CRR, 10 février 1995, 267771, Mme Ratnamamallaga Bandara Toshara ép. Gamage

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES

demeurant

Chez M. WIJAYARATNE ANUSHA

 

36, rue de Terre Neuve

 

75020 PARIS

ledit recours et ledit mémoire

enregistrés le 24 mai 1994 et le 10 février 1995

au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A)

a rejeté le 24 mars 1994 sa demande d'admission au statut de réfugiée;

Par les moyens suivants:

-           aux côtés de son mari, la requérante a très activement milité au sein du Parti sri-lankais de la liberté (SLFP); tous deux ont pour cela été menacés de mort à partir de mars 1993, sans pouvoir porter plainte, les policiers s'avérant être des miliciens d'un gouverneur provincial opposé au SLFP; en mai 1993, son mari a été enlevé par des miliciens progouvernementaux; après avoir porté plainte elle a, en tant que témoin, été recherchée, tandis que ses proches étaient gravement harcelés; après, notamment, qu'une de ses collègues eut été torturée à cause d'elle, elle a quitté le Sri-Lanka en février 1994; son mari a été retrouvé mort le 7 août 1994;

-           étant actuellement poursuivie sur la base de fausses accusations, pour activités subversives, elle craint d'être persécutée en cas de retour dans son pays d'origine où le Parti national unifié (UNP) dirige toujours sa province et où les nouvelles autorités nationales dont l'assise est encore incertaine, ne sont pas en mesure de la protéger;

-           en tout état de cause, des raisons impérieuses, liées à l'assassinat, dans des circonstances atroces, de son mari, justifient, en dépit des changements politiques survenus au Sri-Lanka depuis lors, son refus de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité, au sens des stipulations de l'article 1er, C, 5. 2° de la Convention de Genève;

Vu la décision attaquée;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 2 juin 1994,

le dossier de la demande d'admission au statut de réfugiée présentée par l'intéressée au directeur de l'O.F.P.R.A., communiqué par celui-ci sans observations:

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 10 février 1995

Mlle MICHEL, rapporteur de l'affaire, les observations de Maître LAURAIN, conseil de la requérante, et les explications de cette dernière;

M. BANDARA, interprète assermenté;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

Considérant que, pour demander la reconnaissance de la qualité de réfugiée, Mme RATNAMAMALLAGA BANDARA Toshara épouse GAMAGE, qui est de nationalité sri-lankaise et d'origine cinghalaise, soutient qu'aux côtés de son mari, elle a très activement milité au sein du Parti sri-lankais de la liberté (SLFP), que tous deux ont pour cela été menacés à partir de mars 1993, sans pouvoir porter plainte; qu'en mai 1993, son mari a été enlevé par des miliciens progouvemementaux; qu'après avoir porté plainte elle a, en tant que témoin, été recherchée, tandis que, ses proches étaient gravement harcelés; qu'après, notamment, qu'une de ses collègues eut été torturée à cause d'elle, elle a quitté le Sri-Lanka en février 1994; que sa famille est harcelée; que son mari a été retrouvé mort le 7 août 1994; qu'en dépit du succès remporté, au sein d'une coalition, par le SLFP lors des élections législatives d'août 1994 et de l'arrivée à la présidence de la République de Mme Kumaratunga en novembre 1994, elle craint aujourd'hui d'être persécutée en cas de retour dans son pays d'origine où elle est toujours poursuivie sur la base de fausses accusations portées contre elle sous la majorité précédente et où le parti précédemment au pouvoir dirige toujours sa province sans que les nouvelles autorités nationales, dont l'assise est encore incertaine, ne soient en mesure de la protéger; qu'en tout état de cause, des raisons impérieuses, liées à l'assassinat, dans des circonstances atroces, de son mari, justifient son refus de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité, au sens des stipulations de l'article 1er C, 5, 2° de la Convention de Genève;

Considérant, d'une part, qu'à les supposer établis, les faits allégués par la requérante, y compris les poursuites dont elle ferait encore actuellement l'objet sur la base de fausses accusations portées contre elle sous la majorité politique précédente, ne sont pas de nature eu égard à la circonstance que le parti dont elle se réclame est désormais au pouvoir, à justifier le bien-fondé des craintes actuelles exprimées par Mme Gamage à l'égard des autorités publiques sri-lankaises; que, ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique devant la Commission, ni la circonstance que sa région d'origine serait toujours dirigée par l'ancien parti gouvernemental (UNP) ne permettent d'infirmer cette analyse; qu'en particulier, les documents produits et présentés comme étant des articles de presse, des courriers émanant de l'avocat sri-lankais de l'intéressée et postérieurs aux élections législatives d'août 1994, des correspondances privées, une déclaration faite sous serment par sa mère le 20 janvier 1995, une "citation à une personne accusée" et une convocation de l'intéressée devant un tribunal le 14 mars 1995 sont insuffisants à cet égard:

Considérant, d'autre part, que si des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures, au sens des situations de l'article 1er C, 5, 2° de la Convention de Genève, peuvent fonder le refus d'un requérant de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité en dépit de changements politiques survenus dans ce pays, il ne résulte pas des mêmes pièces et des mêmes déclarations que le motif allégué par la requérante pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité présente le caractère d'une raison impérieuse au sens desdites stipulations;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours ne peut être accueilli;

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