AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES

demeurant

Chez M. SANTHIYOGU

 

6, Cité de la Chapelle

 

75018 PARIS

ledit recours

enregistré le 29 mars 1994

au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A)

a rejeté le 22 février 1994 sa demande d'admission au statut de réfugié;

Par les moyens suivants:

-           le 10 janvier 1985, le requérant a été interrogé par des militaires sri-lankais, suspecté de complicité avec des militants du mouvement des Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE), molesté, arrêté puis détenu jusqu'au 20 janvier 1985 dans le camp de Talaimannar; le mois suivant, sa région étant soumise à de très nombreux bombardements, il s'est enfui en Inde où, après avoir vécu quelques temps dans un camp de réfugiés, il s'est installé dans le camp de l'EROS pour prendre part aux diverses activités de ce mouvement politique; au mois d'août 1987, il est retourné à Mannar où, du fait de son militantisme, il a été à nouveau arrêté, le 10 juin 1988, par des soldats indiens accompagnés de membres de l'EPRLF, torturé pendant deux jours puis libéré sur intervention du responsable de l'EROS dans son district; en octobre 1989, afin d'échapper aux recherches lancées contre lui, tant en raison de sa participation à la campagne électorale du mois de février précédent, que de l'engagement récent de l'un de ses frères au sein du LTTE, il est parti pour Colombo où, après avoir été une dernière fois appréhendé et détenu par les forces de l'ordre pendant quarante-huit heures au mois de juin 1990, il est demeuré dans un camp de réfugiés jusqu'à son départ pour la Thaïlande;

-           parvenu à Bangkok le 7 décembre 1990, il a été placé sous la protection du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés; les autorités de la Thaïlande, pays non signataire de la Convention de Genève, lui ont délivré des autorisations de séjour de courte durée qu'il ne pouvait faire renouveler qu'en se rendant à intervalles régulière au Laos; en 1992, pour mettre un terme à la précarité de sa situation, il est parti pour la France où il est arrivé le 9 août 1992;

-           il ne saurait retourner sans danger au Sri-Lanka où les autorités, toujours à sa recherche, persécutent sa famille;

Vu la décision attaquée;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 8 avril 1994

le dossier de la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'intéressé au directeur de l'O.F.P.R.A, communiqué par celui-ci sans observations;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée relative à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 9 décembre 1994

Mlle PISIER, rapporteur de l'affaire, les observations de Maître LAURAIN, Conseil du requérant, et les explications de ce dernier; M. APPADOURAI, interprète assermenté;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 20, de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

Considérant que, pour demander son admission au statut de réfugié, M. KRISHNAPILLAI Samithamby, qui est de nationalité sri-lankaise et d'origine taboulé, soutient que, suspecté d'avoir des liens avec le LTTE, il a été, le 10 janvier 1985, interrogé et maltraité, par des militaires, puis placé en détention jusqu'au 20 janvier 1985; qu'il s'est rendu en Inde, accompagné de sa famille, au mois de février suivant, pour fuir les attaques perpétrées par l'armée dans sa région; qu'il s'est tout d'abord installé dans le camp de réfugiés de Madaparn puis, sur les sollicitations de militants de l'EROS, organisation séparatiste taboulé, dans le camp de cette organisation dont il a partagé les activités jusqu'au mois d'août 1987, période de son retour au Sri-anka; qu'il a été à nouveau arrêté le 10 juin 1988 par des soldats indiens accompagnés de membres de l'EPRLF, torturé puis libéré au bout de deux jours sur l'intervention du responsable local de l'EROS; qu'en 1989, après avoir activement participé à la préparation des élections législatives du mois de février, il s'est rendu à Colombo où il a été interpellé, le 11 juin 1990, par les forces de l'ordre au cours d'une rafle, brutalisé, accusé d'être proche du LTTE, puis libéré, après cinq jours de détention, sur l'intervention d'un avocat; qu'il s'est alors inscrit dans un camp de réfugiés mais que, pour se soustraire au contrôle hebdomadaire qui lui avait été imposé par la police, il a décidé de quitter le Sri-Lanka; qu'arrivé à Bangkok le 7 décembre 1990, il a sollicité la protection du haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui l'a placé sous son mandat en lui délivrant des certificats prorogés tous les quatre mois, qu'en dépit de sa qualité de réfugié, les autorités de la Thaïlande, état non signataire de la Convention de Genève, ne lui ont pas délivré d'autorisation de séjour de longue durée, le contraignant, de ce fait, à se rendre au Laos tous les deux mois pour y obtenir des visas touristiques thaïlandais; qu'en 1992, étant dans l'impossibilité de faire renouveler son passeport saturé de visas, il a décidé, craignant d'être arrêté pour séjour irrégulier et, par suite, d'être renvoyé au Sri-Lanka, de quitter la Thaïlande pour la France, où il est arrivé le 9 août 1992: qu'il ne saurait retourner sans craintes dans son pays d'origine où les autorités, à sa recherche ainsi qu'à celle d'un de ses frères engagé dans les rangs du LTTE depuis 1989, ont tué un autre de ses frères en 1991, emprisonné son frère aîné pendant une année et persécuté sans relâche ses parents;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'en application des stipulations de l'article 6 paragraphe 8 du statut du haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, M. KRISNAPILLAI Samithamby a été, le 21 janvier 1991, reconnu réfugié par le délégué du haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés en Thaïlande, état non signataire de la Convention de Genève, où il se trouvait sans qu'il ait jamais pu obtenir, en cette qualité, de titre de séjour autre que temporaire et précaire; que, toutefois, le mandat du haut-commissaire cesse de s'exercer, en application des stipulations du même statut, sur toute personne qui s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ou qui est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté de crainte d'y être persécutée, qu'il ressort des pièces du dossier que M. KRISNAPILLAI Samithamby a déclaré à deux reprises lors de son arrivée à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle avoir séjourné et être en provenance de Colombo au SriLanka et non de Thaïlande, sans pouvoir s'en expliquer lors de son audition devant la Commission; qu'il avait de ce fait cessé de relever du mandat du HCR avant son arrivée en France; qu'ainsi, il ne peut prétendre à se voir méconnaître la qualité de réfugié à ce titre;

Considérant, d'autre part que, compte tenu de ces mêmes circonstances, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié au titre de l'article 1, A, 2 de la Convention de Genève;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours ne peut être accueilli;

DECIDE

ARTICLE 1er : Le recours de M. KRISHNAPILLAI Samithamby est rejeté

ARTICLE 2 : La présente décision sera notifiée à M. KRISHNAPILLAI Samithamby et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 9 décembre 1994 où siégeaient:

M. de BRESSON, Président de la Commission des Recours des Réfugiés, président MM. GIBERT, HEURTE, Conseillers d'Etat honoraires;

MM. GUIGNABAUDET, CHAMBAULT, COMBAUD, Représentants du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;

MM. LEFEUVRE, STORDEUR, BOCHET. Représentants du Conseil de l'O.F.P.R.A.

Lu en séance publique le 18 janvier 1995

Le Président: J.J. de BRESSON

Le Secrétaire Général de la Commission des Recours des Réfugiés: C. JOUHANNAUD

POUR EXPEDITION CONFORME: C. JOUHANNAUD

La présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la cour de Cassation. Il doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre voie de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés devant d'autres juridictions.

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