Migration interne et population nomade

 

CARTE

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GLOSSAIRE

BSP         Bureau de la sécurité publique

dang'an             dossier personnel d'un particulier renfermant des renseignements en matière de travail, de qualifications, d'ancienneté, d'adhésion au Parti communiste, d'observation de la politique de l'enfant unique, etc.

danwei          unité de travail

guanxi           relations sociales auxquelles on fait appel pour obtenir des faveurs

hukou                enregistrement de résidence permanente dans les zones urbaines donnant droit aux rations de céréales et de vêtements, au logement, aux soins de santé, à un emploi rémunéré, à l'assurance chômage et à la pension de retraite

hukou bu ou juji bu    livret de résidence permanente servant à l'identification des citadins

hukou dengji bu         livret de résidence permanente tenu par le Bureau de la sécurité publique en vue de contrôler la légitimité des résidents des zones urbaines

jishi    marchés privés

liudong renkou                population nomade (aussi travailleur migrant « aveugle »)

mangliu        [traduction littérale : migration « aveugle »] aussi vagabond « aveugle », travailleur migrant « aveugle »

statut « timbre bleu »          (cachet bleu, carte bleue) statut d'enregistrement de résidence permanente, qui est entré en vigueur à la fin des années 1980, en vertu duquel les travailleurs temporaires peuvent légalement résider dans les villes

tongxianghui    association de personnes ayant le même lieu de naissance

1. INTRODUCTION

Depuis l'entrée en vigueur des réformes économiques et sociales à la fin des années 1970, la Chine a connu l'une des plus importantes migrations jamais vues en temps de paix : plus de 100 millions de paysans se sont déplacés des zones rurales vers les centres urbains (Current History sept. 1996, 277; Asian Survey nov. 1996, 1122; Wang 1994, 25-29; Population et Sociétés janv. 1998, 1-2; AFP 3 janv. 1998). Durant presque toute la durée du régime de Mao (1949-1976), la migration interne était rigoureusement limitée, ce qui a empêché les paysans de gagner les zones urbaines. En outre, les systèmes hukou (enregistrement de résidence permanente) et danwei (unités de travail) ont contraint les travailleurs à demeurer dans leur emploi et leur logement, faisant de la Chine l'une des nations les plus sédentaires du monde (Asian Survey nov. 1996, 1141; Zhou 1996, 154; Politics and Society mars 1993, 95). Au début des années 1980, toutefois, les paysans libres de quitter les régions rurales à la suite du démantèlement du système des communes ont commencé à affluer dans les villes du sud et de l'est du pays. En général, les estimations de cet exode varient entre 50 millions et 100 millions (Current History sept. 1996, 277, 282; Zhou 1996, 4-5, 137; Zhongguo Renkou Bao 20 avril 1998; ibid., 13 oct. 1997; Asian Survey nov. 1996, 1133; CRF été 1996a, 4). En outre, les réformes économiques ont entraîné le relâchement des restrictions imposées par l'État à la mobilité des citadins. Malgré ces changements, le système hukou demeure toutefois intact, créant un statut juridique incertain pour un grand nombre de personnes qui se sont déplacées sans avoir au préalable obtenu d'autorisation officielle (Development and Change 1995, 9, 25; CRF été 1996a, 4; ibid. automne 1994, 1; The Christian Science Monitor 2 janv. 1996; Politics and Society mars 1993, 101). Dans le présent exposé, on fera l'historique de la politique de migration interne de la Chine et on discutera de la réglementation et des pratiques actuelles qui ont une incidence réelle sur la liberté de déplacement et de réinstallation de particuliers dans le pays, ainsi que des mesures prises par l'État pour tenir ces derniers en bride, particulièrement dans les domaines comme la planification des naissances.

2. HISTORIQUE

2.1 Politique en matière de migration interne 1949-1978

Bien que le nouveau gouvernement communiste ait commencé à mettre en place le système hukou peu après son ascension au pouvoir en 1949, les Chinois, jusqu'en 1958, jouissaient d'une certaine liberté de déplacement. Quelque 20 millions de paysans ont gagné les villes pour participer aux efforts de l'industrialisation (Ma 1994, 193-94; Politics and Society mars 1993, 94; Development and Change 1995, 3). En 1958, avec l'entrée en vigueur du Règlement sur l'enregistrement de résidence permanente de la République populaire de Chine, les citoyens devaient s'inscrire à titre de résidents permanents dans leur lieu de résidence habituel (ibid., 3). Hein Mallee précise que

[traduction]
dans les villes où se trouvait un poste de police, l'enregistrement de la résidence permanente relevait du Bureau de la sécurité publique (BSP) qui assurait la tenue du livret de résidence permanente (hukou dengji bu) [...] Chaque ménage recevait un livret (hukou bu) pouvant servir à l'identification de ses membres. Les résidents d'unités d'habitation ou de travail, d'établissements scolaires ou de dortoirs publics recevaient un enregistrement collectif. En pareil cas, les unités désignaient une personne pour s'occuper des modalités d'enregistrement. Dans les campagnes, les enregistrements étaient effectués par les collectifs, les brigades ou les communes, et aucun livret d'enregistrement n'était émis à chaque ménage. La résidence permanente et temporaire, les naissances et les décès, ainsi que les migrations dans les deux sens, étaient inscrits dans les registres (ibid., 2-3).

Conformément au règlement de 1958, l'enfant, à sa naissance, reçoit le statut de résidence de sa mère, puisque les femmes sont habituellement moins mobiles que les hommes. Les autorités voulaient ainsi restreindre le nombre d'enfants qui seraient autorisés à résider en zone urbaine et réduire la migration des milieux ruraux vers les centres urbains. (ibid., 4; Zhou 1996, 37-38). Le statut de travailleur agricole contraint le paysan à travailler la terre et à produire un certain contingent de grains pour l'État, sans lui donner droit aux avantages sociaux accordés aux détenteurs du statut hukou (en zone urbaine) : rations de céréales et de vêtements, logement, gratuité scolaire, soins médicaux, travail rémunéré, assurance chômage et pensions (ibid., 38-40, 140; Current History sept. 1996, 278; Asian Survey nov. 1996, 1141; Zhongguo Qingnian janv. 1997; The Economist 14 févr. 1998; Solinger 1995, 136).

Selon The Economist, cette disparité établie par le système hukou serait une forme [traduction] « d'apartheid professionnel » (14 févr. 1998). L'anthropologue Dorothy Solinger, professeure de sciences politiques et sociales, s'était servie d'une analogie semblable :

[traduction]
tout comme les lois de l'Afrique du Sud visant à restreindre les déplacements et les entrées sur son territoire, le système hukou détermine non seulement le lieu de résidence des particuliers mais aussi leur statut social, leur salaire, leur bien-être, leurs rations alimentaires, leur logement et, par conséquent, les perspectives qui s'ouvrent à eux. Au même titre, ce système préserve l'aspect exclusif et restrictif du statut de résidence urbaine et fait qu'un travailleur est toujours considéré comme un résident temporaire même s'il réside à la ville depuis longtemps (Politics and Society mars 1993, 95).

Les formalités à remplir pour changer de résidence permanente étaient bien lourdes. Les détenteurs du statut hukou qui voulaient s'installer dans une autre ville devaient obtenir un permis de déplacement auprès des autorités et ensuite annuler leur hukou local (Ma 1994, 194; voir également Development and Change 1995, 3). Changer de ville voulait aussi dire changer d'emploi, ce qui nécessitait l'autorisation du danwei local et de la police locale; il fallait aussi que celle-ci transmette au point de destination le dossier personnel (dang'an) contenant des renseignements sur le travail et les activités politiques de celui qui voulait déménager. Les membres du Parti communiste devaient également transférer leurs allégeances à l'organisation du Parti dans la nouvelle localité (Zhou 1996, 164-165). Les résidents des zones rurales voulant s'installer en ville devaient

[traduction]
détenir un permis de travail du département municipal, être inscrits à l'université ou avoir obtenu la permission des autorités chargées de l'enregistrement de résidence urbaine permanente dans la ville de destination, et ensuite faire une demande de migration en remplissant les formalités appropriées dans leur lieu de résidence (Ma 1994, 194; voir aussi Development and Change 1995, 3).

Néanmoins, la migration vers les villes, administrée par le gouvernement, continuait à se faire sur une grande échelle même durant le Grand Bond en avant[1]1, migration encouragée par des fonctionnaires mal informés au sujet des mauvaises récoltes massives provoquées par de nombreuses catastrophes naturelles et les politiques agricoles du Grand Bond (Politics and Society mars 1993, 95; Ma 1994, 194; Becker 1996, 64, 83-84; Yang 1996, 37). Les campagnes politiques ultérieures ont entraîné la migration forcée de millions de citadins vers les zones rurales à la suite de la famine du début des années 1960 et durant la Révolution culturelle, qui a débuté en 1966. Au cours de la Révolution culturelle, en effet, des étudiants, des professionnels et des cadres (dirigeants et administrateurs publics) ont été envoyés en grand nombre dans les régions rurales, mais ils ont réintégré les villes une fois les campagnes terminées, à la fin des années 1970 (Wang 1994, 27-28; Ma 1994, 195; Politics and Society mars 1993, 95; Development and Change 1995, 6).

En règle générale pourtant, et ce jusqu'à la fin des années 1970, la société est restée essentiellement sédentaire car l'État, par le biais du système hukou, réglementait les rations alimentaires et les logements de façon à ce que la grande majorité des gens restent là où ils avaient été affectés (ibid., 5-6; Asian Survey nov. 1996, 1141; Zhou 1996, 154; Politics and Society mars 1993, 95; Zhongguo Qingnian janv. 1997).

