Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Mexique

Contexte politique

Après avoir été élu en 2006 à la présidence, au terme d'un scrutin contesté et émaillé par des accusation de fraudes, M. Felipe de Jesús Calderón Hinojosa, issu du Parti d'action nationale (Partido Acción Nacional – PAN), et son Gouvernement se sont caractérisés en 2007 par une ligne dure, avec une forte tendance à la répression de toute forme de contestation. De plus, contrairement au Programme national des droits de l'Homme (PNDH) qui avait été élaboré en 2005 en concertation avec la société civile et le Haut commissariat aux droits de l'Homme de Nations unies, le nouveau PNDH a été mis en place en 2007 sans que les ONG n'aient véritablement la possibilité d'influer sur son contenu, et le Haut commissariat en a quant à lui été exclu.

Quelques avancées législatives doivent cependant être soulignées avec l'adoption, entre autres, de textes en matière d'exploitation sexuelle des enfants ; de la Loi pour prévenir, sanctionner et éradiquer la violence contre les femmes ; et de la Loi pour la prévention et la sanction de la traite des personnes. En ce qui concerne la liberté d'expression, le bilan est mitigé, le Président Felipe Calderón ayant promulgué, le 12 avril 2007, la dépénalisation au niveau fédéral des délits de "calomnie", d'"injure" et de "diffamation", ce qui oblige les États du Mexique à modifier leurs législations en conséquence. Néanmoins, on note également une tendance plus répressive à l'égard des journalistes.

En mars 2007, le Président Felipe Calderón a par ailleurs présenté un projet de réforme constitutionnelle particulièrement répressive en matière de justice pénale, afin de mettre en place un régime d'exception pour lutter contre la délinquance organisée, ainsi que d'élargir les compétences du ministère Public, lui permettant en particulier de surveiller les communications téléphoniques, de perquisitionner et d'imposer la mise en résidence surveillée sans mandat. En revanche, il convient de noter qu'il est prévu la mise en place d'une procédure pénale accusatoire, orale, contradictoire et publique, la création de juges chargés de contrôler la légalité des procédés du ministère Public, le renforcement et la consécration constitutionnelle des droits de la défense en y inscrivant les droits à la présomption d'innocence, à une défense appropriée et à garder le silence. Fin 2007, ce projet n'avait toujours pas été adopté.

Par ailleurs, alors que la torture reste une pratique courante au Mexique, le système judiciaire échoue encore trop souvent à rendre justice aux victimes de violations de droits de l'Homme et de crimes violents. En outre, de nombreux prisonniers restent détenus sans avoir été condamnés, attendant généralement pendant des années avant d'être jugés, ce qui est à l'origine d'une véritable surpopulation carcérale.

D'autre part, dans l'ensemble du pays, la présence de l'armée a été renforcée, sous couvert de la lutte contre la criminalité organisée, et ce en violation du droit international et régional des droits de l'Homme. Ainsi, dans l'État des Chiapas, les effectifs des forces de l'ordre ont été augmentés pour contenir les revendications des peuples autochtones, entraînant ainsi une crispation de la situation dans cette région.

Enfin, dans l'État de Oaxaca, le conflit social qui avait débuté en juin 2006 afin de demander une amélioration des conditions de travail ainsi que la démission du gouverneur s'est poursuivi, tout comme les arrestations arbitraires, les menaces, les violences et les actes d'intimidation à l'encontre des sympathisants de l'Assemblée populaire du peuple de Oaxaca (Asamblea Popular de los Pueblos de Oaxaca – APPO).1

Actes d'intimidation à l'encontre des défenseurs qui dénoncent les détentions arbitraires et les abus des forces de l'ordre

En 2007, celles et ceux qui ont cherché à dénoncer les détentions arbitraires et les abus et exactions commis par les forces de sécurité ont été victimes de multiples représailles. Par exemple, le 28 mai 2007, Mme Mayem Pilar Arellanes Cano, avocate membre du Comité de libération du 25 novembre, qui offre un soutien juridique aux détenus, et du Collectif d'avocats et avocates victimes et représentant(e)s de victimes de détentions arbitraires (Colectivo de Abogados y Abogadas Víctimas y Representantes de Víctimas de Detenciones Arbitrarias), a été insultée et menacée de mort à plusieurs reprises par six inconnus.

M. Alejandro Cerezo Contreras, M. Francisco Cerezo Contreras et Mme Emiliana Cerezo Contreras, membres fondateurs du Comité Cerezo, une organisation oeuvrant à la défense des droits des prisonniers politiques et de conscience au Mexique, ont également reçu des menaces de mort à plusieurs reprises en 2007. Ces menaces ont fait suite à la dénonciation, par le Comité Cerezo, de l'arrestation et de la disparition de deux militants du Parti démocratique populaire révolutionnaire (Partido Democrático Popular Revolucionario – PDPR) lors de manifestations ayant eu lieu dans la ville de Oaxaca en mai 2007.

D'autre part, le 6 septembre 2007, le corps de M. Ricardo Murillo Monge, militant du Front civique du Sinaloa (Frente Cívico Sinaloense), une ONG qui dénonce, entre autres, des cas ayant trait à la sécurité publique et aux conditions de détention en prison dans la zone de conflit du triangle d'or, a été retrouvé près du bureau du procureur de l'État de Sinaloa. M. Murillo Monge enquêtait notamment sur des cas d'abus commis par les forces de sécurité dans le cadre d'opérations menées contre le crime organisé.

