COMMISSION EUROPEENNE DE DROITS D'HOMME

SUR LA RECEVABILITE DE
La requête présentée par ZEHAR contre la FRANCE

REF. NO:

ORIGIN: COMMISSION (Deuxième Chambre)

TYPE: DECISION

PUBLICATION:

TITLE: ZEHAR contre la FRANCE

APPLICATION NO.: 25408/94

NATIONALITY: Algérienne

REPRESENTED BY: MAUGENDRE, S., avocat, la Seine Saint Denis

RESPONDENT: France

DATE OF INTRODUCTION: 19941006

DATE OF DECISION: 19951018

APPLICABILITY:

CONCLUSION: Recevable le grief du requérant selon lequel son expulsion porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Irrecevable pour le surplus

ARTICLES: 8 ; P7-4 ; 13

RULES OF PROCEDURE:

LAW AT ISSUE:

STRASBOURG CASE-LAW:

No 7729/76, déc. 17.12.76, D.R. 7, p. 165

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 25408/94 présentée par Mohamed ZEHAR contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 18 octobre 1995 en présence de MM.H. DANELIUS, Président G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY P. LORENZEN MmeM.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 6 octobre 1994 par Mohamed ZEHAR contre la France et enregistrée le 12 octobre 1994 sous le N° de dossier 25408/94 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 17 mai 1995 et les observations en réponse présentées par le requérant le 28 août 1995 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant est un ressortissant algérien né en 1954 et ayant son domicile à Hénin Beaumont (France). Devant la Commission, il est représenté par Maître Stéphane Maugendre, avocat au barreau de la Seine Saint Denis. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les parties, peuvent se résumer comme suit : Né en Algérie en 1954, le requérant vint rejoindre son père installé sur le territoire français deux ans plus tard. Trois de ses frères et soeurs sont nés en France et sont de nationalité française. Il a effectué toute sa scolarité en France. Le 4 mars 1983, le requérant reconnut un enfant né le 17 novembre 1982 de Mlle K., de nationalité française. Le requérant a effectué son service militaire en Algérie de 1976 à 1978 puis il est revenu sur le territoire français. Le requérant a fait notamment l'objet des condamnations suivantes : Le 19 mai 1973, il fut condamné à cinq années de réclusion criminelle pour vols qualifiés (participation à une dizaine d'agressions de nuit en auto, sur des personnes qu'il menaçait d'une carabine). Ces faits donnèrent lieu à un arrêté d'expulsion le 14 juin 1974, assorti de sursis trimestriels en raison du jeune âge du requérant. L'arrêté d'expulsion fut abrogé en 1981. Le 30 septembre 1985, il fut condamné à deux années d'emprisonnement pour vols par le tribunal correctionnel de Valenciennes. Entre-temps il fut poursuivi en Belgique où il fut extradé et condamné à trois ans d'emprisonnement pour vol et vol à main armée commis en 1981 et 1983. Un nouvel arrêté d'expulsion fut pris le 4 février 1987, ultérieurement annulé le 28 février 1988 par le tribunal administratif de Lille. Le 3 décembre 1987, le requérant fut condamné à cinq mois d'emprisonnement pour vol, rébellion et détérioration de biens appartenant à autrui. Le 4 janvier 1988, il fut condamné à six mois d'emprisonnement et trois ans d'interdiction de séjour pour violences volontaires à une personne vulnérable (âgée de 85 ans). Le 7 juillet 1988, il fut condamné à trois mois d'emprisonnement pour infraction à l'interdiction de séjour et le 17 mai 1989 à dix-huit mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction de séjour pour proxénétisme, cette peine complémentaire ayant été ramenée à quatre années par la cour d'appel de Douai le 29 mai 1992. Sorti de la prison de Douai le 20 novembre 1989 et étant interdit de séjour dans le département du Nord, le requérant s'installa alors dans le département du Pas-de-Calais. Après avoir purgé une peine de prison de quatre mois à la maison d'arrêt de Valenciennes, il fut libéré le 27 octobre 1990. Le 16 mars 1991, le requérant épousa Mlle N., une ressortissante française. Le 18 juin 1991, le ministre de l'Intérieur prit un arrêté d'expulsion par mesure d'urgence à l'encontre du requérant sur le fondement de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France aux motifs suivants : "Que le nommé Z. (le