Les Roms dans la République tchèque : identité et culture

 

1. INTRODUCTION

Le présent document sur l'identité et la culture roms fait partie d'une série de rapports que la Direction de la recherche est en train de préparer sur la situation des Roms dans la République tchèque. La Direction de la recherche a publié en novembre 1997 le premier exposé de cette série de rapports intitulé Les Roms dans la République tchèque : protection de l'État. Le présent document, tout comme le premier exposé, a été rédigé à la suite d'entrevues effectuées en République tchèque par la Direction de la recherche auprès de chefs roms de même que de représentants du gouvernement et d'organismes non gouvernementaux. Ces entrevues étaient échelonnées sur une période de deux semaines en septembre et en octobre 1997. La section intitulée « À propos de certaines sources » renferme de l'information sur la plupart des personnes et des organisations citées dans le document. L'information qui est comprise dans le présent document provient presque exclusivement des entrevues et des documents recueillis par la Direction de la recherche au cours de ces entrevues. Puisqu'il y avait un besoin de diffuser rapidement l'information provenant des entrevues, la Direction de la recherche n'a pas consulté d'autres sources documentaires pour la rédaction du présent document, comme elle le fait habituellement. D'autres documents dont l'information proviendra également des entrevues seront publiés plus tard. Ils traiteront de la citoyenneté, des possibilités de refuge intérieur, de l'éducation, de la discrimination et des groupes extrêmistes.

2. CONTEXTE HISTORIQUE

Les premiers Roms se seraient établis sur le territoire tchèque dans la Bohême et la Moravie au commencement du XVe siècle (Braham mars 1993, 58; Radio Praha 1997). Toutefois, selon une étude sur l'histoire des Roms en République tchèque publiée par Radio Praha (Prague), certains documents indiquent que les Roms sont peut-être arrivés pour la première fois en territoire tchèque dès la fin du XIVe siècle (ibid.). On fait remonter les premiers établissements de Roms en Slovaquie au milieu du XIVe siècle (Braham mars 1993, 58). Un autre groupe rom d'importance s'est installé sur le territoire tchèque au XVIIIe siècle, au cours du règne du fils de Marie-Thérèse, Joseph II (Radio Praha 1997).

Selon l'ouvrage de Mark Braham publié en mars 1993 et intitulé The Untouchables: A Survey of the Roma People of Central and Eastern Europe, au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les Nazis considéraient les Roms comme une [traduction] « race inférieure » et des milliers[1]1 d'entre eux ont été exterminés dans les camps de concentration (4). La quasi-totalité de la population de Roms tchèques ou moraves a été supprimée durant la guerre (Radio Praha 1997; Miklusakova 22 sept. 1997; Holomek 24 sept. 1997). Selon Radio Praha, la plupart des Roms tchèques sont morts dans le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau (1997).

Ondrej Gina, leader rom qui habite à Rokycany, dans la région ouest de la Bohême, estime que 90 p. 100 des 6 000 habitants roms du territoire tchèque ont été exterminés au cours de la guerre (26 sept. 1997); Mark Braham quant à lui soutient que quelque 8 000 Roms tchèques ou moraves sont morts durant la même période et qu'environ 600 personnes ont survécu (mars 1993, 4, 57). Un porte-parole du ministère tchèque de la Culture estime que 3 000 Roms tchèques et moraves ont survécu à la guerre (2 oct. 1997). Selon Marta Miklusakova, militante qui lutte pour les droits des Roms, un nombre très restreint de Roms tchèques, peut-être dix familles, ont survécu à la guerre (22 sept. 1997). Un agent de recherche de l'European Roma Rights Centre (ERRC) à Prague soutient également que la République tchèque compte aujourd'hui [traduction] « très peu » de Roms dont les ancêtres remontent aux premières générations à s'être installées sur le territoire tchèque (24 sept. 1997).

Miklusakova est d'avis que la plupart des survivants de la Deuxième Guerre mondiale et leurs descendants vivent soit dans la capitale de la Moravie (Brno) ou dans sa zone périphérique (22 sept. 1997). Miklusakova affirme qu'un nombre important de ces personnes font partie aujourd'hui de l'intelligentsia rom de la République tchèque (ibid.; Radio Praha 1997). Radio Praha signale que les Holomek de Moravie constitue un exemple d'une famille dont les membres ont survécu à l'holocauste et qui font partie de nos jours de l'élite intellectuelle rom (ibid.).

Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, un grand nombre de Roms de la Slovaquie, en particulier de la région est de la Slovaquie, ont commencé à émigré sur le territoire tchèque (Radio Praha 1997; ERRC 24 sept. 1997; Holomek 24 sept. 1997; Guy 1975, 213; Gina 26 sept. 1997). Beaucoup de Roms de la Hongrie et de la Roumanie ont également immigré en Tchécoslovaquie après la guerre (Radio Praha 1997). On a encouragé ou forcé un grand nombre de Roms slovaques à s'installer sur les terres inhabitées de la région des Sudètes[2]2 (Holomek 24 sept. 1997; CEO 3 oct. 1997; ERRC 24 sept. 1997). Beaucoup de Roms [traduction] « se sont alors dispersés comme main-d'oeuvre faisant de petits travaux » dans les villes industrielles du nord de la Bohême et du nord de la Moravie (Radio Praha 1997; CEO 3 oct. 1997; voir également Guy 1975, 213). Gina affirme que les communistes ont réinstallé les Roms slovaques sur le territoire tchèque afin de les utiliser comme [traduction] « main-d'oeuvre à bon marché » (26 sept. 1997; voir également CEO 3 oct. 1997). Selon Radio Praha, ce déplacement des peuples roms sur le territoire tchèque a porté atteinte à la société rom [traduction] « étant donné que la vie communautaire rom a été brusquement interrompue [...] ce qui a engendré l'effritement des normes et valeurs traditionnelles des Roms et un effondrement de la vie familiale traditionnelle » (1997). La migration volontaire et imposée des Roms slovaques s'est poursuivie par vagues successives au cours de plusieurs décennies (Holomek 24 sept. 1997; ERRC 24 sept. 1997; Gina 26 sept. 1997).

Karel Holomek, leader rom qui vit à Brno, fait remarquer que les événements historiques ont fait en sorte que la population majoritaire de la Slovaquie et celle de la République tchèque n'ont pas les mêmes attitudes à l'égard de la population rom (24 sept. 1997). Selon Holomek, les Slovaques considèrent en général les Roms de Slovaquie comme des habitants de leur État alors que les Tchèques quant à eux, à cause de l'arrivée massive de Roms après la Deuxième Guerre mondiale, considèrent les Roms de la République tchèque comme des étrangers. Holomek croit ainsi que le racisme en République tchèque est plus prononcé qu'en Slovaquie, même si les conditions de vie en Slovaquie sont pires qu'en République tchèque. De même, Vlaclav Trojan, directeur de l'Assemblée des citoyens d'Helsinki, organisme à but non lucratif, affirme dans une entrevue publiée par Central Europe Online que [traduction] « nombre de personnes ici considèrent les Roms comme des nouveaux venus et des migrants et non des gens qui font partie intégrante de la société, de la culture et de la nation tchèques » (3 oct. 1997).

3. GROUPES ROMS DANS LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

En 1997, on estime qu'il y a de 200 000 à 300 000 Roms en République tchèque (Gina 26 sept. 1997; Conseil des minorités nationales 29 sept. 1997; ERRC 22 sept. 1997; CEO 3 oct. 1997). Les Roms vlachs ou olachs constituent environ 10 p. 100 de ce nombre (ERRC 24 sept. 1997; Uhl 27 sept. 1997). Les Roms vlachs, selon Gina, forment un groupe distinct au sein des Roms de la Slovaquie (26 sept. 1997). Gina poursuit en affirmant que les Roms vlachs ont emprunté un itinéraire différent lorsqu'ils ont quitté l'Inde et par conséquent ils n'ont pas été marqués par les mêmes événements historiques que la majorité des Roms de la Slovaquie (ibid.). Selon un article de Willy Guy publié dans l'ouvrage intitulé Gypsies, Tinkers and Other Travelers, les Roms vlachs [traduction] « se considéraient comme une ethnie distincte et étaient considérés comme telle par les autres Roms » (1975, 213). De l'avis de l'agent de recherche de l'ERRC, les Roms qui ne sont pas vlachs soutiennent que les Roms vlachs ont une apparence physique différente des Roms slovaques; la couleur de peau des Vlachs serait plus pâle (24 sept. 1997).

