Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Zimbabwe

Contexte politique

Malgré la situation économique du pays, les critiques régionales et internationales et les 27 ans de règne de Robert Mugabe, ce dernier a de nouveau été désigné, le 30 mars 2007, candidat aux élections présidentielles de 2008 par le comité central de l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zimbabwe African National Union-Patriotic Front – ZANU-PF). Il a également été annoncé que des élections parlementaires se tiendraient en 2008.

A cet égard, une campagne d'intimidation, visant à détruire les structures de l'opposition et de la société civile et à assurer les résultats des élections parlementaires et présidentielles, est en cours, synonyme ainsi d'une répression accrue à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme.

Par ailleurs, ainsi que l'a rappelé le Parlement européen, "la situation économique et politique du pays n'a cessé de se détériorer depuis huit ans et [...] ses habitants demeurent confrontés à une grave pénurie alimentaire, le Programme alimentaire mondial ayant distribué une aide alimentaire d'urgence à 1,5 million de Zimbabwéens au cours des trois premiers mois de 2007, mais établi que plus de 4,5 millions souffrent de malnutrition", et 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.1

Utilisation d'une législation restrictive en vue d'entraver les libertés d'association et de réunion pacifique

En 2007, plusieurs lois restrictives, en premier lieu desquelles la Loi relative à l'ordre public et la sécurité (Public Order and Security Act – POSA), dénoncées par Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme,2 ont continué d'être utilisées afin de violer les libertés de rassemblement, de mouvement et d'association. Cette année, les autorités sont même allées plus loin que la POSA en interdisant les manifestations publiques dans certains quartiers d'Harare pour trois mois, alors que la POSA autorise de telles restrictions pour des périodes n'excédant pas un mois. Cette interdiction a débouché sur des manifestations massives, organisées le 11 mars 2007 par la Campagne "sauvez le Zimbabwe" (Save Zimbabwe Campaign) afin de demander au Gouvernement un plus grand respect des droits de l'Homme, qui se sont soldées par l'arrestation de 49 personnes. La police a aussi utilisé la force contre des dirigeants politiques de l'opposition et de la société civile, blessant gravement plusieurs d'entre eux, dont M. Lovemore Madhuku, président de l'Assemblée constitutionnelle nationale (National Constitutional Assembly – NCA).3 Le même jour, M. Gift Tandare, un militant de la NCA, a été tué par la police, qui a également ouvert le feu lors de ses funérailles, blessant grièvement deux personnes.4

Par ailleurs, des obstacles administratifs se posent également à la création d'ONG. Ainsi, un système visant à exproprier les fonds alloués aux ONG perturbe considérablement le travail de celles-ci ainsi que leur indépendance. Lorsqu'une ONG dépose des fonds à la banque, la police financière exige qu'ils soient envoyés à la banque fédérale du Zimbabwe. Pour toute activité nécessitant des fonds, la banque doit solliciter la banque fédérale. Les délais de réponse peuvent être très longs, et il est possible que l'ONG ne puisse réaliser l'activité envisagée, se mettant ainsi dans une situation dans laquelle elle risque de ne pas satisfaire aux exigences des bailleurs de fonds. En outre, les fonds sont alloués à des taux fixés par le Gouvernement, et non aux taux du marché, le Gouvernement s'appropriant ainsi une part des fonds reçus par les ONG.

Poursuites des atteintes à la liberté de la presse à l'approche des élections de 2008

Au Zimbabwe, alors que les journalistes ont continué de travailler dans un contexte législatif très répressif,5 le contrôle sur la presse a été renforcé en prévision des élections de 2008, par une combinaison de mesures législatives et d'intimidation à l'encontre des journalistes. Ainsi, le 3 août 2007, le Président Mugabe a signé la Loi relative à l'interception des communications (Interception of Communications Act), qui autorise le Gouvernement à intercepter les appels téléphoniques, les courriers électroniques et les fax afin de "protéger la sécurité nationale", sans autorisation préalable du juge. Les journalistes et les défenseurs des droits de l'Homme sont particulièrement exposés à ces mesures.

Par ailleurs, en avril 2007, le Gouvernement a dressé une "liste noire" contenant les noms de 15 opposants, journalistes et défenseurs des droits de l'Homme, dont MM. Arnold Tsunga, président de l'Association zimbabwéenne des droits de l'Homme (Zimbabwe Human Rights Association – Zim Rights), directeur exécutif des Avocats zimbabwéens pour les droits de l'Homme (Zimbabwe Lawyers for Human Rights – ZLHR) et administrateur de la station de radio Voice of the People (VOP), Lovemore Madhuku et Raymond Majongwe, secrétaire général de l'Union progressiste des professeurs du Zimbabwe (Progressive Teachers' Union of Zimbabwe – PTUZ), accusés de "travailler main dans la main avec des forces hostiles au Zimbabwe" et qui feraient l'objet d'une surveillance étroite. Trois journalistes de cette liste – MM. Gift Phiri, Abel Mutsakani et Bill Saidi – ont été agressés en 2007. Trois hommes armés ont ainsi tiré sur M. Mutsakani, qui a été gravement blessé, en juillet, en Afrique du sud, et M. Saidi a reçu une balle dans une enveloppe, en février 2007.

M. Gift Phiri a quant à lui été jugé pour "publication de fausses nouvelles" et "exercice du journalisme sans accréditation officielle", avant que ces charges ne soient abandonnées en juillet et août 2007.

