A.H., né le 29 octobre 1963, ressortissant syrien, représenté par ELISA, en la personne de M. Ottet, case postale 110, 1211 Genève 7 Contre la décision prise le 8 mars 1995 par L'OFFICE REDERAL DES REFUGIES (ODR) Taubenstrasse 16, 3003 Berne Vu les pièces du dossier d'où ressortent les FAITS suivants:

A. Le 16 février 1995, A.H. a déposé une demande d'asile à l'aéroport de Genève-Cointrin où il était arrivé en provenance de Grèce. Il avait séjourné dans ce pays près de six ans, après y avoir déposé une demande d'asile, laquelle a été rejetée le 21 juin 1990.

B. Par décision du 17 février 1995, l'ODR a refusé à l'intéressé l'entrée en Suisse, a prononcé son renvoi préventif en Grèce et a ordonné l'exécution immédiate de ce renvoi, en vertu de l'article 13d, 1er à 3e alinéa LA.

C. Le 17 février 1995 également, l'intéressé a recouru contre cette décision. A l'appui, il a fait valoir, en substance, que l'exécution de son renvoi en Grèce était illicite du fait qu'elle impliquait pour lui le risque d'un refoulement dans son pays d'origine, la Syrie, où il était sous le coup d'une condamnation militaire à plusieurs années de prison.

D. La Commission suisse de recours en matière d'asile (ci-après la commission) a rejeté ce recours le 21 février 1995. Elle a relevé que l'intéressé n'avait pas été à même de remettre en cause la décision de l'ODR en tant qu'elle considérait l'exécution du renvoi comme possible et raisonnablement exigible, et qu'elle ne pouvait que confirmer cas points. Elle a considéré par ailleurs que l'exécution du renvoi était licite dès lors qu'aucun élément du dossier ne permettait de supposer que le retour d'A.H. en Grèce (pays qu'il n'avait pas quitté sous la contrainte et dans lequel il pouvait encore de fait résider) l'exposait à un risque de refoulement en Syrie. Elle a fait remarquer au surplus que la Grèce était partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ce qui paraissait suffisant pour prévenir un tel risque.

E. Dans le cadre de l'exécution du renvoi, l'ODR est intervenu auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (H.C.R.) à Genève, le 22 février 1995. Le Bureau de Genève s'est alors adressé à sa délégation à Athènes, laquelle l'a informé que le requérant ne pouvait être réadmis en Grèce. L'ODR a été nantie de cette information le 24 février 1995.

F. Le 26 février 1995, le requérant a quitté la Suisse et s'est envolé pour la Grèce sous escorte policière.

G. Le 2 mars 1995, A.H. a demandé à l'ODR le réexamen de sa décision du 17 février 1995, A l'appui de cette requête, il a invoqué, d'une part, qu'il était détenu dans la zone de l'aéroport d'Athènes et, d'autre part, que les autorités grecques s'apprêtaient à le renvoyer en Syrie. Il a fait valoir que ces faits étaient nouveaux et qu'ils démontraient que l'exécution de son renvoi était impossible of illicite.

Il a produit, à l'occasion de cette demande, la décision de refus d'asile prise à l'époque par les autorités grecques.

H. Par décision du 8 mars 1995, l'ODR a indiqué qu'il n'entrait pas en matière sur la demande de réexamen de l'intéressé et que, "subsidiairement", il la rejetait. L'ODR a en substance considéré qu'aucune fait nouveau susceptible d'ouvrir la voie du réexamen n'avait été invoqué et qu'''en tout état de cause, […] l'intéressé se trouvait sur territoire grec, quand bien même il n'y résidait pas dans l'endroit de son choix, ce qui démontrait à satisfaction que son renvoi était possible.".

