Alliances Mortelles dans les Forêts Congolaises

Sigles figurant dans cet ouvrage:

AFDL  Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo

APR     Armée patriotique rwandaise

BSRS   Brigade spéciale de recherche et de surveillance

CADDHOM            Collectif d'action pour le développement des droits de l'homme

CICR   Comité international de la Croix-Rouge

CIRCO            circonscription militaire

CRONG            Conseil régional des organisations non gouvernementales

DSP     Division présidentielle spéciale

FAR     Forces armées rwandaises

FAZ     Forces armées zaïroises

FONUS            Forces novatrices pour l'union et la solidarité

HCR    Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

HZB     Haki Za Binadamu

MAGRIVI            Mutuelle des agriculteurs du Virunga

MNC-L            Mouvement national congolais-Lumumba

ONATRO            Office national des transports

OUA            Organisation de l'unité africaine

PALU  Parti lumumbiste unifié

PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques

UDPS  Union pour la démocratie et le progrès social

UNITA            Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola

VSV    La voix des sans voix

Introduction

En novembre 1996, quelque 700 000 réfugiés rwandais ont quitté les camps de l'est de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre)[1] pour rentrer au Rwanda. Les informations parvenues à Amnesty International à l'époque indiquaient que les réfugiés rentraient dans leur pays pour échapper au conflit armé et aux attaques visant délibérément les réfugiés et les camps. Les organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme ont exprimé leur préoccupation face au massacre délibéré et arbitraire d'un grand nombre de réfugiés –dont plus d'un million étaient originaires du Rwanda et plusieurs centaines de milliers du Burundi– perpétré par des membres de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), principal groupe armé d'opposition. De nombreux gouvernements favorables à l'AFDL et à ses alliés, notamment ceux du Rwanda et de l'Ouganda, ont jugé ces préoccupations infondées. À la fin de l'année 1996, une tentative a été faite pour mettre sur pied une force multinationale dirigée par le Canada «afin de faciliter le retour immédiat des organisations à vocation humanitaire et la fourniture effective, par des organisations de secours civiles, d'une assistance humanitaire visant à soulager dans l'immédiat les souffrances des personnes déplacées, des réfugiés et des civils en danger dans l'est du Zaïre, et de faciliter le rapatriement librement consenti et dans l'ordre des réfugiés, par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ainsi que le retour librement consenti des personnes déplacées...». La mise en place de cette force, décidée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1080 (1996) du 15 novembre 1996, a été annulée en décembre 1996.

Les forces opposées à la protection des civils non armés

Certains gouvernements de même que des opposants à la force multinationale ont soutenu que la plupart des réfugiés étaient rentrés et que ceux qui n'avaient pas regagné le Rwanda étaient des combattants, notamment des membres des ex-forces armées rwandaises (FAR) et d'anciens miliciens hutu rwandais –ayant appartenu à la milice Interahamwe– responsables du génocide perpétré au Rwanda en 1994. Cette situation a porté l'AFDL et ses alliés à croire que la communauté internationale considérait les Hutu rwandais demeurés en RDC comme des cibles légitimes. Les sympathisants de l'AFDL ont ajouté que ceux qui avaient fui vers l'Ouest, s'enfonçant à l'intérieur de la RDC, étaient des extrémistes hutu rwandais responsables du génocide rwandais qui voulaient échapper à la justice. Certains ont laissé entendre et d'autres ont déclaré ouvertement que les réfugiés qui pourraient être tués ne méritaient aucune sympathie. Des gouvernements ont ainsi légitimé les massacres et les attaques de civils et de réfugiés non armés «coupables du fait de leur association» avec les éléments armés. De même qu'aucune mesure n'avait été prise pour protéger les réfugiés non armés, rien n'a été fait pour empêcher le massacre de civils congolais non armés. Jusqu'à la fin octobre 1997, de nombreuses sources en RDC ont signalé que des civils non armés avaient été massacrés, parmi lesquels un grand nombre de femmes, d'enfants, de vieillards et de malades.

