Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Chine

Contexte politique

Alors que la tenue des Jeux olympiques à Pékin en août 2008 avait laissé naître l'espoir que des progrès seraient accomplis en matière de droits de l'Homme, ces espérances ont très vite été déçues.

Tout au long de 2007, les autorités chinoises ont en effet continué de violer systématiquement les droits de l'Homme, et le musellement de toute forme d'opinion dissidente s'est poursuivi, sur un fond de protestations sociales croissantes, notamment contre les expulsions forcées des citoyens de leurs logements, les expropriations des paysans de leurs terres, les salaires impayés et la corruption des autorités locales. La répression de ces protestations a été particulièrement virulente dans la période qui a précédé le 17e Congrès national du Parti communiste chinois, qui a vu la reconduction pour cinq ans de M. Hu Jintao en tant que Secrétaire général du parti.

Dans ce contexte, les avocats ont été en 2007 une cible privilégiée de la répression. La censure des médias et d'Internet s'est par ailleurs poursuivie, des dizaines de journalistes et d'internautes se trouvant derrière les verrous fin 2007.

D'autre part, aucune réforme n'a été entreprise afin de mettre un terme aux détentions arbitraires, résultant notamment des condamnations à la rééducation par le travail (Reeducation Through Labour – RTL),1 et le recours à la torture et autres mauvais traitements est resté une pratique répandue. La Chine continue en outre d'être le pays qui exécute le plus grand nombre de personnes chaque année, même si les statistiques relatives aux condamnations et aux exécutions sont classées secret d'État. Cependant, depuis le 1er janvier 2007, la Cour suprême est chargée de contrôler la validité de toutes les condamnations à mort prononcées en Chine. Cette réforme pourrait avoir pour effet de diminuer le nombre de condamnations à mort et de remédier à certaines erreurs judiciaires.

La Chine a également poursuivi sa politique de répression de la pratique religieuse en dehors des églises reconnues par l'État, les membres du mouvement spirituel Falun Gong étant particulièrement visés.

Au Tibet, la politique assimilationniste du Gouvernement chinois s'est poursuivie, suite à l'achèvement en 2006 de la ligne de chemin de fer reliant Lhassa à la Chine, qui va permettre d'augmenter la présence de migrants Chinois au Tibet, l'exploitation des ressources naturelles de la province ainsi que la militarisation de la région. Les autorités ont également continué de réprimer les Tibétains protestant contre les violations des droits de leur minorité. Ainsi, le 1er août 2007, le moine Ronggye A'drak a été arrêté et placé en détention à Lithang après avoir parlé de l'importance du retour du Dalaï Lama au Tibet à une large foule.

Un environnement particulièrement restrictif à l'encontre de toute activité de défense des droits de l'Homme

En 2007, les autorités chinoises ont continué d'utiliser le cadre législatif afin de réduire au silence toute voix dissidente, notamment en arrêtant et en jugeant les défenseurs des droits de l'Homme sur la base de crimes vaguement définis, tels que l'"atteinte à la sécurité de l'État" (articles 102-113 du Code pénal), qui inclut l'"incitation à la subversion du pouvoir étatique" (article 105(2)), la "fuite de secrets d'État", et la "nuisance à l'ordre social".

D'autre part, malgré l'augmentation du nombre d'ONG en Chine, leur liberté d'action est sérieusement restreinte par des exigences en matière, entre autres, d'enregistrement et de recherche de fonds. Ainsi, toute organisation civile doit obtenir au préalable l'approbation et le soutien d'un département du parti ou du Gouvernement, ou d'une organisation affiliée à l'État qui travaille sur le même thème, avant de pouvoir déposer une demande d'enregistrement auprès du ministère des Affaires civiles (MOCA) et ses sections locales. Par conséquent, de nombreuses organisations opèrent sans statut légal, et sont donc à même de faire l'objet de fermetures, le Gouvernement pouvant en outre confisquer leur matériel et arrêter leurs membres.

