P.S.S. c. l'Etat belge

P. S. S.

Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et son Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés;

Vu la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, modifiée par les lois des 14 juillet 1987, 18 juillet 1991 et 6 mai 1993;

Vu l'arrêté royal du 19 mai 1993 fixant la procédure devant la Commission permanente de recours des réfugiés ainsi que son fonctionnement;

Vu la décision (CG/92/61862/RA4837) du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides notifiée le 21 février 1994;

Vu la requête introduite auprès de la Commission par dépôt le 7 mars 1994;

Vu les convocations notifiées aux parties en date du 16 mai 1994 pour l'audience du 17 juin 1994;

Entendu la partie requérante en ses dires et moyens à l'audience publique du 17 juin 1994, assistée par Maître Renée PETHUYNE MOLAVY, avocate;

Considérant que la requérante maintient, pour l'essentiel, ses déclarations antérieures, telles que résumées dans la décision attaquée;

qu'elle expose avoir quitté son pays pour échapper à diverses mesures d'intimidation ou de discrimination liées à son appartenance à la minorité chrétienne chaldéenne;

que ces discriminations récurrentes auraient revêtu après le déclenchement de la guerre du Golfe un caractère de gravité tel que l'existence dans son pays lui devint intolérable;

qu'elle ajoute que sa situation de veuve vivant avec deux filles non mariées la plaçait dans une situation de fragilité extrême dans ce contexte de montée des tensions nationalistes;

Suite N° 1 de la décision N° 94/224/F276

Considérant que la Commission note que les sources d'informations disponibles quant à la situation des minorités chrétiennes en Irak ne sont pas toujours dénuées d'ambiguïté;

que cela paraît notamment dû à l'attitude de la hiérarchie religieuse qui tantôt dénonce certaines persécutions et tantôt s'efforce de les minimiser, selon toute apparence afin de dissuader l'exode de ses ouailles;

qu'il en ressort, en toute hypothèse, que les populations chrétiennes du Kurdistan parmi lesquelles comptent les Chaldéens ont eu particulièrement à souffrir de la répression qui a frappé la région en 1988-89 (cfr Human Rights Watch/Middle East Watch "Genocide in Irak", New-york, 1993, pp. 312 à 317);

que par ailleurs, de manière générale, la guerre du Golfe apparaît avoir eu pour effet d'exacerber les tensions communautaires et de placer les chrétiens dans une situation très difficile;

que certaines sources n'excluent pas que le gouvernement ait même encouragé l'hostilité croissante de la population à leur égard (cfr. British Refugee Council, The Gulf information Project: "Christians and Turcomans in Iraq", Londres, janvier 1994);

que par ailleurs, une source digne de foi fait état d'informations et de témoignages selon lesquels les Assyriens (dont les Chaldéens sont un sous-groupe) "auraient constamment subi des persécutions depuis l'arrivée au pouvoir du parti Baas" ("Rapport sur la situation des droits de l'homme en Iraq établi par M. Max van der Stoel, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, conformément à la résolution 1991/74 de la Commission", E/CN.4/1992/31, 18-02-1992);

qu'en conséquence, si la Commission n'estime pas pouvoir conclure à l'existence d'une persécution de groupe, à tout le moins pour les chrétiens ne vivant pas dans les zones frappées par la répression de l'insurrection kurde, elle tient néanmoins pour plausible que depuis la guerre du Golfe la minorité chrétienne s'est trouvée confrontée à un climat d'hostilité et à des discriminations encouragées ou tolérées par le gouvernement;

que cette situation a pu se trouver aggravée dans le cas de personnes provenant d'une partie du pays entrée en rébellion, à savoir le Kurdistan; et ce même lorsque, comme la requérante, elles n'y vivaient pas;

Considérant, par ailleurs, que la Commission observe que la requérante et ses filles ont quitté leur pays d'origine de manière illégale;

qu'elle a pris connaissance d'un courrier adressé par "Amnesty International Vlaanderen" au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides dans lequel il est expliqué qu'un demandeur d'asile refoulé en Irak pourrait risquer d'être persécuté du seul fait de sa défection, son geste étant implicitement considéré comme une manifestation d'opposition au régime;

Suite N° 2 de la décision N° 94/224/F276

qu'elle estime qu'il existe un risque sérieux qu'en raison de son départ irrégulier, la requérante fasse l'objet de sanctions disproportionnées en cas de retour dans son pays, eu égard aux différentes circonstances propres au présent cas d'espèce, en particulier le fait que la requérante est originaire d'une région en rébellion et appartient à une minorité suspecte de connivence avec l'ennemi;

qu'il a déjà été jugé que "lorsque le départ irrégulier (…) est perçu par les autorités comme un acte revêtant une portée politique implicite, le risque de sanctions graves en cas de retour peut constituer le fondement objectif d'une crainte au sens de l'article 1er, section A, par. 2 de la Convention de Genève précitée" (CPRR (2) 92/040/F080, 4 mars 1992; pour des développements en doctrine et en jurisprudence internationale" de ce principe cfr. J.C. Hathaway "The Law of Refugee Status", Butterworths, Toronto et Vancouver, 1991, pp. 40 ss., R. Fernhout "Erkenning en toelating als vluchteling in Nederland", Kluwer, Deventer, 1990, pp. 86 et ss);

que la Commission est d'avis que tel est le cas en l'espèce;

PAR CES MOTIFS:

LA COMMISSION

-           Statuant contradictoirement;

-           Déclare la demande recevable et fondée;

Réforme dès lors la décision rendue le 18 février 1994 par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides;

-           Reconnaît à la requérante la qualité de réfugiée;

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