Recommandation 1424 (1999) Evaluation de la situation humanitaire en République fédérale de Yougoslavie, en particulier au Kosovo et au Monténégro

1.   L'Assemblée parlementaire se réfère à ses Recommandations 1376 (1998), 1397 (1999), 1400 (1999), 1403 (1999) relatives à la crise au Kosovo et à la situation en République fédérale de Yougoslavie, ainsi qu'à ses Recommandations 1385 (1998) et 1404 (1999) sur la situation des réfugiés et des personnes déplacées du Kosovo.

2.   l'Assemblée réaffirme que tous les réfugiés et les personnes déplacées nécessitant une protection et une assistance humanitaire doivent être traités conformément aux principes de la Convention européenne des Droits de l'Homme, indépendamment de leur appartenance nationale ou ethnique. La principale préoccupation doit toujours être la protection des personnes. Dans ce contexte, il convient de promouvoir activement, à tous les niveaux politiques, un profond changement dans la mentalité actuelle, qui fait que les personnes déplacées sont perçues comme serbes, albanaises, turques, rom ou appartenant à d'autres groupes minoritaires.

3.   L'Assemblée se félicite du retour de la plus grande partie de la population albanaise au Kosovo et rend hommage à l'efficacité et au dévouement du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de tous les organismes participant à ce processus. Cependant, avec plus de 150 organisations humanitaires œuvrant dans la région, tous les efforts devraient être faits pour améliorer la coordination de leurs activités.

4.   Tout en demeurant profondément préoccupée par le grand nombre d'Albanais de souche dont on ignore toujours le sort, l'Assemblée est également très inquiète du sort des quelque 200 000 personnes déplacées serbes et rom, qui représentent plus de 80 % de leur population au Kosovo avant la guerre et qui ont fui la province après le retrait des forces armées serbes.

5.   L'Assemblée relève, non sans préoccupation, que l'assistance humanitaire internationale fournie aux Serbes et Rom déplacés est très nettement inférieure à celle dont ont bénéficié les réfugiés albanais lors du récent conflit. L'Assemblée est fermement convaincue que l'assistance humanitaire ne doit pas dépendre de considérations politiques.

6.   L'Assemblée estime que la liste des articles considérés comme relevant de l'assistance humanitaire doit être révisée et doit bénéficier d'une priorité absolue avant l'arrivée de l'hiver.

7.   L'Assemblée est préoccupée par la réticence des autorités yougoslaves à coopérer pleinement avec le HCR à la solution du problème du logement des personnes déplacées et s'inquiète particulièrement des difficultés rencontrées en ce qui concerne la mise à disposition de locaux adéquats pour l'hiver.

8.   La complexité de la situation ethnique, particulièrement au Monténégro, combinée au double fardeau que constituent l'afflux de personnes déplacées et les difficultés économiques, risque de créer des tensions dangereuses dans la population.

9.   L'Assemblée estime que la reconstruction démocratique, particulièrement la mise en place d'institutions démocratiques et l'édification de la société civile, constitue un préalable indispensable à la stabilité future de la région. Le Conseil de l'Europe doit mettre toute son expérience au service de ce processus.

10.  L'Assemblée recommande au Comité des Ministres:

i.    d'inviter instamment les Etats membres du Conseil de l'Europe:

a.   à appliquer les mêmes principes, conformément à la Convention européenne des Droits de l'Homme, à tous les réfugiés et personnes déplacées nécessitant une protection et une assistance humanitaire, indépendamment de leur appartenance nationale ou ethnique;

b.   à proposer que la Commission des sanctions de l'Organisation des Nations Unies révise la liste des articles reconnus comme relevant de l'assistance humanitaire et auxquels les sanctions économiques ne s'appliquent pas, et, vu les risques dont s'accompagne la venue de l'hiver pour la santé des personnes vulnérables, à veiller à ce que les sanctions ne s'opposent pas à une alimentation des foyers en énergie suffisante;

c.   dans l'application de sanctions économiques, à faire la différence entre la population et le régime yougoslaves, et à ne pas empêcher la reconstruction d'infrastructures ayant un impact immédiat sur la situation humanitaire, par exemple les hôpitaux;