Par ailleurs, les journalistes qui ont dénoncé des policiers soupçonnés de corruption et d'accointances avec le crime organisé ont également payé de leur vie leur travail d'investigation.2 Ainsi, le 6 avril 2007, M. Amado Ramírez Dillanes, journaliste à Radiorama, a été assassiné à Acapulco (État de Guerrero). M. Ramírez était connu pour ses enquêtes sur les liens supposés entre la police et les narcotrafiquants. De même, M. Saúl Martínez Ortega, directeur de la revue Interdiario et journaliste au quotidien Diario de Agua Prieta (État de Sonora), a été retrouvé mort le 23 avril 2007, dans l'État de Chihuahua. M. Saúl Martínez Ortega, qui avait été enlevé le 16 avril, enquêtait sur le rapt et l'assassinat, le 13 mars 2007, d'une de ses sources d'information, un ancien policier municipal d'Agua Prieta.

Représailles à l'encontre des défenseurs du droit à l'environnement et des communautés autochtones

Les défenseurs qui ont cherché à défendre le droit à l'environnement et des communautés autochtones, souvent en s'opposant à de puissants intérêts économiques, ont fait l'objet de multiples actes de harcèlement : menaces, agressions physiques, poursuites judiciaires, etc. Ainsi, le 15 mai 2007, MM. Aldo Zamora et Misael Zamora, les deux fils de M. Ildefonso Zamora, militants contre le déboisement illégal des forêts, dans la zone du Parc national des lagunes de Zempoala, ont été victimes d'une attaque armée à Santa Lucia, département d'Ocuilán, État de Mexico. M. Aldo Zamora est décédé et son frère Misael a été très grièvement blessé. Deux des agresseurs présumés seraient connus pour être impliqués dans la taille illégale d'arbres. De même, le 4 juillet 2007, M. Santiago Pérez Alvarado, avocat et dirigeant de la communauté des Mazahuas, a été violemment arrêté et frappé par quatre hommes en civil. M. Pérez Alvarado, qui apporte son soutien aux paysans et populations indigènes de la Vallée de Toluca et du sud-est de l'État de Mexico dans leur lutte contre divers projets hydrauliques ou de développement, a ensuite été conduit à la prison de la localité, d'où il a été libéré, le lendemain, en raison de la prescription des faits pour lesquels il avait été arrêté. Cependant, il a de nouveau été appréhendé pour une autre affaire en cours dans le district de Temascaltepec, où il a alors été transféré.

Actes de harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits des ouvriers, des paysans et des migrants

Les défenseurs des droits des ouvriers, des paysans et des migrants n'ont pas été épargnés par la répression. Ainsi, le 9 avril 2007, le corps sans vie de M. Santiago Rafael Cruz, organisateur du "Forum du travail de l'ouvrier paysan" (Foro Laboral del Obrero Campesino AC – FLOC), une organisation de défense des droits des travailleurs basée aux États-Unis, a été retrouvé dans les bureaux du FLOC à Monterrey (État de Nuevo León). Par ailleurs, à plusieurs reprises, les membres de l'organisation Sans frontières (Sin Fronteras), qui vient en aide aux populations migrantes et participe activement à la création de politiques plus adéquates en matière de migrations, ont fait l'objet d'actes de harcèlement par des membres de l'Institut national des migrations (Instituto Nacional de Migración – INM). Ainsi, l'INM a produit un rapport dénigrant le travail de Sans frontières, après que l'organisation eut porté plainte contre l'Institut en raison de limitations d'accès de ses avocats au centre d'immigration de Mexico DF. En outre, le 20 mai 2007, une assistante de l'ONG a fait l'objet d'un contrôle d'identité à l'aéroport de Mexico DF, alors qu'elle s'apprêtait à prendre un vol pour Tapachula afin d'y réaliser une enquête concernant les conditions de sécurité et la situation des adolescents retenus au centre d'immigration de cette ville.

Actes de harcèlement à l'encontre des femmes défenseures

Les femmes mexicaines qui luttent en faveur des droits des femmes et pour leur droit à la justice ont elles aussi fait l'objet de multiples actes d'intimidation afin de les dissuader de poursuivre leurs activités. Ainsi, les membres de l'association "Puissent nos filles rentrer à la maison" (Nuestras Hijas de Regreso a Casa), une organisation qui milite pour que justice soit rendue aux femmes enlevées et assassinées à Ciudad Juárez (État de Chihuahua), ont fait l'objet d'insultes, de menaces et d'actes de harcèlement en raison de leurs activités. Par exemple, le 10 juin 2007, Mmes Maria Luisa García Andrade et Marisela Ortíz Rivera, membres de cette association, ont reçu des menaces et des insultes par courriers électroniques. Le 22 juin, Mme Ortíz a de nouveau reçu des menaces de mort.3 De même, le 7 mai 2007, Mme Lydia Cacho Ribeiro, présidente du Centre de crise pour les victimes – Centre intégral d'attention aux femmes (Centro de Crisis para Víctimas-Centro Integral de Atención a las Mujeres – CIAM) à Cancún (État de Quintana Roo), a été victime d'une tentative d'assassinat. Le 2 mai 2007, Mme Cacho avait témoigné lors d'un procès contre un entrepreneur, poursuivi pour prostitution infantile et traite d'enfants. Lors de cette audience, cet entrepreneur l'avait menacée.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. rapport annuel 2006 de l'Observatoire.

2 A cet égard, la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH) a tenu une réunion sur la liberté d'expression au Mexique lors de sa 128e session (16-27 juillet 2007), et a tenu à exprimer son inquiétude quant au manque de sécurité dont font l'objet les journalistes et quant à l'augmentation alarmante de meurtres, d'attaques et de menaces à leur encontre ces dernières années (Cf. communiqué de presse n° 40/07, 1er août 2007).

3 Cf. Nuestras Hijas de Regreso a Casa.

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