2.2 Politique en matière de migration interne depuis la réforme de 1979 à aujourd'hui

À la fin des années 1970, le système étatique des communes agricoles a commencé à se désintégrer à mesure que l'État remettait la gestion des terres et de la production agricole entre les mains des unités familiales et permettait aux paysans de vendre l'excédent de leurs produits sur les marchés locaux après avoir remis à l'État le contingent de grains fixé (Asian Survey nov. 1996, 1127; Current History sept. 1996, 282-283; Zhou 1996, 4-5). La politicologue Kate Zhou affirme que les paysans, de façon spontanée et non concertée, ont discrètement commencé à dissoudre les communes afin de profiter de la décision prise par le Parti communiste en 1978 de réduire l'intervention de l'État dans les marchés ruraux et de permettre la hausse des prix (ibid., 4-5). Selon Zhou, lorsqu'il est devenu évident, au début des années 1980, que la production agricole avait énormément augmenté depuis qu'elle n'était plus administrée par les communes et le Parti, l'élite du Parti à Beijing a appuyé le mouvement et a revendiqué cette initiative comme la sienne (ibid., 5).

L'augmentation de la production agricole a permis une plus grand liberté à un nombre considérable de paysans, qui, même sans avoir obtenu d'autorisation, ont commencé à migrer vers les agglomérations côtières au début des années 1980 pour y vendre leurs produits dans des marchés parallèles et pour travailler sur les chantiers de construction et à d'autres entreprises qui ont proliféré à la suite des réformes économiques (ibid., 137; Asian Survey nov. 1996, 1126-1131; Current History sept. 1996, 282; Politics and Society mars 1993, 95; Urban Studies 1994, 1629). En 1984, une circulaire du Conseil d'État accordait le droit aux habitants de la campagne de s'installer temporairement dans les petites villes, dans la mesure où ils pouvaient subvenir eux-mêmes à leur approvisionnement en céréales et qu'ils avaient suffisamment d'argent pour faire du commerce (Zhou 1996, 137; Wang 1994, 28; Ma 1994, 195-99; Population et Sociétés janv. 1998, 2; Development and Change 1995, 14). Selon Zhou toujours, les fermiers ont sauté sur l'occasion, sans tenir compte de la directive de demeurer dans les villes plus petites (Zhou 1996, 137).

[traduction]
C'est justement l'expansion des industries rurales dans les petites villes qui a permis plus facilement aux entrepreneurs ruraux de s'installer dans les centres urbains, et la prolifération des marchés non dirigés a fait tomber les restrictions coercitives du système hukou. Les marchés en plein essor garantissaient une source d'approvisionnement en aliments et en produits aux nombreux migrants (ibid., 138).

En 1985, le BSP a émis le Règlement provisoire sur le contrôle des résidents urbains, qui a créé deux nouvelles catégories de permis de résidence temporaire en zone urbaine — une pour les personnes participant à des activités commerciales, et l'autre pour les visites à des fins non commerciales, telles que le séjour chez des parents ou la consultation d'un médecin (Development and Change 1995, 13; Zhongguo Qingnian janv. 1997). Le nouveau règlement prolongeait l'enregistrement de résidence temporaire dans les petites villes et permettait la location de logements aux résidents temporaires (Development and Change 1995, 14).

À la fin des années 1980, de nombreuses municipalités ont commencé à vendre des [traduction] « enregistrements de résidence bleus », assortis de privilèges qui variaient d'une ville à l'autre, mais qui, de façon générale, donnaient droit de séjour aux travailleurs temporaires et les libéraient de l'obligation de fournir un contingent de grains à l'État (Zhongguo Qingnian janv. 1997; Development and Change 1995, 15-16; Zhou 1996, 169-170). Dans la zone économique spéciale de Shenzhen, par exemple, l'enregistrement de résidence « timbre bleu » (cachet bleu, carte bleue) est offert aux [traduction] « résidents de Shenzhen venus d'ailleurs, âgés de moins de 45 ans et ayant fait des études supérieures ou postsecondaires ou ayant des compétences techniques et qui ont résidé de façon temporaire à Shenzhen durant un, deux ou trois ans respectivement » (Zhongguo Xinwen She 30 déc. 1995). L'enregistrement « timbre bleu » confère aux titulaires résidant à Shenzhen la gamme complète d'avantages sociaux et médicaux et leur permet, après un délai de trois ans, de présenter une demande de résidence permanente (ibid.).

Les titulaires de carte bleue doivent reprendre leur ancien statut de résident rural lorsqu'ils veulent s'installer dans une autre ville, alors que le statut urbain régulier (hukou) permet le transfert dans d'autres localités (Development and Change 1995, 15-16). Outre les cartes bleues conférant un statut intermédiaire, on peut aussi, dans de nombreuses villes, acheter l'enregistrement urbain ordinaire (hukou), dont le prix varie entre quelque milliers de yuans dans les petites villes et 50 000 yuans (10 400 $CAN) à Beijing (Zhou 1996, 140; The Economist 14 févr. 1998; Solinger 1995, 126; Development and Change 1995, 15). Un marché noir existe également pour le hukou, et la corruption chez les fonctionnaires serait endémique (Solinger 1995, 126; Zhou 1996, 140). Le prix d'un enregistrement hukou et le pot-de-vin à verser en vue de l'obtenir est fonction de la grandeur et du prestige de la ville. Les ventes de hukou représentent jusqu'à 40 p. 100 des recettes gouvernementales dans certains cantons (ibid., 140-42). Zhou signale que plus d'un million de paysans ont acheté des cartes bleues dans la province de Guangdong (ibid., 169). Toutefois, Zhou précise que

[traduction]
de nombreux migrants qui ne sont pas assez riches pour s'acheter le statut hukou ou une carte bleue se rendent dans les villes. Ils tentent d'entrer clandestinement même s'ils n'ont pas le statut requis par l'État. Des spécialistes chinois en sciences sociales indiquent que 60 p. 100 des migrants ruraux à Chengdu (Sichuan) ne s'enregistrent pas auprès des autorités, et qu'à Guangzhou, capitale de Guangdong, moins du tiers des migrants le font (ibid., 170).

Selon The Christian Science Monitor, [traduction] « seulement un sixième des migrants [à Beijing] possèdent des papiers de travail officiels et un tiers seulement sont titulaires de permis de résidence [hukou ou carte bleue] » (2 janv. 1996). Une source de la presse chinoise indique que seulement 10 p. 100 environ des itinérants qui arrivent à Shanghai ont les papiers appropriés (Shehui sept. 1995).

Certaines sources avancent que, malgré la possibilité accrue de se procurer un hukou urbain, les migrants ruraux ont tendance à ne pas rompre les liens avec leur famille et même à participer aux travaux agricoles saisonniers dans leur village natal (Urban Studies 1994, 1641; Development and Change 1995, 15; Ma 1994, 205; Politics and Society mars 1993, 100). Cette pratique permet aux travailleurs migrants, et surtout aux hommes célibataires, de brasser des affaires risquées en ville tout en pouvant compter sur les récoltes agricoles de leur famille pour se nourrir (ibid.; Development and Change 1995, 15).

3. POPULATION NOMADE

3.1 Description

L'expression « population nomade » (liudong renkou) se rapporte aux [traduction] « personnes qui n'habitent plus leur lieu de résidence inscrit mais qui n'ont pas modifié leur hukou » (ibid., 23; voir aussi Asian Survey nov. 1996, 1133; CRF été 1996a, 4; Politics and Society mars 1993, 97). Comme l'explique Cheng Li, la population nomade ne comprend pas seulement les travailleurs ruraux qui se rendent dans les villes, mais aussi

[traduction]
des enfants, des personnes âgées et des travailleurs non agricoles qui se déplacent d'une localité à l'autre, que ce soit d'une ville à l'autre, d'un village rural à l'autre ou de la ville à la campagne […] Dans cette catégorie entrent les résidents temporaires, les travailleurs ruraux contractuels, les visiteurs en séjour de courte durée, les personnes en voyage d'affaires, et ainsi de suite. Les migrants ne sont pas toujours en déplacement; certains habitent un même endroit pendant des années (Asian Survey nov. 1996, 1133).

Un terme dérogatoire utilisé parfois est mangliu; ce terme, dont la traduction littérale est « travailleur migrant aveugle »[2]2, signifie également « vagabond », et reflète la dérision, la méfiance et la crainte que de nombreux résidents permanents ressentent à l'endroit des itinérants (Development and Change 1995, 23; Current History sept. 1996, 277; voir aussi Solinger 1995, 121; Renkou Yanjiu 29 juillet 1996).

Les estimations de l'importance de la population nomade varient considérablement, d'environ 30 millions, chiffre publié par le Centre de recherche développementale du Conseil d'État (Zhongguo Renkou Bao 24 avril 1998; voir également Zhongguo Xinwen She 19 févr. 1997), à 100 millions ou davantage selon des analystes occidentaux (AFP 11 mars 1998; The New York Times 17 août 1997; CRF été 1996a, 4; Current History sept. 1996, 277; Country Reports 1997 1998, 728). Selon des chiffres publiés à la fin des années 1980, les travailleurs migrants représentent plus du cinquième de la population dans certaines villes principales, comme Beijing (Pékin), Shanghai et Guangzhou (Canton) (Asian Survey nov. 1996, 1136).

