Srun Vong Vannak, Prum Mean Rith, Sos Kasem: Victimes de l'Injustice

Amnesty International considère que Srun Vong Vannak, ancien responsable de la sécurité du Parti de la nation khmère[1] (PNK)[2], qui purge actuellement une peine de treize ans d'emprisonnement pour meurtre, est un prisonnier d'opinion détenu uniquement en raison de son affiliation politique pacifique.

Convaincue que cet homme a été reconnu coupable d'une infraction pénale forgée de toutes pièces, à des fins politiques, l'Organisation demande sa libération immédiate et inconditionnelle. Elle recommande également que soient libérés Prum Mean Rith et Sos Kasem, deux hommes condamnés en même temps que Srun Vong Vannak. L'état de santé de ces deux détenus nécessite des soins médicaux ne pouvant leur être fournis à la Prison PJ, où ils sont actuellement incarcérés. Lors de leur procès, qui a eu lieu le 9septembre 1997, Prum Mean Rith et Sos Kasem ont témoigné contre Srun Vong Vannak et avoué avoir participé au meurtre de Kov Samuth (voir ci-dessous). Cependant, les deux hommes sont revenus sur leurs aveux, expliquant qu'ils les avaient faits sous la contrainte lors de leur détention au secret. Amnesty International est convaincue qu'il n'existe aucun élément justifiant les poursuites engagées contre Srun Vong Vannak. Elle considère que les témoignages et aveux de Prum Mean Rith et Sos Kasem ne sont pas fiables ni admissibles comme éléments de preuve aux termes de la Constitution cambodgienne, parce qu'ils ont été produits alors que les deux hommes se trouvaient en détention illégale et avaient été menacés de mort.

Rappel des faits

Srun Vong Vannak a été reconnu coupable d'avoir comploté en vue d'assassiner Kov Samuth, beau-frère du second Premier ministre Hun Sen, le 16novembre 1996 à Phnom Penh. Kov Samuth a été abattu à 8h30 du matin, alors qu'il sortait d'un restaurant situé dans l'une des rues les plus importantes de la ville. Un homme a tiré six fois sur lui avant de s'enfuir en motocyclette. La culpabilité de Srun Vong Vannak a été établie en partie sur les aveux qu'il a faits alors qu'il était détenu au secret et craignait pour sa vie. Il est revenu sur ses déclarations dès qu'il a été présenté à une autorité judiciaire.

Srun Vong Vannak a été arrêté sans mandat le 14février 1997, aux environs de 10heures, alors qu'il quittait le siège du PNK à Phnom Penh. Il a été incarcéré au secret, et les autorités cambodgiennes ont empêché ses avocats et des défenseurs des droits humains de chercher à le localiser dans les centres de détention habituels. On a su ultérieurement qu'au début de sa détention, Srun Vong Vannak avait été incarcéré illégalement dans plusieurs hôtels et pensions de famille de Phnom Penh.

Le 3mars 1997, des journalistes qui se trouvaient au tribunal de Phnom Penh pour couvrir une affaire alors en jugement ont vu par hasard Srun Vong Vannak, entouré d'un groupe de policiers. Il était conduit devant le procureur et le juge d'instruction. La législation cambodgienne prévoit que nul ne peut être détenu plus de quarante-huit heures sans être présenté à une autorité judiciaire. Or, à cette date, Srun Vong Vannak avait déjà été détenu dix-sept jours au secret. Lors de son procès à Phnom Penh, le 9septembre 1997, il a déclaré au tribunal que pendant cette période il avait été interrogé, les yeux bandés et les menottes aux poignets, et qu'il avait été menacé. Craignant pour sa vie, il avait fini par accepter de faire des aveux.

Non seulement Srun Vong Vannak a été arrêté, détenu et jugé en dehors de toute procédure légale, mais les témoignages à charge produits par Prum Mean Rith et Sos Kasem étaient contradictoires.[3] Or, les autorités cambodgiennes n'ont jamais reconnu que la procédure légale n'avait pas été respectée ni que les "aveux" des trois hommes avaient été obtenus sous la contrainte. En outre, le procès n'a duré qu'une journée, et le juge s'est retiré dix minutes à peine pour prendre sa décision, avant de revenir dans la salle d'audience pour rendre son verdict et prononcer les sentences. Les trois accusés ont été reconnus coupables et condamnés à de longues peines d'emprisonnement: Sos Kasem à quinze ans, Srun Vong Vannak à treize ans et Prum Mean Rith à dix ans.

