COMMISSION EUROPEENNE DE DROITS D'HOMME

SUR LA RECEVABILITE DE
La requête présentée par ALI contre la SUISSE (No.: 24881/94)

REF. NO:

ORIGIN: COMMISSION (Deuxième Chambre)

TYPE: DECISION (Partielle)

PUBLICATION:

TITLE: ALI contre la SUISSE

APPLICATION NO.: 24881/94

NATIONALITY: Somalienne

REPRESENTED BY: MONFERINI, R., avocat, Fribourg

RESPONDENT: Suisse

DATE OF INTRODUCTION: 19940914

DATE OF DECISION: 19950517

APPLICABILITY:

CONCLUSION: Ajourne l'examen des griefs du requérant tirés de l'article 5 par. 1 f) et 2 de l'article 14 ;

Irrecevable pour le surplus

ARTICLES: 5-1-f ; 5-4 ; 6-1 ; 6-3 ; 6-3-d ; 14

RULES OF PROCEDURE:

LAW AT ISSUE:

Articles 14b) et 14d) de la Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers

STRASBOURG CASE-LAW:

Cour Eur. D.H. Arrêt Golder du 21 février 1975, série A n° 18, p. 16, par. 33 ; Arrêt Winterwerp du 24 octobre 1979, série A n° 33, p. 24, par. 60 ; Arrêt Sanchez-Reisse du 21 octobre 1986, série A n° 107, pp. 17, 20, par. 46, 55 Comm. Eur. D.H. Zamir c/Royaume-Uni, rapport Comm. 11.10.83, par. 108 ; No 10227/82, déc. 15.12.83, D.R. 37, p. 93

