Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Haïti

Contexte politique

En 2007, le Gouvernement d'Haïti a amorcé un certain nombre d'initiatives en accord avec son objectif déclaré de consolider l'État de droit et la démocratie à la suite de l'élection, en février 2006, du Président René Préval, après deux reports successifs des élections. Le Gouvernement a notamment entrepris une réforme du système judiciaire et cherché à améliorer la situation des magistrats et à lutter contre la corruption. Dans cette perspective, la Convention des Nations unies contre la corruption a été ratifiée et le Président a appelé la population à lutter contre ce fléau, notamment en décrétant l'année 2007, à l'occasion de son discours au Palais national, le 18 mai 2007, "année contre la corruption". Outre la mise en place, en septembre 2006, de la Commission nationale sur le désarmement, le démantèlement et la réintégration (CNDDR) à destination des diverses bandes armées opérant dans le pays, les autorités ont également poursuivi leur politique de formation et d'augmentation du personnel de police. Certains quartiers qui étaient, jusqu'en 2006, contrôlés par des gangs armés, ont ainsi été pacifiés, notamment par des missions réalisées conjointement par la police nationale d'Haïti et les agents de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).1 Sans minimiser le délabrement des institutions haïtiennes et des conséquences sur la vie publique du pays, il est indéniable que la réforme du secteur de la sécurité a au moins permis de dépolitiser la police et de mettre un terme à la répression des opposants politiques et aux atteintes à la liberté de la presse, qui étaient couramment pratiquées par la police sous le régime du Président Aristide (1995-2004).

Cependant, en dépit de certains progrès réalisés, la situation des droits de l'Homme est restée extrêmement précaire dans le pays. En effet, le problème de l'insécurité est toujours une préoccupation majeure et la violence demeure endémique, notamment par la présence de gangs criminels, qui agissent fréquemment avec la complicité de la police nationale. En 2007, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a ainsi dénombré 246 cas de kidnappings, 352 cas d'assassinats dont 22 policiers et 467 cas de violence sexo-spécifiques dont 31 cas de viols déclarés à l'hôpital de l'université d'État d'Haïti.2

Par ailleurs, les auteurs de ces exactions ne sont que très rarement poursuivis en justice, les tribunaux ne disposant que de peu de ressources et le système judiciaire se caractérisant par son manque d'indépendance, une corruption généralisée et le non respect des procédures.3 De surcroît, les conditions des détenus n'ont eu de cesse de se détériorer : surpopulation carcérale, dégradation de la situation sanitaire, violence entre les détenus, détention préventive prolongée, etc.4

L'année 2007 n'aura pas non plus été une année de progrès en termes de jouissance des droits économiques, sociaux et culturels : en 2007, 70 % de la population était au chômage alors que les prix des produits de base ont augmenté régulièrement (fin 2007, les prix des produits de première nécessité avaient encore augmenté de 20 à 50 %).

Actes de représailles et menaces graves à l'encontre des défenseurs luttant contre l'impunité

En 2007, les défenseurs des droits de l'Homme à Haïti ont fait l'objet de représailles lorsqu'ils ont cherché à dénoncer les violations des droits de l'Homme et à lutter contre l'impunité prégnante dans l'ensemble du pays. Les défenseurs des droits de l'Homme ont également été la cible de critiques acerbes de la part de certains parlementaires en raison de leurs prises de position contre un éventuel retour à la peine de mort en Haïti.

Ainsi, plusieurs membres du Comité des droits humains de Savanette, dont M. Dérilus Mérilus, ont fait l'objet de menaces de mort après que le Comité eut permis la réincarcération d'un présumé violeur, le 5 octobre 2007. Le 16 octobre 2007, le parquet en charge des poursuites a décidé de remettre à nouveau l'auteur présumé en liberté. Par ailleurs, en novembre 2007, M. Joseph Guyler C. Delva, président de la Commission indépendante d'appui aux enquêtes relatives aux assassinats de journalistes (CIAPEAJ), instaurée en août 2007 par le Président, a été suivi par des inconnus alors qu'il circulait en voiture à Port-au-Prince. Il a alors dû quitter momentanément le pays. Depuis son retour, le 25 novembre 2007, il continue de recevoir des menaces.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 En octobre 2007, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l'unanimité l'extension de la MINUSTAH jusqu'en octobre 2008 et, en septembre 2007, le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies a renouvelé le mandat de l'Expert indépendant nommé par le Secrétaire général sur la situation des droits de l'Homme en Haïti.

2 En l'absence de données officielles fiables, les cas recensés par les ONG permettent de prendre la mesure de l'ampleur des violations en Haïti et en particulier le niveau inquiétant des crimes à caractères sexuels perpétrés. Il n'en demeure pas moins que le niveau réel des violations des droits de l'Homme en Haïti demeure sous-évalué.

3 A la suite de sa visite en Haïti, du 16 au 20 avril 2007, la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH), tout en soulignant les efforts consentis par le Gouvernement, a ainsi estimé que "le système [juridique] actuel et l'absence d'un service d'aide juridique financé par l'État posent encore un obstacle au respect des droits humains et à un accès véritable de la population haïtienne à la justice" (Cf. communiqué de presse n° 24/07, 20 avril 2007).

4 Suite à sa visite à Haïti, du 17 au 20 juin 2007, M. Florentín Meléndez, Président de la CIDH et Rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté dans les Amériques, a "observ[é] avec une extrême préoccupation le nombre élevé et persistant de personnes en détention préventive prolongée, qui dans beaucoup de cas dépasse les condamnations pour les crimes qui leur sont imputés ou qu'elles auraient pu avoir commis. Selon les dernières données de la direction de l'administration pénitentiaire, au mois de juin 2007, 84 % de la population carcérale haïtienne n'a[vait] pas été jugée ni accusée formellement. A ce propos, il faut souligner que dans les cas observés par la Commission à Port-au-Prince, le pourcentage de personnes sans condamnation est de 98 % pour les enfants détenus dans la prison des mineurs de Delmas ; 95 % pour les femmes détenues dans la prison de Pétion-Ville ; et 96 % pour le pénitencier national" (Cf. communiqué de presse n° 32/07, 21 juin 2007). De même, la CIDH s'est dite "particulièrement préoccupée par les conditions qui prévalent au pénitencier national et dans les cellules de détention dans les commissariats de police en Haïti. Le pénitencier national, construit pour un maximum de 800 personnes, loge actuellement plus de 2 500 détenus dont 2 418 attendent toujours d'être jugés" (Cf. communiqué de presse n° 24/07, 20 avril 2007).

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