République de Somalie
CHEF DE L'ÉTATAbdullahi Yusuf Ahmed, président du gouvernement fédéral de transition
PREMIER MINISTREAli Mohammed Ghedi, remplacé provisoirement par Salim Aliyow Ibrow le 29 octobre, remplacé à son tour par Nur Hassan Hussein le 24 novembre
Peine de mortmaintenue
Population8,8 millions
Espérance de vie47,1 ans
Mortalité des moins de cinq ans (M/F ‰)192 / 182 ‰

La crise humanitaire s'est exacerbée au cours de l'année. La Somalie n'avait pas de véritable gouvernement fédéral ni de système judiciaire centralisé. Les flambées de violence régulières ont provoqué la mort de plusieurs milliers de civils. À la fin de l'année, il y avait plus d'un million de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Plusieurs milliers de personnes ont été détenues par des milices et par la police en dehors de toute procédure judiciaire officielle. Les défenseurs des droits humains et les journalistes étaient menacés. Dans le nord-ouest du pays, la République autoproclamée du Somaliland, dont l'indépendance n'était pas reconnue par la communauté internationale, connaissait une stabilité relative.

Contexte

Les violences ont connu une recrudescence à la suite de la défaite, à la fin de décembre 2006, des troupes du Conseil des Tribunaux islamiques. Après avoir contrôlé Mogadiscio pendant plusieurs mois, celles-ci ont en effet été vaincues par les forces éthiopiennes qui soutenaient le gouvernement fédéral de transition. En mars et en avril, des opérations anti-insurrectionnelles ont été menées par des troupes sous commandement éthiopien pour réprimer un soulèvement à Mogadiscio ; des combats intenses ont repris au cours du dernier trimestre de l'année. Plus de 6 000 personnes ont trouvé la mort dans le cadre du conflit et des centaines de milliers d'autres, dont 600 000 habitants de Mogadiscio, ont été déplacées. Des milliers de Somaliens se sont réfugiés à l'étranger. Toutefois, la frontière kenyane est restée officiellement fermée durant toute l'année aux personnes qui fuyaient les combats dans le sud-ouest et le centre de la Somalie.

Des responsables du gouvernement fédéral de transition se sont installés à Mogadiscio au début de l'année, mais la plupart des ministres et des membres du Parlement fédéral de transition sont restés à Baidoa, une ville située à quatre-vingts kilomètres à l'ouest de la capitale. Le gouvernement fédéral de transition n'est pas parvenu à rétablir la paix ni à exercer le pouvoir à Mogadiscio. Une conférence de réconciliation nationale tenue dans la capitale entre août et octobre a été boycottée par les opposants au gouvernement fédéral de transition ainsi que par d'anciens dirigeants des Tribunaux islamiques. En septembre, certains de ces opposants ont formé en Érythrée l'Alliance pour une nouvelle libération de la Somalie, affirmant leur soutien aux insurgés et dénonçant en particulier la présence militaire éthiopienne en Somalie.

En janvier, les Nations unies ont mis en place la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM). L'Ouganda a fourni 1 600 militaires –  soit moins d'un cinquième des effectifs de cette force multinationale de maintien de la paix, prévue pour fonctionner avec 8 000 hommes  – , qui ont été rejoints en décembre par un plus petit contingent burundais. La présence de cette force n'a eu qu'un impact limité sur la situation des droits humains. L'Union africaine et les Nations unies envisageaient une opération de maintien de la paix de l'ONU pour remplacer les troupes éthiopiennes et celles de l'AMISOM. En raison de l'intensité du conflit, le Conseil de sécurité a toutefois rejeté cette initiative en novembre. L'embargo sur les armes décrété par les Nations unies était systématiquement violé.

La mise en œuvre du processus de transition d'une durée de cinq ans, qui devait permettre de passer d'un État désintégré à un régime démocratique élu en 2009, a été retardée. Un nouveau gouvernement était en cours de formation en décembre, après le limogeage de l'ancien Premier ministre par le président.

Somaliland

La République du Somaliland, autoproclamée en 1991, réclamait toujours sa reconnaissance par la communauté internationale. Les combats ont brièvement repris, en octobre, à proximité de la ville de Las Anod, dans une région revendiquée par le Somaliland et le Puntland, un État régional semi-autonome du nord-est de la Somalie. Plusieurs personnes ont trouvé la mort lors d'affrontements entre des milices liées à des clans rivaux qui ont dégénéré en conflit entre les autorités des deux territoires. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été déplacées à la suite des combats.

Conflit armé

Le conflit qui opposait à Mogadiscio les insurgés au gouvernement fédéral de transition soutenu par les troupes éthiopiennes a été marqué par des violations nombreuses du droit international humanitaire. Des attaques aveugles et disproportionnées ont notamment été menées contre des quartiers d'habitation en représailles aux raids des insurgés.

En janvier, des dirigeables américains ont attaqué dans le sud-ouest du pays les troupes restantes du Conseil des Tribunaux islamiques qui avaient fui Mogadiscio. Plusieurs dizaines de civils ainsi que des combattants du Conseil des Tribunaux islamiques auraient trouvé la mort à la suite de cette attaque.

