'Europe mette à disposition son expérience et ses ressources dans ses domaines de compétence et soit associé aux négociations sur le futur statut politique du Kosovo;

iv.   de mobiliser le Fonds de développement social du Conseil de l'Europe pour secourir les victimes des exactions perpétrées au Kosovo et mettre à leur disposition, non seulement, comme le recommande la déclaration du Comité des Ministres du 22 avril 1999, une assistance psychologique, mais également tous les soins nécessaires, y compris, pour les femmes victimes de viol, les moyens, si elles le demandent, d'interrompre une éventuelle grossesse;

v.    de décider d'allouer exceptionnellement, lors de sa prochaine réunion à Budapest, le reliquat du budget de 1998 au financement d'activités spécifiques destinées à assister les réfugiés et à faciliter leur retour;

vi.   d'adopter, de toute urgence, un programme global de stabilité à long terme pour la région des Balkans, qui englobe également la lutte contre la criminalité organisée et la corruption;

vii.  d'impliquer le Conseil de l'Europe dans des programmes pour la reconstruction de la région dévastée par la guerre, notamment en organisant sans tarder, conjointement avec l'Union européenne, l'OSCE et les institutions financières telles que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, une conférence à laquelle participeraient tous les pays de la région;

viii.  d'exprimer son soutien au Gouvernement et au peuple du Monténégro, qui s'efforcent de maintenir leur pays en dehors du conflit et de mettre en place des institutions démocratiques;

ix.   d'ouvrir un Bureau du Secrétariat du Conseil de l'Europe dans «l'ex-République yougoslave de Macédoine» afin d'aider ce pays à surmonter les difficultés qu'il traverse en raison du conflit du Kosovo;

x.   de réviser le mandat du Bureau du Secrétariat du Conseil de l'Europe en Albanie afin d'autoriser sa participation aux activités humanitaires;

xi.   de préparer l'ouverture d'un Bureau du Secrétariat du Conseil de l'Europe à Pris?tina ayant pour mission de construire des institutions démocratiques au Kosovo;

xii.  d'exhorter les autorités serbes et yougoslaves:

a.   à appliquer immédiatement et dans leur intégralité les Résolutions 1160 (1998), 1199 (1998) et 1203 (1998) du Conseil de sécurité de l'Onu;

b.   à retirer les troupes yougoslaves et les forces armées serbes du Kosovo et à mettre un terme à l'épuration ethnique et à la destruction des maisons et des biens;

c.   à accepter le déploiement d'une force armée internationale de maintien de la paix sous mandat des Nations Unies ou de l'OSCE pour assurer le retour des réfugiés et autres personnes déplacées, ainsi que le respect des droits de l'homme au Kosovo;

d.   à accepter les efforts diplomatiques en vue de parvenir à un règlement politique global du conflit au Kosovo, basé sur une large autonomie de ce territoire au sein de la République fédérale de Yougoslavie;

e.   à respecter strictement les principes du droit humanitaire international;

xiii. de réaffirmer que le viol et la torture dans les conflits armés constituent des crimes de guerre et qu'ils devraient être traités comme des crimes contre l'humanité;

xiv. d'exhorter tous les gouvernements à porter assistance aux femmes et aux enfants victimes, grâce à des programmes spéciaux.

Comments:
Discussion par l'Assemblée le 28 avril 1999 (12e et 13e séances) (voir Doc. 8393, rapport de la commission des questions politiques; rapporteurs: MM. Bársony et Bloetzer; et Doc. 8394, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l?homme, rapporteur: M. Akçali).Texte adopté par l'Assemblée le 28 avril 1999 (13e séance).(Extrait de la Gazette officielle du Conseil de l'Europe, avril 1999)
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