Liban : le depart d'Aoun - chronologie

 

1. LA GUERRE D'USURE : 1988-1990

Devant l'incapacité du Parlement de se prononcer sur le choix de son successeur le 22 septembre 1988, le président Amine Gemayel nomme le général Michel Aoun chef intérimaire du gouvernement (Europa 1990 1990, 2:1597). Michel Aoun, chrétien maronite et militaire de vocation, est commandant en chef de l'armée libanaise depuis 1984 (Libération 15 oct. 1990; Le Monde 14-15 oct. 1990a, 1990b). La nomination du général chrétien est récusée par les musulmans qui continuent de reconnaître Selim Hoss, un sunnite prosyrien, comme premier ministre intérimaire. Les quelque 30 000 hommes de l'armée libanaise se scindent alors selon les clivages religieux (Le Monde 14-15 oct. 1990a; Cordellier 1989, 326-328). Deux gouvernements s'établissent : l'un à Beyrouth-est, dirigé par Michel Aoun, l'autre à Beyrouth-ouest, dirigé par Hoss. L'éclatement du Liban est ainsi « officialisé » (Cordellier 1989, 327).

En mars 1989, Aoun tente d'élargir ses frontières au-delà du « pays chrétien », dans certains secteurs de Beyrouth-ouest contrôlés par Selim Hoss, qui jouit de l'appui des Syriens (Europa 1990 1990, 2:1597; Keesing's 1989 1989, 36538). A cette fin, il tente de fermer les ports illégaux exploités par les milices musulmanes et druzes au sud de Beyrouth. Les milices prosyriennes ripostent aussitôt. Au cours des combats, le général déclare la « guerre de libération », annonçant qu'il prendra toutes les mesures nécessaires pour chasser les troupes syriennes du territoire libanais. Plus de 900 personnes perdent la vie au cours des six mois de violence qui s'ensuivent et qui viennent, encore une fois, grever une économie déjà très malade (The New York Times 14 oct. 1990; Cordellier 1989, 327-328). En mai 1989, un comité tripartite regroupant des représentants de l'Arabie saoudite, du Maroc et de l'Algérie se réunit au Maroc sous l'égide de la Ligue arabe pour élaborer un plan de paix visant à mettre fin à la guerre civile. Le comité se réunit de nouveau quatre mois plus tard à Taëf, en Arabie Saoudite, et adopte une « Charte de réconciliation nationale » (Le Monde 14-15 oct. 1990a). Ce document prévoit notamment un rééquilibrage des pouvoirs en faveur des musulmans au sein du gouvernement libanais (limitation des prérogatives du président, investi de la majorité des pouvoirs en vertu du Pacte de 1943, et répartition égalitaire des sièges entre musulmans et chrétiens qui, par le passé, étaient majoritaires), le démantèlement de toutes les milices dans un délai de six mois et le retrait de l'armée syrienne du Liban (Le Monde 14-15 oct. 1990a; Cimade information - Nouvelles du Liban avril-mai 1990, 23; Delury 1987, 664-667; Europa 1989 1989, 2:1613).

Michel Aoun refuse d'entériner l'accord de Taëf du fait qu'il n'établit pas d'échéance pour le retrait des troupes syriennes stationnées en sol libanais depuis 1976 en vertu d'un mandat de la Ligue arabe (The Associated Press 13 oct. 1990). Il s'isole davantage en novembre en refusant de reconnaître la présidence de René Mouawad, dont il juge l'élection anticonstitutionnelle, puis l'élection, le même mois, de son successeur Elias Hraoui, lequel entretient des liens étroits avec Damas (Le Monde 14-15 oct. 1990a).

En janvier 1990, le général lance une offensive contre les Forces libanaises. Beyrouth-est devient le théâtre de violents affrontements entre chrétiens. Plus de 1 000 personnes perdent la vie au cours des mois qui suivent (Reuter 13 oct. 1990a, 1990b). En mars, Aoun déclare l'arrêt du conflit, se disant prêt à accepter l'accord de Taëf moyennant certaines modifications. Le mois suivant, les combats cessent enfin (Le Monde 14-15 oct. 1990a; Libération 20-21 oct. 1990; Europa 1990 1990, 2:1599). Quant à Samir Geagea, commandant des Forces libanaises, il décide, devant l'inégalité des forces en présence, d'adoucir ses positions face à la Syrie et de se rallier à l'armée du président Hraoui (Libération 20-21 oct. 1990).