En mars et en avril, les troupes éthiopiennes ont lancé des attaques contre certaines zones de Mogadiscio, qui ont entraîné la mort de plusieurs centaines de civils. Ces troupes ont également été accusées d'exécutions extrajudiciaires et de viols de civils commis durant les opérations anti-insurrectionnelles menées à partir d'octobre, à la suite de l'échec de la conférence de réconciliation nationale.

Justice et état de droit

En janvier, le Parlement fédéral de transition a approuvé l'imposition de l'état d'urgence pour une durée de trois mois. Celle-ci n'a pas été renouvelée. Il a également mis en place une Agence nationale de sécurité.

Les Nations unies ont apporté leur soutien au rétablissement de la justice et du maintien de l'ordre à Mogadiscio ainsi que dans d'autres zones moins touchées par le conflit mais, globalement, il n'existait toujours pas d'état de droit ni de système judiciaire dans le pays. Des opposants au gouvernement fédéral de transition et des insurgés présumés ont été régulièrement détenus de manière arbitraire, tout particulièrement durant les opérations anti-insurrectionnelles. Plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées par les milices et la police du gouvernement fédéral de transition, en l'absence de toute procédure juridique reconnue et au mépris des règles d'équité. En juillet, le gouvernement fédéral de transition a proclamé une amnistie générale pour les insurgés, mais les arrestations ont repris en octobre dans le cadre de nouvelles opérations militaires. La plupart des personnes interpellées ont été remises en liberté au bout de quelques semaines, le plus souvent après le versement d'un pot-de-vin. Beaucoup ont été détenues à la prison centrale de Mogadiscio dans des cellules surpeuplées et insalubres. D'autres ont été incarcérées dans des lieux de détention non reconnus, sans que leur famille soit informée de leur sort.

  • Ahmed Diriye Ali, chef d'un conseil clanique hawiye, a été arrêté à Mogadiscio en novembre et maintenu en détention secrète, sans inculpation ni jugement, pour des motifs politiques. Ses proches n'ont pas été autorisés à lui faire parvenir des médicaments pour le diabète et l'hypertension.
  • En avril, la directrice de l'organisation féminine Saacid à Mogadiscio, Raha Janaqow, a été placée en détention durant plusieurs jours dans une prison secrète.
  • Idris Osman, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies à Mogadiscio, a été arrêté en octobre par des membres des forces de sécurité du gouvernement fédéral de transition. Il a été maintenu au secret pendant plusieurs jours sans inculpation et sans qu'aucune explication ne lui soit fournie.

Liberté d'expression

Défenseurs des droits humains

Les défenseurs des droits humains étaient exposés à de graves menaces de toutes les parties au conflit.

  • Isse Abdi Isse, fondateur et directeur de Kisima, une organisation de défense des droits humains basée à Kismaayo, a été assassiné en mars à Mogadiscio.
  • Le président de la Cour suprême, Yusuf Ali Harun, a été arrêté à Baidoa en octobre après avoir déclaré que le limogeage du Premier ministre Ali Mohamed Ghedi par le président était contraire à la Constitution. Le gouvernement fédéral de transition l'a accusé par la suite de corruption, et notamment de détournement de fonds des Nations unies, accusation qu'il a rejetée.
  • Au Somaliland, trois dirigeants du parti d'opposition Qaran ont été condamnés en août à trois ans et neuf mois d'emprisonnement pour réunion séditieuse. Ces hommes, qui se sont vu en outre interdire de mener des activités politiques durant cinq ans, n'ont pas bénéficié d'un procès équitable. Déclarés coupables d'outrage au tribunal, leurs avocats ont été condamnés à une amende ainsi qu'à l'interdiction d'exercer leur profession pour une durée d'un an. Amnesty International considérait Mohamed Abdi Gabose, Mohamed Hashi Elmi et Jamal Aideed Ibrahim comme des prisonniers d'opinion. Graciés par le président, ils ont été remis en liberté en décembre, mais l'interdiction de mener des activités politiques n'a pas été levée.

Journalistes

Des dizaines de journalistes ont été incarcérés durant de courtes périodes et plusieurs agences de presse ont été brièvement fermées. Huit journalistes ont été assassinés au cours de l'année ; certains de ces homicides avaient des motivations politiques. Personne n'a été traduit en justice. À la fin de l'année, à Mogadiscio, les violences exercées contre les médias ont atteint un niveau sans précédent depuis 1991. En décembre, le Parlement fédéral de transition a adopté une loi relative aux médias qui imposait des restrictions aux journalistes et aux agences de presse privées.

  • En octobre, Bashir Nur Gedi, directeur du centre de médias Shabelle, à Mogadiscio, a été tué à son domicile par des hommes non identifiés.
  • Yusuf Abdi Gabobe, rédacteur en chef du Somaliland Times et de Haatuf, des journaux publiés au Somaliland, a été arrêté en janvier pour avoir dénoncé la corruption. Condamné à deux ans d'emprisonnement à l'issue d'un procès inique, il a été libéré en mars à la faveur d'une grâce présidentielle.

