CRR, 29 avril 1994, 256062, Mme Gaborova Morlika ép. Slepcik
- Document source:
-
Date:
29 April 1994
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES
|
demeurant |
CADA / PSTI |
|
|
66, Rue de Chevilly |
|
|
94240 L'HAY LES ROSES |
ledit recours et ledit mémoire
enregistrés le 15 octobre 1993 et le 29 avril 1994
au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A) a rejeté le 10 septembre 1993 sa demande d'admission au statut de réfugiée;
Par les moyens suivants:
- en raison de son appartenance à la minorité tzigane, elle a été, ainsi que les membres de sa famille, l'objet d'actes de violence répétés de la part des membres d'un groupe de "skinheads" qui ont, durant l'année 1990, attaqué le domicile familial, puis ont, en mars 1991, grièvement blessé sa fille aînée à l'arme blanche au cours d'une agression dont son mari était la cible et l'ont violée en janvier 1993;
- ni la police, ni les autorités de sa ville, auxquelles s'était adressé à plusieurs reprises son époux pour porter plainte contre ces exactions et solliciter une protection, n'ont entrepris d'enquête en vue de retrouver les coupables, les policiers ont, au contraire, menacé son mari afin qu'il mît un terme à ses démarches et le maire de la ville a refusé de leur apporter de l'aide,
- elle a été victime de l'ostracisme de la population locale et ses enfants ont été l'objet de mesures discriminatoires accompagnées de violences physiques durant leur scolarité;
- elle a dû quitter son pays avec ses enfants pour assurer la sécurité de sa famille;
- elle craint de subir des persécutions en cas de retour dans ce dernier;
Vu la décision attaquée:
Vu, enregistré comme ci-dessus le 15 novembre 1993
le dossier de la demande d'admission au statut de réfugiée présentée par l'intéressée au directeur de l'O.F.P.R.A., communiqué par celui-ci sans observations;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours:
Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;
Après avoir entendu à l'audience publique du 29 avril 1994 Mlle VIOLET, rapporteur de l'affaire, les observations de Maître MARTINEAU, conseil de !a requérante, et les explications de cette dernière;
Après en avoir délibéré;
Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;
Considérant que les pièces du dossier et les déclarations faites en séance publique devant la Commission permettent de tenir pour établi que Mme GASCROVA épouse SLEPCIK, qui est de nationalité slovaque et d'origine tzigane, a été l'objet d'actes de violence répétés de la part des membres d'un groupe d'activistes d'extrême droite qui ont, durant l'année 1990, attaqué le domicile de sa famille, puis ont, en mars 1990, au cours d'une agression dont son mari était la cible, grièvement blessé sa fille et enfin l'ont violée en janvier 1993; que son époux a sollicité la protection des autorités mais s'est heurté à un refus de protection desdites autorités, tant dans ses multiples démarches auprès de la police, que dans celles qu'il avait entreprises auprès du maire de sa commune, lequel avait, durant la campagne des élections municipales, publiquement exprimé son hostilité aux membres de la communauté tzigane; que les conditions dans lesquelles est intervenu ce refus et les termes dans lesquels il a été formulé excluaient que des recherches fussent menées par les autorités publiques de son pays à l'encontre des auteurs des agressions dont elle-même et sa famille avaient été victimes; que, dans les circonstances de l'espèce, l'attitude desdites autorités doit être tenue pour une tolérance volontaire de ces persécutions; qu'il suit de là que, nonobstant l'indépendance de la Slovaquie et l'évolution récente survenue dans la situation politique de ce pays, Mme SLEPCIK doit être regardée comme pouvant encore craindre avec raison, au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève, d'être persécutée en cas de retour en Slovaquie; qu'ainsi, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le directeur de I'OFPRA a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugiée;
DECIDE
ARTICLE 1er La décision du directeur de l'O.F.P.R.A. en date du 10 septembre 1993 est annulée.
ARTICLE 2 La qualité de réfugiée est reconnue à Mme GABOROVA Morioka épouse SLEPCIK
ARTICLE 3 La présente décision sera notifiée à Mme GASCROVA Monika épouse SLEPCIK et au directeur de l'O.F.P.R.A.
Délibéré dans la séance du 29 avril 1994 où siégeaient:
M. de BRESSON, Président de la Commission des Recours des Réfugiés, Président;
M. GIBERT, Conseiller d'Etat Honoraire:
M. REINACH, Président Honoraire de Tribunal Administratif;
MM. GUIGNABAUDET, CHAMBAULT, Mme LANXAQE, Représentants du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;
MM. LEFEUVRE, DELOCHE de NOYELLE, FONTAN, Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.;
Lu en séance publique le 1er juin 1994
Le Président: J.J. de BRESSON
Le Secrétaire Général de la Commission des Recours des Réfugiés: C. JOUHANNAUD
POUR EXPEDITION CONFORME: C. JOUHANNAUD
La présente décision n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la cour de Cassation. Il doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre voie de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés.
MOTIFS DES PERSECUTIONS
Appartenance à la minorité tzigane de Slovaquie.
AUTEURS DES PERSECUTIONS
- membres d'un groupe d'activistes d'extrême droite.
- refus de protection des autorités publiques constituant une tolérance volontaire de persécutions.
ACTUALITE DES CRAINTES DE PERSECUTIONS
Accès à l'indépendance de la Slovaquie.
En raison de leur appartenance à la minorité tzigane de Slovaquie, M. et Mme Slepcik ont été, ainsi qu'un de leurs enfants, victimes d'actes de violence répétés de la part de membres d'un groupe d'activistes d'extrême droite.
Ces agissements peuvent être regardés comme ayant été tolérés volontairement par les autorités publiques du pays d'origine des intéressés dans la mesure où M. Stepcik, qui avait entrepris de multiples démarches auprès de la police et du maire de sa commune (ce dernier avait d'ailleurs publiquement exprimé son hostilité vis-à-vis des membres de la communauté tzigane), s'est vu refuser la protection qu'il avait, pour lui-même et sa famille, sollicitée auprès desdites autorités.
Pour apprécier la portée de ce refus de protection, la Commission a pris en compte les conditions, sus-mentionnées, dans lesquelles est intervenu et les termes dans lesquels il a été formulé qui, en l'espèce, excluaient l'éventualité de toute recherche en vue de retrouver les auteurs des agissements dont les requérants ne cessaient d'être victimes.
Nonobstant l'accès à l'indépendance de la Slovaquie le 1er janvier 1993, les requérants doivent être regardés comme pouvant toujours craindre avec raison des persécutions en cas de retour dans leur pays. [1]
SLEPCIK et Mme GA86ROVA épouse SLEPCIK / Sections réunies / 256061 et 256062 / 1. 6. 94 M. de BRESSON Pdt / Mlle VIOLET rapp.
[1] cf. TERAHI / Sections réunies 1254554 / 25.2.94 et Mme OUKOLOVA épouse JIVAEVA Sections réunies / 179198 / 18.3.94
This is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.