Les premiers massacres ont été commis dans le cadre d'affrontements armés entre partisans et opposants de l'ancien président Mobutu Sese Seko. Les opposants aux forces de Mobutu comprenaient essentiellement les membres de l'AFDL, cette alliance rassemblant des groupes armés d'opposition congolais, des membres de l'Armée patriotique rwandaise (APR) et des forces appartenant entre autres aux armées burundaise, angolaise et ougandaise. Parmi les partisans du président Mobutu figuraient différentes branches des Forces armées zaïroises (FAZ) ainsi que des membres de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA*[2]) et plusieurs centaines de mercenaires, apparemment serbes et croates pour la plupart, dirigés par un ancien colonel belge. Des anciens membres de l'armée rwandaise et des milices Interahamwe ont également rejoint l'opposition armée à l'AFDL.

Indépendamment des massacres et autres homicides délibérés et arbitraires, toutes les parties au conflit se sont livrées à des enlèvements, à des actes de torture, à des viols et à des détentions arbitraires. Les victimes étaient en majorité des Hutu, rwandais pour la plupart, mais aussi des réfugiés hutu burundais et des ressortissants congolais (ex-zaïrois). Diverses sources en RDC pensent que des centaines, voire plusieurs dizaines de milliers de personnes, ont été massacrées délibérément et arbitrairement depuis septembre 1996. Des organisations humanitaires, notamment le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), estiment que 200000 Rwandais environ qui s'étaient réfugiés en RDC ont disparu. Beaucoup d'entre eux sont probablement morts. Les Hutu auraient été traqués sans relâche dans les forêts et les campements improvisés dans toute la RDC, et tués. La plupart des victimes ont sans doute été tuées par balles, mais d'autres ont été battues à mort par des soldats de l'AFDL et ses alliés. D'autres encore sont mortes de froid, de faim ou de maladie après que les organisations humanitaires eurent été délibérément empêchées de leur porter secours.

La plupart des tueries et des autres graves atteintes aux droits de l'homme commises à l'encontre des réfugiés hutu rwandais à partir de septembre 1996 et pendant toute l'année 1997 seraient imputables aux troupes de l'AFDL dirigées par Laurent-Désiré Kabila, devenu président de la RDC le 17 mai 1997. Par ailleurs, des centaines de Congolais considérés par l'AFDL comme favorables aux Hutu ou hostiles à ce qu'ils perçoivent comme une domination tutsi auraient également été massacrés. Selon des informations parvenues à Amnesty International, des officiers et dans certains cas des unités entières de l'APR ont perpétré de nombreux homicides. L'AFDL aurait reçu des renforts et du matériel militaire du Burundi, de l'Ouganda et de l'Angola ainsi que le soutien de combattants venus de pays aussi lointains que la Somalie, l'Érythrée et l'Éthiopie; la participation de ces derniers aux massacres et autres atrocités n'a toutefois pas été confirmée. Les informations dont dispose Amnesty International indiquent qu'il était difficile de faire la distinction entre les unités composées exclusivement de ressortissants congolais et celles comportant des étrangers. Un certain nombre de sources en RDC ont toutefois affirmé que les combattants non tutsi refusaient souvent de participer aux massacres, ce qui provoquait parfois des heurts entre les membres tutsi et non tutsi de l'AFDL. Les unités étaient apparemment mixtes dans la plupart des cas et elles sont généralement désignées dans le présent rapport sous le nom d'AFDL. Les hommes de troupe affirmaient souvent qu'ils exécutaient les ordres de leurs commandants tout en refusant de dévoiler l'identité de ces derniers. Des sources en RDC ont conclu que les noms étaient gardés secrets afin de dissimuler l'origine étrangère des commandants. Il est possible que certains d'entre eux ou certaines unités aient reçu des ordres de leurs propres gouvernements plutôt que de la direction de l'AFDL, qui a pris le pouvoir le 17 mai 1997.

Parallèlement aux attaques lancées contre les réfugiés, l'interdiction faite aux organisations humanitaires de se rendre dans les camps alors que les réfugiés s'enfuyaient ou étaient massacrés semble avoir été délibérée. Les premières attaques lancées par l'AFDL et les autres atteintes aux droits des réfugiés ont peut-être été ordonnées localement, mais la direction de l'AFDL était de toute évidence au courant de l'interdiction d'accès imposée aux organisations humanitaires et des conséquences de cette mesure pour les victimes. Lorsque des organisations humanitaires, des organisations de défense des droits de l'homme et certains gouvernements ont exprimé leur préoccupation quant aux homicides et aux mauvais traitements infligés aux réfugiés, le président Kabila aurait répondu qu'il s'agissait d'un «problème mineur». Selon une dépêche de l'Agence France Presse (AFP) datée du 20 juin, le président Kabila aurait déclaré à la télévision nationale: «Il n'y a jamais eu de massacres.»