Par ailleurs, la liberté de réunion pacifique est également très restreinte. Ainsi, selon la circulaire publiée par le ministère de la Sécurité publique le 5 avril 2000, lorsque les rassemblements pacifiques ont été "avivés par des éléments hostiles qui [...] exploitent les conflits entre différents groupes sociaux", la police a le devoir d'en "réprimer immédiatement leurs auteurs". En outre, l'article 11, section 5, de cette circulaire dispose que "les objets dangereux, les bannières, les prospectus et autres objets de propagande illégale doivent être confisqués, et ceux qui les portent traités selon la loi".2 De façon indifférenciée, le Gouvernement a ainsi cherché à intimider et à sanctionner toutes celles et tous ceux qui ont organisé des manifestations, en particulier afin de protester contre la corruption, l'effondrement de l'État social, la pollution, les expropriations forcées ou ceux qui ont organisé des grèves. Par exemple, le 19 janvier 2007, la police a évacué un sit-in organisé par des villageois protestant contre la vente illégale de leur terre par le Gouvernement dans le village de Sanshan, Foshan, province du Guangdong. Plus de 40 manifestants ont été arrêtés après avoir été battus, dont plusieurs personnes âgées.3

Un environnement qui s'est encore durci à l'approche des Jeux olympiques de 2008

Le contexte spécifique lié à la tenue des Jeux olympiques en août 2008 n'a fait que renforcer cet environnement hostile aux droits de l'Homme et à leurs défenseurs. Tout au long de 2007, les autorités ont ainsi intensifié leur répression afin de réduire au silence la société civile, multipliant en particulier les mises en "détention douce" ou résidence surveillée (notamment afin d'empêcher les défenseurs vivant en province de se rendre à Pékin), les arrestations arbitraires et les procès inéquitables de défenseurs de droits de l'Homme. De surcroît, le 16 novembre 2007, M. Liu Shaowu, directeur du département de la sécurité du Comité pour l'organisation des Jeux olympiques de Pékin, a annoncé aux médias que les manifestations seraient strictement interdites durant les Jeux. Le 22 septembre 2007, M. Gao Zhisheng, directeur du cabinet d'avocats de Shengzi, a été enlevé à son domicile par dix officiers en civil de la protection de la sûreté de l'État. Le 13 septembre 2007, M. Gao avait rédigé une lettre ouverte appelant les membres du Congrès américain à exprimer leur préoccupation sur la situation des droits de l'Homme en Chine en vue de la préparation des Jeux olympiques. Après avoir été détenu au secret pendant plus d'un mois, il a été reconduit chez lui, à Pékin, début novembre. M. Zhang Wenhe, militant démocrate, a été interné de force dans un hôpital psychiatrique après avoir arboré, en octobre 2007, dans les rues de Pékin, une banderole portant l'inscription "Nous voulons les droits de l'Homme et la démocratie, et non pas des JO fascistes". M. Yang Chunlin reste détenu depuis le 6 juillet 2007 pour avoir collecté des signatures en faveur de la lettre ouverte "Nous voulons les droits de l'Homme, pas les JO". Enfin, M. Hu Jia a lui aussi été arrêté le 27 décembre 2007 pour "incitation à la subversion de l'État" après avoir publiquement dénoncé l'échec du Gouvernement à tenir la promesse qu'il avait faite afin de pouvoir accueillir les Jeux, à savoir de promouvoir et respecter les droits de l'Homme.4

Dans un tel contexte, les organisateurs des Jeux n'ont pas su rappeler à leur hôte ses engagements internationaux en matière de respect et de promotion des droits de l'Homme. Ainsi, le 5 juillet 2007, M. Hein Verbruggen, président de la Commission de coordination de Pékin 2008, aurait déclaré que "la façon dont les Jeux de Pékin sont utilisés comme une plate-forme par des groupes qui ont des objectifs politiques et sociaux est souvent regrettable". Il aurait par ailleurs appelé le Comité d'organisation des Jeux olympiques (Beijing Organizing Committee for the Olympic Games – BOCOG) à "prendre des mesures pour empêcher ces revendications". Quelques jours plus tard, M. Verbruggen a tenu à préciser publiquement ses propos, déclarant qu'il avait seulement déconseillé aux ONG de "prendre en otage les Jeux olympiques à des fins politiques". Cependant, le 6 août 2007, M. Jacques Rogge, président du Comité international olympique (CIO), a considéré, dans une interview donnée à l'agence de presse Reuters, qu'il était "tout à fait légitime" pour des ONG ou des associations de défense des droits de l'Homme de s'exprimer parallèlement à l'organisation des Jeux.

