Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Bélarus

Contexte politique

En 2007, le régime autoritaire du Président Aleksandre Loukachenko a continué de réprimer toutes celles et tous ceux qui luttent pour la démocratie et le respect des droits de l'Homme au Bélarus. Selon le Centre des droits de l'Homme "Viasna", 617 personnes ont ainsi été arrêtées et fait l'objet de poursuites judiciaires pour avoir participé, pour la plupart, à des manifestations. Comme en 2006, de nombreuses manifestations ont été violemment réprimées, les manifestants ont été passés à tabac par la police puis arrêtés. Les autorités bélarusses n'ont pas non plus hésité à faire licencier ou à exclure des universités certains défenseurs.

La liberté d'expression a également été mise à mal et les autorités ont réprimé les opposants politiques – notamment par le biais d'arrestations administratives suivies de peines de plusieurs jours d'emprisonnement. En outre, plusieurs opposants politiques ont continué de purger de longues peines de prison.

L'impunité reste par ailleurs la règle, notamment eu égard à l'absence de progrès dans les enquêtes sur les disparitions d'opposants politiques en 1999-20001 et sur l'implication éventuelle de hauts responsables d'État dans ces faits. Par ailleurs, après avoir adopté des sanctions en avril 2006 en réaction aux violations massives des droits de l'Homme et de l'État de droit commises au Bélarus, notamment suite au référendum portant modification de la Constitution de 2004 organisé pour permettre au Président de briguer un troisième mandat, aux élections de 2006 marquées par de graves irrégularités et à la situation préoccupante des opposants politiques, l'Union européenne a reconduit ces sanctions en avril 2007 contre plusieurs responsables bélarusses en prolongeant leur interdiction d'accès au territoire européen et la gelée de leurs fonds. Des sanctions similaires ont également été prises par les États-Unis.

D'autre part, le Bélarus demeure le dernier pays d'Europe à appliquer la peine de mort. Si le nombre de condamnations et d'exécutions n'est pas rendu public, les communications du ministère de la Justice laissent penser qu'en 2007 au moins quatre personnes ont été condamnées à la peine capitale.

Enfin, le contrôle politique sur les institutions est quasi-total, les pouvoirs judiciaire et législatif étant entièrement dépendants de l'exécutif. De plus, le Comité de sécurité de l'État (KGB) suit de près l'activité des ONG et le système repose sur "l'idéologie d'État", une doctrine enseignée dans les universités et imposée jusque dans les entreprises. Dans un tel contexte, l'engagement des défenseurs bélarusses en faveur des valeurs démocratiques leur a généralement valu des accusations de partialité par les autorités, qui tendent à présenter leurs actions comme étant "politiquement motivées".

Poursuite de la non reconnaissance légale des organisations de défense des droits de l'Homme

En 2007, les autorités bélarusses ont continué de refuser systématiquement de procéder à l'enregistrement des organisations de défense des droits de l'Homme, les maintenant ainsi en situation d'illégalité, ce qui réduit considérablement leur champ d'action et compromet leur efficacité. En outre, l'absence d'enregistrement permet de laisser planer sur les membres de ces ONG une menace de poursuites pénales qui peuvent être engagées à tout moment pour "activité dans le cadre d'une organisation non enregistrée" (en application de l'article 193 du Code pénal). En 2007, le Comité bélarusse d'Helsinki demeure ainsi la seule ONG de défense des droits de l'Homme à posséder un statut légal. Des enregistrements ont été refusés sous des prétextes fallacieux, entre autres à l'association "Liquidateur", qui défend les droits des personnes employées pour remédier aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl et irradiées lors de ces travaux, et à l'association "Pour la liberté".

D'autre part, les autorités bélarusses ont continué de ne pas respecter les obligations qui leur incombent en vertu des instruments internationaux des droits de l'Homme qu'elles ont ratifiés. Ainsi, en juillet 2007, le Comité des droits de l'Homme de l'ONU a examiné le cas du Centre des droits de l'Homme "Viasna", dissout en 2003, et a enjoint les autorités bélarusses à procéder à l'enregistrement de cette organisation et à prendre des mesures pour cesser les violations de la liberté d'association.2 Malgré cette décision, le ministère de la Justice a refusé de réenregistrer Viasna en août 2007, une décision qui a été confirmée en appel par la Cour suprême en octobre 2007.