A la fin d'août 1990, le Parlement libanais vote les amendements constitutionnels énoncés dans l'accord de Taëf et le mois suivant, Hraoui proclame l'avènement de la IIe République libanaise (Le Monde 23-24 sept. 1990).

2. L'EVICTION DU GENERAL AOUN

Le 17 septembre 1990, l'armée libanaise du président Elias Hraoui parachève le renforcement de son effectif militaire autour du fief du général Michel Aoun. Près de 2 000 soldats appuyés de véhicules blindés sont déployés le long de la «ligne verte» divisant Beyrouth-est et Beyrouth-ouest ainsi que sur les frontières nord et est du «pays chrétien» (Le Devoir 17 sept. 1990). Le général Aoun dispose d'environ 15 000 hommes alors que l'armée de Hraoui n'en compte qu'environ 10 000 (Reuter 25 sept., 13 oct. 1990a, b; Libération 12 oct. 1990; Le Devoir 12 oct. 1990).

Une semaine plus tard environ, profitant des événements du Golfe et ayant obtenu l'aval du président syrien, Hafez el-Assad, Hraoui impose un blocus à l'enclave chrétienne contrôlée par Michel Aoun. Les quelque 500 000 habitants de cette zone sont bientôt aux prises avec une pénurie de carburant et de produits alimentaires (Le Monde 3 oct. 1990). En outre, le blocus interrompt l'approvisionnement militaire par l'Irak. Mais il en faut davantage pour ébranler la détermination des partisans d'Aoun (Le Monde 14-15 oct. 1990a; Libération 12 oct. 1990).

Le 11 octobre, le président Hraoui, décidé à mettre fin à la «rébellion» du général Aoun, fait appel à l'assistance militaire syrienne. La Syrie dispose d'environ 40 000 hommes en sol libanais (The Sunday Times 14 oct. 1990; The Associated Press 13 oct. 1990; La Presse 21 octobre 1990). Dans la nuit du 11 au 12 octobre, les troupes fidèles au président Hraoui et des milliers de soldats syriens resserrent l'étau sur l'enclave chrétienne (Le Monde 13 oct. 1990b). Des chars et des blindés sont déployés dans la banlieue chiite et autour de Souk-el-Gharb, au sud de Baabda (Le Monde 13 oct. 1990b).

Dans la journée du 12 octobre, des combats éclatent dans Beyrouth-est entre les soldats d'Aoun et ceux des Forces libanaises de Samir Geagea (rallié à Hraoui au cours du printemps). Aoun lui-même échappe à une tentative d'assassinat pendant qu'il adresse la parole à ses fidèles venus former un bouclier humain autour du palais pour défendre leur chef (Reuter 12 oct. 1990).

6 heures du matin (heure locale), le samedi 13 octobre, l'armée de Hraoui et les forces syriennes déclenchent l'offensive contre le fief d'Aoun, obligeant ce dernier à se réfugier à l'ambassade de France à Mar Takla (Libération 15 oct. 1990; Le Monde 14-15 oct. 1990b). Il a suffi d'à peine plus de deux heures de bombardements par l'aviation et l'artillerie syriennes pour contraindre Aoun à se rendre. Vers 9 h 30, il demande à ses soldats, dans un message diffusé par la radio, d'obéir désormais aux ordres du général émile Lahoud, commandant de l'armée du président Elias Hraoui. Une heure plus tard, les troupes de Hraoui tiennent en tenailles le ministère de la défense à Yarzé et le palais présidentiel à Baabda. Les combats font plus de 700 morts et 1 500 blessés (The Associated Press 18 oct. 1990; Le Devoir 20 oct. 1990; The New York Times 22 oct. 1990).

Le 16 octobre, les bulldozers de l'armée libanaise entreprennent le

démantèlement de la « ligne verte », ligne de démarcation de 12 kilomètres qui, depuis 1976, divisait Beyrouth et ses alentours en un secteur chrétien et un secteur à majorité musulmane (AFP 16 oct. 1990).

Près d'un mois plus tard, le 13 novembre, la plupart des milices achèvent leur retrait de Beyrouth, devançant ainsi l'échéance du 19 novembre prévue dans le cadre de l'accord de Taëf (The New York Times 13 nov. 1990).

3. BIBLIOGRAPHIE

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The Associated Press. 18 octobre 1990. Salam, Mohammed. « Syrian Troops Withdraw From Buildings Seized From Aoun ».

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