AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES RÉFUGIÉS

demeurant

CHEZ SALVADORI GERARD

 

83 RUE DE LA COMMUNE DE PARIS

 

93300 AUBERVILLIERS

ledit recours

enregistré le 17/06/1992

au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A.)

a rejeté le 14/05/1992 sa demande d'admission au statut de réfugié;

Par les moyens suivants:

Le requérant, originaire d'un village proche de Vukovar où il exerçait la profession d'agriculteur, a été contraint de fuir son village, avec sa femme et sa mère, à la fin du mois de septembre 1991, en raison des opérations militaires menées conjointement par l'armée fédérale yougoslave et les milices serbes, au cours desquelles sa maison a été détruite et son père a trouvé la mort; ils se sont réfugiés successivement dans trois villages dont ils ont été à chaque fois chassés par l'avancée serbe; ils ont alors été obligés de quitter définitivement leur pays pour la France;

Vu la décision attaquée;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 01/07/1992,

la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'intéressé au directeur de l'O.F.P.R.A. et communiquée par celui-ci sans observation;

Vu la décision de renvoi de l'examen du recours en Sections réunies;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée par la loi du 2 juillet 1990 relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatride et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 08/01/1993 Mme LAURENT-ATTHALIN, rapporteur de l'affaire et les observations du requérant;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée, du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

Considérant que les pièces du dossier et les déclaration faites en séance publique devant la Commission permettent de tenir pour établi que M. DUJIC Ivan, qui est de nationalité croate et de confession catholique, a dû fuir la région de Vukovar, dont il est originaire, en raison des persécutions dont, comme toute la population croate, il a été victime, ainsi que sa famille, de la part des milices des autorités de fait dites "République serbe autoproclamée de Krajina", appuyées par les forces de l'armée fédérale yougoslave qu'eu égard à la situation qui règne actuellement sur le territoire de la Croatie, il ne peut se réclamer utilement de la protection des autorités croates dont la juridiction ne s'étend pas aujourd'hui au territoire placé sous la dépendance de l'autorité de fait susmentionnée et qui n'ont pu assurer cette protection à l'intéressé en un autre endroit du territoire national; qu'il suit de là que le requérant doit être regardé, dans les circonstances présentes, comme craignant avec raison, au sens des stipulations de la Convention de Genève, de retourner dans son pays;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. DUJIC est fondé à soutenir que c'est à tort que le directeur de l'OFPRA a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié;

DECIDE

ARTICLE 1er : La décision du directeur de l'O.F.P.R.A en date du 14/05/1992 est annulée.

ARTICLE 2 : La qualité de réfugié est reconnue à M. DUJIC Ivan

ARTICLE 3 : La présente décision sera notifiée à M. DUJIC IVAN et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 08/01/1993 où siégaient:

M. DE BRESSON, Président de la Commission des Recours des Réfugiés, Président;

MM. GIBERT, VIDEAU, Conseillers d'Etat honoraires;

MM. COCHETEL, GUTTINGER, COSNARD, Représentants du Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;

MM. LEFEUVRE, BANCAL, Melle BOYER DE CHOISY, Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.

Lu en séance publique le 12/02/1993

Le Président: J.J. DE BRESSON

Le Secrétaire Général de la Commission des Recours des Réfugiés: R. COLLIER

POUR EXPEDITION CONFORME: R. COLLIER

La présente décision n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation. IL doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre voie de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés.

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