Manou c/ Etat belge

Vu la requête introduite le 4 février 1992 par Oumarou Manou, de nationalité nigérienne, qui demande la suspension d'extrême urgence de l'exécution de la décision du 31 janvier 1992 rejetant la demande urgente de réexamen du requérant et tendant à le refouler en Algérie;

(…)

Considérant que le requérant est entré en Belgique le 19 janvier 1992 et a demandé la qualité de réfugié politique, demande qui a été rejetée le 23 janvier 1992 puis, sur demande urgente de réexamen et après avis défavorable au séjour émis par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, par la décision attaquée du 31 janvier 1992;

Considérant qu'en vertu de l'article 17, 2, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, "la suspension de l'exécution ne peut être ordonnée que si les moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué sont invoqués et à condition que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement risque de causer un préjudice grave difficilement réparable";

Considérant que l'urgence de la demande était justifiée par l'intention de la partie adverse de refouler le requérant dès le 7 février 1992; qu'en raison de la procédure intentée, la partie adverse a toutefois suspendu, de sa propre autorité, la mesure d'éloignement;

Considérant que le requérant critique notamment la manière dont il a été interrogé la première fois par l'Office des étrangers;

Considérant que la partie adverse répond qu'une brochure bilingue (français, néerlandais) est mise à la disposition des candidats réfugiés dès leur arrivée, brochure "indiquant la procédure à suivre en la matière avec mention des délais et des formes sous lesquelles celle-ci doit se dérouler", qu'en outre "des informations orales en anglais sont données par un responsable du centre 127";

Considérant qu'il n'est pas contesté que le requérant est de langue haoussa; qu'il soutient, par la voix de son avocat, ne connaître aucune autre langue et même être illettré;

Considérant qu'il résulte de la comparution personnelle du requérant, qui a confirmé en tous points les affirmations reprises dans sa requête, que lors de son arrivée il a été fait appel à un autre candidat réfugié ayant quelques notions de langue haoussa, se trouvant au centre 127, pour traduire ses paroles en néerlandais; que la partie adverse ne conteste pas ce fait qu'elle explique par les difficultés qu'il y a à trouver dans un bref délai des interprètes pour des langues ou dialectes peu répandus; qu'il reste que le requérant n'a pas pu exposer son cas avec les mêmes chances d'être entendu que les autres candidats réfugiés; que le moyen paraît sérieux;

Considérant, quant au préjudice grave difficilement réparable, que la partie adverse se propose de refouler le requérant vers Alger d'où il venait; qu'il est évident que de là il serait renvoyé au Niger où sa vie serait menacée si ce qu'il dit, et qui reste à vérifier, est exact;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat sont réunies; que la requête en suspension est fondée,

Décide:

Article unique.

La suspension de l'exécution de l'acte attaqué est ordonnée.

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