Le conflit en Tchétchénie

Discussion par l'Assemblée le 27 janvier 2000 (6e et 7e séances). Voir Doc. 8630, rapport de la commission des questions politiques (rapporteur: Lord Judd), Doc. 8631, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme (rapporteur: M. Bindig) et Doc. 8632, avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie (rapporteur: M. Iwinski). Texte adopté par l'Assemblée le 27 janvier 2000 (7e séance).

1.   L'Assemblée rappelle sa Résolution 1201 (1999) du 4 novembre 1999 relative au conflit en Tchétchénie, dans laquelle elle demande à la Russie d'éviter les raids militaires contre la population civile, d'introduire un cessez-le-feu et d'engager un dialogue pacifique avec les autorités tchétchènes élues et demande aussi que les personnes coupables d'actes terroristes, de violations des droits de l'homme et d'enlèvements soient poursuivies et que tous les otages soient immédiatement libérés.

2.  Elle rappelle également la déclaration du Bureau de l'Assemblée parlementaire sur la situation en Tchétchénie du 13 décembre 1999 selon laquelle « la persistance des violations pourrait conduire l'Assemblée parlementaire à remettre en question la participation de la Russie aux travaux de l'Assemblée et au Conseil de l'Europe en général » et prend acte des constations de sa délégation au cours de sa toute récente visite à Moscou, au Daghestan, en Tchétchénie et en Ingoutie (16-20 janvier 2000).

3.  A son admission en 1996, la Russie s'est engagée à régler les conflits internes et internationaux par des moyens pacifiques et à respecter scrupuleusement les dispositions du droit humanitaire international, y compris les cas de conflits armés sur son territoire.

4.   En sa qualité de membre du Conseil de l'Europe, la Russie est obligée de veiller au respect de la Convention européenne des droits de l'homme, de la prééminence du droit et des principes démocratiques sur l'ensemble de son territoire, y compris la Tchétchénie.

5.   L'Assemblée reconnaît le droit de la Russie à préserver son intégrité territoriale, à combattre le terrorisme et la criminalité et à protéger sa population, y compris les habitants de la Tchétchénie et des républiques et régions voisines, contre les agressions terroristes et les actes de banditisme. L'Assemblée réaffirme qu'elle condamne fermement tous les actes terroristes et enlèvements et toutes les exécutions publiques et violations des droits de l'homme perpétrés en Tchétchénie.

6.   Néanmoins, elle souligne que les moyens employés pour parvenir à ces objectifs doivent être en conformité avec les engagements internationaux de la Russie et doivent exclure, en particulier, le recours inconsidéré et disproportionné à la force à l'encontre de la population civile.

7.   L'Assemblée condamne, comme totalement inacceptable, la conduite actuelle d'opérations militaires en Tchétchénie avec ses conséquences tragiques pour de nombreux civils de cette république. Ce recours inconsidéré et disproportionné à la force viole de manière très grave les droits fondamentaux de civils tchétchènes non belligérants et innocents, notamment leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.

8.   La Russie viole donc certaines de ses obligations les plus importantes aux termes de la Convention européenne des droits de l'homme et du droit humanitaire international ainsi que les engagements qu'elle a souscrits en adhérant au Conseil de l'Europe.

9.   L'Assemblée estime que les opérations militaires des forces fédérales russes en Tchétchénie violent l'état de droit, puisque la loi sur la lutte contre le crime organisé ne couvre pas l'étendue de ces opérations; l'état d'urgence n'ayant pas été déclaré, ces opérations se révèlent être arbitraires et ne pas être prévues par la législation.

10.  L'Assemblée regrette que pendant la période 1996-1999 les dirigeants tchétchènes n'aient pas pu assurer la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme fondamentaux et des libertés individuelles en Tchétchénie.

11.  L'Assemblée demande instamment aux Tchétchènes d'instaurer immédiatement un cessez-le-feu complet et exhorte les représentants élus tchétchènes à assurer la libération de tous les otages, mettre fin à tous les actes de terrorisme et de violence émanant de la partie tchétchène et traduire en justice les auteurs de ces actes, ainsi que pour assurer le respect des normes démocratiques sur les territoires sous leur contrôle.

12.  L'Assemblée réitère son soutien de tous les efforts visant à rétablir l'état de droit et le respect des principes démocratiques en Tchétchénie, ainsi que les structures sociales et économiques de cette république, pour autant qu'ils soient compatibles avec les normes et les principes acceptés au plan international.

13.  L'Assemblée reconnaît les origines historiques profondes du conflit et est convaincue qu'une solution durable et viable peut seulement être fondée sur le rejet de la violence et le consentement à la fois d'une majorité convaincante de la population et des principales parties au conflit.

14.  L'Assemblée note avec une certaine satisfaction que le Président intérimaire de la Russie, M. Vladimir Poutine, a accepté la proposition d'une présence du Conseil de l'Europe dans la région dont l'objectif serait de suivre, en coopération avec les autorités russes, la situation humanitaire et des droits de l'homme et de formuler des propositions à cet égard.