requérant), ressortissant algérien, né le 15 novembre 1945 à Oued Alaa (Algérie) a commis le 15 juillet 1987 des faits de vols, de détériorations graves d'un bien appartenant à autrui, le 2 janvier 1988 des faits de violences sur une personne vulnérable (personne de 85 ans), courant novembre 1988 et décembre 1988 des faits de proxénétisme ; Qu'en raison de son comportement l'expulsion de cet étranger constitue une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, Considérant que sa libération est intervenue, Considérant qu'il y a en conséquence urgence absolue à l'éloigner du territoire français". Cet arrêté fut notifié au requérant le 19 décembre 1991 et mis immédiatement en exécution. Refusant d'embarquer dans l'avion, il a été traduit devant le tribunal correctionnel de Créteil pour soustraction à l'exécution d'un arrêté d'expulsion. Par jugement en date du 17 janvier 1992, le tribunal correctionnel de Créteil, considérant que l'urgence absolue n'était pas justifiée, puisque l'arrêté d'expulsion était intervenu plus d'un an et demi après l'élargissement de l'intéressé, constata de ce fait son illégalité pour défaut de motif et relaxa le requérant. Le jugement précisait par ailleurs que durant cette année le requérant avait fondé un foyer. Le 18 février 1992, le requérant présenta une requête devant le tribunal administratif d'Amiens tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion du 18 juin 1991. Par jugement en date du 18 juin 1992, le tribunal a rejeté son recours. Refusant d'embarquer une nouvelle fois sur le vol à destination d'Alger, le requérant fut traduit devant le tribunal correctionnel de Créteil qui, par décision du 3 septembre 1992, a relaxé le requérant des fins de poursuites pénales pour soustraction à l'exécution d'un arrêté d'expulsion, ayant de nouveau considéré que celui-ci était illégal. Le 7 mai 1993, l'épouse du requérant donna naissance à une fille de nationalité française. Par arrêt en date du 8 avril 1994, le Conseil d'Etat confirma la décision du tribunal administratif d'Amiens aux motifs suivants : "Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du ministre de l'Intérieur et de la sécurité publique justifie la décision d'expulsion de M. Z. (le requérant) en mentionnant les faits dont ce dernier s'est rendu coupable au cours de son séjour en France et dont la répétition et la gravité lui paraissent constituer une menace grave pour la sécurité publique ; que ledit arrêté est donc suffisamment motivé au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "en cas d'urgence absolue, et par dérogation aux articles 23 et 25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité publique" ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Z., de nationalité algérienne, a commis, depuis 1973, une série de vols, violences et infractions diverses qui lui ont valu une dizaine d'années d'emprisonnement ; qu'en considération de la gravité et du renouvellement de ces infractions, le ministre de l'Intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'expulsion de M. Z. du territoire français avait le caractère d'une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que la circonstance que l'arrêté d'expulsion ait été pris huit mois après sa sortie de prison n'est pas, à elle seule, suffisante pour retirer à cette mesure son caractère d'urgence absolue, compte tenu de la gravité et de la continuité des faits reprochés au requérant ; qu'ainsi M. Z. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'Intérieur a décidé son expulsion selon la procédure exceptionnelle prévue à l'article 26 précité ; Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2..." qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure attaquée, fondée sur la défense de l'ordre public était, eu égard au comportement du requérant et à la gravité des actes commis par lui, nécessaire pour la défense de cet ordre ; que dans ces conditions, elle n'a pas été prise en violation de l'article 8 de ladite Convention ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Z. n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 juin 1991, par lequel le ministre de l'Intérieur a décidé son expulsion du territoire français". Le 27 mai 1994, le requérant fut expulsé vers l'Algérie.