La majorité — 60 p. 100 environ selon un sondage mené dans les grandes villes du pays en 1990 — se déplace de la campagne aux centres urbains en quête de travail, et le reste, entre les différentes villes (ibid., 1133, 1137; Politics and Society mars 1993, 98; Zhongguo Xinwen She 19 févr. 1997; Scharping 1997, 42-43). La grande majorité des migrants sont de jeunes hommes célibataires, mais on ne s'entend pas sur les chiffres, qui varient de 55 p. 100 à plus de 80 p. 100 de la population nomade, selon la source d'information et l'échantillon étudié (Xinhua 3 avril 1998; Asian Survey nov. 1996, 1137; Renkou Yanjiu 29 juill. 1996; Zhongguo Renkou Bao 15 juill. 1996; Politics and Society mars 1993, 98; Solinger 1995, 119). À titre d'exemple, Solinger reprend une donnée statistique du ministère de la Construction, selon laquelle 87 p. 100 des itinérants à Beijing sont des hommes (ibid., 119), tandis que le Bureau municipal de Beijing signale qu'environ 63 p. 100 seulement des migrants à Beijing sont de sexe masculin (Zhongguo Renkou Bao 15 juill. 1996). Cependant, selon un sondage de 1993, le nombre de travailleuses migrantes à Shenzhen et à Foshan, dans la province de Guangdong (Canton), est supérieur à celui des travailleurs migrants, ce qu'explique la présence importante [traduction] « d'industries de l'électronique et de la transformation qui nécessitent une main-d'œuvre abondante, […] surtout des jeunes femmes » (Scharping 1997, 87).

L'évaluation de l'importance de la population nomade est rendue difficile notamment par l'instabilité de ce groupe. À Guangzhou, par exemple, quelque 10 millions d'itinérants arrivent et quittent régulièrement la ville durant le festival du printemps (Nanfang Ribao 17 janv. 1998).

Certaines sources d'information indiquent que la population migrante actuelle ne représente que la pointe de l'iceberg. De 120 à 200 millions de travailleurs ruraux excédentaires gravitent de plus en plus vers les villes au sud et à l'est du pays (Asian Survey nov. 1996, 1133-1134; The Christian Science Monitor 2 janv. 1996; FEER 15 janv. 1998, 46; Jingji Cankao Bao 4 avril 1998). Malgré le déclin de la population rurale chinoise, qui représentait 80 p. 100 de la population globale en 1980, elle constitue toujours de 65 à 70 p. 100 des 1,3 milliard de Chinois. À en croire certaines prévisions économiques, les villes et les cantons industrialisés de la Chine auront du mal à fournir du travail à cette immense réserve de main-d'œuvre[3]3 (The Christian Science Monitor 2 janv. 1996; AFP 3 janv. 1998; Jingji Cankao Bao 4 avril 1998; FEER 15 janv. 1998, 44-47).

3.2 Emploi

Dans la majorité des cas, les travailleurs itinérants font le travail que les citadins ne veulent pas faire — souvent le travail difficile, salissant et exténuant, tel que la construction, le balayage de rues, la récupération d'ordures, la pose de briques, la réparation d'articles, ou le travail exploité dans les forçails (Zhou 1996, 148-50; Current History sept. 1997, 265; Politics and Society mars 1993, 98; Solinger 1995, 115; Asian Survey nov. 1996, 1132). Souvent ils sont embauchés comme des journaliers, [traduction] « des bêtes de somme […] qui tôt le matin se rassemblent aux coins des rues pour s'arracher le travail » (Current History sept. 1997, 265).

Dans un article publié en 1995, Solinger fait état d'une [traduction] « importante étude gouvernementale menée dans sept des plus grandes municipalités de la Chine », selon laquelle environ 30 p. 100 des migrants travaillent sur des chantiers de construction, 22 p. 100 vendent des fruits et légumes dans les marchés, 18,5 p. 100 travaillent à titre d'aide domestique, (comme bonne d'enfants par exemple), et quelque 6 p. 100 réparent divers articles, tels que chaussures, bicyclettes, casseroles et couteaux, et 21,7 p. 100 [traduction] « sont embauchés pour faire d'autres types de travail » (Solinger 1995, 114-115).

Solinger classe les migrants en deux groupes. Le premier comprend un petit nombre de personnes qui ont de l'argent ou des relations sociales (guanxi) qui leur permettent d'accéder à la vie urbaine privilégiée des détenteurs de statut hukou. Dans le second, largement majoritaire, entrent ceux qui aboutissent dans du travail exténuant sans possibilité d'avenir et dont la marginalisation est assurée malgré l'installation à la ville (ibid., 115-126, 128-129).

Zhou, tout en reconnaissant le caractère difficile et peu prestigieux de ce type de travail, offre une perspective quelque peu différente en mettant en lumière l'initiative et la hardiesse de nombreux migrants qui ont analysé les besoins des citadins et trouvé des moyens de les satisfaire, souvent en dépit des règlements locaux (1996, 148-149). L'un des exemples qu'elle donne est la création de marchés privés (jishi) au début des années 1980. Les autorités de nombreuses municipalités ont tâché de fermer ces marchés ou d'en restreindre les activités dans certains secteurs, mais Zhou affirme que les règlements qu'elles ont adoptés ont de fait permis aux migrants d'avoir un statut juridique qu'ils n'avaient pas auparavant. En outre, les administrations locales en sont venues à dépendre des recettes tirées des droits et des amendes versés par les entrepreneurs ruraux faisant le négoce dans ces marchés (ibid., 149-150).

En mars 1996, l'agence de presse Xinhua a signalé l'établissement, dans la province de Zhejiang, d'un [traduction] « système d'emploi intégral » qui comprend plus de 1 000 agences de placement autorisées à exercer leurs activités dans les villes, les cantons et les villages (20 mars 1996). Selon le rapport, plus de la moitié des 1 800 cantons et villages de la province comptent des agences d'emploi (ibid.). De plus, le quotidien Fazhi Ribao de Beijing avance [traduction] « qu'un système de coordination des services de main-d'œuvre [pour travailleurs migrants a été mis en place] dans plusieurs régions importantes » (10 sept. 1997). L'article précise cependant que dans ce système, la réglementation et le contrôle de la main-d'œuvre itinérante priment sur la recherche d'emplois convenables (ibid.).

Dans la majorité des cas, les migrants ne trouvent pas de travail en passant par les agences ou les voies officielles, mais sur foi d'informations transmises de bouche à oreille ou grâce à leurs relations personnelles, avec lesquelles ils partagent souvent les mêmes origines géographiques (Zhou 1996, 151-153; Politics and Society mars 1993, 102-103; Scharping 1997, 47). Zhou décrit en ces termes la renaissance de la tongxianghui (association de personnes ayant le même lieu de naissance) :

[traduction]
les migrants ruraux se communiquent de l'information sur des possibilités d'emploi, de logement ou d'autres services. Dans les villes, surtout les plus importantes, certaines zones sont dominées par les migrants ruraux d'une même province, zones qui deviennent en quelque sorte des villages de cette province. Les migrants monopolisent souvent tous les services et le commerce d'un district, sans être toutefois organisés formellement ou sans avoir de chefs définis (1996, 152-153).

Le village de Zhejiang, centre du commerce des tailleurs à Beijing, est un exemple notable de secteur dominé par les migrants venant d'une région particulière — en l'occurrence la province de Zhejiang — mais Beijing a également des quartiers où habitent des personnes originaires des provinces de Henan, de Jiangsu, de Sichuan et de Xinjiang, ainsi que de nombreux autres endroits (ibid., 151; CRF été 1996a, 4, 7; voir aussi The Christian Science Monitor 2 janv. 1996). Solinger donne d'autres exemples de ce phénomène au pays :

[traduction]
des personnes venant de Nantong (province de Jiangsu) demeurent dans certaines rues particulières du district Changji à Xinjiang, comme à Daqing (province de Heilongjiang) et à Shanghai. Dans la plupart des districts de Shanghai, les migrants venant de Jiangsu prédominent. À Urumqi, à la fin de 1989, un village de « migrants aveugles » comptait 27 000 itinérants issus des terres intérieures du pays. Près de l'Université Zhongshan, dans les quartiers périphériques de Guangzhou, un village de 10 000 paysans avaient loué 2 000 chambres des résidents locaux et étaient trois fois plus nombreux que ces derniers. On trouvait également des colonies de squatters à plusieurs endroits, dont trois ou quatre dans le district Baiyun à la fin des années 1980, où logeaient des itinérants des provinces de Sichuan, de Hunan et de Guangxi (CRF été 1996a, 7).

Les conditions de travail des migrants varient considérablement, bien qu'un nombre de sources d'information soulignent les salaires faibles, les heures de travail prolongées, le travail supplémentaire forcé, l'insécurité, les avantages restreints, les représailles exercées contre certains travailleurs, et les milieux de travail dangereux (Current History sept. 1997, 267; CRF automne 1994, 2-3; Modern China avril 1995, 166-167). Meisner ajoute que les [traduction] « conditions de vie sont primitives, souvent dans des dortoirs d'usine insalubres, […] les travailleurs subissent les abus de bureaucrates rapaces exigeant le versement de redevances nouvellement établies », et aussi que [traduction] « de nombreux travailleurs sont de jeunes adolescents [qui], comme les travailleuses en général, sont à la merci des représailles des propriétaires et des cadres » (Current History sept. 1997, 267).

Les charges de travail accablantes sont courantes. Mobo C.F. Gao cite les résultats d'un sondage du Syndicat ouvrier de la province de Guangdong de 1994 selon lesquels

[traduction]
60 p. 100 [des travailleurs migrants] travaillent sept jours par semaine, plus de 49 p. 100 travaillent de 10 à 12 heures par jour, et 51 p. 100 accumulent plus de 3 heures supplémentaires; les travailleurs à une usine de Longhuazhen ont été contraints de faire 244 heures supplémentaires dans un mois (CRF automne 1994, 3).