15.  Elle se félicite également de la volonté de la Russie de coopérer avec le Conseil de l'Europe à la solution de ce conflit et de prendre en compte les propositions de l'Organisation à ce sujet.

16.  L'Assemblée demande à la Russie:

i.    d'instaurer un cessez-le-feu complet et immédiat et, en particulier, d'arrêter immédiatement toutes les actions militaires inconsidérées et disproportionnées en Tchétchénie, y compris l'utilisation de jeunes conscrits et de cesser toute attaque contre la population civile;

ii.    d'entamer immédiatement un dialogue politique, sans condition préalable, avec les autorités tchétchènes élues, dans le but d'assurer un cessez-le-feu complet et de parvenir à une solution politique globale du conflit;

iii.   de permettre aux personnes qui veulent quitter la Tchétchénie de le faire en toute sécurité et dignité, quel que soit leur âge ou leur sexe, et de veiller à ce qu'elles reçoivent par la suite une protection et un soutien appropriés;

iv.   de s'abstenir de tout rapatriement forcé en Tchétchénie;

v.    de respecter scrupuleusement les droits de l'homme fondamentaux de la population civile dans les territoires de la Tchétchénie sous son contrôle, en particulier en ce qui concerne les violations des droits de l'homme et les harcèlements commis par les forces militaires et de police;

vi.   de permettre l'acheminement libre de l'aide humanitaire internationale et l'action efficace des organisations humanitaires gouvernementales et non gouvernementales internationales dans la région;

vii.  d'assurer le libre accès des médias russes et internationaux à la région;

viii.  d'examiner avec les organisations internationales compétentes, dont le Conseil de l'Europe, par quels moyens elles peuvent contribuer à la solution politique du conflit;

ix.   d'engager un dialogue régional sur la solution pacifique du conflit tchétchène, avec la participation de représentants de la Tchétchénie, du Daghestan, de l'Ingouchie et de l'Ossétie du nord, ainsi qu'avec les organisations internationales compétentes, notamment le Conseil de l'Europe.

x.   de demander à la Fédération de Russie de garantir le plein exercice d'un aspect fondamental de la démocratie, à savoir l'activité totale et autonome des médias.

17.  L'Assemblée recommande au Comité des Ministres:

i.    de transmettre au Gouvernement russe la présente recommandation de l'Assemblée et de demander au Président du Comité des Ministres d'engager immédiatement l'action nécessaire pour assurer sa mise en oeuvre;

ii.    de prendre rapidement, en étroite coopération avec les autorités russes, les mesures nécessaires destinées à assurer une présence du Conseil de l'Europe dans la région, en respectant les activités d'autres organisations internationales;

iii.   d'étudier la question des violations des droits de l'homme dans le conflit tchétchène à sa prochaine réunion afin de prendre les mesures nécessaires dans le cadre de ses pouvoirs statutaires;

iv.   d'analyser, en étroite coopération avec les autorités russes, les programmes d'assistance et de coopération du Conseil de l'Europe avec la Russie, afin de s'assurer qu'ils n'entravent en aucune manière directement ou indirectement une solution du conflit, mais qu'ils la favorisent bien;

v.    de fournir un soutien approprié aux autorités russes en vue de la mise en oeuvre des politiques pacifiques, conformément aux normes et aux principes du Conseil de l'Europe visant à normaliser la situation en Tchétchénie, en ce qui concerne en particulier la mise en place des collectivités locales, l'enregistrement de la population, et en veillant à ce que le soutien financier et matériel parvienne effectivement à ses destinataires;

vi.   de jouer un rôle actif dans la préparation, en collaboration avec les autorités russes, d'une conférence régionale à laquelle participeraient la Tchétchénie, le Daghestan, l'Ingouchie et l'Ossétie du nord, ainsi que les organisations internationales compétentes, dont le Conseil de l'Europe, pour coordonner l'action concertée pour une solution permanente de la situation en Tchétchénie;

vii.  de demander à ses Etats membres de prendre des mesures efficaces afin de combattre l'afflux des armes dans la région du Caucase du nord.

18.  L'Assemblée décide de suivre de près le respect des exigences énoncées au paragraphe 16 de la présente recommandation, tout en soulignant en même temps que leur non-respect necessitera inévitablement, lors de la partie de session d'avril 2000 de l'Assemblée, un rééxamen de la poursuite de l'appartenance de la Russie au Conseil de l'Europe en général et de sa participation aux travaux de l'Assemblée. L'Assemblée demande donc à la commission des questions politiques, à la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, à la commission des questions juridiques et des droits de l'homme et à la commission de suivi de prendre des dispositions pour que les rapporteurs se rendent à nouveau dans la région avant la partie de session d'avril afin de faire rapport sur la nécessité éventuelle d'un tel réexamen.

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