GRIEFS

Le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis l'âge de deux ans et n'a aucune attache familiale en Algérie. Toute sa famille réside en France. Il en est de même de son fils et de sa fille de nationalité française. Il vit en France avec son épouse de nationalité française. Ainsi, toutes ses attaches familiales et sociales sont en France. De plus, depuis sa sortie de prison, il s'est toujours conformé aux décisions judiciaires et administratives prises à son égard et les a contestées le cas échéant par voie légale. Il estime que son expulsion constitue une atteinte à l'article 8 de la Convention. Le requérant fait observer qu'en dépit des constats d'illégalité de l'arrêté d'expulsion faits par le tribunal correctionnel de Créteil à deux reprises, les juridictions administratives ont refusé de l'annuler et les autorités françaises l'ont mis en exécution. Il estime que cela constitue une violation de l'article 4 du Protocole N° 7. Il considère également qu'il est placé dans une situation inextricable, puisqu'une juridiction affirmait qu'il pouvait rester en France et une autre affirmait le contraire. Il fait noter qu'il ne dispose d'aucun recours effectif devant une instance supérieure qui trancherait ce conflit et invoque l'article 13 de la Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

La requête a été introduite le 6 octobre 1994 et enregistrée le 12 octobre 1994. Le 17 janvier 1995, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé des griefs tirés des articles 8 et 13 de la Convention. Le Gouvernement a présenté ses observations le 17 mai 1995 après une prorogation du délai et le requérant y a répondu le 28 août 1995.