I. Dans le recours administratif interjeté le 20 mars 1995 contre cette décision. A.H. conteste l'argumentation soutenue par l'ODR. Il développe en outre les éléments qu'il a présentés dans sa demande de réexamen. Il souligne notamment que la possibilité de l'exécution du renvoi présuppose la possibilité pour le requérant de demeurer légalement et régulièrement dans le pays tiers; ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, puisqu'il se trouve actuellement dans un "lieu de détention spécifique pour étrangers non admis". Il réaffirme que la Grèce s'apprête à "l'expulser" vers la Syrie et que, de ce fait, l'exécution de son renvoi par les autorités suisses était bel et bien illicite. Il soutient enfin qu'elle n'était pas non plus raisonnablement exigible. de moment qu'elle a débouché, de fait, sur sa mise en détention dans le pays tiers.

Il conclut en substance à l'annulation de la décision attaquée et à ce qu'il soit autorisé à entrer en Suisse afin d'y poursuivre la procédure la procédure d'asile. Il demande en outre que la prise en charge des frais de retour soit assurée par la Confédération.

Il produit, notamment, une lettre de son avocate en Grèce, datée du 20 mars 1995, lettre qui mentionne qu'il est actuellement détenu à la "prison de la Division de la Police grecque pour les étrangers, à Glyfada", près de l'aéroport d'Athènes, et qu'il y sera détenu jusqu'à son refoulement en Syrie. Cette lettre indique également qu'il "reste emprisonné et qu'il n'a aucune possibilité d'avoir un séjour régulier et légal en Grèce".

J. Appelé à se prononcer sur le recours, l'ODR en a proposé le rejet.

K. Les autre faits de la cause seront examinés, si nécessaire, dans la discussion juridique de la présente décision.

Considérant:

1. La Commission suisse de recours en matière d'asile statue de manière définitive sur les recours formés contre les décisions en matière d'asile et de renvoi de l'Office fédéral des réfugiés (of art 11, 7e al de la 1er fédérale sur l'asile du 5 octobre 1979 (LA) et art.

I, 1er al. de l'ordonnance concernant la Commission suisse de recours en matière d'asile du 10 décembre 1991 (OCRA).

En l'espèce la commission est compétente pour statuer sur la ? hors qu'il est dirigé contre décision de l'ODR en matière d'autorisation d'entrer en Suisse et de renvoi préventif (JICRA 1993 no 30 p. 301).

En outre, le recourant a qualité pour recourir, Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, le recours est dès lors recevable (art. 48ss de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968; PA).

Toutefois, en tant que l'intéressé conclut à la prise en charge des frais de retour par la Confédération, la recours échappe manifestement à la compétence de la commission (cf, art 11 LA) et doit être déclaré irrecevable.

2. Lorsque l'autorité dont la décision est attaquée n'est pas entrée en matière, le requérant peut simplement recourir en alléguant que l'autorité a nié à tort l'existence des conditions requises pour l'obliger à statuer au fond, et la commission ne peut qu'inviter cette dernière à examiner la demande, si elle admet le recours. Les conclusions du recourant sont donc limitées par les question tranchées dans le dispositif de la décision querellée et celles qui en sortent, en particulier les conclusions portant sur le fond de l'affaire, ne sont pas recevables (ATF 113 la 153s, cons. 3c, JT 1989 1215; ATF 109 lb 251, 108 lb 171; cf. P. Moor, Droit administratif, vol. ll, Berne 1991 p. 438; A. Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. ll, p. 949s; F., Gygi, Bundesverwal-tungsrechtspflege, Berne 1983, p. 221). Une exception apparaît justifiée lorsque, sans s'en tenir strictement aux questions de recevabilité, l'autorité inférieure a clairement indiqué que dans l'hypothèse où elle serait entrée en matière, la demande aurait dû être rejetée (cf. P. Saladin, Das Verwaltungsverfahrensrecht des Bundes, Bâle/Stuttgart (1979, p. 172s). Tel est le cas en l'espèce. En effet, l'ODR a expressément déclaré, après avoir indiqué qu'il n'entrait pas en matière sur la demande de réexamen, que, "subsidiairement", il la "rejetait au cas où elle serait recevable". En analysant les faits invoqués par A.H., notamment sous l'angle de la possibilité de l'exécution du renvoi, l'autorité de première Instance s'est d'ailleurs livré à un examen au fond de la requête. En d'autres termes, et en dépit de la formulation peu heureuse des considérants topiques auxquelles renvoie le dispositif de la décision entreprise, c'est bien sous l'angle du rejet de la demande de réexamen que doit s'apprécier le mérite du présent recours.

