République du Tchad
Chef de l'ÉtatIdriss Déby Itno
Chef du gouvernementPascal Yoadimnadji, décédé le 23 février, remplacé par Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye le 26 février
Peine de mortmaintenue
Population10,3 millions
Espérance de vie50,4 ans
Mortalité des moins de cinq ans (m/f &#8240)206 / 183 ‰
Taux d'alphabétisation des adultes25,7 %

Des civils ont été tués lors d'affrontements interethniques et intercommunautaires. Ces combats se sont parfois propagés depuis le Soudan voisin. Le conflit armé, émaillé de heurts intercommunautaires, s'est poursuivi dans l'est du pays après l'échec des efforts en faveur de la paix. Le Conseil de sécurité des Nations unies a accepté en septembre de déployer une mission dans cette partie du Tchad. Les violences sexuelles contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes demeuraient très répandues, et les auteurs de ces agissements n'étaient guère inquiétés. Cette année encore, des enfants ont été enlevés contre rançon, soumis à la traite des êtres humains et enrôlés comme soldats. Des journalistes indépendants et des défenseurs des droits humains ont été victimes de mesures d'intimidation, d'actes de harcèlement et d'arrestations illégales.

Contexte

Les affrontements se sont poursuivis entre les forces gouvernementales et une myriade de groupes armés d'opposition. Depuis qu'il a pris son indépendance vis-à-vis de la France en 1960, le Tchad est en proie à la discorde civile. Les réformes constitutionnelles de 2005, qui ont permis au président Idriss Déby Itno de se présenter pour un troisième mandat, ont provoqué une recrudescence des hostilités. L'un des principaux moteurs du conflit résidait dans le contrôle du pouvoir étatique et des revenus pétroliers. En outre, les tensions intercommunautaires étaient alimentées par la lutte qui se livrait pour la maîtrise des ressources naturelles telles que la terre et l'eau, et par l'impunité régnant depuis des années en matière d'atteintes aux droits humains. Ces tensions ont exacerbé les violences entre groupes se définissant eux-mêmes comme « africains » et « arabes ».

En décembre 2006, le gouvernement du Tchad avait signé un accord de paix avec l'un des principaux groupes armés de l'opposition, le Front uni pour le changement démocratique (FUC). En application de cet accord, les membres du FUC ont été incorporés dans l'armée nationale et son dirigeant, Mahamat Nour, a été nommé ministre de la Défense. En octobre 2007 on a appris que des déserteurs, anciens membres du FUC, ont rejoint le Darfour et, en décembre, Mahamat Nour a été limogé.

Le 4 octobre, le gouvernement a par ailleurs conclu à Syrte (Libye) un accord avec quatre autres groupes armés d'opposition, dont l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), le Rassemblement des forces démocratiques (RaFD) et la Concorde nationale tchadienne (CNT). Ce protocole n'a toutefois pas pu être pleinement mis en œuvre en raison de divergences entre le gouvernement et les dirigeants de l'opposition armée quant à son contenu et ses limites exactes. Fin novembre, de nouveaux affrontements ont éclaté entre certains groupes armés et l'armée nationale tchadienne.

Le 25 septembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l'unanimité la mise en place pendant un an, dans l'est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine, d'une opération de l'ONU (MINURCAT) appuyée par une force militaire européenne (EUFOR). Cette force devait faciliter la fourniture d'aide humanitaire et instaurer des conditions favorables à la reconstruction et au développement, afin de créer un environnement propice au retour volontaire, sûr et durable des réfugiés et des personnes déplacées.

Le Premier ministre, Pascal Yoadimnadji, est décédé en février. Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye lui a succédé.

En août, une vingtaine de partis, parmi lesquels figuraient plusieurs formations de l'opposition, ont signé un accord politique avec le gouvernement en vue de prendre part aux affaires publiques du pays et de prolonger le mandat de l'Assemblée nationale jusqu'en 2009.

Exécutions illégales imputables aux groupes armés

Les exécutions illégales de civils par des groupes armés se sont poursuivies en 2007. Les affrontements interethniques et intercommunautaires étaient responsables de la majorité des pertes civiles. On a signalé des raids menés contre la population civile par les Janjawids, milices « arabes » soudanaises, avec l'appui de leurs alliés tchadiens locaux, ainsi que des attaques de groupes « africains » contre leurs voisins « arabes ».

  • Le 30 mars, Tiero, Marena et 30 villages voisins habités majoritairement par des membres de l'ethnie dajo ont été attaqués par des hommes armés tchadiens, appartenant semble-t-il à des groupes arabes, et des membres de la CNT, mouvement armé qui entretient des bases au Soudan. D'après le gouvernement tchadien, les milices janjawids soudanaises étaient également impliquées. Une équipe du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui s'était rendue sur le site le lendemain a parlé de scènes « apocalyptiques ». Entre 270 et 400 personnes auraient été massacrées.