En janvier 1995, le gouvernement chinois a promulgué une nouvelle loi sur le travail permettant aux salariés d'accomplir, au maximum, trois heures supplémentaires par jour, mais de nombreux migrants travailleraient des heures bien plus longues (Scharping 1997, 64).

Gao a visité 40 entreprises dans trois provinces méridionales durant l'été 1993, et il a trouvé que, même là où des contrats de travail existent, on y met l'accent sur les obligations des employés au lieu de celles des employeurs[4]4(CRF automne 1994, 2-3). Il a également mentionné que des mauvais traitements sont communément infligés aux travailleurs itinérants. Ceux-ci sont battus par des cadres qui s'emparent des cartes d'identification, qui verrouillent les portes et les fenêtres des usines, et qui imposent des amendes à ceux qui vont aux toilettes, sont malades ou refusent de faire des heures supplémentaires (ibid.). De nombreuses entreprises aussi perçoivent plusieurs sommes des nouveaux travailleurs contractuels en guise de cautionnement versé pour des services, tels que la sécurité, l'assurance contre les démissions, ou l'obtention des permis de résidence ou des outils, ce qui fait que les travailleurs sont dès le départ endettés aux entreprises (ibid.).

La main-d'œuvre migrante s'est cependant infiltrée dans des entreprises de différents genres[5]5, et Solinger signale qu'elle est plus ou moins bien traitée selon l'organisation (Modern China avril 1995, 160-177). Elle a trouvé, de façon générale, que les travailleurs migrants qui ont la chance d'être embauchés dans des entreprises dirigées par l'État[6]6 bénéficient de meilleures conditions de travail que celles qui règnent dans le secteur non étatique (ibid., 165). Selon un document émis en 1991 par le Conseil d'État, auquel Solinger fait référence, les contractuels dans les entreprises d'État sont censés recevoir en gros les mêmes primes, congés annuels, taux horaire et avantages sociaux que ceux accordés aux travailleurs permanents (ibid., 161). Les recherches sur des firmes publiques effectuées par Solinger mettent en lumière la diversité des conditions de travail des travailleurs contractuels : certaines entreprises renvoient les travailleurs malades (habituellement après leur avoir donné une indemnisation forfaitaire équivalente à trois mois de salaire) et n'offrent aucun régime d'assurance ou de logement, tandis que d'autres subventionnent des cliniques et des hôpitaux, offrent des régimes d'assurance et des heures de travail régulières comparables à celles des travailleurs permanents. Certaines firmes offrent des soins de santé à titre gratuit mais ne versent pas le salaire des travailleurs souffrant de maladies bénignes, et elles renvoient ceux qui sont atteints de maladies graves. Encore, d'autres sont plus généreuses et versent des salaires et des avantages qui sont comparables à ceux des travailleurs permanents (ibid., 163-64).

D'après Solinger, c'est dans le secteur non réglementé par l'État que se trouvent les conditions de travail les plus déplorables, qu'elle compare aux pires abus commis à l'époque du capitalisme laissez-faire du XIXe siècle (ibid., 166-168). L'incendie qui a fait rage dans une usine de Shenzhen en novembre 1993, dans lequel ont péri 83 travailleurs paysans qui avaient été enfermés à l'intérieur, est l'un des pires exemples des conditions de travail cauchemardesques et non réglementées de nombreux travailleurs migrants (ibid., 167; CRF automne 1994, 3). En septembre 1997, un autre incendie, dans une fabrique de chaussures à Jinjiang ( Fujian), a causé la mort de 32 personnes qui, contrairement aux consignes d'incendie, habitaient dans l'usine; comme à Shenzhen, les portes et fenêtres avaient été verrouillées et des barres de fer posées (Zhongguo Xinwen She 22 sept. 1997).

Des entrevues menées par Solinger auprès des dirigeants de plusieurs firmes font ressortir les économies de coût suivantes réalisées par l'embauche de travailleurs migrants temporaires : la dispense des frais d'assurance; les jeunes travailleurs ont moins tendance à être malades, et on s'attend à ce qu'ils quittent avant d'être âgés; il n'est pas nécessaire de construire d'écoles, de garderies ou d'accorder des congés de maternité, et ce, du fait qu'on exige des travailleurs qu'ils soient célibataires et sans enfant; les logements sont peu coûteux lorsque six personnes ou plus vivent dans une même pièce; et on paie les travailleurs seulement pour les heures de travail accomplies (Modern China avril 1995, 170).

Solinger indique que bien que les différents paliers de gouvernement aient établi des règlements relatifs aux pratiques de travail, il existe un écart marqué entre ces règlements et leur application plus ou moins rigoureuse suivant les entreprises (ibid., 171). Les entreprises à capitaux étrangers en particulier ne sont pas soumises aux règlements ou aux inspections, et la plupart d'entre elles ne permettent pas la formation de syndicats ouvriers (ibid., 172-73). Outre les piètres conditions de travail des travailleurs migrants, la situation du travail en Chine se caractérise également par des licenciements massifs dans les entreprises étatiques non rentables et la corruption endémique des fonctionnaires (FEER 15 janv. 1998, 44-46; ibid., 26 juin 1997, 14; HRIC 16 juill. 1997; CRF été 1997, sp; Sunday Times 19 oct. 1997).

3.3 Logement

Durant le régime de Mao, on encourageait les citadins à demeurer dans des logements publics plutôt que privés; ce système est toujours en place dans les villes (CRF été 1996b, 1-2). Dans les régions rurales, comme le décrit Wenfang Tang, [traduction] « les logements ont toujours été construits par les familles et leur appartiennent — bien que leur vente soit interdite » (ibid., 1). Les différents paliers de gouvernement, de même que les danwei, sont propriétaires des habitations en zone urbaine, et un faible pourcentage seulement d'unités locatives ou d'emprunt existent à l'extérieur de ce système (ibid., 2; Solinger 1995, 133). Dans les villes, les loyers sont toujours en grande partie subventionnés par l'État, et bien que le gouvernement tente de les hausser pour qu'ils reflètent plus fidèlement les coûts de logement, les citadins détenteurs de statut hukou régulier ne versent habituellement qu'environ 5 p. 100 de leur salaire en loyer (CRF été 1996b, 2, 4; voir également Scharping 1997, 32-33).

La majorité des logements sont distribués dans le cadre du système danwei par un comité d'assignation, qui évalue certains facteurs comme les années de service dans un emploi et d'appartenance à une unité de travail, l'éducation, la situation familiale, l'âge des enfants et le nombre de générations d'une même famille habitant ensemble, le service militaire, le statut minoritaire et le fait d'être ou non un Chinois revenu de la diaspora (CRF été 1996b, 2-3). Les facteurs ayant la plus haute pondération sont le besoin et l'ancienneté (ibid.). Mais souvent, comme l'explique Wenfang Tang, la corruption joue également un rôle :

[traduction]
certaines familles négligent de mentionner qu'un appartement leur a déjà été attribué par une unité de travail, et ce, afin de pouvoir en obtenir un autre. La corruption des membres du comité d'assignation de logements est monnaie courante. Les hauts fonctionnaires reçoivent des logements plus spacieux, et certains possèdent même un appartement à chaque endroit où ils travaillent. Après qu'une famille a changé d'emploi trois fois, elle aura trois appartements que se partageront les parents et les enfants. Les locaux supplémentaires ne sont pas une charge financière accrue pour la famille, car les loyers sont peu élevés. Certains de ces appartements restent vacants pendant longtemps alors que d'autres familles n'ont pas de place où rester (ibid., 3).

Les itinérants qui arrivent dans une ville font souvent face à une pénurie de logements, en raison des politiques gouvernementales qui proscrivent la location d'appartements publics aux personnes qui n'ont pas de statut hukou, ainsi que l'occupation de terrains ou la construction ou l'achat de maisons, à moins d'être résident urbain ou un Chinois revenu de la diaspora (CRF été 1996a, 4). Toutefois, certaines régions de la Chine connaissent un boom de la construction. Comme Tang l'explique, les pratiques et les règlements relatifs au logement varient considérablement dans l'ensemble du pays : [traduction] « La privatisation est plus courante dans les villes méridionales et les centres urbains plus petits que dans les villes plus importantes et celles soumises à l'administration centrale » (CRF été 1996b, 5; voir aussi Scharping 1997, 32-33). Le Fazhi Ribao signale que dans certains secteurs des provinces de Guangdong, de Jiangsu et de Fujian on a construit des logements pour la population nomade (10 sept. 1997).

De nombreux migrants échouent à la périphérie des villes, dans les banlieues qui sont officiellement des terres agricoles, mais d'où ils peuvent facilement se rendre en ville à bicyclette (Zhou 1996, 145-146; CRF été 1996a, 5-6; The Christian Science Monitor 2 janv. 1996; Politics and Society mars 1993, 99). Les travailleurs migrants louent discrètement une chambre d'un fermier qui ne leur demande pas de produire leurs papiers d'identification et ne déclarera pas les revenus touchés au fisc. Ces pratiques sont en principe illégales mais sont assez courantes, car le paysan et le résident clandestin en sortent gagnants, tout comme les autorités locales qui acceptent des pots-de-vin (Zhou 1996, 146; CRF été 1996a, 6). Selon Solinger, environ 40 p. 100 des itinérants se louent une chambre de cette façon ou bien habitent chez des parents (1995, 133). En outre, d'après Solinger,

[traduction]
20 p. 100 [des travailleurs migrants] demeurent dans des centres d'hébergement collectif (surtout des travailleurs logés dans les dortoirs d'usine, mais aussi ceux qui restent dans des baraquements temporaires sur les chantiers de construction). Vingt pour cent logent dans des hôtels (y compris les auberges privées et les "hôtels parallèles" qui se sont multipliés partout en Chine et qui sont des résidences idéales pour les colporteurs et ceux qui font de courts séjours par affaires), des centres pour itinérants ou des hôpitaux.