Au vu de ce qui précède, la conclusion de l'intéressé tendant à ce qu'il soit autorisé à entrer en Suisse afin d'y poursuivre la procédure d'asile, bien que touchant à des questions de fond, est recevable.

3. La jurisprudence du Tribunal fédéral et la doctrine s'accordent à dire qu'en application des principes déduits de l'article 4 Cst ainsi que d l'article 66 PA par analogie, une autorité est tenue de se saisir d'une demande de réexamen lorsque les circonstances se sont notablement modifiées depuis la première décision ou que le requérant allègue des faits ou des moyens de preuve importants qu'il ne connaissait pas lors de la première décision ou dont il ne pouvait se prévaloir ou n'avait pas de raison de se prévaloir à l'époque (ATE 113 précité. cons. 3a: P. Moor, op, cit., p. 230; A. Achermann/C.Hausammann, Handbuoh des Asylrechta, 2e ed., Berne/Stuttgart 1991, p. 325 et référence citéo; U. Höfolie/C. Müller, Guidise des Allgemernen verwalturgsrechts, Zurch 1990. P. 174) la modification notable des circonstances s'apprécie depuis la date de la décision au fond rendue en dernière instance (cf. ATF 97 11748ss, cpo. p. 752 et 761); en revanche, dans la mesure où la demande de nouvel examen est recevable, la décision reconsidérée ne peut être que celle rendue antérieurement par l'autorité de première instance (cf. A. Kölz/1. Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich 1993, p. 118).

4.
a) En l'espèce, le recourant invoque tout particulièrement le fait qu'il est détenu dans la prison de Glyfada, à Athènes. Il s'agit d'un établissement pour étrangers non admis of ne disposant d'aucun droit de séjour en Grèce. Il fait valoir que sa détention est la démonstration même que l'exécution de son renvoi préventif était impossible.
b) La commission constate que, contrairement à ce qu'affirme l'ODR, la mise en détention du recourant dès son retour en Grèce a manifestement créé une situation nouvelle correspondant aux critères retenus par la doctrine et la jurisprudence.

5.
a) Cela dit, il convient d'examiner si cette situation nouvelle est de nature à remettre en cause l'une des conditions posées par la loi à l'exécution du renvoi préventif, à savoir son caractère possible.
b) L'exécution du renvoi est possible dans un Etats tiers, dans la mesure où l'intéressé a la possibilité à la fois matérielle et légale de s'y rendre (cf. JICRA 1994 no 28, p. 202). Autrement dit, l'Etat de destination doit pouvoir être atteint et la personne renvoyée doit pouvoir obtenir le droit d'y séjourner. Cela implique qu'elle ait reçu soit un visa lui permettant d'accomplir le voyage, soit une autorisation d'entrée dans l'Etat en cause, ainsi qu'un autorisation lui permettant d'y demeurer ou, à tout le moins, une garantie solide des autorités compétentes lui permettant d'admettre avec certitude qu'une telle autorisation lui sera octroyée (cf. S. Werenfels, der Begriff des Flüchtlings im schweizerischen Asylrecht, Berne 1987, p. 142ss; W. Kälin, Grundriss des Asylverfahrens, Bâle 1990, p. 167ss). Peu importe, à cet égard, le type de l'autorisation accordée, et le titre invoqué par l'intéressé pour en bénéficier, si elle permet un séjour durable, soit sans terme proche et déterminé, dans l'Etat concerné (cf. Achermann/Hausammann, op. Cit., p. 154ss).
c) En l'espèce, il convient de relever qu'au moment où l'ODR a ordonné le renvoi préventif de l'intéressé, ainsi qu'au moment où la commission a statué sur le recours formé contre cette décision, aucun élément du dossier ne s'était imposé comme faisant apparaître impossible l'exécution du renvoi. En effet, d'une part, le recourant avait séjourné durant près de six ans en Grèce, dont cinq postérieurement au rejet de la demande d'asile déposée dans ce pays. D'autre part, l'intéressé avait affirmé que ses documents d'identité étaient restés en Grèce, qu'il n'avait pas été contraint de quitter ce pays et qu'il pouvait y séjourner. A priori, A.H., lui-même, estimait que son retour en Grèce était possible en ce sens qu'il pouvait y entrer et y demeurer.

