S.A.J. c. Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et son Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés;

Vu la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, modifiée par les lois des 14 juillet 1987, 18 juillet 1991 et 6 mai 1993;

Vu l'arrêté royal du 19 mai 1993 fixant la procédure devant la Commission permanente de recours des réfugiés ainsi que son fonctionnement;

Vu la décision (92/33741/RA6035) du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides prise le 11 août 1994;

Vu la requête introduite auprès de la Commission par pli recommandé à la poste le 24 août 1994;

Vu les convocations notifiées aux parties en date du 9 nombre 1994 pour l'audience du 12 décembre 1994;

Entendu la partie requérante en ses dires et moyens à l'audience publique du 12 décembre 1994, assistée par Maître Luc DENYS, avocat;

Considérant que le requérant expose, en substance, les faits suivants:

qu'il appartient à la minorité chrétienne assyro-chaldéenne;

qu'il fit à plusieurs reprises l'objet de pressions pour qu'il adhère au parti Baath, parti unique au pouvoir;

qu'en 1990, alors qu'il effectuait son service militaire, il aurait été contraint d'introduire une demande d'adhésion au parti ou de compléter un formulaire expliquant les motifs de son refus;

qu'ayant opté pour cette seconde solution, il fut incarcéré durant un mois et ne dut sa libération qu'à l'intervention d'une personnalité influente contactée par son père;

qu'il n'eut pas à subir d'autres mesures de rétorsion jusqu'en janvier 1991, mois au cours duquel il déserta afin de ne pas prendre part à la guerre du Golfe;

qu'à la suite d'une amnistie, il regagna son unité en mars ou avril 1991;

qu'il fut démobilisé en août 1991 et contraint de se présenter quotidiennement auprès du bureau local du Baath;

qu'il décida de quitter le pays par crainte de la répression, ayant constaté la disparition d'autres personnes soumises à la même obligation;

xxx xxx xxx en premier lieu que la décision attaquée, eu égard aux informations disponibles au moment où elle fut prise, a pu légitiment conclure que le requérant n'établissait pas qu'il avait des raisons de craindre d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine;

que néanmoins, elle a pris connaissance, entre-temps, de la promulgation, le 25 août 1994, d'une loi prévoyant l'amputation d'une oreille et l'imposition d'une marque infamante sur le front pour les déserteurs et insoumis (loi n° 115, 25-08-1994);

qu'il ressort des informations disponibles que cette sanction est effectivement appliquée, le prescrit légal étant même dans certains cas outrepassé (amputation d'une main, d'un pied, des deux oreilles… cfr, U.N.H.C.R. "Background Paper on Iraq Refugees and Asylum Seekers", Center for Documentation on Refugees, Geneva, November 1994);

que la manière dont est libellée la loi n'autorise pas à exclure l'existence d'un risque sérieux qu'elle soit appliquée au requérant;

Considérant qu'il est de jurisprudence constante que la Commission doit apprécier le bien-fondé de la crainte eu égard à la situation qui prévaut au moment où elle statue (cfr. notamment, CPRR (1) 91/682/R921, 26-11-92; CPRR (2) 90/293/F130, 28-10-92; Voir aussi J.C. Hathaway, "The Law of Refugee Status", Butterworths, Canada, 1991, p. 74);

Considérant qu'il a déjà été jugé que la crainte de poursuites et du châtiment pour fait de désertion ne ressortit pas, en principe, au champ d'application de la Convention de Genève précitée (cfr. notamment VB (1) 90/374/E27, 26-05-92; CPRR (1) 92/735/R905, 19-11-92);

qu'il convient toutefois d'apprécier si la peine encourue ne revêt pas un caractère disproportionné pour l'un des motifs visés à l'article 1er, section A, par. 2 de la Convention de Genève;

que dans le présent cas d'espèce, il apparaît que le caractère manifestement disproportionné de la sanction est motivé par la dimension politique implicite de la désertion, interprétable dans le contexte particulier de l'Irak comme un désaveu du régime;

Considérant, en conséquence, que les informations dont dispose la Commission amènent à conclure que le requérant a des raisons de craindre d'être persécuté en cas de retour dans son pays;

PAR CES MOTIFS:

LA COMMISSION

-       Statuant contradictoirement;

-       Déclare la demande recevable et fondée; Réforme dès lors la décision rendue le 11 août 1994 par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides;

-       Reconnaît au requérant la qualité de réfugié;

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