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 24881/94 présentée par Samie ALI contre la Suisse La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 17 mai 1995 en présence de M.H. DANELIUS, Président MmeG.H. THUNE MM.G. JÖRUNDSSON S. TRECHSEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY MmeM.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 14 septembre 1994 par Samie ALI contre la Suisse et enregistrée le 3 novembre 1994 sous le N° de dossier 24881/94 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, de nationalité somalienne, né en 1975 à Mogadiscio, séjourne actuellement à Fribourg. Devant la Commission, il est représenté par Maître René Monferini, avocat à Fribourg. Les faits de la cause, tels qu'il ont été présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. A.Circonstances particulières de l'affaire Après son entrée en Suisse le 17 novembre 1991, le requérant introduisit le 18 novembre 1991 auprès des autorités administratives une demande d'asile politique. Il bénéficiait déjà d'une autorisation de séjour en Italie, au nom de Jean Bourgeois Samawel, ressortissant djiboutien. A partir de juillet 1992, le requérant fit l'objet de plusieurs procédures pénales. Par jugement rendu le 27 août 1992 par la chambre pénale des mineurs du canton de Fribourg, il fut reconnu coupable de vol et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants. Par jugement du 16 mars 1993, il fut condamné par la même autorité pour vol, complicité de faux dans les titres, ivresse au volant, conduite de moto sans permis et contravention à la loi fédérale sur les transports publics. Le 14 juillet 1993, il fut condamné pour avoir passé illégalement la frontière. Par ailleurs, en mars 1993, il se livra à des actes de violence sur une collaboratrice de la Croix-Rouge, qu'il avait insultée et menacée avec un marteau. Les peines infligées furent une amende et/ou un emprisonnement avec sursis. Le 17 août 1993, l'Office fédéral des réfugiés rejeta la demande d'asile politique du requérant et prononça son renvoi de Suisse. Les nombreux délits qu'il avait déjà commis depuis son arrivée en Suisse conduisirent l'autorité administrative à considérer que la primauté de l'intérêt public à une exécution rapide du renvoi avait justifié le retrait de l'effet suspensif à un recours. Le 18 août 1993, la police cantonale des étrangers de Fribourg mit le requérant en détention en vue de son refoulement. Toutefois, faute de documents de voyage, l'exécution du renvoi n'a pas été possible et le requérant fut relâché le 9 septembre 1993. En septembre 1993, une plainte pénale fut déposée à l'encontre du requérant pour menaces contre deux fonctionnaires de la police des étrangers. Le 28 octobre 1993, la Commission suisse de recours en matière d'asile raya du rôle un recours du requérant contre la décision de refus d'asile et de renvoi, le requérant n'ayant plus de domicile connu. Dès lors, la décision du 17 août 1993 acquit force de chose jugée. Dès novembre 1993, le requérant fit de nouveau l'objet de deux plaintes pénales, l'une pour obtention frauduleuse d'une prestation et l'autre pour menaces. Il fut placé en détention provisoire dans la prison centrale de Fribourg. Le 14 décembre 1993, la police cantonale des étrangers de Fribourg proposa, en application de l'article 14 b) et d) de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), l'internement du requérant, considérant d'une part que l'expulsion du requérant avait été provisoirement impossible et que sa présence dans les structures d'accueil habituelles n'avait plus été envisageable au vu des risques encourus par les personnes appelées à le côtoyer et relevant d'autre part que le requérant avait mis gravement en danger l'ordre public au vu des nombreuses infractions qu'il avait commises. Le requérant a été entendu à ce propos, le 13 décembre 1993, lors d'une audition au cours de laquelle il a déclaré s'opposer à son internement et souhaiter obtenir un délai pour quitter la Suisse. Par décision du 24 décembre 1993, notifiée au requérant le 24 janvier 1994 à la prison centrale, l'Office fédéral des réfugiés ordonna son internement jusqu'au 23 juin 1994, sous réserve d'une levée anticipée, notamment si un document de voyage pouvait être obtenu. L'Office considéra que la succession des délits commis par le requérant depuis son arrivée en Suisse et son comportement en général indiquaient que par sa présence il avait mis gravement en danger l'ordre public. Il releva par ailleurs que le requérant n'avait pas fait valoir d'objection à son internement susceptible d'être retenue et qu'en effet son comportement antérieur avait empêché d'accorder tout crédit à ses déclarations concernant son départ de Suisse de son plein gré. Le 10 février 1994, agissant par la voie du recours de droit administratif, le requérant, sans consulter d'avocat, demanda au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 24 décembre 1993, déclarant vouloir quitter la Suisse au plus tôt. Le 16 février 1994, l'Office fédéral des réfugiés conclut au rejet du recours. Le requérant fut invité à se déterminer au regard de ces conclusions. Le 25 février 1994, l'avocat choisi par le requérant déposa une requête en prolongation de dix jours du délai pour déposer le mémoire. Le 1er mars 1994, le Tribunal fédéral, relevant que dans des affaires de ce genre il devait statuer rapidement, prolongea jusqu'au 8 mars 1994 le délai imparti au requérant pour produire ses conclusions en réponse à celles de l'Office fédéral des réfugiés. Le 8 mars 1994, l'avocat intervint au nom du requérant et déclara que ce dernier renonçait à se déterminer à cet égard. Il déposa en même temps une demande d'assistance judiciaire circonstanciée dans laquelle il fit valoir que l'internement ordonné à l'encontre du requérant n'était pas justifié au sens de l'article 5 par. 1 f) de la Convention, que son droit à s'exprimer oralement devant un tribunal découlant de l'article 5 par. 4 de la Convention avait été violé et que le principe de la publicité des débats garanti par l'article 6 par. 1 de la Convention n'avait pas été respecté. Par arrêt du 14 mars 1994, le Tribunal fédéral rejeta le recours comme étant manifestement mal fondé. Il considéra d'abord