d.   à renforcer leur aide humanitaire aux personnes déplacées au Monténégro et en Serbie;

e.   à augmenter les contributions des donateurs en réponse à l'Appel interagences révisé et à l'appel lancé aux donateurs par les Nations Unies le 26 juillet 1999;

f.    à contribuer généreusement à la reconstruction économique de l'ensemble de la région sous l'égide de l'Agence européenne pour la reconstruction;

g.   à consacrer plus de ressources humaines et financières au travail mené par les Nations Unies au Kosovo;

h.   à privilégier l'éducation à tous les niveaux, notamment dans les aspects scientifiques, technologiques et humanitaires;

i.    à garantir un traitement équitable aux demandeurs d'asile du Kosovo;

ii.    d'inviter instamment la Mission des Nations Unies au Kosovo (Minuk):

a.   à accélérer le processus de mise en place de la police civile des Nations Unies afin d'assurer la protection et la sécurité de la population, et, dans l'intervalle, à assurer la meilleure coordination possible du dispositif des Nations Unies;

b.   à encourager la participation directe de la population locale à l'administration de sa province;

c.   à mettre à profit dans l'édification des institutions démocratiques et de la société civile le savoir-faire et les contributions des organisations compétentes, notamment du Conseil de l'Europe;

iii.   d'inviter instamment les autorités serbes et yougoslaves:

a.   à réviser la législation actuelle de manière à ce que les personnes déplacées jouissent de leurs pleins droits;

b.   à transférer aux municipalités concernées, sans délais indus, les fonds reçus du HCR et destinés au fonctionnement de centres collectifs;

c.   à coopérer pleinement avec le HCR et notamment à signaler les locaux qui pourraient servir de centres collectifs aux personnes déplacées occupant actuellement des écoles;

d.   à assurer le plein accès des personnes déplacées au système de santé et au système éducatif.

iv.   d'inviter instamment les autorités du Monténégro:

a.   à transférer sans délais indus à toutes les personnes concernées les fonds reçus de l'Union européenne pour les familles d'accueil et les municipalités locales;

b.   à coopérer étroitement avec le HCR et les autres organismes humanitaires pour faire en sorte que les personnes déplacées passent l'hiver dans des conditions satisfaisantes;

c.   à faire en sorte que des locaux appropriés soient réservés aux soins des personnes souffrant de troubles mentaux.

11.  L'Assemblée recommande par ailleurs au Comité des Ministres:

a.   de veiller à ce que le Conseil de l'Europe participe largement au processus de reconstruction démocratique au Kosovo au titre du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, en coopération avec l'OSCE, y compris pour la préparation d'élections véritablement démocratiques et la mise en place d'institutions locales élues démocratiquement après le retour des réfugiés de tous les groupes ethniques;

b.   de renforcer ses programmes concrets destinés à restaurer la confiance entre les communautés, à consolider la société civile, à combattre les préjugés et l'intolérance et à développer le système judiciaire en apportant une assistance juridique et un appui aux organisations non gouvernementales et à la démocratie locale;

c.   d'inviter le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe à renforcer son programme de jumelage entre les communes des régions accueillant des personnes déplacées et des communes d'autres Etats membres du Conseil de l'Europe en vue de renforcer l'apport d'aide humanitaire;

d.   de demander au Fonds de développement social d'étudier la possibilité de contribuer davantage à l'effort international de reconstruction de la région.

12.  L'Assemblée invite instamment le Comité des Ministres et les Etats membres du Conseil de l'Europe à convenir que, pour traduire l'ensemble de ces recommandations humanitaires dans les faits, des ressources supplémentaires seront nécessaires, venant s'ajouter à celles qui seront dégagées grâce à sa politique actuelle de croissance budgétaire zéro pour le Conseil de l'Europe. Elle demande aux parlements nationaux de le reconnaître également.

Comments:
Discussion par l?Assemblée les 22 et 23 septembre 1999 (29e et 30e séances) (voir Doc. 8527, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, rapporteur: M. Iwinski).(Extrait de la Gazette officielle du Conseil de l?Europe - septembre 1999)
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