Harcèlement à l'encontre des défenseurs dénonçant des expulsions forcées

En 2007, les expulsions forcées et les conséquences de l'opération "Murambatsvina"6 ont continué d'être une question sensible, et les défenseurs qui en ont dénoncé les abus ont fait l'objet d'une surveillance constante de la part des autorités. Ainsi, M. Arnold Tsunga a été arrêté à son retour du Forum social mondial qui s'est tenu à Nairobi du 20 au 25 janvier 2007. Il avait participé à un atelier intitulé "Progrès et obstacles dans la lutte pour l'exigibilité et la justiciabilité des droits économiques, sociaux, et culturels", et était intervenu sur le thème "Résister aux violations des droits fondamentaux – le cas des expulsions massives au Zimbabwe".

Arrestations de défenseurs dénonçant la situation économique

Les mouvements de protestation contre la détérioration de la situation économique du pays et la hausse du coût de la vie ont continué d'être réprimés avec force, à l'exemple des mouvements initiés par le Congrès des syndicats du Zimbabwe (Zimbawe Congress of Trade Unions – ZCTU) et par l'ONG "Renaissance des femmes du Zimbabwe" (Women of Zimbabwe Arise – WOZA) afin de dénoncer la hausse des prix et la détérioration des conditions de vie en général. Par exemple, 56 membres de WOZA ont été arrêtées le 23 avril 2007 et détenues pendant deux jours.7 Une fois encore, la POSA a été utilisée à leur encontre, au prétexte que l'intention d'organiser une manifestation publique n'avait pas été notifiée à l'autorité de régulation.

A cet égard, Mme Alapini-Gansou, Rapporteure spéciale de la CADHP sur les défenseurs des droits de l'Homme en Afrique, a exprimé son inquiétude suite aux allégations qu'elle avait reçues, indiquant que des actes de violence et de harcèlement auraient été commis à l'encontre de membres de WOZA, lors de la marche pacifique et silencieuse organisée par celle-ci à Bulawayo le 6 juin 2007 pour le lancement de sa campagne "Dix étapes vers un nouveau Zimbabwe".8 De même, dans le rapport qu'elle a présenté lors de la 62e session de l'Assemblée générale des Nations unies, dédié à la liberté de rassemblement pacifique, Mme Hina Jilani a rappelé qu'elle avait envoyé six appels urgents concernant des allégations de violations commises lors de manifestations organisées par WOZA depuis 2003. Mme Jilani a déclaré qu'elle "n'en rest[ait] pas moins préoccupée par la situation des défenseurs des droits de l'homme au Zimbabwe, et en particulier par celle des femmes parmi eux, car ses nombreuses communications et déclarations ainsi que celles de son homologue de la Commission africaine on mis en évidence le harcèlement constant dont ces militants sont l'objet depuis plusieurs années. Un contre-rapport présenté à la Commission africaine sur le Zimbabwe affirme qu'à plus de 20 reprises, entre 2003 et 2007, des membres de l'association WOZA ont été arrêtés pour avoir participé à des manifestations pacifiques".9

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. résolution P6_TA(2007)0172 du Parlement européen du 26 avril 2007 sur le Zimbabwe.

2 Cf. rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme – Résumé des cas transmis aux Gouvernements et des réponses reçues, document des Nations unies A/HRC/4/37/Add.1, 27 mars 2007.

3 Cf. déclaration de l'Association zimbabwéenne des médecins pour les droits de l'Homme (Zimbabwe Association of Doctors for Human Rights – ZADHR), 14 mars 2007.

4 Cette répression brutale a été dénoncée par Mme Reine Alapini-Gansou, Rapporteure spéciale de la CADHP sur les défenseurs des droits de l'Homme en Afrique, lors d'un communiqué de presse diffusé le 28 mars 2007.

De même, la présidence de l'Union européenne a "condamné la répression violente d'un rassemblement pacifique [...] de la Campagne "sauvez le Zimbabwe", au cours duquel un participant à été tué, un a été blessé et de nombreux autres [...] ont été arrêtés et parfois maltraités". La présidence de l'UE a de surcroît "condamné la suppression violente et continue des libertés d'opinion et de réunion, ainsi que des libertés fondamentales" (Cf. déclaration de la présidence de l'Union européenne, 12 mars 2007. Traduction non officielle).

5 En juillet 2006, le nouveau Code pénal (codification et réforme) est entré en vigueur, renforçant significativement les peines déjà lourdes prévues par la POSA et la Loi relative à l'accès à l'information et à la protection de la vie privée (Access to Information and Protection of Privacy Act – AIPPA). Pour plus d'informations, cf. rapport annuel 2006 de l'Observatoire.

6 En mai 2005, le Gouvernement zimbabwéen a lancé une opération de nettoyage des villes, connue sous le nom de "Murambatsvina". Cette opération avait été décrite comme un programme visant à faire appliquer des arrêtés municipaux cherchant à mettre un terme à toute forme d'"activités illégales telles que la vente, les structures illégales, les cultures illicites", entre autres, dans les villes.

7 A cet égard, le Parlement européen s'est déclaré "profondément préoccupé par l'information selon laquelle 56 femmes membres de l'ONG zimbabwéenne "Women of Zimbabwe Arise" ont été arrêtées le 23 avril 2007, dix de leurs enfants en bas âge ayant été emprisonnés en même temps qu'elles" (Cf. résolution P6_TA(2007)0172 du Parlement européen du 26 avril 2007 sur le Zimbabwe).

8 Cf. communiqué de presse de la Rapporteure spéciale, 18 juin 2007.

9 Cf. rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme, document des Nations unies A/62/225, 13 août 2007.

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