CONSEIL D'ETAT, SECTION D'ADMINISTRATION

ARRETn° 51.606 du 9 février 1995

 

En cause:

RAHBAR SHAHIR Chartgiz,

ayant élu domicile chez Me L. WALLEYN, avocat, rue des Palais 154 1210 Bruxelles,

contre:

l'Etat belge, représenté par le Ministre de l'Intérieur.

 

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XIe CHAMBRE,

Vu la demande introduite le 7 février 1995 par Chartgiz RAHVAR SHAHIR, de nationalité iranienne, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de la décision de refus de prise en considération d'une déclaration de réfugié, avec ordre de quitter le territoire prise le 10 octobre 1994, qui lui a été notifiée le 6 février 1995;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Vu l'ordonnance du 8 janvier 1995, notifiée aux parties, convoquant celles-ci à comparaître le 9 février 1995 à 15. heures;

Vu le dossier administratif;

Entendu, en son rapport,. M. HANOTIAU, conseiller d'Etat, président de chambre f.f.;

Entendu, en leurs observations, Me L. WALLEYN, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me M. SCARCEZ, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. BEECKMAN de CRAYLOO, auditeur au Conseil d'Etat;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1.         Le requérant arrive en Belgique le 26 juillet 1992 et se déclare candidat réfugié politique le 3 août 1992. Le 28 août 1992, une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire est prise.

2.         Le 14 septembre 1992, le requérant introduit une demande urgente de réexamen auprès du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides. Elle est accueillie et le 3 février 1994, la Commissaire général prend une décision de refus de reconnaissance de la qualité de réfugié.

3.         Le requérant introduit alors un recours devant la Commission permanente de recours des réfugiés. Celle-ci a toutefois déclaré son recours irrecevable parce que, introduit par le requérant lui-même, il n'était pas motivé. Cette décision a été notifiée en date du 6 avril 1994.

4.         Le 22 août 1994, le requérant introduit une seconde demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Le 5 septembre 1994, un premier refus de prise en considération d'une déclaration de réfugié est décidé. Il est toutefois retiré le 3 octobre 1994 et ceci en attendant un avis du délégué du Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies dans le cadre de l'article 57/23bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Le 7 octobre 1994, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés adresse une lettre au Directeur général de l'Office des étrangers dans laquelle il lui demande de revoir la décision de refus de prise en considération de la déclaration de réfugié du 5 septembre 1994 et de déclarer la demande recevable afin que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides puisse statuer au fond.

5.         Le 10 octobre 1994, une seconde décision de refus de prise en considération d'une déclaration de réfugié, avec ordre de quitter le territoire, est prise. Cette décision a été notifiée au requérant le 6 février 1995.

Il s'agit de l'acte attaqué.

Considérant que la décision dont la suspension est demandée est libellée comme suit:

"L'intéressé a introduit une première demande le 03.08.92, une décision de refus de séjour (une 26bis) lui a été notifiée le 09.09.92. Suite à un recours urgent en réexamen, l'intéressé s'est vu notifier le 09.12.92 un avis favorable du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides. Cependant la reconnaissance de la qualité de réfugié lui a été refusée le 03.02.94. L'intéressé a alors introduit un recours auprès de la Commission permanente des recours, recours qui a été rejeté le 06.04.94. Le 22.08.94, une deuxième demande d'asile est introduite par l'intéressé, demande dans le cadre de laquelle il fournit deux éléments: une convocation au tribunal de MAHABAD et une lettre en provenance de sa soeur.

Il est à signaler cependant que le précité n'invoque aucun élément nouveau au sens de l'art. 50 de la loi précitée. De fait, la convocation au tribunal de MAHABAD fournie par l'intéressé a déjà été invoquée lors de la procédure de la première demande d'asile, par ailleurs la lettre en provenance de sa soeur n'apporte aucun élément nouveau. De plus s'agissant d'une pièce émanant d'une personne privée, membre de la famille, ne pouvant être vérifiée, cette lettre doit être écartée comme ne présentant aucune garantie de crédibilité."

Considérant que le requérant prend un moyen, le troisième de sa demande, de la violation de l'article 57/23bis, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980; qu'il reproche essentiellement à la décision du délégué du Ministre de l'Intérieur de n'avoir tenu aucun compte de la lettre qui avait été adressée le 7 octobre 1994 par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés au Directeur général de l'Office des étrangers;

Considérant que l'article 57/23bis de la loi du 15 décembre 1980 dispose comme suit:

"Le représentant en Belgique du Haut Commissariat des, Nations Unies pour les Réfugiés, ou son délégué, peut consulter toutes les pièces, y compris les pièces confidentielles, figurant dans les dossiers de demande de reconnaissance de la qualité de réfugié pendant tout le déroulement de la procédure, à l'exception de la procédure devant le Conseil d'Etat.

Il peut donner un avis, écrit ou oral, au ministre qui à l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, ainsi qu'à la Commission permanente de recours des réfugiés, soit à initiative, soit à la demande de l'une ces autorités.

Lorsqu'une autorité s'écarte d'un avis qui lui a été donné en vertu du deuxième alinéa, elle doit en mentionner explicitement les motifs dans sa décision".

Considérant que la lettre du Haut Commissaire figurait au dossier de l'office des étrangers et constituait un avis au sens de l'article 57/23bis de la loi du 15 décembre 1980 avec la conséquence que le délégué du ministre avait l'obligation de motiver sa décision s'il s'en écartait et, à plus forte raison, d'en tenir compte; que le délégué du ministre, en n'ayant eu aucun égard à cet avis, n'a pas motivé sa décision au voeu de la loi; que le moyen est sérieux;

Considérant qu'il ressort de l'exposé des faits, des pièces du dossier et de l'examen du moyen que le requérant peut, dans l'état actuel du dossier, se considérer comme candidat réfugié avec comme conséquence que le risque de préjudice qu'il fait valoir dans sa demande et qu'il lie à sa qualité de candidat réfugié paraît établi;

Considérant que les conditions prévues par l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil 21 d'Etat pour que soit accueillie une demande de suspension, sont réunies,

DECIDE:

Article 1er.        Est suspendue provisoirement l'exécution de la décision de refus de prise en considération d'une déclaration de réfugié, avec ordre de quitter le territoire, prise le 10 octobre 1994 et notifiée le 6 février 1995.

Article 2.           L'affaire est fixée à l'audience du 9 mars 1995 à 14.30 heures.

Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique, le neuf' février 1900 nonante-cinq, par:

M. MMOTIAU,

président f.f. de la XIe chambre

Nme MARTOU,

greffier assumé.

 

Le Greffier ass.,

Le Président f.f.,

G. MARTOU.

M. HANOIAU

 

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