Faux aveux obtenus sous la contrainte

Après avoir été reconnus coupables, les trois hommes ont été incarcérés à la Prison PJ, à Phnom Penh. Prum Mean Rith et Sos Kasem ont alors envoyé des lettres à des groupes de défense des droits fondamentaux, dans lesquelles ils revenaient sur leurs aveux, expliquant qu'ils leur avaient été extorqués. Amnesty International a ainsi obtenu des informations sur les circonstances entourant leur arrestation et leurs interrogatoires:l'Organisation pense que les autorités cambodgiennes se sont servies de Prum Mean Rith et Sos Kasem pour impliquer Srun Vong Vannak dans le meurtre de Kov Samuth; elle est également convaincue que les témoignages des deux hommes ne sont pas fiables et ont été obtenus par la force. Les personnes qui ont interrogé Prum Mean Rith et Sos Kasem ont menacé de les tuer et de faire souffrir des membres de leur famille s'ils refusaient de coopérer; les deux hommes ont en outre été détenus dans des chambres d'hôtel de Phnom Penh, contre leur gré et en l'absence de toute autorité judiciaire. Selon les témoignages recueillis par Amnesty International, ils avaient le choix entre participer au plan visant à compromettre Srun Vong Vannak, ou être tués. Un des deux hommes a été contraint à passer une semaine à "apprendre" le témoignage incriminant Srun Vong Vannak et à examiner des photographies et des films vidéos de lui, afin d'être en mesure de le reconnaître devant le tribunal. L'Organisation est particulièrement préoccupée par le fait suivant: l'un des deux prisonniers a allégué avoir été prévenu que s'il coopérait, il pourrait recevoir une récompense au lieu d'être puni, mais que s'il refusait, il serait tué. Prum Mean Rith et Sos Kasem ont tous deux fourni des informations irrécusables sur leur emploi du temps le jour où Kov Samuth a été tué. Les seuls "éléments de preuve" les impliquant dans ce meurtre sont les aveux qui leur ont été extorqués sous la contrainte. De même, les seuls éléments permettant d'incriminer Srun Vong Vannak sont ses "aveux", sur lesquels il est revenu lors de son procès, et les témoignages de Prum Mean Rith et Sos Kasem, qui sont contradictoires et ont été eux aussi obtenus sous la menace.

Culpabilités controversées

Selon l'article38 de la Constitution cambodgienne: «Toute inculpation, arrestation ou incarcération d'un individu ne peut avoir lieu que dans le strict respect de la loi […] L'aveu provenant d'une pression corporelle ou psychologique ne peut être considéré comme preuve de la culpabilité».

Pour Amnesty International:

•           les décisions de justice prises à l'encontre de Srun Vong Vannak, Prum Mean Rith et Sos Kasem sont peu sûres, et les poursuites engagées contre Srun Vong Vannak visaient à discréditer le PNK et son dirigeant Sam Rainsy;

•           ces condamnations devraient être annulées, et les personnes responsables de l'arrestation et de la détention de ces trois hommes, ainsi que des menaces et mesures de contrainte dont ils ont fait l'objet, déférées à la justice;

•           Srun Vong Vannak est un prisonnier d'opinion détenu uniquement en raison de ses opinions politiques pacifiques et il devrait être libéré immédiatement et sans condition;

•           Prum Mean Rith et Sos Kasem ont été illégalement arrêtés, détenus et menacés. Ils ont avoué sous la contrainte avoir participé à un meurtre qu'ils ont ultérieurement déclaré ne pas avoir commis, et ont témoigné contre un homme qu'ils ne connaissaient pas. Leur culpabilité suscitant des doutes, tous les éléments de cette affaire devraient être réexaminés et l'Organisation recommande d'annuler leur condamnation. Dans l'attente d'un tel examen, et pour des raisons humanitaires, les deux hommes devraient être libérés afin de recevoir les soins médicaux dont ils ont un besoin urgent.

La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre Kingdom of Cambodia: Srun Vong Vannak, Prum Mean Rith, Sos Kasem: Victims of Injustice. Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL -ÉFAI- juin 1998.

Pour toute information complémentaire veuillez vous adresser à:



[1]. Cheat Khmae.

[2]. Le Parti de la nation khmère a été fondé par le dissident de renom Sam Rainsy, en novembre 1995. Après plusieurs scissions au sein du parti, Sam Rainsy a présenté son parti aux élections de juillet 1998 sous le nom de Parti de Sam Rainsy.

[3]. Voir Vannak faces justice: 13 years in 10 minutes, [ Vannak face à la justice : 13 ans en 10 minutes] Phnom Penh Post volume 6, n°18, 12-25 septembre , 1997.

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La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre Kingdom of Cambodia: Srun Vong Vannak, Prum Mean Rith, Sos Kasem: Victims of Injustice. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL -ÉFAI- juin 1998.

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