La violation des normes internationales par les parties au conflit

Différents aspects du droit international étaient applicables aux parties au conflit à différents moments. Avant le 17 mai 1997, date à laquelle le gouvernement actuel a pris le pouvoir, les forces du gouvernement zaïrois étaient tenues de respecter les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme que le pays avait ratifiés, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Charte africaine).

Les principes énoncés à l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 s'appliquent à toutes les parties au conflit armé, y compris aux forces de l'AFDL et à leurs alliés. L'article, 3 qui porte sur les conflits armés internes, protège les droits fondamentaux de toutes les personnes ne participant pas directement aux hostilités, y compris les membres des forces armées qui ont déposé les armes. Il prohibe toute atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment les traitements humiliants et dégradants.

Après avoir pris le pouvoir, l'AFDL était tenue, en qualité de gouvernement successeur, de respecter tous les traités internationaux ratifiés par son précédesseur, notamment le PIDCP et la Charte africaine. Le gouvernement actuel est donc légalement tenu de ne violer aucune des dispositions de ces traités qui protègent le droit à la vie, prohibent la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, et précisent que ces droits fondamentaux ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation même en cas de guerre ou de proclamation de l'état d'urgence.

L'action d'Amnesty International en faveur des droits de l'homme en République démocratique du Congo

Depuis octobre 1996, Amnesty International a publié des rapports dénonçant les atteintes aux droits de l'homme commises par des membres de l'AFDL, des FAZ et d'autres forces. L'Organisation a appelé les dirigeants de ces forces à faire savoir publiquement que les atteintes aux droits de l'homme ne sauraient être tolérées, et elle a réclamé la comparution en justice des responsables de tels agissements. Ces appels sont restés lettre morte. Bien que le gouvernement dirigé par l'AFDL se soit plusieurs fois engagé à faire respecter l'autorité de la loi, les soldats de cette alliance continuaient apparemment de se livrer en toute impunité, en octobre 1997, à des homicides illégaux, à des "disparitions" et à des actes de torture, en particulier à des viols et à d'autres graves atteintes aux droits de l'homme.

En mars 1997, Amnesty International a soumis au Conseil de sécurité des Nations unies[3] un mémorandum dans lequel elle réclamait la création d'une commission chargée d'enquêter sur les atrocités commises dans l'est de la RDC. Sur la demande du Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, le rapporteur spécial sur le Zaïre a dirigé, à la fin du mois de mars 1997, une mission d'enquête chargée de recueillir des informations sur les accusations de violations graves des droits de l'homme. Bien que sa liberté de mouvement ait été restreinte par l'AFDL, le rapporteur spécial a remis son rapport à la Commission des droits de l'homme. C'est sur la base de ce document que la commission réunie à Genève a décidé, en avril 1997, d'envoyer une mission conjointe dans l'est du Zaïre pour enquêter sur les informations faisant état de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire. Dirigée par le rapporteur spécial sur le Zaïre, cette mission comprenait le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciares, sommaires ou arbitraires et un membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. L'AFDL ayant interdit à la mission de se rendre dans l'est du pays, aucune investigation n'a pu être effectuée. À l'issue de consultations avec le Conseil de sécurité des Nations unies et le gouvernement de la RDC, le secrétaire général des Nations unies a, en août 1997, envoyé sa propre mission d'enquête en RDC. Le gouvernement ayant entravé toutes les tentatives de l'équipe pour commencer ses investigations, les responsables ont été rappelés en consultation à New York au début du mois d'octobre. La direction de l'AFDL a continué de rejeter toute accusation à l'effet que ses membres auraient commis des violations des droits fondamentaux. En octobre 1997, le gouvernement de la RDC a accepté que la mission envoyée par le secrétaire général des Nations unies mène des investigations, mais un certain nombre d'obstacles empêchaient toujours l'ouverture d'une enquête véritablement indépendante.