Dans la région du Dar Sila, les populations des villages arabes ont subi à maintes reprises les assauts d'hommes armés, qui seraient membres de l'ethnie dajo ou de groupes armés d'opposition soudanais présents dans les camps de réfugiés, les toro boro. Ces violences ont pu être motivées par le sentiment, au sein de l'ethnie dajo et d'autres groupes africains soudanais, que les Arabes tchadiens et soudanais faisaient cause commune.

Violences contre les femmes

Les violences sexuelles contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes demeuraient très répandues au Tchad. Dans l'est du pays, des femmes ont cette année encore été victimes de viols et d'autres formes de violence sexuelle imputables aux milices, aux groupes armés et aux soldats de l'armée tchadienne. Les femmes déplacées étaient particulièrement vulnérables lorsqu'elles s'aventuraient hors des camps pour aller chercher du bois et d'autres produits de première nécessité. Dans l'immense majorité des cas, les auteurs de ces violences –  qu'il s'agisse ou non d'agents gouvernementaux  – demeuraient impunis.

  • Une jeune fille de quatorze ans qui vivait dans le camp pour personnes déplacées d'Aradip, dans la région du Dar Sila, a été capturée et violée par plusieurs hommes armés après avoir quitté le camp tôt le matin pour aller chercher du bois, le 30 avril.

Des viols et d'autres violences sexuelles visant les femmes ont également été signalés dans d'autres régions, comme celle du Moyen-Chari.

  • Alors qu'ils se rendaient à un office religieux, une adolescente de quinze ans et son frère ont été arrêtés par des proches du commandant de la gendarmerie de Moissala (région du Moyen-Chari). Ils ont été conduits au domicile du commandant, où la jeune fille a été violée à six reprises. Les deux adolescents ont été frappés. Ils ont ensuite été sommés de verser 100 francs CFA (environ 15 centimes d'euro) pour leur libération. Comme ils n'avaient pas d'argent, ils ont de nouveau été battus avant d'être relâchés. Les responsables de ces agissements n'ont pas été arrêtés ni poursuivis.

Violations des droits des enfants

Le conflit armé dans l'est du Tchad et l'insécurité généralisée dans d'autres régions ont exacerbé les violations des droits des enfants.

Recrutement d'enfants soldats

Des enfants étaient enrôlés dans l'armée régulière, mais aussi dans les mouvements d'opposition armée et les milices locales, en particulier dans l'est du pays. Par ailleurs, selon les Nations unies, des enfants soudanais vivant dans des camps de réfugiés situés dans l'est du Tchad ont été enrôlés de force par des groupes armés soudanais.

  • Le 30 mars, des camions militaires sont arrivés au camp de personnes déplacées d'Habile, dans le Dar Sila. Des soldats tchadiens en uniforme de combat ont demandé aux chefs locaux de rassembler les habitants, et plus particulièrement les jeunes hommes. Alors qu'ils en faisaient monter plusieurs dans leurs camions, ils auraient expliqué que ces jeunes gens se devaient de défendre leur pays. Parmi eux figuraient plusieurs enfants, dont Ateb Khaled Ahmad, dix-sept ans, et Yasin Yakob Issak, seize ans.

Selon l'UNICEF, à la fin de novembre, quelque 500 enfants soldats avaient été démobilisés de l'armée nationale.

En février, dans une déclaration faite à l'occasion de la conférence ayant débouché sur les Principes et engagements de Paris, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Ahmad Allam-Mi, a affirmé que le pays respectait ses obligations internationales en matière de droits des enfants.

Enlèvements

Un très grand nombre d'enfants ont été enlevés et détenus contre rançon par des bandits armés appelés « coupeurs de route ».

  • Le 25 novembre, dans le village de Gondoyilla, dans le département de la Tandjilé-Est, sept personnes, dont cinq enfants, ont été kidnappées contre une rançon s'élevant à 1 million de francs CFA (un peu plus de 1 500 euros). Elles ont été retenues par des bandits armés pendant onze jours.
  • En novembre, six membres d'une ONG française, l'Arche de Zoé, et quatre Tchadiens ont été inculpés par les autorités tchadiennes d'escroquerie et d'enlèvement, après avoir tenté de décoller depuis l'aéroport d'Abéché, dans l'est du pays, avec 103 enfants âgés de un à dix ans. Les représentants de l'ONG affirmaient que ces enfants étaient des orphelins du Darfour. Cependant, d'après des recherches effectuées par l'ONU, la majorité d'entre eux, originaires de villages proches de la frontière soudanaise, vivaient dans leur famille avec au moins un adulte qu'ils considéraient comme leur parent.