que les conditions légales, prescrites par l'article 14 LSEE pour prononcer l'internement du requérant, étaient réunies et que l'internement était justifié au sens de l'article 5 par. 1 f) de la Convention. Il releva en particulier que l'exécution de la décision de renvoi prononcée le 17 août 1993 apparut provisoirement impossible et que le requérant s'était montré incapable de respecter les règles de la vie sociale et de s'adapter à la vie en Suisse à cause de ses difficultés personnelles. Ceci était établi du fait des nombreuses infractions que le requérant avait commises. En ce qui concerne le grief tiré d'une part de la violation du droit à s'exprimer oralement devant le tribunal au sens de l'article 5 par. 4 de la Convention et d'autre part du non-respect du principe de la publicité des débats garanti par l'article 6 de la Convention, le Tribunal releva que : "Les articles 5 par. 4 et 6 CEDH visent tous deux des procédures judiciaires ... L'internement est une mesure administrative ... [Il] ne constitue ainsi pas une sanction, mais une mesure de substitution pour le cas où l'exécution du renvoi n'est momentanément pas possible ... D'ailleurs, le recourant pourrait lui-même mettre fin à son internement de manière prématurée en dévoilant sa véritable identité et en collaborant à la délivrance des papiers nécessaires à son départ. Ainsi, l'internement ne représente pas une sanction pénale, mais une détention administrative aux fins d'expulsion au sens de l'art. 5 par. 1 lettre f CEDH. En l'espèce, il s'agit d'un contrôle judiciaire de la légalité d'une détention au sens de l'art. 5 par. 4 CEDH et non d'un contrôle du bien-fondé d'une accusation en matière pénale. L'art. 6 CEDH n'est donc pas applicable ... Il n'est pas nécessaire que la procédure soit la même dans tous les cas pour lesquels la Convention exige un tribunal ; la procédure de l'art. 5 par. 4 CEDH ne commande en particulier pas le respect des mêmes garanties formelles que la procédure prévue par l'art. 6 par. 1 CEDH ... L'étranger interné peut en tout cas déduire de l'art. 5 par. 4 CEDH le droit d'être entendu. Il peut en outre exiger que la procédure judiciaire se déroule de manière suffisamment contradictoire, ce qui implique notamment le droit de répliquer de manière convenable. En revanche, l'art. 5 par. 4 CEDH ne confère pas de droit inconditionnel à la publicité des débats. Par ailleurs, à la différence du paragraphe 3 de l'art. 5 CEDH ..., le paragraphe 4 ... ne prévoit pas la comparution de l'intéressé à l'audience. En règle générale, il n'est pas non plus nécessaire que l'intéressé puisse s'exprimer oralement devant le tribunal. Le recourant a eu l'occasion de prendre position sur l'internement déjà lors du dépôt de son recours. Par ailleurs, il a eu la possibilité de se déterminer sur la prise de position de l'Office fédéral des réfugiés. Par acte du 8 mars 1994, il a déclaré renoncer à répliquer au motif que la réponse dudit office ne contenait aucun élément nouveau. En revanche, dans sa demande d'assistance judiciaire datée du même jour, il s'est exprimé de manière détaillée sur les conditions juridiques de l'internement. Il n'existe en l'occurrence aucune question de fait ou de droit qui ne puisse être résolue que par l'audition personnelle du recourant. La présente procédure a donc été aménagée de manière suffisamment contradictoire. Il n'existe pas davantage de motifs d'ordonner des débats publics. La procédure écrite est donc suffisante en l'espèce. A noter encore ... que le recourant a eu l'occasion de s'exprimer oralement sur son internement devant les autorités cantonales de police des étrangers." Le dispositif de l'arrêt avait été notifié au requérant le 15 mars 1994 et les motifs le 16 mai 1994. Par jugement du 24 avril 1994, le juge de police de l'arrondissement de la Sarine condamna le requérant à une peine de quarante-quatre jours d'emprisonnement sans sursis ainsi qu'au paiement d'une amende de 50 FS. pour menaces et infractions à la loi fédérale sur le transport public. Par lettre du 21 juin 1994, le service de la police des étrangers et des passeports communiqua au requérant qu'il serait libéré le 23 juin 1994, en lui rappelant son obligation de "tout mettre en oeuvre en vue de se conformer à la décision fédérale de renvoi de Suisse, qui avait été maintenue" et "que la poursuite de son séjour en Suisse ne pouvait pas être tolérée plus longtemps que nécessaire". B.Droit interne pertinent Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) Art. 14 "L'étranger qui a laissé expirer le délai imparti pour son départ ou dont le renvoi ou l'expulsion ne souffre d'aucun retard peut être refoulé sur ordre de l'autorité cantonale compétente. Si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger est exécutoire et s'il y a de fortes présomptions pour que celui-ci entende se soustraire au refoulement, il peut être mis en détention ..." Art. 14a) "Si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée, l'Office fédéral des réfugiés décide d'admettre provisoirement l'étranger ou de l'interner ..." Art. 14b) L'admission provisoire ou l'internement peuvent être proposés par ... l'autorité cantonale de police des étrangers. L'étranger est entendu avant d'être interné. Admission provisoire et l'internement doivent être levés lorsque l'exécution est licite, qu'il est possible à l'étranger de se rendre légalement dans un Etat tiers ou de retourner dans son pays d'origine ou dans le pays de sa dernière résidence et qu'on peut raisonnablement l'exiger de lui. Ces mesures prennent fin lorsque l'étranger quitte la Suisse de son plein gré ou obtient une autorisation de séjour ..." Art. 14d) "L'internement peut être prononcé pour une période de six mois. L'Office fédéral des réfugiés peut en prolonger la durée, à chaque fois pour six mois au maximum. La durée de l'internement ne doit toutefois pas excéder deux ans ; à cette échéance, au plus tard, il doit être remplacé par une admission provisoire. L'Office fédéral des réfugiés interne un étranger dans un établissement approprié, s'il a.Compromet la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse ou la sûreté intérieure d'un canton ; b.Met gravement en danger l'ordre public par sa présence ..."