Les avocats, une cible privilégiée de la répression

L'anneé 2007, tout comme 2006, a vu une augmentation de la répression à l'encontre des avocats, qui opèrent dans un environnement peu propice à leurs activités, l'article 306 du Code pénal, l'article 38 du Code de procédure pénale et l'article 45 de la Loi sur les avocats autorisant par exemple les procureurs à arrêter des avocats pour "parjure" et "faux témoignage", et à les condamner à des peines allant jusqu'à sept ans de prison. En outre, l'article 34 de la Loi sur les avocats, amendée en 2007, impose de nouvelles restrictions eu égard à leur liberté d'expression lors des audiences : le chapitre 4, article 37, dispose ainsi que "lorsqu'un avocat parle au nom de la défense d'un accusé, il/elle n'est pas légalement responsable. Cependant, cette disposition ne s'applique pas aux avocats dont le discours met en danger la sûreté de l'État, diffame de façon malicieuse les autres et perturbe l'ordre de la cour".5

Par ailleurs, nombreux sont les exemples d'avocats détenus et condamnés en raison de leurs activités de défense des droits de l'Homme. On peut noter ainsi le cas de M. Zheng Enchong, avocat au barreau de Shanghai, qui reste placé en résidence surveillée depuis sa libération, en juin 2006, et fait l'objet de multiples actes de harcèlement. Les avocats ont également fait l'objet d'agressions physiques, à l'exemple de M. Li Heping, qui a été battu pendant plusieurs heures par une douzaine d'hommes, le 29 septembre 2007. Quelques jours auparavant, des policiers de l'Unité nationale de protection et de sécurité du Bureau de sécurité publique (PSB) de Pékin lui avaient verbalement donné l'ordre de quitter la ville avec sa famille. De même, le 23 octobre 2007, M. Wang Guirong, qui a apporté son soutien à des travailleurs migrants afin qu'ils récupèrent le salaire au noir qu'on leur devait, a été attaqué à l'arme blanche, et en a perdu sa main gauche. Enfin, M. Chen Guangcheng, juriste autodidacte, était fin 2007 en prison pour avoir contribué à ce qu'une action en justice soit intentée contre la campagne d'avortements et de stérilisations forcées dont ont été victimes des milliers de femmes dans la ville de Linyi (province du Shandong). Sa peine de quatre ans et trois mois de prison a été confirmée en appel en janvier 2007.

Répression des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels

En Chine, les défenseurs des droits économique, sociaux et culturels ont continué de payer un lourd tribut en raison de leurs activités en faveur des défavorisés et de leur opposition à des groupes d'intérêts très puissants. La collusion, voire la complicité des autorités dans ces attaques croissantes reste par ailleurs une constante.

Défenseurs luttant contre les expropriations et les expulsions forcées

En 2007, les citoyens dénonçant les expulsions forcées ont continué de faire l'objet d'une répression incessante. Ainsi, le 8 novembre 2007, M. Gong Haoming a été placé en détention pour "révélation intentionnelle de secrets d'État". Depuis 1996, M. Gong poursuit le Gouvernement de Shanghai en justice pour violation du droit au logement et à la propriété. Le 10 avril 2007, MM. Liu Dehuo, Cui Yongfa, Chen Ningbiao, Chen Zhibiao, Shao Xixia, Guo Jianhua et Mme Shao Xiaobing ont été condamnés à des peines de prison allant de deux ans et demi à quatre ans de prison après avoir protesté en 2005 contre des expropriations forcées de terres.6

Défenseurs du droit à l'environnement

Les défenseurs du droit à l'environnement ne sont pas épargnés par la répression. Par exemple, le 10 août 2007, la Cour de la ville de Yixing a condamné M. Wu Lihong, environnementaliste et paysan de la commune de Zhoutie (Yixing, province du Jiangsu), à trois ans d'emprisonnement et à une amende de 500 RMB (environ 48 euros) pour "extorsion de fonds". Depuis 1991, M. Wu a régulièrement dénoncé auprès des autorités gouvernementales plusieurs entreprises qui déversent leurs déchets industriels dans le lac de Tai. De même, M. Sun Xiaodi, qui dénonce depuis dix ans la contamination radioactive issue d'une mine d'uranium, dans la préfecture autonome tibétaine de Gannan (Gansu), et sa famille font l'objet d'actes de harcèlement incessants.

Défenseurs du droit à la santé et luttant contre le HIV/SIDA

Celles et ceux qui défendent le droit à la santé font également l'objet d'actes de harcèlement. Un exemple emblématique de cette répression est celui de Mme Mao Hengfeng, défenseure engagée contre la politique de l'enfant unique, qui a été condamnée en janvier 2007 à deux ans et demi de prison pour "destruction volontaire de propriété", pour avoir brisé une lampe dans une chambre d'hôtel où elle avait été placée en "détention douce", sans mandat, le 23 mai 2006.