Les 20 p. 100 restants sont dans "d'autres endroits variés". Mes recherches ont montré que ces "autres" endroits comprennent une grande variété de taudis pitoyables : on les trouve dans les bidonvilles, dans les gares, dans les rues, sous les avant-toits et les ponts, dans les marchés libres (les colporteurs de légumes et d'œufs ont l'habitude de dormir sur une planche de bois recouverts d'une toile de plastique là même où ils font leur négoce), dans des bateaux et sur les quais, dans les bains et les toilettes publics, les dépotoirs, sur les marches des dortoirs, ou encore sur les berges des rivières (ibid., 133-34).

D'après Solinger, un faible pourcentage seulement des migrants n'ont pas les trois choses essentielles — des papiers d'identité, une profession et un logement. Pour la plupart, ces gens-là vivotent tant bien que mal, en mendiant et en ramassant des rebuts (Politics and Society mars 1993, 104; voir également CRF été 1996a, 5-6; Shehui sept. 1995).

Les bidonvilles et les établissements de squatters construits sans autorisation à la périphérie des grandes villes constituent les logements les plus visibles des itinérants (ibid., 5; ibid., automne 1994, 1; The Christian Science Monitor 2 janv. 1996; Solinger 1995, 134; Current History sept. 1997, 265; The Economist 14 févr.1998). Ces quartiers sont souvent des endroits délabrés et croulants qui n'offrent que des services rudimentaires, ou même aucun service, et qui sont dirigés par des organisations non officielles plus susceptibles d'être affiliées à des bandes qu'aux autorités locales (The Christian Science Monitor 2 janv. 1996; CRF été 1996a, 7, 29; voir également ibid., automne 1994, 1, 5). Selon Zhou, une fois fixés, les migrants établissent des villages satellites autour des banlieues, villages qui [traduction] « sont devenus des centres d'entreprise rurale, dont la plupart n'ont pas été autorisés par l'État » (1996, 146-147). De nombreuses usines, par exemple, ont été construites et exploitées de façon clandestine dans les villages satellites, même si un permis d'exploitation commerciale n'avait pas été délivré (ibid.).

Les logements fournis aux travailleurs migrants par les employeurs sont souvent minables (CRF automne 1994, 1). Selon Gao,

[traduction]
les meilleures conditions offertes aux travailleurs migrants sont celles dans les dortoirs d'usine, qui sont habituellement des pièces de 10 à 16 mètres carrés occupées par 10 à 16 personnes de même sexe. Le seul moyen de préserver son intimité est un moustiquaire, et les effets personnels doivent être placés sur le lit ou sous celui-ci. Les lits sont en bois et sont superposés; les travailleurs doivent fournir leur propre literie. L'éclairage se résume à une ampoule au centre de la pièce. Les travailleurs doivent payer pour avoir droit au logement, habituellement 30 yuans [6,30 $CAN] par mois. Les membres de leur famille ne peuvent demeurer avec eux […] Les dortoirs ont une salle de bain commune et les travailleurs doivent faire la queue pour prendre leur douche, en été, et se laver en hiver. Pour ceux qui se construisent leur propre abris, il se peut qu'il n'y ait pas de robinet à proximité. En pareil cas, ils doivent aller puiser l'eau au puits ou se procurer de l'eau d'un robinet éloigné, et ils n'ont pas de toilette. Une fabrique de meubles que j'ai visitée ressemblait à un dépotoir : environ 30 travailleurs migrants avaient construit des abris autour de l'atelier. Et ils allaient tous se chercher de l'eau à un puits (ibid.).

Gao a également trouvé que la nourriture des cantines d'usine était peu appétissante : [traduction] « bouillie de riz avec légumes macérés dans du vinaigre pour le petit-déjeuner, riz étuvé avec légumes saisonniers et quelques morceaux de porc salé pour le déjeuner, et la même chose pour le dîner » (ibid., 1-2). Selon Gao, les travailleurs se plaignaient de malnutrition et de devoir suppléer aux lacunes par leurs propres aliments pour manger suffisamment; les normes hygiéniques n'étaient pas respectées dans la plupart des cantines (ibid., 2). Depuis 1986 cependant, il est officiellement permis d'acheter et de vendre des céréales dans les marchés libres sans coupons de rationnement distribués dans le cadre du système hukou. Selon certains rapports, depuis le début des années 1990, les bonnes récoltes et les marchés d'aliments libres ont miné le système des coupons de façon telle que de nombreuses provinces ne les distribuent plus (Politics and Society mars 1993, 96; Development and Change 1995, 9; Zhou 1996, 144). Ainsi, même les migrants qui ne sont pas admissibles au système hukou peuvent acheter des aliments dans les marchés à des prix généralement abordables (ibid., 138; Zhongguo Qingnian janv. 1997; voir également Economic Development and Cultural Change janv. 1997, 322).

3.4 Éducation et soins de santé

On estime que quelque 20 millions d'enfants d'âge scolaire se trouvent parmi la population nomade (Fazhi Ribao 10 sept. 1997). En mars 1998, l'Agence France Presse (AFP) a cité un article paru dans le China Daily où il était indiqué que 2,5 millions de ces enfants n'ont pas accès aux écoles dans les villes (11 mars 1998). De nombreuses écoles, semble-t-il, refusent les enfants dont les parents n'ont pas de permis de résidence urbaine temporaire. Les autorités municipales craignent recevoir un nombre encore plus important de migrants si elles permettent à leurs enfants de fréquenter les écoles (ibid.). Il semble que les écoles qui acceptent les enfants de migrants demandent le double des frais de scolarité courants, laissant ainsi l'éducation hors de portée pour de nombreuses familles (ibid.; Solinger 1995, 132-133). D'après Solinger, certains parents préfèrent que leurs enfants fassent de petits boulots au lieu de payer les frais de scolarité élevés (ibid.). Un article de mars 1998 paru dans le China Daily, et repris par l'AFP, indique que les nouveaux règlements de la Commission de l'éducation nationale et du BSP interdisent aux écoles de demander des frais plus élevés aux non-résidents. De plus, on incite les services d'enseignement et les entreprises à créer des écoles pour les migrants et leur famille (AFP 11 mars 1998). En 1996, la Commission de l'éducation nationale a mis en place des projets pilotes à Beijing, à Shanghai, à Guangdong, à Zhejiang et à Hebei, ainsi que dans d'autres régions, pour promouvoir la fréquentation scolaire des enfants de familles migrantes, et on prévoit qu'un programme national sera créé à terme (Fazhi Ribao 10 sept. 1997).

À l'heure actuelle, toutefois, l'absence de nombreux enfants de familles itinérantes des établissements scolaires a eu une incidence néfaste sur les taux de vaccination (AFP 9 janv. 1998; Xinhua 5 déc. 1997). En décembre 1997, le ministre chinois de la Santé a annoncé un programme d'immunisation contre la polio pour 60 millions d'enfants âgés de quatre ans, en mettant surtout l'accent sur les enfants dans les régions frontalières ou miséreuses et les enfants de familles migrantes (ibid.). Dans la population générale, il incombe habituellement aux écoles de veiller à ce que les enfants reçoivent les vaccins nécessaires (AFP 9 janv. 1998).

En temps normal, les soins médicaux sont couverts par le système danwei pour les titulaires du statut hukou urbain (Ma Xia 1994, 211; The Economist 14 févr. 1998; Current History sept. 1996, 278; Jingji Cankao Bao 4 avril 1998). Selon Solinger, dans les grandes villes, seulement de 25 à 40 p. 100 environ des travailleurs migrants jouissent d'une protection médicale, et les soins sont largement fonction du type d'entreprise où ils travaillent, de la direction de l'entreprise, et de ce que celle-ci peut se permettre (Modern China avril 1995, 162; voir également Scharping 1997, 66). Comme indiqué ci-dessus, les travailleurs contractuels dans les entreprises dirigées par l'État bénéficient habituellement d'avantages grandement supérieurs à ceux des travailleurs du secteur non étatique (Modern China avril 1995, 166-70; voir également CRF automne 1994, 4). Selon Solinger, les migrants qui n'ont pas d'assurance médicale sont laissés à eux-mêmes (CRF été 1996a, 6-7) :

[traduction]
les plus désespérés sont à la merci de la ville, qui peut, si la chance leur sourit, leur venir en aide. Un bureau de la santé publique d'une certaine ville a même déclaré que, dans les situations d'urgence, les particuliers reçoivent immédiatement un traitement et que les frais sont perçus après. Lorsque le patient n'appartient pas à une unité de travail — ce qui est le cas pour la majorité des migrants — on s'attend à ce qu'il ou elle acquitte les frais. Mais la plupart n'ont pas d'argent, ce qu'admettent les fonctionnaires, et ne peuvent sans doute jamais rembourser cet argent. D'autres migrants feraient appel à des médecins itinérants dont les titres sont douteux (ibid., 7).

