Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Djibouti

Contexte politique

Dans la perspective des élections législatives du 8 février 2008, les autorités ont encore renforcé l'étau à l'égard des défenseurs des droits de l'Homme, et notamment des syndicalistes, dans la mesure où ils demeurent les derniers éléments indépendants d'une société civile sous contrôle et publient des informations démontrant le caractère oppressif du régime djiboutien. En demandant l'amélioration du mode de scrutin qui permet au vainqueur des élections législatives de remporter l'ensemble des sièges à l'Assemblée nationale,1 les défenseurs ont en effet clairement démontré comment la coalition des partis composant le Gouvernement, l'Union de la majorité présidentielle (UMP), se maintient au pouvoir.

L'année 2007 a par ailleurs été marquée par une adresse forte de la Conférence internationale du travail (CIT) aux autorités djiboutiennes afin qu'elles se mettent en conformité avec leurs engagements internationaux sur des droits syndicaux systématiquement violés et cessent la répression à l'égard des syndicalistes.2 Les différentes commissions de la 96e CIT ont en outre demandé l'abrogation de plusieurs dispositions du Code du travail promulgué en janvier 2006,3 qui semble avoir été élaboré pour renforcer les moyens de pression sur les syndicats, la réintégration des syndicalistes licenciés et le respect des libertés syndicales.

Musellement systématique du mouvement syndical

En 2007, les dirigeants syndicaux ont continué de faire l'objet de multiples actes de harcèlement, en premier lieu desquels des poursuites judiciaires et des licenciements abusifs. Ainsi, les poursuites pénales fondées sur les accusations de "livraison d'informations à une puissance étrangère", "intelligence avec une puissance étrangère" et "outrage envers le Président" engagées en mars 2006 contre MM. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général de l'Union djiboutienne du travail (UDT), Hassan Cher Hared, secrétaire aux relations internationales de l'UDT, Mohamed Ahmed Mohamed, responsable aux affaires juridiques du Syndicat du port, et Djibril Ismael Egueh, secrétaire général du Syndicat du personnel du personnel des services maritimes et transit, étaient toujours pendantes fin 2007.4 Depuis, M. Hassan Cher Hared et M. Djibril Ismael Egueh, harcelés dans le cadre de leur travail, ont quitté le pays. A cet égard, le Comité de la liberté syndicale de l'OIT a considéré dans son dernier rapport que le licenciement en septembre 2006 de M. Cher Hared était un cas sérieux de violation et a "demand[é] instamment au Gouvernement de rapidement diligenter une enquête [..] et, s'il est avéré qu'il a été victime de licenciement en raison de ses activités syndicales, de procéder à [sa] réintégration [...] avec le paiement de tout arriéré de salaire".5 Le Gouvernement djiboutien n'a toujours pas donné suite à cette décision.

Les autorités ont également recours à d'autres formes d'action pour empêcher les dénonciations des dirigeants syndicaux. Les documents de voyages de MM. Mohamed Ahmed Mohamed et Djibril Ismael Egueh sont ainsi toujours retenus par les renseignements généraux, depuis leur inculpation en février 2006. Les écoutes téléphoniques et les interceptions des correspondances restent par ailleurs courantes. Plusieurs plaintes de l'UDT destinées à l'OIT ont par exemple été interceptées. Cependant, lors de la CIT, en juin 2007, le Gouvernement s'est engagé à recevoir une mission de contact direct qui devrait avoir lieu à partir du 21 janvier 2008. Le 3 mai 2007, le Gouvernement a également refusé les visas d'entrée d'une mission de solidarité syndicale internationale de l'Internationale de l'éducation.6 Une autre tactique employée pour affaiblir les syndicats légitimes a été la création, en accord avec le ministère de l'Emploi et de la solidarité nationale, d'un faux syndicat composé de proches du pouvoir et d'agents des services de renseignements dans le but de discréditer les allégations des syndicalistes dans les conférences et forums internationaux.

Arrestations arbitraires des défenseurs dans le contexte préélectoral

A l'approche des enjeux électoraux de février 2008, les défenseurs des droits de l'Homme ont fait l'objet d'actes d'intimidation croissants. Ainsi, en décembre 2007, le président de la Ligue djiboutienne des droits humains, M. Jean-Paul Noël Abdi, a de nouveau été arrêté à la suite d'un communiqué dénonçant la corruption du pouvoir en place et le risque de fraudes électorales lors des élections. Son transfert au centre de rétention de Nagad, situé à 40 kilomètres de la ville de Djibouti, et dont la fonction officielle est de retenir les personnes visées par une reconduite à la frontière, illustre les méthodes utilisées à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme, journalistes, ou autres personnes considérées par le pouvoir comme des opposants. Il est à noter que M. Abdi avait déjà fait l'objet de poursuites au cours de l'année pour "diffamation", "divulgation de fausses nouvelles" et "dénonciation calomnieuse" après la publication d'un communiqué de presse mettant en cause les autorités militaires dans des cas d'exécutions sommaires de civils lors du conflit de janvier 1994 et dénonçant le viol d'une jeune fille par un caporal de l'armée en 2007. M. Abdi n'avait été libéré qu'à la suite de l'intervention de l'Observatoire qui avait mandaté Me Michel Tubiana pour sa défense, lequel avait mis en lumière le caractère inéquitable de la procédure judiciaire et du procès.7 Ces irrégularités avaient aussi été dénoncées par la Rapporteure spéciale de la CADHP sur les défenseurs des droits de l'Homme en Afrique.8 Enfin, les autorités ont également confisqué son passeport, le 11 mars 2007, jour de sa remise en liberté, dans le but de l'empêcher de se rendre à une conférence sur les droits de l'Homme.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Le mode de scrutin de liste à un tour favorise fortement la majorité. Ainsi, malgré un score officiel d'environ 30 % aux précédentes élections législatives, l'opposition n'était pas représentée au Parlement.

2 Cf. notamment le rapport de la Commission d'application des normes et de la Commission de vérification des pouvoirs, 96e session de la Conférence internationale du travail, juin 2007.

3 Cf. rapport annuel 2006 de l'Observatoire.

4 Ces poursuites font suite à la participation à une formation syndicale dispensée par une centrale syndicale israélienne et au dépôt d'une plainte concernant la mise en retraite et le licenciement abusif de dirigeants syndicaux.

5 Cf. 348e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragraphe 560, b). novembre 2007.

6 A cet égard, le Comité de la liberté syndicale a exhorté le Gouvernement à répondre aux allégations de refoulement de la mission et de l'arrestation et interrogatoire du seul membre de la mission autorisé à pénétrer dans le pays – un fonctionnaire du BIT (Cf. 348e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragraphe 560, c), novembre 2007).

7 M. Jean-Paul Noël Abdi a été condamné le 11 avril 2007 à un an de prison dont 11 mois avec sursis et 300 000 francs djiboutiens d'amende par la Cour d'appel de Djibouti. Il s'est pourvu en cassation le 24 juin 2007.

8 Cf. communiqué de presse sur le harcèlement de M. Jean-Paul Noël Abdi de la Rapporteure spéciale de la CADHP sur les défenseurs de droits de l'Homme en Afrique, 16 mars 2007.

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