Amnesty International déplore que l'AFDL ait utilisé tous les moyens possibles pour empêcher l'ouverture d'une enquête approfondie sur les massacres, et ce en interdisant aux organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme de se rendre dans les régions où étaient signalées des atteintes aux droits fondamen-taux. Diverses sources en RDC ont affirmé que les membres de l'AFDL et ses alliés utilisaient différents moyens pour dissimuler les preuves des atrocités, en particulier qu'ils brûlaient les corps et les jetaient dans des rivières.

Pour donner à la République démocratique du Congo un nouveau départ fondé sur le respect durable de l'autorité de la loi, il est impératif de connaître toute la vérité sur ce qui s'est passé pendant et après le conflit armé auquel ont participé l'AFDL, l'APR, les FAZ et d'autres groupes armés agissant dans le pays. Il est essentiel qu'aucun doute ne subsiste au sein de la communauté internationale, des survivants et de l'opinion publique quant aux intentions et aux responsabilités des auteurs des atrocités. La RDC et les gouvernements qui ont soutenu l'AFDL devraient sans ambiguité manifester leur volonté de coopérer à l'enquête de la mission désignée par le secrétaire général des Nations unies, et faciliter les investigations. Le gouvernement de la RDC et la communauté internationale tout entière devraient s'engager à traduire en justice les auteurs d'atteintes aux droits de l'homme identifiés par la mission d'enquête ou par d'autres organismes indépendants et impartiaux.

Le présent rapport expose les atteintes aux droits de l'homme perpétrées en RDC depuis mars 1997[4]. Il décrit les atrocités commises de manière systématique, essentiellement contre des Hutu rwandais, burundais et congolais, ainsi que contre des ressortissants de la RDC appartenant à d'autres groupes ethniques. Amnesty International insiste sur l'impunité dont ont bénéficié les auteurs de ces crimes contre l'humanité et fait observer que les dirigeants des forces en présence ont constamment nié l'existence de telles atrocités. L'Organisation exhorte les gouvernements et les organisations intergouvernementales à user de leur influence pour que les mesures préconisées dans le présent rapport et visant à empêcher le renouvellement de tels agissements soient mises en œuvre par le gouvernement de la RDC. Le président Kabila et son gouvernement doivent également s'engager à adhérer aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme et à les appliquer, tout comme ils doivent s'engager à appliquer les lois du pays prévoyant la protection de ces droits. Le non-respect de ces normes entraînera la persistance des atteintes aux droits de l'homme et de l'impunité que la population de ce pays subit depuis beaucoup trop longtemps. Le moment est venu pour le récent gouvernement de signer un nouveau contrat avec la population de la RDC, sans distinction d'origine, d'opinion, de sexe, de race, de religion ou de langue.

Amnesty International s'est efforcée d'engager le dialogue avec l'AFDL avant et après sa prise de pouvoir. En août 1997, l'Organisation a soumis au gouvernement un mémorandum de 38 pages intitulé République démocratique du Congo. Mémorandum à l'attention du gouvernement: recommandations en vue d'une réforme juridique (index AI: TG AFR 62/97.10) daté du 4 août 1997[5]. Ce document contenait un exposé des atteintes aux droits de l'homme perpétrées dans la RDC, notamment depuis l'indépendance en 1960, ainsi qu'un certain nombre de recommandations en vue de renforcer l'autorité de la loi dans le pays. Dans une lettre séparée, Amnesty International exprimait son souhait d'envoyer une délégation en RDC afin d'évoquer avec les autorités, et notamment avec le président Kabila, les recommandations de l'Organisation et de recueillir des informations sur des atteintes aux droits de l'homme signalées récemment dans le pays. Au début du mois de novembre 1997, Amnesty International a reçu une réponse d'un haut responsable du ministère des Affaires étrangères de la RDC datée du 23 septembre 1997. Celui-ci, sans évoquer les sujets de préoccupation exposés dans le mémorandum, affirmait: «Durant toute la campagne militaire pour la libération de notre pays, le respect et la protection de la vie humaine ont été une priorité. La guerre a été menée avec un minimum de pertes en vies humaines.» Par ailleurs, la lettre n'indiquait pas si le gouvernement de la RDC avait pris en considération les recommandations de l'Organisation ni s'il avait l'intention de les appliquer. En ce qui concerne le souhait d'Amnesty International d'envoyer une délégation en RDC pour évoquer les sujets de préoccupation de l'Organisation et recueillir des informations, le responsable congolais déclarait: «Quant à la venue d'une délégation de haut niveau d'Amnesty International, le gouvernement estime qu'une telle visite n'est plus actuellement nécessaire.» Il laissait entendre que cette décision était due au fait que l'action d'Amnesty International était similaire à celle de la mission d'enquête du secrétaire général des Nations unies, et ajoutait: «Les compétences d'Amnesty International pourraient toutefois être sollicitées dans d'autres domaines à l'avenir. Le gouvernement de la République démocratique du Congo n'hésitera pas à faire appel au Secrétariat international si cela s'avère nécessaire.»