EN DROIT

1.Le requérant estime que compte tenu des attaches sociales et familiales qu'il a nouées en France, la mesure d'expulsion constitue une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 (art. 8) de la Convention qui dispose : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." Le Gouvernement rappelle que, selon la jurisprudence constante de la Commission et de la Cour, le droit de ne pas être expulsé ne figure pas en tant que tel parmi les droits et libertés garantis par la Convention. Le Gouvernement admet qu'eu égard aux attaches familiales du requérant en France, la mesure d'expulsion peut être considérée comme constituant une ingérence dans la vie familiale du requérant. Quant à l'ingérence dans sa vie privée, le Gouvernement fait observer que, si le requérant a passé une grande partie de sa vie en France, il s'avère qu'il a également vécu en Algérie puisqu'il y a notamment effectué son service militaire pendant deux ans. Le requérant connaît donc son pays d'origine dont il parle la langue. Par ailleurs, il n'a jamais eu de vie stable en France où il n'a pas de profession déterminée et où il ne semble avoir jamais eu d'emploi ou très épisodiquement. Le requérant n'est donc pas intégré dans un milieu socio-professionnel. Au vu de ces éléments, le Gouvernement considère que la mesure d'éloignement en cause ne porte pas atteinte à son droit à une vie privée. Le Gouvernement fait valoir que, quand bien même il y aurait eu en l'espèce ingérence dans la vie privée et familiale du requérant, celle-ci est justifiée au regard du paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention. En premier lieu, le Gouvernement relève que l'arrêté d'expulsion est fondé sur l'article 26 de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. La légalité de cet arrêté a été confirmée par le tribunal administratif d'Amiens puis par le Conseil d'Etat. Ensuite, la mesure d'expulsion prise à l'encontre du requérant visait des fins pleinement compatibles avec la Convention, à savoir : la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales. Le Gouvernement soutient que l'ingérence était "nécessaire dans une société démocratique" compte tenu du danger que le requérant représente. En effet, les délits perpétrés par le requérant se caractérisent par leur gravité et leur caractère renouvelé. Le requérant a été notamment condamné à cinq ans de réclusion criminelle. Par ailleurs, l'intéressé n'a jamais mis à profit les mesures de bienveillance qui ont été prises en sa faveur tels que les sursis trimestriels suspendant l'exécution du premier arrêté d'expulsion puis l'abrogation dudit arrêté, mais a persévéré dans la violence et la délinquance. En outre, le requérant a fait preuve d'un comportement asocial, tant à l'encontre de l'autorité publique que de ses proches, n'hésitant pas à frapper le père très âgé d'un ami et à vivre de la prostitution de la mère d'un de ses enfants. Le Gouvernement souligne que si le requérant est marié à une ressortissante française et a deux enfants, les liens entre le requérant et sa famille ne semblent pas très étroits. Son premier enfant a été élevé par ses parents et rien n'indique qu'il ait participé à l'entretien de cet enfant, dont la mère a par ailleurs fait l'objet de poursuites pour prostitution et usage et cession de stupéfiants. En outre, le requérant a été très souvent éloigné de sa famille en raison de ses nombreuses incarcérations et des interdictions de séjour dont il a fait l'objet. En conclusion, le Gouvernement estime que, compte tenu de la dangerosité du requérant, du fait qu'il s'est rendu coupable d'atteintes graves à la dignité humaine et de sa persévérance dans la délinquance, la mesure d'expulsion ne constitue pas une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et privée. Le requérant fait valoir qu'il est arrivé en France à l'âge de deux ans et y réside depuis près de 40 ans. L'ensemble de sa famille, à savoir ses parents, ses frères et soeurs, réside également en France et certains d'entre eux ont la nationalité française. Il est marié à une ressortissante française et a deux enfants de nationalité française dont il subvient aux besoins. Il ne parle et n'écrit que le français et non l'arabe. La seule attache qu'il ait conservée avec l'Algérie résulte du lien formel de la nationalité et c'est pourquoi il a effectué son service militaire dans son pays d'origine. Il souligne qu'en dépit de ses nombreux séjours en prison, il a travaillé à de nombreuses reprises en France et manifeste un réel souci d'insertion dans la société française. C'est ainsi que le juge d'application des peines près le tribunal de grande instance de Béthune a constaté le 13 janvier 1991 qu'il respectait les obligations auxquelles il était soumis, et notamment les convocations. En 1992, il a loué un appartement pour y loger sa famille et a effectué un stage en ébénisterie. D'ailleurs, sa capacité d'insertion a été reconnue par la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 29 mai 1992. Quant à la nécessité de ce que l'ingérence soit "prévue par la loi", le requérant fait observer que le tribunal correctionnel de Créteil a constaté, à deux reprises, l'illégalité de l'arrêté d'expulsion. Pour ce qui est des condamnations citées par le Gouvernement dans ses observations, le requérant précise que plus de sept condamnations sont couvertes par l'amnistie et ne peuvent donc être mentionnées. Pour ce qui est de la condamnation à cinq années de réclusion criminelle, le requérant souligne qu'il était, à l'époque des faits, mineur. Les autres condamnations ont soit été amnistiées soit sont des condamnations pour des délits qui ne peuvent pas être considérés comme majeurs. Enfin, le requérant précise que, depuis sa sortie de prison en novembre 1989, il s'est complètement réinséré. Par conséquent, son expulsion apparaît comme disproportionnée au but poursuivi. Ayant examiné les arguments des parties, la Commission estime que cette partie de la requête soulève de sérieuses questions de fait et de droit qui ne sauraient être résolues à ce stade de l'examen de l'affaire, mais nécessitent un examen au fond. Cette partie de la requête ne saurait dès lors être déclarée manifestement mal fondée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. En outre, elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. 