GRIEFS

1.Le requérant se plaint en premier lieu que l'internement prononcé à son encontre par les autorités administratives suisses, en application de l'article 14 LSEE, ne répondait pas aux exigences de l'article 5 par. 1 f) de la Convention. Il fait aussi valoir qu'il n'aurait été informé de la mesure prise à son encontre que le 24 janvier 1994, alors que la décision d'internement avait été prise le 24 décembre 1993. Il invoque à cet égard l'article 6 par. 3 a) de la Convention. 2.Le requérant se plaint de n'avoir pas eu accès, dans les conditions de l'article 5 par. 4 de la Convention, à un "tribunal" qui aurait pu statuer à "bref délai" sur la légalité de son internement. Il fait valoir à cet égard que le Tribunal fédéral, en tant que seule instance judiciaire habilitée à se prononcer sur la légalité de l'internement, a rendu son arrêt trente-deux jours après sa saisine, sans lui donner l'occasion de s'exprimer oralement. 3.Le requérant se plaint ensuite de ne pas avoir eu la possibilité d'interroger un témoin à charge et de n'avoir été entendu ni oralement ni publiquement dans la mesure où la procédure devant le Tribunal fédéral est exclusivement écrite. Il invoque à cet égard l'article 6 par. 1 et 3 d) de la Convention. 4.Enfin, pour le requérant, l'internement constituerait une distinction fondée sur l'origine nationale dans la mesure où il ne pouvait être prononcé qu'à l'encontre d'un étranger, au mépris de l'article 14 de la Convention.