Si l'on considère la lettre du ministère des Affaires étrangères, une discussion directe entre les autorités de la RDC et Amnesty International n'aura probablement pas lieu avant longtemps. L'Organisation a donc décidé, en décembre 1997, de rendre public son mémorandum. Amnesty International espère que le gouvernement de la RDC prendra ses recommandations en considération et que la communauté internationale, en particulier les gouvernements et les organisations intergouvernementales, l'encourageront à les mettre en application. L'Organisation continuera de solliciter l'autorisation d'envoyer une délégation en RDC dès que possible.

1.Les massacres délibérés et arbitraires imputables à l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo et à ses alliés

En mars 1997, l'AFDL avait conquis la plus grande partie de l'est de l'ex-Zaïre, jusqu'alors contrôlé par les FAZ de l'ancien président Mobutu et plusieurs centaines de mercenaires étrangers qui avaient battu en retraite. Des affrontements armés ont également été signalés entre l'AFDL, les ex-FAR et des hommes de la milice Interahamwe. La présence d'éléments armés parmi ou non loin des réfugiés hutu non armés a souvent été invoquée pour justifier les attaques contre les réfugiés. Toutefois, dirigés au départ contre les hommes en âge de combattre, les massacres délibérés et systématiques de Hutu se sont généralisés dès décembre 1996. En mars, Amnesty International recevait des informations indiquant que l'AFDL avait commis des massacres de Hutu de tous âges, hommes et femmes, en particulier lorsque les combats s'étaient étendus aux régions de Masisi et de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu, peuplées essentiellement de Hutu congolais. Des violences étaient toujours signalées dans cette province en octobre 1997.

Les tueries de réfugiés, qui avaient commencé en octobre 1996 dans les camps situés à proximité des frontières de la RDC avec le Rwanda et le Burundi, ont continué à mesure que l'AFDL et ses alliés prenaient le contrôle d'un territoire plus vaste s'étendant jusqu'à la frontière occidentale de la RDC avec la République du Congo. Les réfugiés qui étaient parvenus à quitter les camps et s'étaient mis en marche vers l'Ouest ont parcouru des centaines de kilomètres en s'arrêtant souvent dans des campements improvisés. Lorsque cela était possible, les organisations humanitaires y distribuaient de la nourriture et des médicaments. Le regroupement des réfugiés dans les camps a permis par la suite à l'AFDL et à ses alliés de les localiser et, dans certains cas, d'en massacrer plusieurs centaines à la fois. L'AFDL a permis aux organisations humanitaires de repérer les réfugiés, de les faire sortir de leur cachette, puis a interdit à ces organisations d'atteindre les camps. Les organisations ont souvent demandé aux responsables locaux de l'AFDL de leur permettre d'atteindre immédiatement les réfugiés. En vain. Des représentants bouleversés d'organisations humanitaires ont déclaré à Amnesty International que la plupart des massacres avaient été perpétrés pendant la période où il leur était interdit de pénétrer dans les camps. Beaucoup de membres d'organisations humanitaires qui étaient intervenus lors de conflits armés dans d'autres régions du monde ont affirmé n'avoir jamais été témoins d'un tel usage des organisations humanitaires pour faciliter les atteintes aux droits de l'homme.