2.Le requérant se plaint qu'en dépit des constats d'illégalité de l'arrêté d'expulsion faits par le tribunal correctionnel de Créteil, les juridictions administratives ont refusé de l'annuler et il a été exécuté. Il allègue la violation de l'article 4 du Protocole N° 7 (P7-4) qui est ainsi libellé : "1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. 2. Les dispositions du paragraphe précédent n'empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l'Etat concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu. 3. Aucune dérogation n'est autorisée au présent article au titre de l'article 15 (art. 15) de la Convention." La Commission rappelle que la disposition invoquée contient des garanties supplémentaires en matière pénale. Or, elle constate qu'en l'espèce les procédures devant les juridictions administratives portaient sur le contrôle de la légalité de l'arrêté d'expulsion et ne sauraient dès lors être considérées comme relevant de la matière pénale au sens de la Convention (cf. N° 7729/76, déc. 17.12.76, D.R. 7 p. 165). Il s'ensuit que le grief doit être rejeté comme étant incompatible ratione materiae avec la Convention, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de celle-ci. 3.Le requérant se plaint que la contradiction entre les décisions de la juridiction pénale et celles des juridictions administratives le place dans une situation inextricable et qu'il ne dispose d'aucun recours pour trancher le conflit. Il invoque l'article 13 (art. 13) de la Convention qui se lit comme suit : "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles." Le Gouvernement fait observer que, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République", celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle (décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989, considérant 19). Le Gouvernement souligne que le requérant disposait par conséquent d'un recours effectif, au sens de l'article 13 (art. 13) de la Convention, devant le juge administratif, pour contrôler la légalité de l'arrêté d'expulsion au regard de l'article 8 (art. 8) de la Convention. D'ailleurs, il a fait usage de cette voie devant le tribunal administratif d'Amiens puis en appel devant le Conseil d'Etat. Le Gouvernement considère que cette voie de droit était suffisante et efficace pour réparer l'éventuel grief tiré de la violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention. Dès lors, sa requête en ce domaine est irrecevable. Le requérant fait remarquer que l'exécution de l'arrêté d'expulsion l'a conduit à faire apprécier par deux juridictions différentes la légalité de l'arrêté d'une part, par la voie de l'exception et d'autre part, par la voie de l'annulation. Il souligne qu'en droit français, jusqu'à l'avènement du nouveau Code pénal en juillet 1993, lorsque la violation d'un acte administratif individuel était pénalement sanctionnée, le juge répressif avait l'obligation d'en apprécier la légalité. Ainsi, une certaine autorité de la chose jugée s'attachait aux décisions du juge correctionnel, et cela notamment pour éviter toute contradiction entre deux juridictions. Dans son cas, à deux reprises les magistrats du tribunal correctionnel de Créteil ont dû apprécier la légalité de l'arrêté d'expulsion et en ont constaté l'illégalité. A cet égard, il souligne que sa vie familiale constitue le fondement central sur lequel repose le constat d'illégalité de l'arrêté d'expulsion. Le requérant insiste sur le fait que la coexistence de ces deux recours, l'un devant le juge répressif par voie d'exception et l'autre devant le juge administratif par voie d'annulation, a abouti à une contrariété de jugements à propos d'un même acte et qu'il n'existe aucune procédure qui permette en droit interne d'y mettre fin. Par ailleurs, aux termes de l'article 111-5 du nouveau Code pénal, qui consacre une jurisprudence bien établie, "les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis". Le requérant souligne que cet article n'élimine pas les contrariétés de jurisprudence entre les juridictions administratives et judiciaires sur un même acte, comme c'est le cas en l'espèce. La Commission observe que le requérant a pu faire examiner la légalité de l'arrêté d'expulsion et sa conformité avec l'article 8 (art. 8) de la Convention en première instance par le tribunal administratif d'Amiens puis en appel par le Conseil d'Etat. Elle relève que ces tribunaux ont plénitude de juridiction pour connaître du contentieux de l'annulation d'actes administratifs. Par ailleurs, le requérant, qui était assisté d'un avocat, a pu faire valoir les arguments et moyens de défense qu'il a estimé utiles. Dans ces conditions, la Commission estime que le requérant a disposé d'un recours effectif devant une instance nationale au sens de l'article 13 (art. 13) de la Convention. Elle considère que le fait que le juge pénal ait pu apprécier la légalité de l'arrêté d'expulsion à l'occasion de poursuites pénales engagées pour refus d'exécution, n'est pas de nature à rendre inefficace le recours devant les juridictions administratives. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DECLARE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés, le grief du requérant selon lequel son expulsion porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE, pour le surplus. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (M.-T. SCHOEPFER) (H. DANELIUS)
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