4. TENTATIVES FAITES PAR L'ÉTAT POUR PRENDRE LA SITUATION EN MAIN

4.1 Permis, mesures de répression, criminalité

Les travailleurs migrants qui s'installent dans les villes doivent avoir en leur possession ou obtenir les trois papiers suivants : un permis de travail, une carte d'enregistrement de résidence temporaire, et une carte d'identification (Asian Survey nov. 1996, 1142; Fazhi Ribao 10 sept. 1997; Shehui sept. 1995). Comme l'explique Solinger,

[traduction]
on s'attend à ce que les « résidents temporaires » qui arrivent dans les villes aient sur eux les papiers officiels délivrés dans leur village natal. Ils doivent les présenter au BSP, qui à son tour délivre une carte de résidence temporaire. Une personne doit avoir cette carte avant de pouvoir obtenir un permis de travail ou une licence d'exploitation commerciale (Politics and Society mars 1993, 101).

Cependant, de nombreux migrants omettraient de s'inscrire et, selon Solinger, il est [traduction] « assez facile, semble-t-il, d'obtenir, de contrefaire et d'altérer les certificats de résidence, et pour faire cela, il suffit notamment de verser un pot-de-vin aux responsables de l'inscription des nouveaux arrivants sur le registre des ménages » (ibid.). En effet, un sondage effectué en 1995 à Shanghai a révélé que seulement 10 p. 100 des itinérants avaient leurs papiers en règle (Shehui sept. 1995; voir également Scharping 1997, 89) et, d'après un représentant du BSP, la moitié seulement de la population nomade, évaluée à environ 80 millions, est inscrite auprès du BSP à l'échelle nationale (Renkou Yanjiu 29 juill. 1996). Une source chinoise a toutefois signalé un taux d'observation beaucoup plus élevé à la suite des efforts concertés que le gouvernement a déployés en vue de coordonner l'enregistrement des migrants. Selon des chiffres officiels, en 1996, 76,5 p. 100 des itinérants à Shanghai détenaient des [traduction] « certificats de résidence temporaire », alors que plus de 80 p. 100 des travailleurs venant de l'extérieur de Fujian avaient en leur possession des permis de travail (Fazhi Ribao 10 sept. 1997).

De plus en plus, des comités de gestion chargés de mettre bon ordre à la situation de la population itinérante et dirigés par le PCC sont créés à l'échelle nationale, provinciale, cantonale et municipale, et même dans les quartiers (ibid.; Shehui sept. 1995; Xinhua 29 déc. 1997; ibid. 18 févr. 1997). En décembre 1997, l'agence Xinhua a fait des reportages sur une campagne spéciale menée depuis juillet 1997, dans le cadre de laquelle on vérifie les habitations locatives (29 déc. 1997). À Beijing, plus de 3 700 maisons louées qui empiétaient sur les terres ou les installations publiques, telles que les routes, ont été détruites, et quelque 641 propriétaires ont été frappés d'amendes. Les autorités de la province de Shandong ont trouvé presque 18 000 ménages qui se livraient à des activités de location non autorisées (ibid.). Selon le Fazhi Ribao, en 1996, des fonctionnaires à Guangdong ont sévi contre les migrants non inscrits, en [traduction] « évacuant et rapatriant presque 60 000 personnes et en assurant le retour volontaire d'environ 40 000 particuliers dans leur lieu d'origine » (10 sept. 1997). Les communautés de migrants de Beijing, particulièrement celle du village de Zhejiang, ont subi un certain nombre de campagnes d'épuration au fil des ans : les autorités ont déplacé quelque 18 000 résidents du district de Dahongmen du village de Zhejiang, et elles ont démantelé 10 000 structures illégales (ibid.; CRF été 1996a, 7, 29; The Christian Science Monitor 2. janv. 1996; Asian Survey nov. 1996, 1123; voir également Politics and Society mars 1993, 106).

À Shanghai, plusieurs services administratifs du gouvernement participent aux efforts en vue d'assurer le contrôle et la régularisation des logements et le rapatriement des itinérants : [traduction] « les services de la sécurité publique voient au logement, les services de l'administration civile sont chargés de la gestion de l'éducation, et les fonctions d'escorte sont conjointement assurées par, entre autres, les services de la sécurité publique, de l'administration civile, de la police armée populaire et des voies ferrées » (Fazhi Ribao 10 sept. 1997). Dans un article du 29 juillet 1996, Wang Liying, du BSP de la province de Jilin, s'est plaint de l'absence de coordination entre les différents services assurant le contrôle de la population migrante, et des piètres communications entre les régions expulsant les migrants et celles les recevant (Renkou Yanjiu 29 juill. 1996). Une étude menée en 1995 dans la province de Jilin a révélé que les autorités dans les localités d'origine ne répondaient pas aux trois-quarts des demandes d'information provenant des provinces où les migrants s'étaient installés (ibid.).

Il est fort possible que ce ne soit pas dans l'intérêt des autorités locales de mettre fin aux migrations vers les villes. Non seulement les pressions locales au chapitre de la démographie et de la main-d'œuvre sont-elles atténuées, mais l'argent que les travailleurs migrants envoient à leur famille dans leur lieu d'origine est une source importante de revenus (Shehui sept. 1995; Politics and Society mars 1993, 107). Il semble même que des agents publics corrompus délivreraient de faux documents afin d'aider les gens à quitter la région (ibid.; Shehui sept. 1995). Certains gouvernements provinciaux ont même protesté contre les efforts déployés en vue d'expulser les itinérants de Beijing et de les rapatrier dans leur localité d'origine (The Christian Science Monitor 2 janv. 1996; Politics and Society mars 1993, 107).

Solinger met en lumière les difficultés qu'éprouvent les services administratifs à coordonner la gestion de la population migrante. Elle avance que les cas où ces services sont incapables d'expulser ou d'administrer les itinérants sont si nombreux [traduction] « qu'il est évident que ces bureaux sont avantagés par la présence des itinérants » (ibid., 105). D'après Solinger,

[traduction]
les unités qui offrent des services aux migrants sont variées : les services de gestion, les administrations municipales de différents niveaux, les banques, le département du travail et même les bureaux de la sécurité publique. Comme dans toute situation où des règlements bureaucratiques sont appliqués, ceux qui veillent au respect de ceux-ci sont en mesure de toucher illicitement de l'argent. La corruption est courante, et au nombre des bénéficiaires ne se trouvent pas seulement les services administratifs, qui demandent des paiements excessifs, mais aussi des bureaux qui ne sont pas autorisés à exiger de frais, tels que la sécurité publique ou le département du travail lui-même (ibid., 106).

On impute aux itinérants l'augmentation du taux de criminalité dans de nombreuses villes, et la police les prendrait pour cible dans une plus large mesure qu'elle ne le ferait pour les résidents permanents (Asian Survey nov. 1996, 1138-1139; Shehui sept. 1995; Politics and Society mars 1993, 105; Fazhi Ribao 10 sept. 1997). Selon des chiffres du ministère de la Sécurité publique publiés dans Asian Survey en novembre 1996, [traduction] « à Shanghai, à Beijing et à Tianjin, les migrants ont commis 50 p. 100 des crimes; à Guangzhou et à Shenzhen, ce chiffre est de plus de 80 p. 100 » (1139; voir également HongKong Standard 11 déc. 1995). Cheng Li signale que les migrants sont des boucs émissaires, et que bon nombre de ceux qui ont été exécutés dans le cadre de campagnes anti-criminelles en Chine sont des migrants qui n'ont pas subi de procès équitable (Asian Survey nov. 1996, 1139).

Aussi, le crime organisé aurait augmenté parmi les migrants (ibid.; Shehui sept. 1995). Au nombre des activités auxquelles ils s'adonnent sont [traduction] « la location et l'emprunt de logements et de boutiques par des gangs afin d'établir des ateliers clandestins de fabrication et de vente de cigarettes, de boissons alcooliques, de sauce soya, de factures et de billets de train contrefaits » (ibid.). Les autorités de Beijing sévissent dans le village de Zhejiang, où elles ont procédé à l'arrestation de gens inculpés de vol, de consommation et de trafic de stupéfiants, de possession d'armes, de prostitution et de pornographie (Fazhi Ribao 10 sept. 1997).

Ces facteurs ont parfois provoqué des actes hostiles à l'endroit des migrants (Asian Survey nov. 1996, 1123). En décembre 1995, par exemple, les forces de l'ordre à Shenzhen ont tiré sur la foule pour mettre fin à une émeute à laquelle participaient environ 500 travailleurs migrants et plusieurs centaines de résidents locaux. L'émeute a fait plusieurs morts et de nombreux blessés (ibid., 1123-1124; HongKong Standard 11 déc. 1995; ibid. 6 déc. 1995; SCMP 6 déc. 1995). Les autorités chinoises ont refusé de commenter les causes précises de l'émeute, mais il y aurait eu des tensions de longue date entre les résidents locaux et les migrants (HongKong Standard 6 déc. 1995; SCMP 6 déc. 1995).