Arrestations préventives à la veille de manifestations : une nouvelle "arme" juridique à l'encontre des défenseurs

Comme en 2006, la situation des droits de l'Homme en 2007 s'est détériorée lors des élections locales de janvier 2007 ainsi que pendant les grandes manifestations de protestation. L'année 2007 a en outre été marquée par l'utilisation d'une nouvelle méthode répressive à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme : les arrestations préventives de défenseurs la veille des manifestations, suivies de condamnations à des peines de détention de courte durée, qui ont eu pour conséquence de gravement compromettre leurs activités d'observation de ces manifestations. Ainsi, en janvier 2007, M. Pavel Levinaù, membre du Comité bélarusse d'Helsinki, a été arrêté la veille des élections locales, alors qu'il a été l'un des principaux organisateurs de la campagne d'observation à Vitebsk. De même, la veille de la manifestation du 25 mars 2007 célébrant l'anniversaire de la proclamation de la République populaire bélarusse, MM. Vladimir Vialitchkin et Valery Poutitsky, membres de Viasna, ont été arrêtés respectivement à Brest et à Retchitsa, placés en détention préventive, puis accusés de "hooliganisme" et condamnés à des amendes. En octobre 2007, la veille de la "Marche européenne", manifestation en faveur du rapprochement du Bélarus avec les pays européens, qui appelait à un plus grand respect des droits de l'Homme, toute une série d'arrestations a eu lieu, notamment de membres de Viasna, de l'association "Pour la liberté" et de l'Union des Polonais du Bélarus. Toutes ces arrestations préventives ont été suivies de condamnations à des peines administratives.

Interdiction des manifestations en faveur des droits de l'Homme

Par ailleurs, la liberté de réunion au Bélarus a continué d'être sérieusement entravée, les autorités interdisant de façon systématique la tenue des manifestations sous des prétextes fallacieux, la plupart du temps évoquant la difficulté de "préserver l'ordre public". Ainsi, en août 2007, les autorités de Grodno ont interdit à M. Raman Yourgel et Mme Sviatlana Roudkoùskaïa, membres du Comité bélarusse d'Helsinki, d'organiser une manifestation en faveur de la libération de prisonniers politiques. Par ailleurs, le 23 septembre 2007, les antennes locales de Viasna à Baranovitchi, Vitsebsk, Brest et Orcha se sont vues refuser le droit d'organiser la célébration de l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme.

Condamnations à des peines administratives

Alors qu'en 2006 de nombreux défenseurs avaient été condamnés par des juridictions pénales à des peines de prison, aucun défenseur bélarusse ne l'a été en 2007, ces condamnations étant sans doute jugées trop médiatisées et donc provoquant de fortes réactions de la communauté internationale. La stratégie a alors surtout consisté à utiliser contre les défenseurs des articles du Code administratif tels que ceux relatifs à l'"hooliganisme", aux "injures dans un lieu public" ou encore aux "insultes envers un agent de l'État". Ainsi, la majorité écrasante des arrestations de défenseurs en 2007 a été suivie de condamnations à des amendes et à des peines d'emprisonnement n'excédant pas 15 jours, avec des chefs d'accusations inventés de toutes pièces et une condamnation fondée uniquement sur des témoignages de policiers qui avaient procédé à l'arrestation des défenseurs.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 M. Viktor Gontchar, homme politique d'opposition, et M. Anatoli Krassovsky, homme d'affaires, ont disparu le 16 septembre 1999, M. Youri Zakharenko, ancien Ministre de l'Intérieur passé à l'opposition, a été enlevé le 7 mai 1999, et M. Dmitry Zavadsky, journaliste et ancien cameraman du Président Loukachenko, a disparu le 7 juillet 2000.

2 Cf. communication n° 1296/2004 du Comité des droits de l'Homme des Nations unies, 24 juillet 2007.

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