EN DROIT

1.Le requérant se plaint que l'internement prononcé à son encontre par les autorités administratives, en application de l'article 14 LSEE, ne répondait pas aux exigences de l'article 5 par. 1 f) (art. 5-1-f) de la Convention. Par ailleurs il n'aurait été informé de la mesure prise à son encontre que le 24 janvier 1994, alors que la décision d'internement avait été prise le 24 décembre 1993. Il invoque à cet égard l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de la Convention. La Commission considère que bien que le requérant invoque - en ce qui concerne son deuxième grief - l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de la Convention, elle doit l'examiner sous l'angle de l'article 5 par. 2 (art. 5-2) de la Convention. En l'état actuel du dossier, la Commission estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement suisse, en application de l'article 48 par. 2 b) de son Règlement intérieur. 2.Le requérant se plaint également de n'avoir pas eu accès, au mépris de l'article 5 par. 4 (Art. 5-4) de la Convention, à un "tribunal" qui aurait pu statuer à "bref délai" sur la légalité de son internement. Il fait valoir à cet égard que le Tribunal fédéral, en tant que seule instance judiciaire habilitée à se prononcer sur la légalité de l'internement, a rendu son arrêt trente-deux jours après sa saisine, sans lui donner l'occasion de s'exprimer oralement. L'article 5 par. 4 (art. 5-4) se lit comme suit : "Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale." i.Pour le requérant, la procédure suivie devant le Tribunal fédéral ne répondait pas aux exigences de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention dans la mesure où il n'a pas pu s'exprimer oralement devant cette instance. La Commission rappelle d'abord que les procédures judiciaires relevant de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention ne doivent pas toujours s'accompagner de garanties identiques à celles que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention prescrit pour les litiges civils ou pénaux (cf. Cour eur. D.H., arrêt Winterwerp du 24 octobre 1979, série A No 33, p. 24, par. 60). Elle relève ensuite que la Cour a déjà eu une occasion de se prononcer sur un problème analogue dans l'affaire Sanchez-Reisse (Cour eur. D.H., arrêt du 21 octobre 1986, série A No 107) où il s'agissait d'un recours de mise en liberté introduit par un détenu aux fins d'extradition. Dans cette affaire, la Cour souligna que l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention commande, d'une manière ou d'une autre, le bénéfice d'une procédure contradictoire et releva que la nature exclusivement écrite de la procédure et l'impossibilité pour le détenu de comparaître en personne ne sont pas, en soi, contraires à l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention (ibidem, p. 17 et suiv., par. 46 et suiv.). Dans la présente affaire, la Commission observe que le requérant a eu l'occasion de s'exprimer oralement sur son internement devant les autorités cantonales de police des étrangers et de prendre position ensuite, par écrit, sur l'internement lors du dépôt de son recours de droit administratif. De même, il a eu la possibilité de se déterminer sur la prise de position de l'Office fédéral des réfugiés déposée le 16 février 1994. Toutefois, le 8 mars 1994, il a déclaré renoncer à répliquer, car la réponse de l'Office ne contenait aucun élément nouveau. En revanche, dans sa demande d'assistance judiciaire datée du même jour, il s'est exprimé de manière détaillée sur les conditions de légalité de son internement. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a relevé dans son arrêt du 14 mars 1994 qu'il n'existait, en l'occurrence, aucun point de droit ou de fait qui eût exigé pour sa solution l'audition personnelle du requérant. Par ailleurs, aucun motif ne s'imposait pour l'ouverture d'un débat oral. La Commission considère dès lors qu'au vu des éléments du dossier, la procédure devant le Tribunal fédéral s'est déroulée de façon contradictoire et a pleinement satisfait aux exigences de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention. ii. Le requérant fait valoir également que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit administratif le 10 février 1994 et ayant décidé au fond le 14 mars 1994, n'aurait pas statué à "bref délai" au sens de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention. A cet égard, la Commission rappelle que la notion de "bref délai" ne peut se définir in abstracto. Elle doit s'apprécier à la lumière des circonstances de chaque affaire (cf. arrêt Sanchez-Reisse précité, p. 20, par. 55). En plus, l'Etat doit faire en sorte que la procédure se déroule dans le minimum de temps ; toutefois, il faut tenir compte du déroulement général de la procédure et de la mesure selon laquelle les retards sont imputables à la conduite du requérant ou à ses conseils (cf. Zamir c/Royaume-Uni, rapport Comm. 11.10.83, par. 108). En l'espèce, le requérant, sans consulter un avocat, a saisi le 10 février 1994 le Tribunal fédéral d'un recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral des réfugiés du 24 décembre 1993. Le 16 février 1994, l'Office a conclu au rejet du recours, et le requérant a été invité à se déterminer sur cette réponse. Le 25 février 1994, l'avocat choisi par le requérant a sollicité une prorogation du délai de dix jours pour présenter son mémoire. Le 1er mars 1994, le Tribunal fédéral, rappelant qu'il devait statuer rapidement, n'a accordé une prolongation de délai que jusqu'au 8 mars 1994. Or le 8 mars 1994, l'avocat du requérant déclarait que ce dernier avait renoncé à se déterminer sur le fond. Par arrêt du 14 mars 1994, dont le dispositif a été notifié au requérant le lendemain, le Tribunal fédéral a statué au fond. La Commission estime que compte tenu des circonstances de l'affaire, notamment du comportement du requérant, la période d'un peu plus d'un mois entre l'introduction du recours de droit administratif et l'arrêt du Tribunal fédéral n'a pas dépassé le "bref délai" au sens de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. 3.Le requérant se plaint ensuite de ne pas avoir eu la possibilité d'interroger un témoin à charge et de n'avoir été entendu ni oralement ni publiquement dans la mesure où la procédure devant le Tribunal fédéral était exclusivement écrite. Il invoque à cet égard l'article 6 par. 1 et 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention, qui dispose que : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement (...), par un tribunal, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)" (...) 3. Toute accusé a droit notamment à : d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;" La première question que la Commission est appelée à trancher est de savoir si les garanties de l'article 6 par. 1 et 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention s'appliquent à la procédure en cause. A cet égard, elle rappelle que les termes "bien-fondé de toute accusation en matière pénale", figurant à cet article, concernent la procédure d'examen de la culpabilité ou de l'innocence d'un individu contre qui une telle accusation est élevée (cf. No 10227/82, déc. 15.12.83, D.R. 37 p. 93). Elle note également qu'il n'est pas établi que le droit à la liberté ait un caractère "civil" (cf. Cour eur. D.H., arrêt Golder du 21 février 1975, série A No 18, p. 16, par. 33). La Commission, à l'instar du Tribunal fédéral dans son arrêt du 14 mars 1994, considère que l'internement au sens de l'article 14 LSEE est une mesure administrative de police des étrangers, visant à assurer l'ordre public. Ainsi, il ne s'agit pas d'une sanction pénale ou disciplinaire, mais d'une mesure de substitution dans l'hypothèse où l'exécution de la décision de renvoi est momentanément impossible. Dès lors, la procédure devant le Tribunal fédéral a emporté le contrôle judiciaire de la légalité d'une détention au sens de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention et non d'un contrôle du bien-fondé d'une accusation en matière pénale, relevant de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. En conséquence, la Commission considère que les griefs du requérant déduits de la violation de l'article 6 par. 1 et 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention sont incompatibles ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doivent être rejetés, conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. 4.Enfin, pour le requérant, l'internement aurait constitué une distinction fondée sur l'origine nationale dans la mesure où il ne pouvait être prononcé qu'à l'encontre d'un étranger. La Commission note que ce grief se rapporte aux mêmes faits que celui tiré de l'article 5 (art. 5) de la Convention. Son examen est dès lors également ajourné. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, AJOURNE l'examen des griefs du requérant tirés de l'article 5 par. 1 f) et 2 et de l'article 14 (art. 5-1-f, 5-2, 14) de la Convention, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième chambre Deuxième Chambre (M.-T. SCHOEPFER) (H. DANELIUS)
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