Martinez Verdugo Luisa Viviana c. le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

LE CONSEIL D'ETAT, XIe CHAMBRE,

Vu la demande introduite le 17 septembre 1994 par Luisa Viviana MARTINEZ VERDUGO, de nationalité chilienne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision confirmant le refus de séjour, prise le 19 juillet 1994 par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides qui lui a été notifiée le 20 juillet 1994;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Vu le dossier administratif;

Vu le rapport de Mme BEECKMAN de CRAYLOO, auditeur au Conseil d'Etat;

Vu l'ordonnance du 14 novembre 1994, fixant l'affaire à l'audience du 15 décembre 1994;

Vu la notification aux parties du rapport et de l'avis de fixation à l'audience;

Entendu, en son rapport, M. HANOTIAU, président de chambre f.f.;

Entendu, en leurs observations, Me I. GILAIN, loco Me M. MATHIEU, avocat, comparaissant pour la partie requérante et M. F. BERNARD, secrétaire d'administration, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, Mme BEECKMAN de CRAYLOO, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit, selon la requérante:

1.         La requérante arrive en Belgique le 27 mars 1993 et se déclare candidate réfugié politique. Elle est interrogée le 11 juin 1993 à l'Office des étrangers.

2.         Le 21 février 1994, le délégué du Ministre de l'Intérieur prend une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire.

3.         Le 7 mars 1994, la requérante introduit un recours urgent devant le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides. Elle est entendue le 12 avril 1994.

4.         Le 19 juillet 1994, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides prend une décision confirmant le refus de séjour. Cette décision est motivée comme suit:

"L'intéressée a été entendue le 12 avril 1994 au siège du Commissariat général.

Selon ses déclarations à l'audition, l'intéressée, membre du Parti Socialiste "Salvador Allende" aurait en 1989 et 1990 été arrêtée, détenue et torturée par la S.N.I. (Service National d'Intelligence). En 1991, elle aurait quitté le Chili pour se rendre en Belgique où séjournait un de ses fils: elle y serait restée jusqu'en mars 1992. A son retour au Chili, elle aurait été arrêtée à son arrivée à l'aéroport et emmenée dans un endroit à Santiago nommé "carcel publica": elle aurait été interrogée au sujet de ses enfants résidant en Belgique. Quatre jours plus tard, elle aurait été libérée.

En mai 1992, la requérante aurait été enlevée par des inconnus qui, pendant une semaine, l'auraient battue.

En novembre 1992, lors du retour de son fils, Marco, au pays, elle aurait reçu des appels téléphoniques de menaces l'obligeant à se cacher chez des connaissances. Elle aurait quitté le pays fin mars 1993 en compagnie de sa fille, Barahona Martinez Andrea (SP : 4.288.204).

Force est de constater que la déclaration de la requérante est largement imprécise et peu détaillée : ainsi, cette dernière ne fournit aucune précision quant à son éventuelle appartenance à un parti politique, quant à l'intervention d'un avocat lors de son arrestation à l'arrivée au pays, quant aux circonstances de sa détention d'une semaine en mai 1992, quant aux problèmes rencontrés par elle et par les autres membres de sa famille lors du retour de son fils Marco en novembre 1992. De plus, ni à l'Office des étrangers, ni dans le questionnaire, elle ne fait état d'une arrestation en mai 1992.

Ces imprécisions et omissions permettent difficilement d'accorder foi aux propos de l'intéressée. Par ailleurs, certaines contradictions apparaissent entre son récit et le récit développé par sa fille. Alors que la requérante dit avoir appris que son fils se trouvait en Australie, sa fille déclare que celui-ci n'a donné aucune nouvelle et qu'ils ne savent pas où il se trouve. D'autre part, la fille de l'intéressée ne mentionne nullement lors de son audition avoir fait l'objet de tentatives de viol de la part de policiers (tel que le déclare la requérante dans le questionnaire).

Enfin, il y a lieu de remarquer que l'intéressée a séjourné en Belgique de mars 1991 à mars 1992, sans toutefois y demander l'asile. La demande de son fils étant à cette époque en cours de procédure (Barahona Martinez Marco - SP : 4.066.754), il était par conséquent impossible qu'elle ignore l'existence de cette procédure. Cela paraît peu compatible avec l'existence d'une crainte de persécution telle que le définit la Convention de Genève du 28 juillet 1951.

Au vu de ces éléments et compte tenu de l'évolution politique favorable au Chili depuis 1989, il est difficile de croire que l'intéressée ait quitté son pays, ou en demeure éloignée, par crainte de persécution au sens de ladite Convention.

De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressée est manifestement non fondée parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquent, le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'Intérieur le 21 février 1994.

Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée. En outre, le Commissaire général confirme formellement que la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement sont exécutoires nonobstant tout recours."

Il s'agit de l'acte attaqué.

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce que la décision attaquée est insuffisamment et incorrectement motivée au regard des éléments et des explications dont la requérante a fait part lors de son audition au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides;

Considérant qu'il ressort de l'examen du dossier administratif que c'est à tort que le Commissaire général a estimé que "(la requérante) ne fournit aucune précision quant à son éventuelle appartenance à un parti politique" et "quant aux problèmes rencontrés par elle et les autres membres de sa famille lors du retour de son fils Marco en novembre 1992"; que toutefois les autres raisons invoquées par le Commissaire général se vérifient à l'examen du dossier et suffisent pour permettre de considérer que le Commissaire général a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider qu'il pouvait être fait application de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 et déclarer la demande d'asile irrecevable; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

DECIDE:

Article unique.

La demande de suspension est rejetée.

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