Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Bolivie

Contexte politique

Depuis l'arrivée au pouvoir, en janvier 2006, de M. Evo Morales, premier Président indigène du pays, le Gouvernement s'est attaché à adopter et mettre en oeuvre un certain nombre de réformes, tant au niveau national que local, afin de permettre des avancées en matière de droits économiques, sociaux, culturels (notamment droits collectifs des peuples autochtones et des communautés paysannes), de renforcement de la lutte contre la corruption, etc. Cette démarche a notamment été marquée par l'élaboration d'une nouvelle Constitution qui devrait être soumise à référendum en 2008.

Mais ces réformes ont aussi été à l'origine de fortes réactions et, en 2007, de nombreuses grèves et autres formes de protestations se sont ainsi succédées presque sans interruption au fil des mois.1 Les travaux de l'Assemblée constituante, établie en août 2006 afin d'élaborer une nouvelle Constitution ont notamment exacerbé les tensions entre le Président Morales et ses adversaires conservateurs (souvent membres de l'oligarchie traditionnelle), qui réclament une plus grande autonomie pour les régions qu'ils gouvernent. Ainsi, en janvier 2007, à Cochabamba, les partisans d'Evo Morales ont engagé un mouvement afin d'obtenir la démission du gouverneur de la région de Cochabamba, M. Manfredo Reyes Villa, membre de l'opposition qui exige plus d'indépendance du Gouvernement central. Ces manifestations se sont soldées par des violences qui ont fait des dizaines de blessés.2 L'opposition a par ailleurs lancé, début 2007, une campagne appelant l'Assemblée à examiner le transfert à Sucre (département de Chuquisaca) du siège du Gouvernement national et du Congrès, actuellement basés à La Paz, bastion du Président.

En août 2007, soit un an après la mise en place de l'Assemblée constituante, aucun texte n'avait été approuvé. Une loi a donc été adoptée pour lui permettre de poursuivre ses travaux jusqu'au 14 décembre 2007 et le débat sur le transfert de la capitale a été momentanément écarté, afin d'aller de l'avant. Cette décision s'est heurtée à une violente opposition à Sucre et les sessions ont dû être suspendues. A nouveau, un mouvement de protestation a eu lieu les 24 et 25 novembre 2007, dans la ville de Sucre, où de violents affrontements ont opposé les manifestants à la police, et se sont soldés par la mort de trois personnes.3

Le 9 décembre 2007, l'Assemblée constituante a finalement approuvé, dans sa forme définitive, la nouvelle Constitution bolivienne, et ce malgré l'opposition de quatre provinces dirigées par des élites traditionnelles (Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando), qui ont initié des référendums en vue de l'autonomie de leurs régions, allant ainsi à l'encontre de la Constitution.

Par ailleurs, il convient de noter que la justice bolivienne continue de faire face à une réelle crise institutionnelle, notamment en raison de l'absence de possibilités de recours et de son manque d'indépendance par rapport au pouvoir politique.

Enfin, alors que plus de 60 % de la population est indigène, les communautés autochtones et paysannes continuent d'être victimes de discrimination, de servitude et de travail forcé,4 dans un contexte où la distribution des terres est entachée par la corruption, des pratiques irrégulières et des faiblesses institutionnelles.

Un cadre légal favorable à la défense des droits de l'Homme mais qui demande à être mieux mis en oeuvre

Le cadre législatif bolivien favorise la liberté d'association, la Bolivie ayant accepté, soit par ratification, soit par adhésion, les principaux instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'Homme, ainsi que les textes fondamentaux établis dans le cadre de l'Organisation internationale du travail, y compris ceux se rapportant à, respectivement, la liberté syndicale et la protection du droit syndical (Convention n° 87, 1948) et le droit d'organisation et de négociation collective (Convention n° 98, 1949).

Cependant, au-delà de l'attitude favorable du Gouvernement à l'égard des mouvements sociaux en tous genres, il n'est pas rare que les organisations voient leurs activités entravées par des organisations parallèles mises en place par des autorités ou des Gouvernements régionaux et municipaux. Elles se heurtent notamment à des obstacles tels que le refus ou la limitation d'accès à l'information publique, le retard dans leurs démarches administratives, l'ajournement prolongé des procédures liées aux réclamations en défense des droits et libertés fondamentales, etc.

Actes de répression et attaques à l'encontre des défenseurs des droits des populations autochtones et des communautés paysannes

En Bolivie, ce sont principalement les défenseurs du droit à la terre et celles et ceux qui apportent leur soutien aux revendications des populations autochtones et des communautés paysannes qui continuent de faire l'objet d'actes de représailles qui émanent, en premier lieu, des personnes ou entités auxquelles ils s'opposent, c'est-à-dire les propriétaires terriens. A cet égard, le Comité civique pro Santa Cruz (Comité Cívico Pro Santa Cruz) s'est illustré à plusieurs reprises par des actes racistes à l'encontre des populations autochtones. Mouvement citoyen d'obédience d'extrême droite réunissant notamment de riches propriétaires terriens, il soutient la politique d'autonomie menée par les gouverneurs régionaux, visant à concentrer le contrôle des ressources des régions concernées dans les mains d'une élite corrompue.

Fin 2006, le Comité civique pro Santa Cruz, opposé à l'adoption, par l'Assemblée constituante, du système de vote à la majorité absolue au détriment du vote aux deux tiers, et suite à la grève ayant suivi l'annonce de cette décision, a ainsi mené de nombreux actes de représailles à l'encontre des personnes et organisations n'ayant pas soutenu ce mouvement, dont l'Association permanente des droits de l'Homme de Bolivie (Asamblea Permanente de Derechos Humanos de Bolivia – APDHB). Le 16 janvier 2007, M. Adalberto Rojas, président de l'APDHB, s'est rendu au palais de justice de Santa Cruz pour dénoncer ces actes de représailles, et a été menacé et insulté. Le 21 janvier 2007, Mme Fabiana Aguilar, secrétaire de l'APDHB à Santa Cruz, a été insultée et menacée par des membres du Comité civique pro Santa Cruz qui se sont rendus aux bureaux de l'organisation, et ont déclaré qu'ils vendraient les locaux.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 L'Observatoire des droits de l'Homme et des politiques sociales (Observatorio de Derechos Humanos y Políticas Sociales) a ainsi répertorié plus de 300 de ces manifestations en 2007 (Cf. Los derechos humanos en la Bolivia del 2007. Documento trabajo, janvier 2008).

2 Ces faits ont été condamnés par la présidence de l'Union européenne (UE), lors d'une déclaration prononcée le 16 janvier 2007, au cours de laquelle elle a "appell[é] toutes les parties au conflit à régler leurs différends dans un esprit de tolérance et de dialogue ainsi que dans le plein respect des droits de l'homme et des institutions et principes démocratiques, et à renoncer à la violence".

3 A cet égard, la présidence de l'UE a "déplor[é] les événements tragiques [...] à Sucre", et a souhaité "que la Bolivie puisse trouver le chemin de l'unité et du consensus dans le cadre de l'Assemblée constitutive" (Cf. déclaration de la présidence de l'UE sur la situation actuelle en Bolivie, 26 novembre 2007).

4 Au moins 600 familles guaranies seraient ainsi concernées par la servitude ou le travail forcé (Cf. rapport de la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH), Acceso a la justicia e inclusión social : el camino hacia el fortalecimiento de la democracia en Bolivia, document OEA/Ser. L/V/II, Doc. 34, 28 juin 2007).

Disclaimer:

This is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.