Or contrairement à toue attente, que soit du côté du requérant ou du côté de l'autorité, il est apparu que l'intéressé n'a pu accéder légalement et régulièrement au territoire grec. Le recourant est actuellement détenu dans un établissement pour étrangers non admis. Cette détention démontre à satisfaction qu'il ne dispose plus d'aucune droit de séjour en Grèce, appréciation confirmée par l'avis donné à ce sujet par le H. C. R. en date du 24 février 1995 à l'intention de l'ODR. Certes le transport du recourant a pu être réalisé. Toutefois, cet élément purement technique, contrairement à ce que soutient l'ODR, n'est pas suffisant pour déterminer le caractère le caractère possible de l'exécution du renvoi. Celle-ci se révèle donc impossible.

6. Les trois conditions posées par l'article 14a, 2e à 4e alinéa LSEE, empêchant l'exécution du renvoi (illicéité, inexigibilité ou impossibilité) sont de nature alternative. Il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable et la demande de réexamen admise.

A.H. doit être autorisé à entrer en Suisse afin d'y poursuivre la procédure d'asile entamée le 16 février 1995. Un délai au 14 avril 1995 lui est octroyé pour ce faire.

Compte tenu de l'issue de la procédure, la commission n'a pas à analyser les autres griefs formulés dans le recours.

7. Cela étant, il n'y a pas lieu de percevoir des frais.

Conformément à l'article 64, 1er alinéa PA, l'autorité de recours peut allouer, d'office ou sur requête, à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés. Selon la jurisprudence du Conseil fédéral, confirmée par la doctrine, cette disposition donne un véritable droit à l'allocation de dépens. Il s'agit d'une "Muss-Vorschrift (cf. Notamment JAAC 57. 16, 56.2, 54.39, 40.31; A. Kölz/1. Häner, op, cit., p. 181; A. Grisel, op, cit., p. 847). Lorsque la partie qui prétend à des dépens - dont l'attribution n'est due que pour la participation à une procédure de recours - ne fait pas parvenir une note détaillée à ce sujet avant le prononcé, l'autorité de recours fixe les dépens d'office et selon sa propre appréciation (cf, art. 8, 1er al. de l'ordonnance sur les frais et indemnités en procédure administrative du 10 septembre 1989; OFIPA).

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'allouer au recourant une indemnité à titre de dépens, étant donné que son mandataire - qui, d'ailleurs n'a présenté une note d'honoraires - intervient en règle générale à titre gratuit en ce qui concerne la défense des requérants d'asile et qu'en définitive le recourant n'a pas eu à supporter des frais d'une certaine importance rendus nécessaire par le dépôt de son recours (cf. JAAC 57. 35 et 46.62):

Par ces motifs, la Commission suisse de recours en matière d'aile
Prononce

1. Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable.

2. La décision de l'ODR du 8 mars 1995 est annulée.

3. A.H. est autorisé à entrer en Suisse pour y poursuivre la procédure d'asile. Un délai au 14 avril 1995 lui est octroyé pour ce faire.

4. Il n'est pas perçu de frais.

5. Il n'est pas alloué de dépens.

AU NOM DE LA COMMISSION SUISSE DE RECOURS EN MATIERE D'ASILE lère CHAMBRE

Le Secrétaire-juriste

Le Juge rapporteur

Date d'expédition: 24 mars 1995

Communication:
a) Au mandataire du recourant;
b) Office fédéral des réfugiés, division départ et séjour, avec dossier N 290 284 en retour en vue de l'exécution du chiffre 3 du dispositif;
c) Office cantonal de al population, Genève;
d) Police de sûreté, Genève.

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