CRR, 11 juin 1992, 232148, M Uvacin Salman
- Document source:
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Date:
11 June 1992
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COMMISSION DES RECOURS DES RÉFUGIÉS
demeurant |
FOYER COATEL |
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1, RUE ARISTIDE BRIAND |
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28300 MAINVILLIERS |
ledit recours et ledit mémoire
enregistrés le 09/07/1992 et le 04/12/1992
au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A.)
a rejeté le 11/06/1992 sa nouvelle demande d'admission au statut de réfugié;
Par les moyens suivants:
Persécuté en Turquie du fait de ses activités syndicales et de son appartenance au Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP), il a vu sa demande initiale rejetée successivement par l'OFPRA, et par la Commission des Recours des Réfugiés dans sa séance du 6 mars 1992;
Comme il l'a indiqué dans sa demande de réouverture, déposée auprès de l'OFPRA le 11 mai 1992, les descentes de police au domicile de sa famille "ne cessent pas"; à l'appui de son recours contre le rejet de cette demande, enregistré par la Commission le 9 juillet 1992, il produit un jugement rendu par la Cour d'Assises d'Istanbul le 26 octobre 1990, le condamnant par contumace à cinq ans et deux mois de prison pour avoir aidé une organisation illégale;
Sur la recevabilité:
Tout recours devant la Commission a le caractère d'un recours de plein contentieux; il est erroné de dire qu'une décision de rejet confirmative de l'OPPRA ne rouvre pas de délai de plein contentieux, d'une part, parce que cela réduirait le rôle de la Commission à celui d'un juge en excès de pouvoir, chargé de vérifier la légalité de la décision de l'OFRPA; d'autre part, parce qu'au verso de cette décision sont indiquée les modalités et le délai d'un recours devant la Commission;
Sur la notion de fait nouveau:
Le fait nouveau peut difficilement concerner le requérant lui-même, absent de son pays; il peut donc concerner, comme dans le cas de M. UVACIN, des membres de sa famille;
Si le fait nouveau doit intervenir en principe postérieurement à la précédente décision délibérée par la Commission, un fait antérieur doit être considéré comme nouveau dès lors que ni le requérant ni la Commission n'en avaient connaissance à la date de son précédent délibéré, ce qui est le cas pour le jugement dont il fait état; il en va de même pour un élément de preuve nouveau;
Vu la décision attaquée;
Vu, enregistrée comme ci-dessus le 23/07/1992,
la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'intéressé au directeur de l'O.F.P.R.A. et communiquée par celui-ci sans observation;
Vu la décision de renvoi de l'examen du recours en Sections réunies;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée par la loi du 2 juillet 1990 relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;
Vu le décret du 2 mai 1953, et notamment son article 15.1;
Après avoir entendu à l'audience publique du 04/12/1992
Mlle GUTIERRES-REQUENNE, rapporteur de l'affaire, les observations du conseil du requérant et les explications de ce dernier;
Après en avoir délibéré;
Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;
Considérant que, par une décision délibérée le 6 mars 1992, la Commission a rejeté un précédent recours introduit par le requérant que, saisi d'une nouvelle demande de l'intéressé, le directeur de l'O.F.P.R.A. l'a rejetée par une nouvelle décision contre laquelle est dirigé le présent recours;
Sur la recevabilité du recours:
Considérant qu'un recours dirigé contre une nouvelle décision de rejet n'est recevable et ne peut être examiné au fond que si la nouvelle demande présentée à l'office a fait état de faits intervenus postérieurement à la date à laquelle la première décision de la Commission a été délibérée, distincts de ceux sur lesquels a statué cette première décision et de nature à justifier, à les supposer établie, les craintes personnelles de retourner dans le pays d'origine;
Considérant qu'en la présente espèce, M. Salman UVACIN, qui est de nationalité turque et d'origine kurde, a soutenu dans sa nouvelle demande que celle-ci était fondée sur la circonstance que, postérieurement à la délibération susmentionnée de la commission, sa mère et son frère, demeurés en Turquie après son départ de ce pays, soit en août et septembre 1992, faisaient l'objet de la part de la police, de menaces et de mesures de harcèlement; que cette circonstance justifiait ses craintes personnelles de retourner dans ledit pays;
Considérant que l'invocation par le requérant de la circonstance susmentionnée qui serait intervenue postérieurement à la date à laquelle la précédente décision de la Commission a été délibérée, constitue un fait nouveau dont n'ont pas eu à connaître les premiers juges; qu'il suit de là que le nouveau recours de l'intéressé est recevable et doit être examiné au fond;
AU FOND:
Considérant, d'une part, que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique devant la Commission ne permettent de tenir pour établi que la famille de M. Salman UVACIN ait été victime, en août et septembre 1992, des persécutions qu'il allégue; qu'en particulier, le témoignage indirect d'un compatriote invoqué est insuffisant à cet égard;
Considérant, d'autre part, que, si le requérant a produit devant la Commission, à l'appui de son recours, un document dont il s'était abstenu de faire état lors de sa seconde demande à l'OFPRA, ce document - à savoir un jugement d'un tribunal turc en date du 26 octobre 1990, le condamnant par défaut à cinq années d'emprisonnement pour activités subversives - ne saurait être retenu par la Commission dès lors qu'il est antérieur à la date à laquelle celle-ci a délibéré pour la première fois sur le cas de l'intéressé; que la circonstance qu'au moment de cette délibération, ce document n'aurait pas été connu de M. Salman UVACIN est sans incidence à cet égard;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours ne peut être accueilli;
DECIDE
ARTICLE 1er : Le recours de M UVACIN Salman est rejeté.
ARTICLE 2 : La présente décision sera notifiée à M UVACIN Salman et au directeur de l'O.F.P.R.A.
Délibéré dans la séance du 04/12/1992 où siégaient:
M. DE BRESSON, Président de la Commission des Recours des Réfugiés, Président;
MM. GIBERT, BERARD, Conseillers d'Etat Honoraires;
MM. COCHETEL, GUTTINGER, MME GRIMAL-PRESTON, Représentants du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;
MM. LEFEUVRE, VERSINI, MLE BOYER DE CHOISY, Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.
Lu en séance publique le 08/01/1993
Le Secrétaire Général de la Commission des Recours des Réfugiés: R. COLLIER
Le Président: J.J. DE BRESSON
POUR EXPEDITION CONFORME: R. COLLIER
La présente décision n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation. Il doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre voie de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés.
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