Plus de 50 journalistes de Mogadiscio se sont réfugiés dans les pays voisins. En décembre, le gouvernement du Somaliland a ordonné à 24 journalistes de Mogadiscio réfugiés sur son territoire de quitter les lieux ; des appels ont été lancés en leur faveur et cet ordre n'a pas été appliqué.

Violences contre les femmes

De nombreuses informations ont fait état de viols commis au cours des affrontements à Mogadiscio par les troupes éthiopiennes ainsi que par des membres des milices du gouvernement fédéral de transition et des bandits armés. Des femmes déplacées vivant dans des camps ainsi que d'autres qui fuyaient la capitale à bord de transports publics ont également été violées, notamment celles qui appartenaient à des groupes minoritaires.

Comme les années précédentes, les organisations de défense des droits des femmes ont fait campagne contre les mutilations génitales féminines et la violence au foyer. La représentation des femmes au Parlement fédéral de transition était toujours inférieure au quota fixé par la Charte fédérale de transition adoptée en 2004.

Réfugiés et personnes déplacées

La fermeture en janvier par le gouvernement kenyan de sa frontière avec la Somalie constituait une violation du droit international relatif aux réfugiés, et entravait l'accès des organisations d'aide humanitaire au sud-ouest de la Somalie. En janvier, des milliers de demandeurs d'asile qui fuyaient les combats à Mogadiscio et dans le sud-ouest du pays ont été refoulés à la frontière (voir Kenya).

Le nombre de personnes déplacées a évolué au fil des variations dans l'intensité des combats à Mogadiscio et dans le port de Kismaayo, dans le sud-ouest de la Somalie, ainsi que dans d'autres régions.

À la fin de l'année, le nombre total de personnes déplacées était estimé à plus d'un million, dont 400 000 environ –  appartenant pour la plupart à des groupes minoritaires  – se trouvaient depuis plusieurs années dans des camps. Les personnes déplacées vivaient dans des conditions épouvantables. Beaucoup avaient un accès limité à l'eau, à des installations sanitaires et aux services de santé. Les violences, et notamment les viols et les pillages imputables à d'anciens membres des milices, étaient très répandues. Les organisations internationales humanitaires ne pouvaient pas se rendre auprès de bon nombre des personnes déplacées. Plusieurs employés d'ONG locales partenaires d'organisations internationales ont été tués et l'aide alimentaire a été pillée. La distribution de l'aide était souvent entravée par les représentants du gouvernement fédéral de transition, dont certains accusaient les organisations humanitaires de« nourrir les terroristes ».

Des trafics illicites d'êtres humains ont provoqué la mort de plus de 1 400 Somaliens et Éthiopiens, qui ont péri en mer en tentant de rejoindre le Yémen depuis le Puntland.

« Guerre contre le terrorisme »

En janvier, au moins 140 personnes qui fuyaient la Somalie et avaient réussi à pénétrer au Kenya ont été arrêtées par les autorités de ce pays. Soupçonnées de liens avec le Conseil des Tribunaux islamiques et détenues au secret sans inculpation ni jugement, 85 d'entre elles au moins ont été remises illégalement à la Somalie ce même mois. Ces prisonniers ont été incarcérés à Mogadiscio et à Baidoa avant d'être transférés en Éthiopie, en compagnie d'autres personnes arrêtées pour des motifs similaires par les troupes éthiopiennes en Somalie. Certains ont été remis en liberté, mais 41 d'entre eux, que l'Éthiopie a reconnu détenir, étaient maintenus au secret dans un lieu inconnu à la fin de l'année.

Peine de mort

Des condamnations à mort ont été prononcées par des tribunaux dans toutes les régions du pays. Des sentences capitales ont été commuées en diya (compensation financière versée à la famille de la victime), mais plusieurs exécutions ont été signalées.

  • Un ancien membre d'une milice du gouvernement fédéral de transition a été passé par les armes en public à Mogadiscio en juillet, à l'issue d'un procès sommaire et inéquitable pour homicide.

Au Somaliland, les condamnations à mort prononcées en 2004 contre sept hommes accusés d'être liés à Al Qaïda et reconnus coupables d'avoir tué trois employés d'une organisation internationale humanitaire ont été commuées en appel par la Cour suprême. Trois personnes ont été exécutées en 2007.

Visites et documents d'Amnesty International

  • Des représentants d'Amnesty International se sont rendus au Somaliland en décembre.
  • Kenya/Ethiopia/Somalia – Horn of Africa unlawful transfers in the "war on terror" (AFR 25/006/2007).
  • Somalie. Amnesty International dénonce les violences liées à l'escalade du conflit à Mogadiscio, ainsi que le meurtre d'un défenseur des droits humains (AFR 52/006/2007).
  • Somalie. La protection des civils doit être prioritaire (AFR 52/009/2007).
  • Somalie. Les journalistes subissent la pire période depuis l'effondrement de l'État en 1991(AFR 52/016/2007).

This is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.