La majorité de la population rom actuelle de la République tchèque est composée de Roms slovaques ou hongrois qui ont émigré de la Slovaquie pour s'installer en territoire tchèque après la Deuxième Guerre mondiale (ibid.; ERRC 24 sept. 1997; ministère de la Culture 2 oct. 1997). Tel qu'il a été mentionné un peu plus haut, on retrouve encore aujourd'hui en République tchèque un petit nombre de Roms tchèques ou moraves qui ont survécu à la Deuxième Guerre mondiale et dont les origines remontent aux premières générations de Roms arrivées sur le territoire tchèque (Miklusakova 22 sept. 1997; ERRC 24 sept. 1997). Human Rights Watch précise qu'au sein de ces trois groupes principaux de Roms tchèques, il existe des sous-groupes (1992, xi). En dernier lieu, mentionnons qu'il existe un nombre [traduction] « très restreint » de Sintis qui vivent encore dans les régions occidentales de la République tchèque (ERRC 24 sept. 1997; Braham mars 1993, 58). Les Sintis sont un groupe rom établi depuis longtemps sur le territoire allemand (Brearley déc. 1996).

4. PARLERS ROMANI

Un représentant du secrétariat du Conseil tchèque des minorités nationales signale qu'il y a quatre parlers romani dans la République tchèque (29 sept. 1997). Le parler romani principal est le romani slovaque, langue codifiée qui s'apparente au romani hongrois (ERRC 24 sept. 1997). On y retrouve beaucoup d'éléments du slovaque et du hongrois (ibid.). Ondrej Gina affirme que même si les Roms vivant en République tchèque ont différents parlers, la plupart peuvent se comprendre entre eux étant donné qu'il n'y a que très peu de différences entre ces divers parlers (26 sept. 1997). Les Roms vlachs toutefois parle une forme de romani qui est [traduction] « très différente » du romani slovaque (ERRC 24 sept. 1997; Uhl 27 sept. 1997; voir également Gina 26 sept. 1997). Petr Uhl affirme que la forme vlach et la forme slovaque du romani sont trop différentes l'une de l'autre pour que les locuteurs puissent se comprendre mutuellement; selon Uhl, la différence entre le romani vlach et le romani slovaque est semblable à celle qui existe entre le tchèque et le russe (27 sept. 1997). L'agent de recherche de l'ERRC affirme que le romani vlach serait une forme plus pure du romani et comprendrait moins de mots étrangers que les autres parlers romani (24 sept. 1997). Les Sintis qui habitent en République tchèque, dont le nombre est restreint, seraient germanophones (Braham mars 1993, 58). Marta Miklusakova croit que la plupart des Roms tchèques et moraves qui descendent des premières générations de Roms et qui ont survécu à la Deuxième Guerre mondiale ne parlent pas romani (22 sept. 1997).

Selon un membre du secrétariat du Conseil des minorités nationales, environ 50 p. 100 de Roms de la République tchèque peuvent actuellement parler et comprendre le romani (29 sept. 1997) alors que presque 100 p. 100 des Roms vlachs peuvent s'exprimer en romani (ibid.). L'ERRC affirme également que [traduction] « presque tous » les Roms vlachs peuvent parler romani (24 sept. 1997) et Petr Uhl soutient que la plupart des enfants Vlachs parlent romani (27 sept. 1997). Karel Holomek croit qu'environ 60 p. 100 des Roms de la République tchèque utilisent le romani dans un contexte familial et le tchèque dans un contexte social (24 sept. 1997). L'agent de recherche de l'ERRC affirme que [traduction] « presque tous » les Roms qui vivent en République tchèque, à l'exception peut-être des enfants roms élevés dans les orphelinats, auraient une connaissance de base du romani ou du moins seraient capables d'utiliser et de comprendre quelques mots de romani (24 sept. 1997). Selon l'agent de recherche, la majorité des Roms devraient avoir des compétences de base du romani ou une moyennement bonne connaissance passive de la langue (ibid.).

Des sources d'information signalent que le pourcentage de Roms capables de parler le romani varie selon la région géographique et l'âge (ERRC 24 sept. 1997; Miklusakova 22 sept. 1997; Balazova 25 sept. 1997; Gina 26 sept. 1997).

