Huynh Thi Bach Lan c. l'Etat belge

COMMISSION PERMANENTE DE RECOURS DES REFUGIES,

Audience publique du 4 février 1993

 

En cause de:

NOM, PRENOM: HUYNH Thi Bach Lan

NEE A: Saïgon LE: 19.06.1968

NATIONALITE: vietnamienne

 

Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et son Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés;

Vu la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, modifiée par la loi du 14 juillet 1987 et par la loi du 18 juillet 1991;

Vu l'arrêté royal du 18 octobre 1990 fixant la procédure devant la Commission permanente de recours des réfugiés modifié par l'arrêté, royal du 25 septembre 1991;

Vu la décision (CG/90/13133/RA2785) du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides notifiée le 6 novembre 1992;

Vu la requête introduite auprès de la. Commission par pli recommandé à la poste le 17 novembre 1992

Vu l'ordonnance de la présidente, rendue le 27 novembre 1992, accordant la suspension de la décision contestée;

Vu les convocations notifiées aux parties en date du 25 novembre 1992 pour l'audience du 5 janvier 1993 remise au 4 février 1993;

Entendu la partie requérante en ses dires et moyens à l'audience du 4 février 1993;

Considérant que là requérante a été appelée à quitter son pays en 1987 dans le cadre des accords de coopération conclus entre le Vietnam et l'ex-Allemagne de l'Est;

Qu'après une période d'environ deux ans en ex-Allemagne de l'Est, elle a pu bénéficier d'un congé de deux mois au pays entre janvier 1990 et mars 1990;

Que l'intéressée provient d'une famille ayant fait l'objet d'une surveillance particulière par le régime en place (déportation dans une Nouvelle Zone Economique, camp de redressement);

Que la suspiscion pesant sur cette famille à été attestée par un témoin qui déclare avoir pu récemment rencontrer les parents de l'intéressée à l'occasion d'une mission humanitaire;

Que l'intéressée déclare que lors de son congé, elle a fait l'objet de mesures de pression et d'entraves à sa liberté de circulation (elle s'est vue notamment refuser l'autorisation d'aller rendre visite à son oncle à peine libéré d'un camp de redressement);

Qu'elle invoque également avoir eu connaissance par des sources très proches, de mesures brutales de rétorsion à l'égard de personnes ayant manifesté une opposition au régime en place (exécution sommaire d'un voisin);

Que lors de son retour en ex-Allemagne de l'Est, l'intéressée a fait part à ses collègues de travail du climat de surveillance extrême et du manque de liberté qu'elle avait éprouvés lors de son séjour au pays;

Que ces propos lui auraient valu de la part du représentant des autorités vietnamiennes au sein de l'usine une menace de renvoi disciplinaire au Vietnam;

Que c'est cette mise en garde qui l'a décidée à fuir l'ex-Allemagne de l'Est craignant qu'un rapport défavorable ne soit rédigé sur elle et communiqué au Commissaire de son village;

Considérant que selon les informations en possession de la Commission en provenance du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, les autorités vietnamiennes attachent peu d'importance au retour des travailleurs en provenance des pays de l'Est même si celui-ci est tardif;

Qu'il est permis de conclure de cette information que la seule rupture du contrat conclu dans le cadre de la coopération d'Etat à Etat n'est pas de nature à entraîner des persécutions susceptibles de justifier l'octroi d'une protection internationale;

Que la Commission estime que le cas de la requérante présente un ensemble de caractéristiques propres (antécédents familiaux, probabilité d'un rapport défavorable faisant état d'une hostilité au régime) pouvant entraîner un risque de poursuites engagées contre l'intéressée en application des articles 85 et 89 du Code pénal vietnamien toujours en vigueur;

Qu'en conséquence, la Commission conclut que le risque évoqué ci-dessus ne pouvant pas être écarté avec certitude, il convient de conférer à la requérante le bénéfice de la protection internationale prévue par la Convention de Genève de 1951;

PAR CES MOTIFS:

LA COMMISSION

-           Statuant contradictoirement;

-           Déclare la demande recevable et fondée; Réforme la décision rendue le 3 novembre 1992 par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides;

-           Reconnaît à la requérante la qualité de réfugiée;

Ain si délibéré le 4 février 1993.

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