AU NOM OU PEUPLE FRANCAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES

demeurant

CROIX ROUGE FRANCAISE

 

33. Rue de la Folle Régnault

 

75c11 PARIS

ledit recours et lesdits mémoires

enregistrés le 20 octobre 1992 et le 1er juillet 1994

au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A.)

a rejeté le 24 septembre 1992 sa demande d'admission au statut de réfugiée:

Par les moyens suivants,

-           La requérante, qui a vécu en France de 1973 à 1985 et a été scolarisée dans ce pays, a dû, en raison de son ignorance de la langue arabe, interrompre en 1988 les études qu'elle avait entreprises dès son retour en Algérie au Lycée français d'Oran, les autorités algériennes ayant pris la décision d'étendre l'arabisation de l'enseignement à tous les élèves algériens:

-           Apres avoir été l'objet, durant l'automne 1991, de menaces répétées et d'une violente agression instiguée par des éléments islamistes implantés dans la ville de Maghnia qui voulaient notamment la contraindre à porter la volte, elle a dû se résoudre à abandonner son emploi de secrétaire et à vivre enfermée chez elle jusqu'en juin 1992:

-           Elle a dû fuir son pays où elle ne pouvait attendre aucune protection des autorités algériennes dès lors que cas dernières, en procédant à la réislamisation des institutions en matière de code de la famille, encouragent les agissements des intégristes à l'encontre des femmes algériennes qui, comme elle, entendent se révolter contre les discriminations qui leur sont faites, et tolèrent la présence d'autorités de fait islamistes, qui, comme dans la région de Maghnia où elle était établie, assurent le contrôle de la société;

-           Dans ces conditions, elle craint pour sa sécurité et pour sa liberté en cas de retour en Algérie et demande que la qualité de réfugiée lui sont reconnue au titre de son appartenance au groupe social que constituent les femmes algériennes modernistes, francophones, occidentalisées, instruites, exerçant une activité professionnelle et qui, venant d'une zone pincée sous le contrôle du Front islamique du Salut, ne peuvent demander la protection des autorités.

Vu la décision attaquée:

Vu, enregistré comme ci-dessus le 3 novembre 1992,

le dossier de la demande d'admission au statut de réfugiée présentée par l'intéressée au directeur de l'O.F.P.R.A. communiqué par celui-ci sans observations:

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 1er juillet 1994

Mlle VIOLET, rapporteur de l'affaire, les observations de Maîtres CARNOHAN, MARTINEAU et PIQUOIS, conseils de la requérante et les explications de cette dernière;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2° de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

Considérant que les pièces du dossier et les déclarations faites en séance publique devant la Commission permettent de tenir pour établi que Mlle ELKEBIR Nadia, qui est de nationalité algérienne, arrivée en 1973 en France, où sa famille était venue s'installer, alors qu'elle était âgée de 2 ans, a vécu jusqu'en 1986 dans ce pays où elle a suivi un cycle scolaire normal successivement dans une école maternelle, une école primaire puis un collège d'enseignement général, que, lors du retour de sa famille en Algérie, en 1985, elle a poursuivi ses études au lycée français d'Oran mais a dû les interrompre en 1988 lors de l'arabisation de l'enseignement, du fait de son ignorance à peu près complète de la langue arabe: qu'elle a, toutefois, pu suivre une formation de secrétariat qui lui a permis de trouver un emploi correspondant à sa qualification dans une entreprise implantée à Maghnia, localité dont ses parents étaient originaires et dans laquelle ils étaient revenus vivre; qu'elle a été, dans cette ville, victime de menaces et de violences restées de la part d'éléments islamistes tant en raison de l'activité professionnelle qu'elle entendant continuer à exercer que de son refus proclamé, en dépit des pressions dont elle faisait l'objet, de se soumettre aux exigences qu'on entendait lui imposer en matière de mode de vie: qu'après une dernière agression, d'une violence particulière, elle a dû se résigner à démissionner de son emploi de secrétaire puis à quitter son pays:

Considérant que les dispositions de la législation algérienne qui régissant le sort des femmes en Algérie s'appliquent sans distinction à l'ensemble des femmes de ce pays; que le fait que certaines d'entre elle entendent les contester ne permet pas de regarder que ces dernières appartiennent, pour cette seule raison, à un groupe social particulier au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève:

Considérant, toutefois, que les autorités locales, qui avaient eu connaissance des agissements dont la requérante avait été victime, doivent, en raison de l'abstention délibérée de toute intervention de leur part, être regardées comme ayant toléré volontairement ces agissements: qu'en outre, les conditions dans lesquelles le départ de l'intéressée de son pays a dû avoir lieu, pour des raisons de sécurité, ont mis cette dernière dans l'impossibilité de chercher refuge dans $une autre région d'Algérie: que, compte tenu des circonstances propres à espèce, les craintes personnelles de persécutions dont la requérante fait état en cas de retour dans son pays doivent être tenue pour justifiées: que dès lors, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le directeur de l'O.F.P.R.A. a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugiée:

DECIDE

ARTICLE 1er La décision du directeur de l'O.F.P.R.A. en date du 24 décembre 1992 est annulée

ARTICLE 2 La qualité de réfugiée est reconnue à Mlle ELKEBIR Nadia

ARTICLE 3 La présente décision sers notifiée à Mlle ELEKEBIR Nadia et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 1er juillet 1994 où siégeaient:

M. de BRESSON, Président de la Commission des Recours des Réfugiés, Président;

M. GIBERT, Conseiller d'Etat Honoraire:

M. DELEVALLE, Président Honoraire de Tribunal Administratif:

MM. GUIGNABAUDET, CHAMBAULT, Mme DESTISON, Représente du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés:

MM. LEFEUVRE. THIL. ROQUE D'ORBCASTEL, Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.

Lu en séance publique le 22 juillet 1994

Le Président: J.J. de BRESSON

Le Secrétaire Général de la Commission de Recours des Réfugiés: C.

POUR EXPEDITION CONFORME: C. JOUHANNAUD

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