4.2 Planification des naissances

Les autorités chinoises décrient depuis longtemps le fait de ne pas arriver à imposer leur volonté à la population migrante en matière de planification des naissances (Zhou 1996, 191-96; AFP 5 mars 1998; The New York Times 17 août 997; Renkou Yu Jingji 25 janv. 1998; voir également Asian Survey nov. 1996, 1139; Solinger 1995, 120). Depuis son entrée en vigueur à la fin des années 1970, la politique de l'enfant unique a été beaucoup plus réussie dans les régions urbaines que rurales (Zhou 1996, 178-181; Population et Sociétés janv. 1998, 5-6; The New York Times 17 août 1997). Dans les centres urbains, traditionnellement, le système danwei a non seulement donné aux autorités un pouvoir déterminant dans le domaine de l'emploi, mais aussi dans ceux du logement, des avantages sociaux et du dang'an, ce qui permettait aux fonctionnaires de l'État d'exercer des pressions sur les familles pour les forcer à observer la politique (ibid.; Asian Survey mars 1996, 248; Zhou 1996, 154). Cependant, la mobilité accrue de la main-d'œuvre a réduit le pouvoir des administrateurs du système danwei et a permis aux travailleurs d'avoir des possibilités plus nombreuses — de nombreux professionnels, par exemple, font du travail à contrat au noir les fins de semaine ou en soirée dans le secteur privé, et selon The Economist, bon nombre de firmes privées ne tiendraient plus compte du dossier personnel des particuliers[7]7 (14 févr. 1998; Asian Survey mars 1996, 249-50; Zhou 1996, 164-67). Toutefois, de façon générale, les autorités imposent rigoureusement la planification des naissances aux résidents permanents des grandes villes, ce qui se traduit par un taux de natalité urbain peu élevé; il est difficile d'obtenir l'autorisation d'avoir un premier enfant, et les pénalités pour un second enfant comprennent la perte d'emploi et des amendes sévères. Certains secteurs ont même lancé des projets pilotes en vue d'informatiser la gestion de la planification des naissances, y compris, dans certains danwei urbains, l'enregistrement du cycle menstruel des travailleuses (Zhongguo Renkou Bao 15 juill. 1996; Courrier international 16-22 oct. 1997; The New York Times 17 août 1997; Renkou Yu Jingji 25 janv. 1998; Zhou 1996, 178-179; The Sunday Telegraph 14 juin 1998).

Dans les campagnes, cependant, le transfert des responsabilités de production aux familles à la fin des années 1970 a libéré les particuliers des contraintes exercées par la commune, a augmenté le revenu familial et a permis la migration des paysans, de façon à ce qu'ils puissent se soustraire au contrôle des agents de la planification des naissances (Zhou 1996, 181, 185-186; Population et Sociétés janv. 1998, 6). En 1984, à la suite de l'inobservation massive de la politique en région rurale, on a modifié le règlement en vue de permettre un deuxième enfant à de nombreuses familles rurales (Zhou 1996, 194; Population et Sociétés janv. 1998, 7; Le Monde 7 mars 1998). Selon Zhou, en fait, cela voulait dire que presque toutes les familles rurales se croyaient permises d'avoir un deuxième enfant (Zhou 1996, 194).

Zhou fait également état de l'apparition d'une [traduction] « filière clandestine », c.-à-d. un réseau de parents et d'amis qui aident les femmes à se rendre dans d'autres localités pour échapper à l'œil des agents de la planification familiale et avoir leur enfant (ibid., 189-193). Certains villages sont devenus des centres de naissance clandestins, où les résidents louent une chambre et offrent des services aux femmes enceintes (ibid., 191-92). D'après Zhou, des fonctionnaires dans les campagnes participent à la dissimulation de ce manquement à la politique (ibid.). De plus, de nombreuses paysannes se rendent dans les villes pour donner naissance à leur enfant non autorisé, malgré l'exécution plus rigoureuse de la politique qui s'y pratique, car pour les migrants, les mesures de contrôle sont beaucoup moins contraignantes, puisque la plupart ne travaillent pas dans des entreprises où l'on observe le danwei, et ils ne dépendent pas du hukou pour leur logement et leur nourriture (ibid., 192-193; The New York Times 17 août 1997; Renkou Yu Jingji 25 janv. 1998). À Shanghai, le taux des naissances non autorisées de la population itinérante est 30 fois supérieur à celui des résidents permanents. En tout, environ un million d'enfants non inscrits naissent chaque année dans les familles migrantes (Asian Survey nov. 1996, 1139; Current History sept. 1996, 282; Politics and Society mars 1993, 105).

Dans un article du Renkou Yu Jingji, on résume en ces termes la nouvelle situation à laquelle sont confrontés les agents de la planification des naissances en ce qui concerne la population active :

[traduction]
la foule de migrants urbains est considérable et complexe en raison de sa diversité. En plus des paysans qui gagnent les villes, il y a toutes sortes de familles autonomes, de familles dirigeant elles-mêmes leur production de grains, de familles dont le logement a été démoli et qui doivent se réinstaller, de travailleurs dans les zones en expansion qui passent du secteur agricole à non agricole sans modifier leur lieu de résidence, de paysans qui travaillent dans des entreprises et établissements divers, de travailleurs temporaires, saisonniers, contractuels [...] et de main-d'œuvre permutante. Il y a aussi des personnes qui ont quitté leur emploi, qui attendent d'avoir un emploi et qui sont sans emploi. Non seulement n'y a-t-il pas de fonds pour régulariser leur situation, mais les services responsables ne peuvent même pas entrer en contact avec elles. Il est difficile d'appliquer les mesures de réglementation. Selon le sondage mené auprès d'un échantillon urbain [en 1996 et 1997 dans la province de Sichuan], seulement 20 p. 100 des résidents ruraux qui veulent s'installer dans les villes présentent une demande pour obtenir les documents de planification familiale. De ce nombre, moins de 20 p. 100 retournent régulièrement les documents de test de grossesse, 10 p. 100 le font de manière sporadique, et plus de 70 p. 100 ne remplissent aucune formalité. Plus de 30 p. 100 des naissances non autorisées dans la province sont attribuées à la population rurale qui s'est installée dans les villes (25 janv. 1998).

L'auteur du même article avance que la direction de nombreuses entreprises privées ne se soucie guère des règlements de planification familiale ni ne leur donne suite, et que le sous-financement ou l'inexistence de bureaux de planification familiale dans ces entreprises est courant (ibid.). En mars 1998, le premier ministre Li Peng a annoncé que la Chine veillerait à appliquer plus rigoureusement les règlements de planification des naissances, tant chez les migrants que chez les paysans. Toutefois, il n'a pas donné de détails précis sur la façon de donner suite à cette initiative (AFP 5 mars 1998).

Seth Faison indique que l'application du programme de planification des naissances fluctue [traduction] « d'une province à l'autre, et de ville en ville. Dans de nombreuses régions rurales, il a toujours été impossible d'empêcher les familles d'avoir deux, trois ou même quatre enfants, alors que dans d'autres localités, les fonctionnaires suivent la politique à la lettre » (The New York Times 17 août 1997). Les fonctionnaires dans les régions où l'observation est moins stricte acceptent souvent un paiement forfaitaire pour une naissance non autorisée : 1 200 $US, à Dazu (Sichuan), par exemple, [traduction] « un montant important mais abordable » que l'on peut emprunter à des membres de sa famille (ibid.). Le prix est de 400 $US dans la province d'Anhui, et de 1 500 $US à Guangzhou, tandis qu'à Shanghai l'amende est beaucoup plus sévère : trois fois le salaire annuel de la mère et du père (ibid.). En ce qui concerne les amendes excessives pour naissances non déclarées, Ann et James Tyson indiquent que, dans les villages éloignés des régions prospères, même les amendes de 280 $US peuvent être [traduction] « le double du revenu annuel par habitant » (Current History sept. 1996, 281-282). Des fonctionnaires abusifs peuvent également confisquer les biens personnels et décréter l'avortement ou la stérilisation pour les contrevenants (ibid.; The Sunday Telegraph 14 juin 1998).[8]8

Malgré l'application moins rigoureuse des mesures à l'endroit des travailleurs migrants, certaines études montrent que le taux de naissance chez la population nomade n'est pas plus élevé que celui ailleurs au pays, puisque l'augmentation des niveaux de revenu et les changements du mode de vie et de l'attitude des gens signifient que les familles ont volontairement cherché à avoir moins d'enfants (Asian Survey nov. 1996, 1139; voir également Zhou 1996, 197-198).

À PROPOS DE CERTAINES SOURCES

Sources médiatiques chinoises

On fait référence dans le présent rapport à des sources chinoises variées, dont Fazhi Ribao, Jingji Cankao Bao, Nanfang Ribao, Renkou Yanjiu, Renkou Yu Jingji, Shehui, Xinhua, Zhongguo Qingnian, Zhongguo Renkou Bao, et Zhongguo Xinwen She. Des articles tirés de ces sources sont consultables en traduction anglaise dans les archives du Foreign Broadcast Information Service (FBIS). Ils donnent parfois un aperçu éclairant des politiques gouvernementales relativement à la population migrante et révèlent que le débat entourant la migration interne se poursuit toujours dans les nombreuses couches de la société chinoise.

Scharping, Thomas

Scharping, Thomas, et al., dir. 1997. Migration in China's Guangdong Province: Major Results of a 1993 Sample Survey on Migrants and Floating Population in Shenzhen and Foshan. Hambourg : Verbund Stiftung Deutsches Übersee-Institut.

Cet ouvrage est le fruit d'un travail collectif auquel ont participé des chercheurs en études chinoises modernes de l'Université de Cologne, en Allemagne, et le département des statistiques démographiques et de l'emploi du Bureau national de la statistique de la Chine. Plus de 5 000 résidents de Shenzhen et de Foshan dans le Sud de la province de Guangdong, migrants et sédentaires, ont été interrogés de façon approfondie en 1993. L'étude présente des données statistiques variées sur la vie des migrants : qui sont-ils, d'où viennent-ils, depuis combien de temps sont-ils arrivés, comment se sont-ils renseignés sur les possibilités d'emploi, où vivent-ils, quel genre de travail font-ils, quels salaire et avantages sociaux touchent-ils, quels sont leurs plus pressants problèmes, et quelle est la fréquence de leur retour à la maison. L'étude comprend également des remarques utiles et un bon résumé des résultats.

Solinger, Dorothy J.