Parmi les autres violations des droits fondamentaux des enfants signalées, on peut citer la traite ayant pour but de les faire travailler comme domestiques, gardiens de troupeaux ou mendiants.

Liberté d'expression

Des journalistes indépendants et des défenseurs des droits humains ont été soumis à des mesures d'intimidation, des actes de harcèlement et des arrestations illégales. Les autorités ont restreint la liberté d'expression et notamment la liberté de la presse, particulièrement lorsqu'elles étaient montrées du doigt.

Aux fins de contrôle et de censure, le gouvernement a, entre autres, recouru à l'état d'urgence. Si son objectif proclamé était de juguler les affrontements entre les différents groupes ethniques dans l'est du Tchad, il s'en est également servi pour censurer et bâillonner la presse indépendante. En juin, il a levé l'état d'urgence dans sept régions et dans la capitale, avant de le rétablir mi-novembre pendant presque deux semaines dans certaines régions de l'est.

  • En janvier, le défenseur des droits humains Marcel Ngargoto a été arrêté, puis maintenu en détention illégale pendant environ un mois et demi par la gendarmerie de sa ville natale, Moissala, à 500 kilomètres au sud-est de la capitale. Il n'a été inculpé d'aucune infraction. D'après les gendarmes eux-mêmes, son interpellation était liée à ses critiques à l'égard de la gendarmerie de la ville et notamment du commandant, qu'il accusait d'avoir extorqué de l'argent à des habitants de la région.
  • Le 31 octobre, des hommes armés ont fait irruption au domicile de Michaël Didama, directeur de l'hebdomadaire Le Temps. Ils ont tiré une rafale de balles sur sa voiture avant de partir. Michaël Didama était à l'étranger, mais sa famille se trouvait dans la maison.

Disparitions forcées

On ignorait tout du sort réservé à au moins 14 militaires et civils victimes de disparitions forcées entre avril et août 2006. Ces hommes ont été appréhendés par des membres des forces de sécurité en raison de leur implication présumée dans une attaque menée par un groupe armé contre la capitale, N'Djamena, en avril 2006. Malgré les appels persistants et réitérés lancés par leurs familles et des organisations de défense des droits humains, les autorités refusaient de donner des renseignements à leur sujet.

  • Le 30 novembre, au moins sept membres du groupe ethnique tama ont été arrêtés dans la ville de Guéréda, dans l'est du pays. Les autorités ont par la suite refusé de dévoiler leur lieu de détention. Plusieurs d'entre eux, membres du FUC, ont été interpellés pendant ou juste après une réunion avec le président Déby sur le désarmement des anciens membres de ce mouvement et leur intégration dans l'armée.

Hissène Habré

L'affaire concernant Hissène Habré, l'ancien président tchadien accusé d'avoir commis de graves atteintes aux droits humains, progressait lentement (voir Sénégal).

Réfugiés et personnes déplacées

Selon le HCR, 12 camps installés dans l'est du Tchad accueillaient quelque 240 000 réfugiés soudanais qui avaient fui les combats au Darfour. En outre, près de 50 000 Centrafricains étaient toujours réfugiés dans des camps situés dans le sud du Tchad.

Plus de 170 000 personnes déplacées vivaient encore dans des camps de l'est du pays.

Visites et documents d'Amnesty International

  • Des délégués d'Amnesty International se sont rendus au Tchad en mars, puis, en avril et mai, dans l'est du pays.
  • Tchad. « Sommes-nous citoyens de ce pays ? ». Les civils tchadiens laissés sans protection face aux attaques des Janjawids (AFR 20/001/2007).
  • Tchad. Il faut protéger de toute urgence la population de l'est du pays (AFR 20/003/2007)
  • Tchad. Les civils dans la ligne de mire. Le conflit du Darfour gagne l'est du Tchad (AFR 20/005/2007).
  • Tchad. Le gouvernement doit accepter la présence de forces des Nations unies pour protéger les civils dans l'est du pays (AFR 20/006/2007).
  • Tchad. Aucune protection contre le viol et les violences pour les femmes et les jeunes filles déplacées dans l'est du Tchad (AFR 20/008/2007).
  • Tchad. La résolution du Conseil de sécurité constitue un pas en avant pour la protection des civils, mais des inquiétudes demeurent (AFR 20/011/2007).
  • Tchad. L'escalade de violence rend nécessaire le déploiement d'une force des Nations unies, équipée de moyens suffisants (AFR 20/012/2007).

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