Selon l'agent de recherche de l'ERRC, le romani demeure la langue principale dans les communautés roms en Slovaquie de petite taille ou de taille moyenne (24 sept. 1997). Au fur et à mesure que les familles roms se sont installées sur le territoire tchèque et qu'elles se sont éloignées des communautés roms de la Slovaquie, le romani leur est devenu moins utile. L'agent de recherche affirme que là où il y a une importante concentration de Roms, par exemple dans les régions peuplées par les Allemands avant la Deuxième Guerre mondiale, et dans toute grande ville industrielle, il est plus probable que les Roms ait gardé leur langue. Le romani est parlé à divers degrés dans différentes régions et villes du pays. Par exemple, à Rokycany, dans la région ouest de la Bohême, le romani est très courant. Toutefois, non loin de là, dans la ville de Plzen, où la population rom est plus grande qu'à Rokycany, beaucoup moins de Roms parlent le romani. On peut expliquer cette situation par le fait qu'à Rokycany, des communautés roms entières ont émigré ensemble de la Slovaquie et qu'il leur a donc été possible de garder leur culture et leur langue (ibid.).

Ondrej Gina fait également remarquer qu'il est plus probable que le romani soit parlé dans les régions où l'on retrouve une grande concentration de Roms (26 sept. 1997). Gina donne l'exemple de la ville de Most en Bohême. Selon Gina, il y a environ 12 000 Roms à Most et la plupart parlent le rom. À Beroun, toutefois, où l'on compte seulement de 400 à 600 Roms, c'est le tchèque qui prédomine. Gina croit qu'il existe un certain degré d'assimilation à Beroun, et signale que la langue et la culture roms y sont en train de disparaître.

Marta Miklusakova affirme que les Roms sont en train de perdre leur langue, surtout dans les grandes villes telles que Prague (22 sept. 1997). Les Roms ont plus de chances de garder leur langue là où plusieurs générations d'une même famille vivent sous le même toit, alors qu'il est plus probable que le romani se perde dans une famille composée uniquement d'enfants et de jeunes parents dans la vingtaine ou la trentaine.

Jarmila Balazova, journaliste rom, signale qu'à cause des tentatives d'assimilation qui ont lieu depuis quelques décennies, les jeunes roms tchèques ne parlent pas romani et n'ont qu'une compréhension passive de la langue (25 sept. 1997). Cette situation peut s'expliquer en partie par le fait qu'avant 1989, le régime communiste punissait les personnes qui s'exprimaient en romani dans les salles de classe ou à la récréation (ibid.).

Petr Uhl est d'avis que de 60 à 80 p. 100 des enfants roms ne parlent pas romani et que de 60 à 80 p. 100 des adultes peuvent le parler (27 sept. 1997). Selon plusieurs sources d'information, beaucoup de parents dissuadent leurs enfants de parler romani (Miklusakova 22 sept. 1997; ERRC 24 sept. 1997; Holomek 24 sept. 1997). Petr Uhl fait remarquer que les parents parlent souvent le romani entre eux et le tchèque avec leurs enfants (27 sept. 1997). Beaucoup de parents se souviennent des difficultés qu'ils ont dû surmonter à l'école lorsqu'ils s'exprimaient en romani et ne veulent pas exposer leurs enfants aux mêmes obstacles et aux mêmes épreuves (Miklusakova 22 sept. 1997). Ainsi, afin de protéger leurs enfants, les parents ne vont souvent que parler tchèque avec eux (ibid.; Holomek 24 sept. 1997). En outre, Ondrej Gina soutient que nombre de Roms dans la République tchèque croient que s'ils ne parlent plus romani, s'ils n'admettent pas qu'ils sont roms, ils seront mieux accepté dans la société tchèque (26 sept. 1997). Malheureusement, selon Gina, la réalité est tout autre; même les Roms qui renient leur héritage culturel ne sont pas acceptés dans la société tchèque.

Selon l'agent de recherche de l'ERRC, beaucoup de jeunes Roms ont été dissuadés de parler romani et les communautés roms fonctionnent de plus en plus en tchèque (24 sept. 1997). Il est beaucoup plus probable que les aînés roms parlent romani que les jeunes, bien qu'à l'extérieur de Prague il y ait de fortes chances que les Roms de tous les âges utilisent, dans une certaine mesure, le romani dans la vie quotidienne de la communauté.