1.1La traque des réfugiés dans le Kivu

Des centaines, voire des milliers, de réfugiés hutu auraient été délibérément et arbitrairement massacrés le long de l'axe Bukavu-Shabunda, dans la province du Sud-Kivu, notamment en février et en mars 1997. On signalait de nombreux squelettes sur la route reliant Kingulube et Shabunda. En avril, certaines sources dans la région ont affirmé qu'en plusieurs endroits de cet axe, seuls des objets ayant appartenu aux victimes et la présence de fosses communes indiquaient l'existence de massacres. Des sources crédibles ont informé Amnesty International que de très nombreux réfugiés avaient été tués à Mpwe, localité située à environ douze kilomètres à l'ouest de Shabunda. Les victimes auraient été enterrées derrière une maison de Mpwe, dans une fosse commune dissimulée de façon à évoquer les travaux d'une maison en construction. À la fin du mois de mars, les seuls éléments visibles rappelant que des gens avaient vécu à cet endroit étaient des vêtements et des ustensiles éparpillés au bord de la route.

Une autre fosse commune contenant des corps de réfugiés hutu a été signalée au nord de Katchungu, sur la route menant à Lulingu. Des informations parvenues à la fin du mois de mars indiquaient que de très nombreux réfugiés étaient massacrés dans cette région. Douze autres fosses communes sur lesquelles auraient été plantées des croix ont été repérées dans le Kivu à Langue-Langue, à quelque 130 kilomètres à l'ouest de Kingulube. Certaines sources dans la région ont affirmé que les tombes sont habituellement creusées à l'extérieur des villages et qu'elles ont l'aspect d'un monticule de terre recouvert de pierres. L'AFDL s'est efforcée de dissimuler les tombes en les aplanissant. Des membres d'une organisation humanitaire qui, le 28 mars 1997, s'étaient rendus dans une région voisine, ont vu deux fosses communes qui venaient d'être recouvertes de terre fraîche. Lors qu'ils sont revenus le lendemain, une couche de terre plus foncée avait été jetée sur les tombes.

D'autres massacres ont été signalés entre le 1er et le 3 mars 1997 au camp de réfugiés de Tingi-Tingi. Un survivant a affirmé que la plupart des réfugiés avaient quitté le camp le 28 février et que l'AFDL l'avait occupé le 1er mars. Parmi les premières victimes figuraient des malades trop faibles pour marcher. Un réfugié a déclaré à l'Organisation qu'il avait vu, depuis l'endroit où il s'était caché dans la brousse, des combattants de l'AFDL, dont certains parlaient le kinyarwanda[6], repousser une vingtaine de personnes à l'intérieur du camp et les tuer, dans la plupart des cas à coups de baïonnette, mais aussi par balles. Jacques Hakizimana, un homme de vingt-huit ans originaire de Kigali, sa femme Rose, et André Habimana, vingt-six ans, originaire de Kibuye au Rwanda, auraient figuré au nombre des victimes. Le témoin a ajouté que les corps avaient été brûlés puis recouverts de terre, en haut du marché, sur la route de Lubutu.

Un certain nombre de massacres d'individus ou de groupes sont attribués à des soldats de l'Armée patriotique rwandaise. Plusieurs sources ont cité le nom d'un commandant de l'APR:le 31 mars, ce commandant et des soldats de son unité auraient tué deux ouvriers à côté de l'église catholique de Katchungu ainsi qu'un nombre indéterminé de réfugiés hutu installés dans l'église. À la suite de la tuerie, le commandant aurait ordonné aux missionnaires de ne plus aider les réfugiés. Il aurait exigé que les réfugiés restants soient envoyés vers Kingulube, et des membres d'organisations humanitaires craignaient qu'ils ne soient pourchassés et tués par les soldats. Deux civils congolais ont été tués par les soldats le même jour.

Le 28 mars, sur la route reliant Kingulube à Shabunda, des témoins ont vu des villageois dirigés par un commandant de l'APR qui enlevaient des corps décomposés et des objets ayant appartenu à des réfugiés sur le lieu d'un massacre. Des fosses communes qui venaient juste d'être recouvertes de terre ont été vues non loin de Shabunda. Des vêtements ont également été vus flottant sur la rivière Ulindi. Le 25 mars, trois réfugiés auraient été tués par l'AFDL à Kingulube. Par ailleurs, des soldats de l'AFDL auraient tué cinq réfugiés à coups de couteau, le 27 mars, sur un pont enjambant la rivière Ulindi.

Quelque 500 réfugiés rwandais installés à Kirumbu, non loin du monastère de Mukoto (région de Masisi), auraient été tués par l'AFDL à la fin du mois d'avril et au début du mois de mai 1997. Un hélicoptère qui venait apparemment du Rwanda aurait servi à transporter l'approvisionnement des soldats.

