CRR, SR, 29 juillet 2005, 519803, Mlle T.; Appartenance a un certain groupe social

Considérant que, pour demander l'asile, Mlle T, qui est de nationalité camerounaise, a soutenu dans le dernier état de ses déclarations, que commerçante, elle résidait à Douala ; qu'à la mort de son père, elle s'est rendue dans son village natal à Mamfé pour participer à ses funérailles ; qu'à cette occasion, elle a refusé de devenir la onzième épouse du chef du village, malgré la pression exercée sur elle par son oncle, qui, en tant qu'héritier de son père, souhaitait ainsi faire partie de la famille du chef, et s'assurer une certaine aisance financière afin de faire scolariser ses deux fils ; qu'elle a refusé de se marier avec cet homme notamment parce que ce mariage allait à l'encontre ses convictions religieuses et parce qu'elle entretenait déjà une relation de concubinage, à Douala, avec le père de ses trois enfants ; que le 10 août 2002, elle a été amenée de force au domicile du chef de village où elle a subi un viol et où elle a été forcée d'entreprendre des préparatifs en vue du mariage ; que le 30 août 2002, avec l'aide de la première épouse du chef, elle a pu s'échapper et retourner à Douala ; que le 4 septembre 2002, les serviteurs du chef du village sont venus la chercher chez son concubin ; que ce dernier a alors été frappé ainsi que ses enfants alors qu'il s'opposait à son enlèvement ; que surpris par des voisins, les agresseurs ont pris la fuite ; que le lendemain, elle a porté plainte auprès des autorités ; que le 19 septembre 2002, les hommes de main du chef du village se sont de nouveau rendus chez son concubin pour l'enlever ; qu'en son absence, son compagnon a de nouveau été frappé et a dû être hospitalisé ; qu'elle a souhaité déposer une nouvelle plainte mais que les autorités n'ont pas accepté de l'entendre dès lors qu'il s'agissait à leurs yeux d'un mariage traditionnel et d'un différend d'ordre familial ; que craignant pour sa vie, elle a alors décidé de quitter son pays ;

Considérant que les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé, c'est à dire conclu sans leur libre et plein consentement, dont l'attitude est regardée par tout ou partie de la société de leur pays d'origine comme transgressive à l'égard des coutumes et lois en vigueur, et qui sont susceptibles d'être exposées de ce fait à des persécutions contre lesquelles les autorités refusent ou ne sont pas en mesure de les protéger, doivent être regardées comme appartenant à un groupe social au sens des stipulations de l'article 1er, A, 2 de la convention de Genève ; que lorsque ces conditions ne sont pas réunies et notamment lorsque leur comportement n'est pas perçu comme transgressif de l'ordre social, ces femmes n'en demeurent pas moins susceptibles d'être exposées à des traitements inhumains et dégradants au sens des dispositions de l'article L712-1 b) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, en l'espèce, que ni les pièces du dossier ni les déclarations faites en séance publique devant la Commission ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées ; que notamment, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante, âgée de trente cinq ans au moment des faits, ait été dans l'impossibilité d'opposer un refus à ce mariage, alors même qu'elle vivait maritalement avec le père de ses trois enfants et exerçait la profession de commerçante à Douala ; qu'il n'est pas établi qu'elle ait été conduite de force au domicile du chef de village et maintenue en captivité dans le cadre des préparatifs du mariage ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a pu s'échapper relativement facilement du domicile du chef du village et qu'elle a alors rejoint Douala sans difficultés pour y retrouver son concubin et ses trois enfants ; qu'à cet égard, elle n'a pas su expliquer de manière cohérente les raisons pour lesquelles elle n'a pas souhaité épouser son concubin, union qui aurait pu la protéger ; qu'en outre, ses déclarations concernant les deux tentatives d'enlèvement, dont elle aurait fait l'objet à Douala, ont été trop peu circonstanciées pour permettre d'en établir la réalité ; que les circonstances de son départ sont apparues peu crédibles ; que dès lors, elle n'est fondée à se prévaloir ni du bénéfice de la qualité de réfugiée au sens des stipulations conventionnelles ni de la protection subsidiaire au sens des dispositions de l'article L 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le recours ne peut être accueilli ; ...(Rejet).

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