AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES

demeurant:

CADA

 

Centre ATHERBEA

 

10 rue de la Feuillée

 

64100 BAYONNE

ledit recours

enregistré le 27 mai 1992

au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A)

a rejeté le 22 avril 1992 sa demande d'admission au statut de réfugié;

Par les moyens suivants:

Le requérant, qui appartient au clan abgal et qui avait été mécanicien dans l'Armée Nationale Somalienne, a été sollicité par les combattants abgals dirigés par Ali Mahdi pour assurer la maintenance des véhicules blindés; à la suite de son refus de s'engager dans une lutte qu'il juge fratricide, des combattants abgals sont passés à son domicile le 10 octobre 1991 et ont abattu ses deux frères tandis que lui-même parvenait à s'enfuit;

Le requérant a quitté son pays d'origine et craint d'y revenir car il est recherché par les membres de son propre clan qui le considèrent comme un traître;

Vu la décision attaquée;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 19 juin 1992

le dossier de la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'intéressé au directeur de l'O.F.P.R.A, communiqué par celui-ci sans observations;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 5 novembre 1993

Mlle KUMMERLE, rapporteur de l'affaire, les observations du représentant de I'OFPRA ainsi que les explications du requérant;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du, paragraphe A, 20, de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

Considérant que, pour demander le bénéfice de ces stipulations, M. AHMED ABOULLAHI Shirwah, qui est de nationalité somalienne, soutient qu'il appartient au clan abgal et qu'il avait été mécanicien dans l'Armée Nationale Somalienne; qu'après la chute du président Syad Barré en janvier 1991, il a été sollicité par les combattants abgals dirigés par Ali Mahdi pour assurer la maintenance des véhicules blindés; qu'à la suite de son refus de s'engager dans une lutte qu'il juge fratricide, des combattants abgals se sont rendus à son domicile le 10 octobre 1991 et ont abattu ses deux frères; qu'étant parvenu à s'enfuir, il a quitté son pays d'origine; qu'il ne peut y retourner, tant du fait des recherches menées à son encontre par les membres de son propre clan qui le considèrent comme un traître, que du fait de ses craintes d'être persécuté, en raison de son appartenance au clan agbal, par les membres des autres factions;

Considérant que, dans la situation qui règne actuellement en Somalie, les craintes exprimées par ses ressortissants sont liées au climat généralisé d'insécurité qui prévaut dans ce pays où, après la disparition de tout pouvoir légal, des clans, sous-clans et factions d'une même ethnie luttent pour créer ou étendre des zones d'influence à l'intérieur du territoire national sans-être toutefois en mesure d'exercer dans ces zones un pouvoir organisé qui permettrait, le cas échéant, de les regarder comme des autorités de fait; que ces craintes ne peuvent, en conséquence, être assimilées à des craintes de persécutions au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève, lesquelles subordonnent la reconnaissance de la qualité de réfugié à l'existence de craintes personnelles de persécutions émanant des autorités du pays dont le demandeur a la nationalité ou encouragées ou volontairement tolérées par ces autorités; qu'ainsi, à supposer établis les faits allégués par M. AHMED ABOULLAHI SHIRWAH, son recours ne peut être accueilli;

DECIDE

ARTICLE 1er Le recours de M. AHMED ABOULLAHI Shirwah est rejeté

ARTICLE 2 La présente décision sera notifiée à M. AHMED ABDULLAHI Shirwah et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 5 novembre 1993 où siégeaient:

M. de BRESSON, Président de la Commission des Recasons des Réfugiés, Président;

MM. GISERT, DONNEDIEU de VABRES, Conseillers d'Etat Honoraires;

M. ALLAND, Mmes DESTISON, GRIMAL, Représentants du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;

MM. LEFEUVRE, GAUDIN-CAGNAC, WIDEMANN, Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.;

Lu en séance publique le 26 novembre 1993

Le Président: J.J. de BRESSON

Le Secrétaire Général de la Commission des Recours des Réfugiés: R. COLLIER

POUR EXPEDITION CONFORME: R. COLLIER

La présente décision n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la cour de Cassation. Il doit être exerce dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre voie de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés.

SITUATION PARTICULIERE EN SOMALIE

-           DISPARITION DES AUTORITES PUBLIQUES

-           SITUATION DE GUERRE

-           Motifs politiques - Absence

-           AUTEURS DES PERSECUTIONS

-           Autorités de fait - Absence

-           Bandes claniques

-           CRAINTES NE RELEVANT PAS DES STIPULATIONS DE LA CONVENTION DE GENEVE

A un ressortissant somalien qui allègue des craintes, en cas de retour dans son pays d'origine, à l'égard des membres de son propre clan, qui le considèrent comme un traître pour avoir refusé de combattre à leur côté, et à l'égard. des membres des autres clans, du fait de son appartenance à un clan particulier, la Commission n'a pas appliqué la jurisprudence dite "guerre civile" telle qu'elle a été appliquée pour les ressortissants libanais - laquelle implique l'existence d'une autorité légale - ni admis, comme elle l'a fait dans certains cas (tels qu'au Liberia, au Sud Liban ou en Bosnie), que les persécutions invoquées ou redoutées émanent d'autorités de fait.

La Commission a constaté que la guerre qui sévit actuellement en Somalie ne repose pas sur des motifs proprement politiques dans la mesure où elle consiste en une lutte clanique pour s'emparer du pouvoir,

-           dont les objectifs se limitent en réalité à la création ou l'extension de zones d'influence sur le territoire somalien,

-           dont la ligne de partage n'est pas l'appartenance ethnique mais l'appartenance à une bande ou clan, lié à un chef.

Ces bandes, au nombre d'une quinzaine, qui n'assurent pas un pouvoir organisé sur les zones où elles sont présentes, ne peuvent être regardées comme des autorités de fait.

Cette situation d'insécurité généralisée où n'apparaît aucun pouvoir organisé ne permet pas de considérer que la crainte d'un ressortissant somalien à l'égard de ces bandes relève des stipulations de la Convention de Genève.

AHMED ABDULLAHI / Sections Réunies / 229619 / 26.11.93 / M. de BRESSON Pdt Mlle KUMMERLE Rapp.

Disclaimer:

This is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.