Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Burundi

Contexte politique

Alors que la mise en oeuvre de l'Accord général de cessez-le-feu, signé le 7 septembre 2006 par le Gouvernement burundais et les rebelles, reste bloquée depuis que les Forces nationales de libération (FNL) se sont retirées en juillet 2007 de la table des négociations, la présence du Parti pour la libération du peuple hutu – Forces nationales de libération (PALIPEHUTU-FNL) dans l'ouest du pays a provoqué en 2007 des violations des droits de l'Homme tant de la part des rebelles que des forces de sécurité.1

L'année 2007 avait pourtant débuté par une lueur d'espoir pour la stabilité politique avec la libération de cinq des présumés putschistes de 2006 dont l'ancien chef d'État, M. Domitien Ndayizeye, et trois journalistes des radios Isanganiro et Radio publique africaine. Mais les retards dans la mise en oeuvre de l'accord avec les FLN et la destitution du président du parti au pouvoir, le Conseil national de défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), ont provoqué une crise au sein de ce parti qui a paralysé le Parlement et les autres institutions nationales. Sous la pression de la société civile et des partenaires internationaux du pays, les partis d'opposition ont décidé de participer de manière sélective aux séances parlementaires.2

Cette crise politique a finalement été résolue par la constitution d'un nouveau Gouvernement en novembre 2007.

Dans le processus de reconstruction du pays et de consolidation de la paix, le nouveau Gouvernement devra s'atteler à la question de la justice transitionnelle en vue de faire la lumière sur les graves violations des droits de l'Homme perpétrées depuis le début de la guerre civile en 1993. En mars 2007, l'établissement d'une commission tripartite pour organiser des consultations populaires a été accepté. Cette commission est composée de six personnes représentant l'État, la société civile et la communauté internationale. La mise en place d'un mécanisme de justice transitionnelle a en outre constitué l'objectif principal de la visite de la Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, qui a eu lieu du 19 au 23 mai 2007. Les organisations de la société civile ont toutefois signifié à la Haut commissaire qu'il était difficile de penser à une quelconque justice tant que la situation sécuritaire n'était pas assurée.

Menaces et attaques contre les défenseurs qui dénoncent la pratique de la torture par des agents de l'État

Dans ses conclusions finales datant de février 2007, le Comité des Nations unies contre la torture s'est dit alarmé par les informations faisant état d'une pratique généralisée de la torture. Il s'est également montré préoccupé par les actes de représailles, d'intimidation et de menaces à l'égard des défenseurs des droits de l'Homme, en particulier les personnes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements, et a demandé à l'État de prendre des mesures pour garantir leur protection.3

Malgré ces recommandations, plusieurs membres d'ONG ont été menacés, intimidés ou victimes de passages à tabac en 2007 par les autorités qu'ils ont osé mettre en cause, en premier lieu desquelles des agents de police. Ainsi, le 23 février 2007, M. Alexis Nzisabira, membre de la Ligue Iteka, a été passé à tabac par le chef de la police de sécurité intérieure pour avoir dénoncé des actes de torture que celui-ci aurait perpétrés. De même, le 18 mars 2007, M. Emile Mbokoka, observateur de la Ligue Iteka, a été intimidé et verbalement menacé par un agent de la police de sécurité intérieure en raison d'un article paru sur le site de l'organisation le 16 mars 2007 sur les cas de torture perpétrés par les agents de cette police.

Actes d'intimidation à l'encontre des défenseurs qui dénoncent la corruption et le trafic des ressources naturelles

Au Burundi, la corruption reste un problème majeur, bien que n'étant pas considérée comme tel par tous les représentants de l'État.4 Cette année, l'Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME) a ainsi continué d'être victime de chantage et d'intimidation pour avoir dénoncé le manque de transparence dans l'extraction des minerais du nord du pays et la complicité des agents de l'administration burundaise dans les activités de contrebande. Le 9 décembre 2007, journée internationale de lutte contre la corruption, l'OLUCOME a indiqué qu'il traitait plus de 470 dossiers de corruption et a mentionné les menaces qui pesaient sur d'autres institutions comme la Radio publique africaine. Par ailleurs si, lors de la remise d'un prix par l'OLUCOME à l'ancien Ministre de la Bonne Gouvernance pour son travail accompli dans la lutte contre la corruption, celui-ci a salué, dans les mots adressés à son successeur, le rôle des ONG – mentionnant la Ligue Iteka, l'Observatoire de l'action gouvernementale (OAG) et d'autres organisations – et l'a encouragé à poursuivre cette collaboration, cette démarche positive reste malheureusement encore trop isolée.

Actes de représailles contre les défenseurs qui dénoncent les abus de pouvoir

La critique par les défenseurs burundais des abus de pouvoir de la part des autorités a entraîné des représailles à leur encontre : M. Alexis Ndayiragije, correspondant de Radio sans frontières Bonesha FM dans la province de Gitega, a ainsi été arrêté en avril 2007 pour avoir diffusé l'information sur le détournement des vivres destinées à la population démunie de l'une des provinces du pays, tandis qu'un autre journaliste, M. Karihungu Amissi, a été menacé pour avoir fait un reportage sur la destitution par les autorités d'un chef de quartier. M. Pierre Claver Mbonimpa, président de l'Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (A. PRO. D. H), a quant à lui été interrogé par le procureur de la République, le 18 mai 2007, pour s'être exprimé sur la lenteur dans le traitement du dossier sur les assassinats de près de 30 personnes dans la province de Muyinga, au nord du pays.

Obstacles aux dénonciations sur les violations des droits de l'Homme commises par le PALIPEHUTU-FNL

Dénoncer les violations des droits de l'Homme commises par les rebelles du PALIPEHUTU-FNL (vols, homicides et viols), a également un coût. M. Evariste Nzikobanyanka, journaliste de la Radio publique africaine, a ainsi été menacé par un membre du PALIPEHUTU-FNL pour avoir diffusé l'information relative à l'assassinat de deux membres du mouvement par leurs compagnons d'armes au début du mois d'avril 2007.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Dans ses rapports hebdomadaires, le Bureau intégré des Nations unies au Burundi (BINUB), qui a succédé à la Mission des Nations unies au Burundi le 1er janvier 2007, fait état de ces violations des droits de l'Homme. A titre d'exemple, dans la semaine du 3 au 7 décembre 2007, il a recensé 238 cas de violations par les agents de la police nationale du Burundi, cinq cas par les agents de la force de défense nationale et cinq cas par les agents du service national de renseignement. D'autres rapports témoignent des violations commises par les FNL.

2 Cf. deuxième rapport du Secrétaire général des Nations unies sur le BINUB, 23 novembre 2007.

3 Cf. conclusions et recommandations du Comité contre la torture, document des Nations unies CAT/C/BDI/CO/1, 15 février 2007.

4 L'Union européenne a ainsi invité le Gouvernement burundais à asseoir définitivement des principes de gestion efficace et transparente des affaires de l'État (Cf. déclaration de la présidence de l'Union européenne, 27 novembre 2007).

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