Une des plus grandes difficultés qui se posent aux parents roms qui parlent tchèque à leurs enfants est le fait que ces parents ont souvent une mauvaise connaissance du tchèque (ERRC 24 sept. 1997; Miklusakova 22 sept. 1997; Uhl 27 sept. 1997). Des générations de roms slovaques qui ont immigré sur le territoire tchèque au cours des décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale parlaient le slovaque comme langue seconde (ERRC 24 sept. 1997; Holomek 24 sept. 1997). Ces immigrants parlent maintenant un tchèque composite ou hybride qui porte l'empreinte du slovaque, du hongrois et du romani et qui utilise souvent les règles et les déclinaisons de la grammaire du romani (ERRC 24 sept. 1997; Miklusakova 22 sept. 1997; Uhl 27 sept. 1997). Cette situation met les enfants en désavantage puisqu'ils ne peuvent s'exprimer ni en romani ni dans un tchèque correct (ERRC 24 sept. 1997). Les parents refusent de s'exprimer en romani, mais ils enseignent un dialecte tchèque incorrect et [traduction] « très identifiable » que parlent beaucoup d'adultes et d'enfants roms tchèques (ERRC 24 sept. 1997). Selon Miklusakova, ces enfants arrivent à l'école et s'expriment dans un dialecte tchèque qui paraît étrange aux enseignants et aux autres élèves (22 sept. 1997). Les enseignants, qui ne connaissent pas la langue, la culture et l'histoire roms, croient que les enfants ont une déficience mentale et les envoient dans des établissements spécialisés pour déficients mentaux (ibid.; voir également Holomek 24 sept. 1997). Selon Miklusakova, ces établissements spécialisés sont fréquentés à 80 p. 100 par des Roms (22 sept. 1997).

5. TRADITIONS ET CARACTÈRES DISTINCTIFS DES ROMS

L'agent de recherche de l'ERRC affirme qu'il est difficile de cerner les traditions sociales et culturelles des Roms de la République tchèque à cause des différents niveaux d'assimilation que connaît la communauté rom (24 sept. 1997). Les familles qui ont immigré sur le territoire tchèque immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale, plus particulièrement les familles qui sont arrivées seules et non au sein d'un groupe plus important, ont connu un grand taux d'assimilation dans la société tchèque. Toutefois, on retrouve encore dans la République tchèque des communautés roms dont les membres portent les vêtements roms traditionnels et dont les cérémonies de mariage se conforment aux traditions roms.

L'agent de recherche de l'ERRC affirme que les Roms vlachs s'habillent davantage de façon traditionnelle et respectent plus la structure sociale traditionnelle; ils sont plus isolés de la communauté blanche et des autres communautés roms (24 sept. 1997). Selon Petr Uhl, journaliste et observateur tchèque, les Roms vlachs et les autres roms n'entretiennent pas de bonne relations (27 sept. 1997).

Selon l'agent de recherche de l'ERRC, il est possible de reconnaître les Roms par leur façon de parler; ils ont habituellement un accent et une manière de s'exprimer qui les distinguent de la majorité tchèque (ERRC 24 sept. 1997). Toutefois, les Roms instruits qui sont intégrés dans la société et qui ont réussi le tour de force d'acquérir des compétences professionnelles peuvent parler tchèque comme les Tchèques. Selon l'agent de recherche, si on demandait à la majorité de la population comment identifier les Roms, elle vous dirait que les Roms sont des Roms à cause de leur apparence : ils sont foncés.

Marta Miklusakova fait remarquer toutefois que la couleur de la peau ne permet pas toujours d'identifier les Roms de manière fiable. Elle précise qu'elle a rencontré des Roms qui ont une couleur de peau plus pâle que la sienne (elle est tchèque) (22 sept. 1997).

Un membre du secrétariat du Conseil des minorités nationales affirme que la culture et les traditions roms ne sont l'affaire que des aînés roms et que les jeunes Roms et les Roms dans la force de l'âge ne se souviennent pas des traditions culturelles (29 sept. 1997). Toutefois, les Roms vlachs dans leur ensemble ont gardé leurs traditions. Le représentant affirme que des éléments qui permettraient d'identifier les Roms sont leur niveau inférieur d'éducation, leur manière de parler, leur situation socio-économique et leur isolement social.