La répression vise également les militants de la lutte contre le HIV/SIDA, notamment lorsqu'ils mettent en cause la responsabilité des pouvoirs publics dans le développement de l'épidémie. Ainsi, Mme Li Xige demeure en résidence surveillée depuis 2006 en raison de son action en faveur de femmes devenues séropositives après une transfusion sanguine dans des hôpitaux publics, le plus souvent lors d'accouchements par césarienne, intervenus entre 1993 et 2001.

Défenseurs des droits des travailleurs

En Chine, où la liberté syndicale continue d'être inexistante, il reste extrêmement difficile pour les travailleurs de défendre leurs droits. Par exemple, le 31 octobre 2007, M. Li Guohong, représentant des travailleurs licenciés de la compagnie pétrolière "Zhongyuan", a été placé en détention administrative après s'être rendu dans la ville de Puyang (province du Henan) afin de se renseigner sur les poursuites judiciaires que les travailleurs licenciés de cette compagnie envisageaient d'initier contre l'entreprise. Le 16 novembre 2007, alors que M. Li devait être libéré, les autorités l'ont envoyé dans un camp de RTL pour une période d'un an et demi. Par ailleurs, le 20 novembre 2007, M. Huang Qingan, représentant du Centre "Dangongzhe", un centre de conseil et d'assistance aux travailleurs dans la ville de Shenzhen, a été attaqué à l'arme blanche à proximité du siège de l'organisation. Le centre lui-même avait été mis à sac lors de deux attaques antérieures, les 11 octobre et 12 novembre 2007. Ces actes semblent liés à une campagne plus vaste dirigée contre le Centre et, en particulier, contre ses activités en faveur de la main-d'oeuvre migrante.7

Entraves à la liberté d'expression et répression des cyberdissidents

Toujours soucieux de maîtriser son image, le Gouvernement chinois contrôle très étroitement toute information qui le concerne, et les "cyberdissidents", ces défenseurs qui utilisent Internet pour promouvoir les droits de l'Homme et la démocratie, sont tout particulièrement visés par la répression.8 Les autorités sont notamment devenues maîtres dans les technologies permettant de filtrer et de surveiller les sites Internet et leur contenu. La ville de Mianyang (province du Sichuan) a par exemple fermé plus de 2 000 sites et forums Internet en novembre 2007 au nom d'une "campagne de lutte contre la pornographie sur Internet", mais qui a visé principalement des sites dits "sensibles", dont le China Citizens Monitor Net, un site qui lutte contre la corruption. Les cyberdissidents sont également détenus et condamnés à des peines arbitraires. Ainsi, M. Zhang Jianhong, alias Li Hong, fondateur et rédacteur en chef du site Internet La mer d'Egée (Aiqinhai), fermé en mars 2006, et membre de l'association des écrivains indépendants PEN, a été condamné le 19 mars 2007 à six ans de prison pour "incitation à la subversion contre le pouvoir d'État" par la Cour intermédiaire de Ningbo.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 La RTL est une mesure administrative de détention qui permet au Bureau de sécurité publique (Public Security Bureau – PSB), sans contrôle judiciaire, de détenir des personnes pour un maximum de quatre ans. Les détenus n'ont pas droit à l'assistance d'un avocat et ne peuvent introduire de recours contre une telle décision. La RTL s'applique à des infractions dont la gravité est insuffisante pour qu'elles soient punies en vertu du Code pénal.

2 Cf. "Chinese Labour Bulletin". Traduction non officielle.

3 Cf. "Chinese Human Rights Defenders" (CRD).

4 A cet égard, le Parlement européen, dans sa résolution P6_TA(2007)0622, adoptée le 13 décembre 2007, s'est inquiété "vivement de la récente intensification des persécutions politiques dont sont la cible, dans le contexte des Jeux olympiques, des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes, des avocats, des pétitionnaires, des militants de la société civile, des groupes ethniques comme les Ouïghours et des personnes croyantes de toutes confessions, en particulier des adeptes de Falun Gong" et a "invit[é] les autorités chinoises à les libérer sans délai et à mettre fin à ces violations des droits de l'homme ainsi qu'à la démolition de quartiers entiers, sans dédommagement, pour la construction des infrastructures olympiques".

5 Traduction non officielle.

6 Cf. CRD.

7 Cf. communiqué de la Confédération syndicale internationale (CSI), 27 novembre 2007.

8 Dans sa résolution P6_TA(2007)0622, adoptée le 13 décembre 2007, le Parlement européen s'est ainsi dit "préoccupé par la surveillance et la censure des informations sur Internet" et a "invit[é] les autorités chinoises à libérer [les] [...] cyberdissidents et utilisateurs d'Internet emprisonnés en Chine".

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