CRR, 3 février 1995, 264373, Mme Ahmed Jamal ép. Ahmed Amina

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES

demeurant

CACA

 

BP 45

 

45502 CAEN CEDEX

ledit recours

enregistré le 14 mars 1994

au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A)

a rejeté le 8 février 1994 sa demande d'admission au statut de réfugiée

Par les moyens suivants:

-           Elle est membre du clan galgale, un sous-clan traditionnellement méprisé des autres clans somaliens et dont les membres ont été systématiquement persécutés, en janvier 1991, par les milices du "Congrès Somalien Unifié" (USC); son frère aîné et son beau père ont été exécutés parce qu'ils étaient des collaborateurs du gouvernement de Syaad Barré et elle-même a été maltraitée et viciée; recueillie par un voisin, elle a fui avec ses enfants vers Kismayo; en novembre 1992, lors de l'attaque de la ville de Kismayo par le "Mouvement Patriotique Somali" (SPM), allié à l'USC, son deuxième frère a été tué et son père grièvement blessé lors du bombardement délibéré d'un camp de réfugiés situé dans l'enceinte d'une école désaffectée; sur la route qui la ramenait de l'hôpital, elle a été reconnue par des miliciens de l'USC, interpellée, blessée d'un coup de baïonnette et violée une seconde fois; des amis ogadens de Kismayo l'ont recueillie, cachée et soignée pendant trois mois; en février 1993, son père est décédé des suites de ses blessures; elle a appris que le reste de sa famille était réfugié en Ethiopie; en raison des risques que sa présence faisait courir à sa famille d'accueil de Kismayo, elle a quitté son pays pour le Kenya sous couvert d'un faux passeport et d'un faux visa kenyan; à Nairobi, elle a été interpellée et interrogée par la police sur son identité; dans l'impossibilité de rejoindre sa famille en Ethiopie, elle a gagné malle, grâce au concours de membres de sa famille établis en Europe;

-           elle craint d'être persécutée en cas de retour en Somalie;

Vu la décision attaquée;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 23 mars 1994

le dossier de la demande d'admission au statut de réfugiée présentée par l'intéressée au directeur de l'O.F.P.R.A., communiqué par celui-ci sans observations;

Vu l'avis d'audience adressé à la requérante;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier,

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 3 février 1995

M.BOLMIN, rapporteur de l'affaire et les observations de Maître PIQUOIS, conseil de la requérante;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de La Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de.sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de us opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

Considérant que pour demander le bénéfice de ces stipulations,

Mme AHMED JAMAL AHMED AMINA, qui est de nationalité somalienne, soutient qu'en raison de son appartenance au clan galgale, un sous-clan traditionnellement méprisé des autres clans somaliens, elle a été maltraitée et victime d'un viol après que son frère aîné et son beau père eurent été exécutés par des miliciens du "Congrès somalien unifié" en janvier 1991 parce qu'ils étaient des collaborateurs du gouvernement de Syaad Barré; qu'elle s'est réfugiée avec ses enfants à Kismayo où, lors de l'attaque de cette ville en novembre 1992 par le "Mouvement patriotique somali" allié de l'USC, son deuxième frère a été tué et son père grièvement blessé lors du bombardement délibéré d'un camp de réfugiés; qu'elle a été reconnue par des miliciens de l'USC, interpellée, blessée d'un coup de baïonnette et violée une seconde fois; que son père est décédé des suites de ses blessures en février 1993 et que le reste de sa famille s'est réfugié en Ethiopie; qu'elle a quitté son pays pour le Kenya, en raison des risques que sa présence faisait courir à la famille qui l'avait accueillie pour la soigner; qu'elle craint d'être persécutée en Cas de retour en Somalie en raison de son appartenance au clan galgale;

Considérant que, dans la situation qui règne actuellement en Somalie, les craintes exprimées par ses ressortissants sont liées au climat généralisé d'anarchie qui prévaut dans ce pays où, en dépit des efforts entrepris par l'Organisation des Nations Unies pour restaurer l'existence d'un pouvoir légal, des dans, sous clans et factions d'une même ethnie luttent pour créer ou étendre des zones d'influence à l'intérieur du territoire national sans être toutefois en mesure d'exercer dans ces zones un pouvoir organisé qui permettrait, le cas échéant, de les regarder comme des autorités de fait, que ces craintes ne peuvent, en conséquence, être assimilées à des craintes, de persécutions au sens des stipulation précitées de la Convention de Genève, lesquelles subordonnent la reconnaissance de la qualité de réfugié à l'existence de craintes personnelles de persécutions émanant des autorités de pays dont le demandeur a la nationalité ou encouragées ou volontairement tolérées par ces autorités; qu'ainsi, à supposer établis les faits allégués par Mme AHMED JAMAL AHMED AMINA, son recours ne peut être accueilli;

DECIDE

ARTICLE 1er : Le recours de Mme AHMED JAMAL épouse AHMED Amina est rejeté

ARTICLE 2 : La présente décision sera notifiée à Mme AHMED JAMAL épouse AHMED Amina et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 3 février 1995 où siégeaient:

M. de BRESSON, Président de la Commission des Recours des Réfugiés, Président; MM GIBERT, BERARD, Conseillers d'Etat honoraires;

MM GUIGNABAUDET, GUTTINGER. MME TEITGEN-COLLY, Représentants du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;

MM LEFEUVRE, SUCCO-RISOULAT, LESOT. Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.;

Lu en séance publique le 28 février 1995

Le Président: J.J. de BRESSON

Le Secrétaire Général de la Commission des Recours des Réfugiés: P. JOUHANNAUD

POUR EXPEDITION CONFORME: C. JOUHANNAUD

La présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la cour de Cassation. Il dot être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre vole de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés devant d'autres juridictions.

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