Selon Miklusakova, l'ascendance et le nom peuvent aider à identifier les Roms (22 sept. 1997). Par exemple, une personne qui porte le nom de famille Horvath est probablement rom (ibid.). L'agent de recherche de l'ERRC a affirmé que les Roms ne portent pas de noms de famille roms, mais qu'on peut souvent les identifier par le fait que leurs noms ont une consonance slovaque ou hongroise (24 sept. 1997). Selon l'agent de recherche, la plupart des roms slovaques ont des noms de famille slovaques (ibid.). L'agent de recherche a précisé que les noms suivants sont courants chez les familles roms de la République tchèque : Gina, Horvath, Ziga, Bandy, Lakatos, Balaz, Cervenak, tout nom commençant par le préfixe « Gor » (p. ex., Goral), Scuka, Ferko, Miko, Sarkozi, Lacko, Olah, Demeter, Stojka, Tancos (ibid., 14 nov. 1997). Tous ces noms peuvent également se terminer par le suffixe « ova » (ibid.). L'agent de recherche fait remarquer toutefois que l'utilisation de noms comme moyen pour identifier les Roms n'est pas nécessairement fiable puisque beaucoup d'entre eux sont des noms hongrois, slovaques et tchèques typiques et pourraient être des noms de famille de Tchèques qui ne sont pas Roms (ibid.). En outre, beaucoup de Roms dans la République tchèque ont des noms tchèques courants — comme Vesely — qu'ils ont acquis par alliance ou par un changement de nom (ibid.).

Ondrej Gina signale qu'au niveau local en particulier, on peut facilement identifier les Roms par leur nom de famille (26 sept. 1997). Par exemple, à Rokycany, où habite Gina, il y a environ huit clans roms et, par conséquent, huit noms de famille; il est donc très simple pour les autorités locales d'identifier les personnes par leur nom de famille. Selon Gina, les noms de famille Gina, Horvath et Zhika figurent parmi les noms de famille roms les plus courants à Rokycany. Gina fait remarquer toutefois que dans la plupart des cas, les Roms sont identifiés par la couleur de leur peau (ibid.).

Pour terminer, l'agent de recherche de l'ERRC fait remarquer que le halusky, plat à base de pâte, est un mets caractéristique des Roms de la République tchèque (14 nov. 1997).

Les réponses aux demandes d'information CZE27586.E du 1er août 1997 et CZE27718.E du 18 août 1997 donnent de l'information sur des coutumes et usages particuliers des Roms tchèques.

6. MÉDIAS ROMS ET PROMOTION DE LA CULTURE ROM

La loi tchèque dispose que la télévision et la radio publiques doivent fournir des services aux minorités de la République tchèque (Balazova 25 sept. 1997). Le problème, selon Jarmila Balazova, c'est que cette loi ne fournit de précisions ni sur les heures et la fréquence de diffusion, ni sur les stations qui doivent diffuser ces émissions, ni sur le montant d'argent qui doit être alloué aux émissions visant les minorités. Ces décisions sont laissées à la discrétion de la direction des institutions publiques. Le financement de la diffusion d'émissions de télévision et de radio s'adressant aux minorités provient des budgets alloués à la télévision et à la radio publiques.

Balazova signale qu'une émission de télévision destinée aux Roms existe depuis 1990 (25 sept. 1997) et est diffusée pendant 20 minutes toutes les deux semaines (ibid.). Selon l'agent de recherche de l'ERRC, cette émission est principalement en tchèque (14 nov. 1997).

La diffusion d'émissions radiophoniques s'adressant aux Roms a commencé le 24 novembre 1992 (Balazova 25 sept. 1997). L'émission, qui est en langue tchèque, est diffusée deux fois par semaine; elle dure 15 minutes le mardi et 25 minutes le vendredi (ibid.). Selon Balazova, l'auditoire de la radio rom serait constitué à 60 p. 100 de Roms et à 40 p. 100 de Tchèques. Balazova souhaite conserver les auditeurs tchèques puisque l'émission vise notamment à donner une vision plus objective de la minorité rom et à mettre fin aux préjugés dans la société. Balazova déclare qu'à titre de journaliste responsable de la programmation de la radio rom, on ne lui a jamais interdit de diffuser un reportage en particulier–il n'y a pas de censure. Elle croit cependant que les émissions de télévision sont soumises à la censure. Toutes les émissions de télévision doivent être remises à la station de télévision 14 jours avant la télédiffusion et l'émission doit être approuvée (ibid.).

Balazova affirme qu'il y a eu un certain nombre de journaux et magazines roms depuis 1990 (25 sept. 1997). La plupart de ces publications n'existent plus aujourd'hui, à cause en partie d'une mauvaise gestion. En 1997, il existe deux publications rom principales dans la République tchèque : la publication bimensuelle Romano Kurko et le mensuel Amaro Gendalos. Ces publications sont financées par le ministère tchèque de la Culture (ibid.; ministère de la Culture 2 oct. 1997). Selon l'agent de recherche de l'ERRC, la publication Amaro Gendalos est surtout rédigée en tchèque, bien qu'elle contienne quelques articles bilingues et, à l'occasion, des articles en romani seulement (14 nov. 1997). Quant à la revue Romano Kurko, 80 p. 100 de ses articles sont en tchèque et les autres sont en romani (ibid.).

