Manganza Kinumbi c. l'Etat belge et le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

LE PRESIDENT DE LA XIe CHAMBRE,

Vu la demande introduite par télécopie le 5 août 1995 par MANGAZA KINUMBI, de nationalité zaïroise, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de la décision confirmative de refus de séjour, avec ordre de quitter le territoire, prise le 31 juillet 1995, qui lui a été notifiée le même jour;

Vu le dossier administratif;

Vu l'ordonnance du 7 août 1995 notifiée aux parties, convoquant celles-ci à comparaître le 8 août 1995 à 10.00 heures;

Entendu, en son rapport, M. TAPIE, premier président du Conseil d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me L. DENYS, avocat, comparaissant pour la partie requérante et M. F. BERNARD, secrétaire d'administration, comparaissant pour la première partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. JAUMOTTE, auditeur au Conseil d'Etat;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension d'extrême urgence se présentent comme suit:

1.         A la suite d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, la requérante reçoit, le 21 mars 1995, une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire.

2.         A la site d'un recours urgent, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides prend une décision confirmant le refus de séjour, motivée comme suit:

"L'intéressée a été entendue le 25 avril 1995 au siège du Commissariat général avec l'aide d'un interprète qui maîtrise le lingala et en présence de son avocat, Maître Melis loco Maître Luc Denys.

Selon ses dernières déclarations, la soeur de l'intéressée aurait été arrêtée en juillet 1992. Quelques temps plus tard, l'intéressée aurait appris que sa soeur s'était réfugiée en Belgique. Le 20 mai 1994, l'intéressée aurait été emmenée par des militaires dans un endroit inconnu où elle aurait été battue. Deux jours plus tard, ils l'auraient abandonnée dans la forêt de Mont Ngafula où un ami de son père l'aurait retrouvée. Emmenée dans un premier temps chez ce dernier, elle se serait ensuite rendue dans un hôpital en Afrique du Sud afin de se faire soigner. A sa sortie d'hôpital, elle  aurait habité chez un zaïrois jusqu'au jour de son voyage pour la Belgique le 18 février 1995, via la France munie d'un passeport d'emprunt.

1)         Tout d'abord, l'intéressée déclare à l'Office des étrangers avoir quitté le Zaïre en juin 1994 pour l'Afrique du Sud afin de s'y faire soigner. Elle se serait ensuite rendue successivement au Cameroun, en France et en Belgique où elle serait arrivée le 19 février 1995 soit plus de trois mois après avoir quitté le Zaïre ce qui correspond à un motif formel d'irrecevabilité (séjour de plus de trois mois dans plusieurs pays tiers).

2)         Pour le surplus, force est de constater que les propos de l'intéressée sont extrêmement imprécis et contiennent en outre des contradictions qui entament le crédit de ses assertions.

Ainsi, interrogée au Commissariat général sur les problèmes de sa soeur, l'intéressée s'est avérée incapable de répondre expliquant qu'elle ne savait rien à ce sujet (audition p.1).

De même, concernant la chronologie des différents événements (envoi lettre de sa soeur, disparition de sons frère, son départ pour l'Afrique du Sud, la durée de son hospitalisation) l'intéressée a également été très imprécise lors de son audition au Commissariat général ne sachant les situer dans le temps.

En outre, si l'intéressée a déclaré à l'Office des étrangers avoir été dans la rue deux jours après son arrestation, elle a affirmé au Commissariat général, qu'elle aurait été abandonnée dans la forêt.

Enfin, il convient de souligner qu'il est peu cohérent que l'intéressée soit personnellement inquiétée en 1994, soit près de deux ans après les faits invoqués par sa soeur (arrestation de 1992).

Quant à l'attestation de naissance, son caractère authentique peut être remis en question dès lors que l'adresse mentionnée sur celle-ci (rue Bukeye n°14 zone de kalamu) ne correspond pas à celle déclarée par l'intéressée (zone de Matete) et qu'elle déclare en outre ne pas connaître la rue Bukeye.

Quant à l'attestation médicale, elle n'atteste en rien que les problèmes de santé dont souffre l'intéressée découlent des faits invoqués à l'appui de sa demande.

Enfin, le seul fait que la soeur de l'intéressée, Madame Kinumbi Monz Salima (SP: 4.227.302) ait été déclarée recevable par le délégué du Ministre de l'Intérieur le 18 Janvier 1993 ne suffit pas à rétablir le crédit du récit de la requérante au vu des contradictions et incohérences relevées ci-avant.

De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressée est manifestement non fondée, parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquent, le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'Intérieur le 21 mars 1995.

Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée.

Il s'agit de l'acte attaqué.

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation des articles 52, § 1er, 7° de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'erreur manifeste d'appréciation en ce que, première branche, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides invoque comme motif formel d'irrecevabilité de la demande de la requérante la circonstance qu'elle a séjourné plus de trois mois dans plusieurs pays tiers alors que le séjour de la requérante en Afrique du sud doit être considéré comme précaire, qu'en effet, son état physique, ne lui permettait pas de choisir son pays de refuge, que le Commissaire général en ne tenant pas compte des circonstances et des motifs pour lesquels la requérante a séjourné plus de trois mois dans un pays tiers, a commis une erreur manifeste d'appréciation, en ce que, deuxième branche, le Commissaire général estime que la demande de la requérante est manifestement non fondée parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et relève une série de contradictions et incohérences alors que celles-ci sont mineures et s'expliquent notamment par l'état psychologique précaire de la requérante, en ce que, troisième branche, le Commissaire général en concluant que le seul fait que la demande de la soeur de la requérante ait été déclarée recevable ne suffit pas à rétablir le crédit de son récit, commet une erreur manifeste d'appréciation, qu'en effet, le lien de parenté avec sa soeur et les faits qui ont contraint celle-ci à quitter le Zaïre sont identiques à ceux se trouvant à la base de propres craintes de la requérante;

Considérant que la décision attaquée n'est pas uniquement fondée sur la circonstance que le récit de la requérante est imprécis et contient des contradictions mais est également fondée sur l'article 52, § 1er, 4, de la loi du 15 décembre 1980 selon lequel la demande d'asile peut être déclarée irrecevable lorsque, après avoir quitté son pays, l'étranger a résidé plus de trois mois dans un pays tiers et a quitté celui-ci sans crainte au sens de la Convention de Genève; qu'en l'espèce, après sa convalescence, la requérante n'a accompli aucune démarche auprès des autorités des différents pays où elle a séjourné pour obtenir le statut de réfugié; que ce motif suffit à lui seul pour justifier la décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions requises par l'article 17, § 2, alinéa 1er des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que la suspension puisse être ordonnée n'est pas remplie,

DECIDE:

Article unique.

La demande de suspension d'extrême urgence est rejetée.

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