CRR, 16 décembre 2003, 420926, R.; Responsabilité dans le génocide du Rwanda; Exclusion du statut du HCR

Considérant que, pour demander la reconnaissance de la qualité de réfugié, M.R. , qui est de nationalité rwandaise, soutient qu'après ses études en Europe de 1982 à 1992, notamment en ex-Union soviétique où il s'est marié en 1986 avec une compatriote, il est rentré dans son pays d'origine, obtenant d'emblée une chaire à l'Université nationale du Rwanda dans le campus de Butare et devenant médecin-chef du Centre universitaire de santé publique ( CNSP ) ; qu'entre 1992 et juillet 1994, date de son exil, il a effectué plusieurs travaux et produit une cassette vidéo dans lesquels il dénonçait les massacres du Front patriotique rwandais ( FPR ), parti actuellement au pouvoir, dans les régions qu'il occupait ou attaquait, y compris dans sa région natale ; que son film a par ailleurs servi de document de propagande à l'Office national de la population ( ONAPO ) qui l'a diffusé à toutes les ambassades rwandaises en Europe et en Amérique pour discréditer et décrédibiliser les actions du FPR ; que dès la prise de Kigali par le FPR en juillet 1994, il a fui son pays d'origine, d'abord en direction de Goma en République démocratique du Congo, puis vers d'autres directions, devenant par la même occasion membre de la coordination régionale Est-ouest du Rassemblement pour le retour des réfugiés et la démocratie au Rwanda ( RDR ) ; qu'il est ainsi devenu un des « missi dominici » du RDR auprès des gouvernements et des représentants diplomatiques en Afrique de l'Ouest et de l'Est ; qu'en cette qualité, il a reçu par téléphone des menaces de mort qui se sont intensifiées en avril 1999 ; qu'il appartient à l'intelligentsia hutu du Nord, objet de tous les fantasmes du nouveau pouvoir et qu'il est issu d'une famille de militants politiques décimés par les massacres du FPR à partir de 1995 ; que son père fut un des fondateurs du parti MDR Parmehutu ; que ses craintes de persécution sont d'autant plus justifiées que, faisant partie d'une mission de réconciliation pour un retour pacifique des réfugiés dirigée par l'évêque de Ruhengeri, mission qui devait se rendre à Kigali pour discuter avec les autorités, ils ont été stoppés à Ruhengeri en septembre 1994 par les soldats et officiels du nouveau pouvoir ; que s'ils ont été reconduits vers Goma après avoir été menacés, c'est sur intervention expresse de deux autres évêques présents sur les lieux ; que cet évêque de Ruhengeri a fini par être tué par les soldats du FPR lors du rapatriement forcé ; qu'un autre évêque de ses connaissances a été emprisonné ; qu'il craint de subir le même sort en cas de retour dans son pays d'origine ; que d'un autre côté, l'application à son encontre de la clause d'exclusion prévue par la Convention de Genève sur les réfugiés met en évidence la collusion existant entre les autorités rwandaises actuelles et les organismes internationaux de protection des réfugiés, notamment le HCR, étant entendu qu'il est un opposant éminent et déterminé au régime du FPR, qui a déjà vainement essayé de l'enrôler ; 

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que M. R. n'était pas seulement un universitaire et un médecin qui s'occupait au sein du CUSP des questions de médecine d'urgence, mais qu'il avait aussi de fortes convictions politiques qui ont pu le mener à participer directement au génocide de 1994 ; qu'ainsi en ex-Union soviétique où il a, entre autres, vécu de 1982 à 1992, il était un responsable étudiant incontesté qui fédérait aussi bien la communauté rwandaise que la communauté africaine ; que son père était un des fondateurs du parti MDR Parmehutu ; qu'il est de notoriété qu'à Butaré, il a participé en 1994, à plusieurs réunions de planification du génocide rwandais, dont l'une en compagnie du premier ministre de l'époque ; qu'il était chargé, au sein du Centre universitaire de santé publique, de l'assainissement ; qu'il avait élaboré à ce titre un document préconisant les mesures d'assainissement et d'hygiène permettant d'éviter les épidémies ou leur propagation dues à la concentration et à la putréfaction des cadavres dans les rues rwandaises en général et de Butaré en particulier ; qu'il ne peut dès lors soutenir qu'il ignorait le génocide qui se perpétrait à ce moment-là dans son pays d'origine ; qu'à son départ forcé du Rwanda au moment de l'arrivée au pouvoir du FPR, il est très vite devenu un leader des réfugiés hutus, aussi bien au sein du RDR qu'au sein d'autres associations ; que sa responsabilité dans le génocide rwandais est tenue pour établie par les organisations internationales et notamment le Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés ( HCR ) qui l'a exclu du bénéfice du statut de réfugié en Côte d'Ivoire où il avait fait une première demande le 24 janvier 1995 ; qu'il est décrit dans tous les documents consultés comme ayant activement participé à l'exécution du génocide dans sa préfecture de Butaré ; que ses explications en séance selon lesquelles les accusations portées contre lui sont une machination du gouvernement rwandais actuel avec la complicité des organismes internationaux sont dénuées de toute vraisemblance et ne peuvent être tenues pour sincères ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le directeur de l'OFPRA a estimé qu'il y a des raisons sérieuses de penser que l'intéressé est personnellement coupable de complicité dans le génocide commis au Rwanda en 1994 et l'a exclu du bénéfice de la convention de Genève en application de l'article 1er, F, a de ladite convention ; qu'ainsi, le recours ne peut être accueilli ;

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