Le ministre tchèque de la Culture a donné son appui au Musée de la culture rom situé à Brno (Ministère de la Culture oct. 1997). Le musée a été fondé en 1991 par l'Association des amis et des professionnels du Musée de la culture rom (ibid.; Holomek 24 sept. 1997). En août 1997, la gouvernement tchèque a annoncé qu'il verserait la somme de 35 millions de couronne tchèques[3]3 au cours des deux prochaines années pour la construction à Brno d'un édifice qui doit abriter le musée (Ministère de la Culture oct. 1997; Holomek 24 sept. 1997). La collection du musée ést gardée actuellement dans des lieux qui laissent à désirer (ibid.; Ministère de la Culture oct. 1997)

Pour plus d'information sur l'appui accordé par le gouvernement tchèque aux activités culturelles roms, veuillez consulter le document du ministère de la Culture en annexe.

Pour de l'information complémentaire et mise à jour sur la situation des Roms, veuillez consulter les sources documentaires et les bases de données de la CISR aux centres de documentation régionaux.

À PROPOS DE CERTAINES SOURCES

Balazova, Jarmila

Jarmila Balazova est une journaliste rom. Elle travaille en ce moment pour la radio tchèque où elle est responsable d'émissions roms. Elle est également membre du Groupe de travail spécial sur les affaires roms du Conseil tchèque des minorités nationales.

Conseil des minorités nationales

Le Conseil des minorités nationales conseille le gouvernement sur les politiques gouvernementales qui touchent les minorités nationales de la République tchèque; le Conseil élabore également des recommandations et coordonne les activités reliées aux minorités (Gouvernement de la République tchèque s. d.). Les ministères et leurs organismes administratifs n'ont pas autorité sur les activités du Conseil (ibid.). La Direction de la recherche a eu des entrevues avec trois membres du secrétariat du Conseil ainsi qu'avec le sous-ministre Viktor Dobal. Le secrétariat du Conseil des minorités nationales effectue [traduction] « le travail organisationnel et spécicialisé relié aux affaires du Conseil » (ibid.). Pour plus d'information sur le statut et la composition du Conseil des minorités nationales et le secrétariat du Conseil, veuillez consulter le document du gouvernement de la République tchèque en annexe.

European Roma Rights Centre (ERRC)

Situé à Budapest, l'ERRC est un organisme international d'intérêt public et à caractère juridique qui surveille la situation des droits de la personne des Roms en Europe et qui fournit un mécanisme de défense juridique dans les cas de violations des droits de la personne. Un agent de recherche de l'ERRC travaille à Prague pour surveiller la situation des Roms en République tchèque et faire rapport à cet égard à Budapest.

Gina, Ondrej

Ondrej Gina est un chef rom et membre du Groupe de travail spécial sur les affaires roms du Conseil des minorités nationales. Ondrej Gina est président de la Fondation pour l'espoir et la compréhension mutuels située à Rokycany (ouest de la Bohême) et le président du Conseil des Roms de Rokycany.

Holomek, Karel

Karel Holomek est un ingénieur et un chef rom qui habite à Brno, en Moravie. Il est président de la Société des professionnels et des amis du musée de la culture rom située à Brno, membre fondateur de l'Association des Roms de la Moravie et président nommé de la section rom de l'Assemblée des citoyens d'Helsinki. Il est également membre du Groupe de travail spécial sur les affaires roms du Conseil tchèque des minorités nationales, organisme du gouvernement tchèque.

Kvocekova, Barbora

Barbora Kvocekova est une avocate qui a rédigé un mémoire sur la situation juridique de la minorité rom en République tchèque. Barbora Kvocekova fait actuellement son doctorat; sa thèse portera sur les droits de la minorité rom. Barbora Kvocekova travaille également à la Fondation pour la tolérance et auparavant était au service du Bureau de conseil juridique du Comité Helsinki tchèque. Les opinions de Barbora Kvocekova citées dans le présent document sont ses opinions personnelles.