Le présent exposé puise dans quatre articles ou chapitres de Dorothy J. Solinger repris dans China Rights Forum (CRF) (été 1996a), Modern China (avril 1995), Politics and Society (mars 1993) et Urban Spaces in Contemporary China (1995). Solinger, professeure de sciences politiques et sociales à la University of Southern California, à Irvine, a publié de nombreux écrits sur la population migrante en se basant sur des sources chinoises et étrangères et sur ses propres recherches sur le terrain en Chine. Dans ces articles, Solinger explore les questions politiques et philosophiques soulevées par la migration massive en Chine, comme des questions d'ordre pratique, c.-à-d. où les migrants habitent, où ils travaillent, et les traitements qu'ils reçoivent.

Zhou, Kate Xiao.

Zhou, Kate Xiao. 1996. How the Farmers Changed China: Power of the People. Boulder, CO : Westview Press.

Kate Xiao Zhou est professeure adjointe de politique chinoise et de sciences politiques comparées à la University of Hawaii, à Manoa. Née à Wuhan (Chine), elle a été envoyée en région rurale durant la Révolution culturelle, puis est retournée à l'Université de Wuhan à la fin des années 1970. Son expérience de la vie rurale a suscité son intérêt et l'a poussée à étudier les changements apportés à la vie paysanne et à la nation chinoise dans son ensemble à la suite du démantèlement des communes, qui ont été remplacées par le système agricole où la responsabilité de la production revient aux familles. Zhou soutient que les réformes rurales sont le résultat de vastes initiatives entreprises, de façon non concertée, par les paysans, initiatives que le PCC a par la suite adoptées, une fois qu'il est devenu évident que la productivité avait considérablement augmenté. Un effet accessoire important des réformes a été une certaine libéralisation de la migration interne, libéralisation qui a entraîné de nombreux autres changements dans la société chinoise (Zhou 1996, xix-xxvii).

RÉFÉRENCES

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Zhou, Kate Xiao. 1996. How the Farmers Changed China: Power of the People. Boulder, CO : Westview Press.



[1]1.           Le Grand Bond en avant, lancé par Mao et le Parti communiste de Chine (PCC) à la fin de 1957, se voulait un immense effort collectif sur les plans industriel et agricole en vue de faire monter en flèche la richesse et la production du pays et de rehausser sa position sur la scène internationale. Ce mouvement a été mené de front avec la campagne anti-droite dirigée contre les détracteurs du gouvernement afin de mettre fin à la dissidence. Les autorités diffusaient, souvent à l'intention d'autres représentants gouvernementaux, des données statistiques gonflées sur la production industrielle et agricole (Becker 1996, 63-64, 70, 83-84; Yang 1996, 33-38). Comme Yang l'explique, [traduction] « on encourageait les cantines des communes rurales à fournir gratuitement de la nourriture, [et] les demandes [en grains] de l'État ont été considérablement haussées, compte tenu de la production prévue car les données de production estimatives laissaient croire que la Chine n'avait plus de problème d'approvisionnement en grains. Au printemps 1959, cependant, de nombreuses communes, qui devaient composer à la fois avec la demande d'approvisionnement accru [du gouvernement] et l'offre gratuite, avaient épuisé leurs réserves en grains. La production a chuté et les premiers effets de la famine se sont manifestés, surtout dans les régions qui avaient embrassé avec ferveur le Grand Bond » (1996, 37). Entre 16 millions et 30 millions de paysans sont morts des suites de la famine (Yang 1996, 37-38; Becker 1996, 85-86; Zhou 1996, 3).

[2]2.           Wang Liying du BSP explique qu'on utilise l'expression « aveugle » puisque, pour trouver du travail, la plupart des migrants en suivent d'autres sans s'être renseignés au préalable sur la demande sur les marchés du travail. Lorsqu'ils ne peuvent trouver de travail à une destination donnée, ils se dirigent vers d'autres possibilités d'emploi sans s'être assurés de la validité de celles-ci ou sans avoir de plan précis (Renkou Yanjiu 29 juill. 1996). Solinger fait remarquer que, selon les sociologues chinois qui ont étudié cette population, on exploite parfois la naïveté des nouveaux venus pour les entraîner dans des activités criminelles ou exploitatrices (1995, 130).

[3]4.           Le taux de chômage officiel en Chine se situe entre 3 et 4 p. 100, mais ce chiffre ne comprend ni l'excédent de travailleurs ruraux, ni les travailleurs excédentaires dans les entreprises d'État inefficaces qui subissent des pressions considérables pour réduire massivement le nombre d'emplois, ni les travailleurs migrants (FEER 15 janv. 1998, 46; Sunday Times 19 oct. 1997; Jingji Cankao Bao 4 avril 1998).

 

[4]4.           Gao mentionne un contrat en vigueur dans une usine de produits de plume à Shenzhen qui comprend deux obligations de la part de l'employeur — payer les salaires et fournir le logement — et quinze obligations à remplir par les employés, dont [traduction] « l'examen médical, les primes d'assurance, les cautionnements à verser pour obtenir des outils, l'obéissance à la direction et l'observation des règlements, le consentement au renvoi après plus de trois jours d'absence ou lorsqu'on contracte une maladie contagieuse, une autre maladie ou qu'on subit une blessure au travail. Lorsqu'un travailleur enfreint les règlements de l'usine plus de trois fois il est renvoyé. L'usine peut licencier un travailleur n'importe quand, alors que ce dernier doit donner un préavis de 15 jours, qui doit être approuvé, indiquant son intention de partir » (CRF automne 1994, 2).

[5]5.           Zhou signale que de nombreuses entreprises étatiques, par exemple, ont des budgets restreints et embauchent maintenant des travailleurs itinérants à titre de contractuels afin d'être plus rentables (1996, 159-160). Zhou ajoute que certaines de ces entreprises ont commencé à louer leurs installations à des groupes du secteur privé en vue de garnir leurs coffres (ibid., 150-152). Selon Zhou, [traduction] « l'expansion des jishi et la location [de locaux pour le commerce de détail] a fait que l'État avait la haute main sur moins de 10 p. 100 du commerce au détail » (ibid., 152). Elle ajoute aussi qu'en 1991 la location à grande échelle des entreprises d'État a été déclarée illégale, mais que cette pratique se poursuit toujours en raison de sa rentabilité et parce que l'État ne peut pas ou ne veut pas trouver d'autres moyens de venir en aide à ses entreprises (ibid.).

[6]6.           Zhou explique que dans le système danwei, la rémunération dans les entreprises d'État n'est pas établie en fonction du rendement mais de l'ancienneté. Ainsi, les travailleurs sont peu incités à donner leur plein rendement et peu de travailleurs permanents acceptent d'accomplir des tâches salissantes, difficiles ou exténuantes (1996, 159). Malgré une main-d'œuvre excédentaire considérable dans les entreprises d'État, celles-ci sont nombreuses à avoir embauché à titre contractuel des travailleurs migrants pour accomplir le travail (ibid., 159). Zhou cite un dicton populaire à Shanghai~: [traduction] « Le secrétaire du Parti décide de la direction; [les] travailleurs urbains font la belle vie, et le travail est laissé aux paysans » (ibid., 160).

[7]7.  The Economist signale que, dans les villes, le dang'an (dossier des activités politiques, des compétences professionnelles et de l'ancienneté d'un particulier) est tenu par le danwei, et il ne peut être consulté que par les représentants du Parti communiste (14 févr. 1998). Une inscription défavorable peut rendre une personne inadmissible à l'avancement. On le prend aussi en considération lors de l'attribution d'un logement ou pour déterminer le nombre d'enfants d'un ménage (ibid.; CRF été 1996b, 2). Pour ce qui est des personnes embauchées dans les firmes à capitaux étrangers, le dang'an est tenu par le ministère du Commerce extérieur, qui [traduction] « sait peu de chose au sujet des opinions politiques ou du rendement des particuliers — ni ne s'en soucie guère. Il a peu d'obligations [en tant qu'employeur] à l'endroit des travailleurs, notamment en matière de logement » (The Economist 14 févr. 1998). Toujours selon The Economist, [traduction] «la tenue des dossiers personnels dans le secteur privé se fait par impartition. Dans la capitale, les dossiers de la majorité des travailleurs embauchés dans le secteur privé sont conservés par le Centre de talents de Beijing, qui est logé dans l'ancienne enceinte des concubines de la Cité interdite. Wu Yong, l'un des cadres supérieurs du Centre, qualifie celui-ci de "centre de services". Le Centre ne compte aucun dirigeant du Parti habilité à annoter les dossiers; il peut tout simplement les conserver. Mais [les dossiers servent] également à des fins d'assistance sociale et autres» (ibid.).

 

[8]8.           Seth Faison avance que [traduction] «les pires excès commis par des fonctionnaires locaux semblent avoir diminués ces dernières années» (The New York Times 17 août 1997). Pourtant, on en signale toujours certains. En juin 1998, par exemple, Gao Xian Duan, ancienne agente de planification familiale dans la province de Fujian, qui a quitté le pays et demandé l'asile politique, a témoigné devant un comité du Congrès américain et affirmé avoir ordonné la stérilisation forcée des femmes et l'avortement de leur fœtus presque à terme (The Sunday Telegraph 14 juin 1998). Elle a également déclaré que la résidence des contrevenants était parfois démolie (ibid.). Aussi, en septembre 1997, plus d'un millier de policiers et de soldats ont été envoyés à Gaozhou, ville située dans le sud-ouest de la province de Guangzhou, pour mettre fin à une importante manifestation visant à protester contre la mort d'une femme décédée, semble-t-il, des suites d'une stérilisation forcée, et aussi contre les amendes excessives à verser en pareil cas (AFP 10 sept. 1997; ibid. 7 sept. 1997; SCMP 8 sept. 1997).

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