Miklusakova, Marta

Marta Miklusakova travaille au Service d'orientation de la citoyenneté du Comité Helsinki tchèque. Marti Miklusakova a un diplôme du premier cycle en travail social ainsi qu'une maîtrise en politique sociale du département du travail social de l'Université Charles à Prague. Elle a également terminé un diplôme d'études supérieures en études roms, principalement axé sur la linguistique.

Ministère de la Culture

La Direction de la recherche a mené une entrevue avec trois représentants du ministère de la Culture tchèque le 2 octobre 1997. Les représentants du ministère ont préparé les documents du ministère de la Culture sur le financement de projets reliés à la culture rom.

Uhl, Petr

Écrivain et journaliste tchèque, Petr Uhl est membre du Groupe de travail spécial sur les affaires roms du Conseil du gouvernement tchèque des minorités nationales et membre du Groupe de travail sur la détention arbitraire de la Commission des droits de l'homme de l'ONU situé à Genève. Il est également membre du Comité Helsinki tchèque.

RÉFÉRENCES

Balazova, Jarmila, Prague. 25 septembre 1997. Entrevue.

Braham, Mark. Mars 1993. The Untouchables: A Survey of the Roma People of Central and Eastern Europe. Genève : Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Brearley, Margaret. Décembre 1996. The Roma/Gypsies of Europe: A Persecuted People.No3. Jewish Policy Research (JPR). Londres : JPR.

Central Europe Online[Prague]. 30 septembre 1997. Série d'entrevues. Entrevues avec Vaclav Trojan. A Brief Historical Perspective on Roma and the Czech Republic.

Conseil des minorités nationales. 29 septembre 1997. Entrevues avec des représentants du secrétariat du Conseil.

European Roma Rights Centre, (ERRC) Budapest. 24 septembre 1997. Entrevue avec l'agent de recherche de Prague.

European Roma Rights Centre, (ERRC) Budapest. 22 septembre 1997. Entrevue avec l'agent de recherche de Prague.

Gina, Ondrej, Rokycany. 26 septembre 1997. Entrevue.

Globe and Mail[Toronto]. 18 novembre 1997. « Foreign Exchange ».

Gouvernement de la République tchèque. S. d. Appendix to the Government Edict dated 11 May, 1994, no. 259: Statute Nationalities Council of the Czech Republic Government.

Guy, Willy. 1975. « Ways of Looking at Roms », Gypsies, Tinkers and Other Travellers.Dirigé par Farnham Rehfisch. Londres : Academic Press.

Holomek, Karel, Brno. 24 septembre 1997. Entrevue.

Human Rights Watch (HRW). 1992. Czechoslovakia: Stuggling for Ethnic Indentity: Czechoslovakia's Endangered Gypsies.New York : HRW.

Kvocekova, Barbora, Prague. 11 novembre 1997. Message envoyé par courrieur électronique è la Direction de la recherche.

Kvocekova, Barbora, Prague. 23 septembre 1997. Entrevue.

Miklusakova, Marta. 22 septembre 1997. Entrevue.

Ministère de la Culture, Prague. 2 octobre 1997. Entrevue avec des représentants du ministère.

Radio Praha, Prague. 1997. The History of the Roma Minority in the Czech Republic.[Internet] (URL:http://www.radio.cz/romove/czhistory.html)[Date de consultation : 14 août 1997]

Uhl, Petr, Prague. 27 septembre 1997. Entrevue.

DOCUMENT ANNEXÉ

Ministère de la Culture, Prague. 19 septembre 1997. The Ministry of Culture of the Czech Republic: Support of the Cultural Activities of the Romany Ethnic Minority, p. 1-6.

 

 



[1]1.           On estime à 219 700 le nombre de Roms qui ont été exterminés par les Nazis au cours de la Deuxième Guerre mondiale (Braham mars 1993, 4). Braham fait remarque que le professeur Jean-Pierre Liégeois du de la Sorbonne à Paris soutient que durant la guerre, de 350 000 à 500 000 Roms ont été tués à l'endroit même où l'on les a trouvés, ou encore en prison ou dans les camps (ibid.).

[2]2.           En 1946, le gouvernement de la Tchécoslovaquie a expulsé les habitants de cette région, quelque 2,5 millions de Sudètes allemands (Guy 1975, 213; CEO 3 oct. 1997).

[3]3.           Selon le Globe and Mail, le 17 novembre 1997, 1 couronne tchèque valait 0,0303 $CAN (18 nov. 1997).

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