Le 29 mai, quatre réfugiés rwandais, dont un enfant, et un Congolais qui travaillait pour l'organisation Save the Children Fund (SCF) ont été abattus par des membres de l'AFDL à Karuba, localité située à 45 kilomètres à l'ouest de Goma. Karuba était un centre important de regroupement pour les réfugiés rwandais souhaitant rentrer dans leur pays. Katumbo Mburanumwe, l'employé de SCF qui menait un groupe de réfugiés, portait sur son dos l'enfant qui a été tué. Dix autres enfants et plusieurs adultes auraient survécu. Le HCR a suspendu ses activités dans le camp et a réclamé une enquête sur les homicides. Dans un communiqué publié le 2 juin, SCF a instamment prié le gouvernement de la RDC de «mener une enquête approfondie et impartiale sur cette affaire». L'organisation a appelé les autorités «à veiller à ce que les resposables des homicides soient traduits en justice». À la connaissance d'Amnesty International, aucune enquête n'a été ordonnée.

Si la plupart des réfugiés qui auraient été tués par l'AFDL sont généralement présentés comme des Hutu rwandais, on estime que certaines victimes étaient des ressortissants burundais. À la mi-juin, Amnesty International a eu connaissance d'un massacre dont presque toutes les victimes étaient des Burundais. Lors de cette tuerie qui a eu lieu début juin entre Bukavu et Shabunda, des membres de l'AFDL auraient tué à coups de baïonnette une quarantaine d'anciens étudiants burundais de l'université de Bukavu. Les victimes auraient été enterrées par des civils congolais. Ces étudiants avaient, semble-t-il, fui Bukavu en octobre 1996 et vivaient depuis cette date à Shabunda.

À la fin du mois de juin, une soixantaine de réfugiés rwandais, dont des enfants, auraient été massacrés par des soldats de l'AFDL dans une maison abandonnée à Kavumu dans la région du Kivu. Les victimes rentraient apparemment au Rwanda. Un Hutu rwandais prénommé Ernest, étudiant à l'université catholique de Bukavu, aurait été tué par des soldats à Bukavu. Il aurait été réveillé à trois heures du matin dans le quartier de Buolo III à Bukavu et emmené, nu, par des soldats de l'AFDL qui ont ordonné à sa famille de se préparer à rentrer au Rwanda. Des ressortissants congolais auraient informé le HCR de l'enlèvement de cet homme dont le corps a été retrouvé décapité par la suite.

1.2Le massacre de Mbandaka

Un massacre de réfugiés commis par l'AFDL a été décrit en détail par des personnes de l'ouest de la RDC; les événements se sont produits le 13 mai 1997 à Mbandaka, capitale de la province de l'Équateur (nord-ouest du pays), sur la rive du fleuve Congo qui sépare la RDC de la République du Congo. Le massacre aurait commencé à Wendji, à une vingtaine de kilomètres de Mbandaka.

«Les agresseurs attaquaient cette fois-ci en forme de U et nous poussaient vers Mbandaka. J'ai vu, derrière moi, Dathive succomber sous les coups d'une arme automatique fixée sur le maudit camion. Mes lèvres tremblèrent et un flot de larme coula instinctivement. J'ai vu un corps féminin inerte et un enfant qui pleurait à son côté en palpant les mamelles! J'ai vu le corps inanimé de Marie Rose, la femme de Minani, ancien boucher. Quel carnage! Je voyais devant moi les corps tomber comme les troncs de bananiers percés par une machette tranchante.»

C'est la description que donne un réfugié rwandais du massacre de Wendji. Ce rescapé et plusieurs dizaines d'autres réfugiés se sont entretenus, début juin 1997, avec des représentants d'Amnesty International dans le camp de Loukolela (République du Congo). La plupart des victimes auraient été tuées à proximité d'un immeuble appartenant à l'Office national des transports (ONATRO), tandis que des dizaines d'autres ont été tuées sur la route de l'aéroport de Mbandaka. La Croix-Rouge locale aurait enterré 116 corps le 13 mai, 17 autres le 14 mai et 17 les jours suivants. Certaines des victimes auraient été contraintes de s'agenouiller ou de s'allonger par terre avant d'être abattues ou tuées à coups de baïonnette. Environ 280 réfugiés qui attendaient au port de Mbandaka de pouvoir descendre le fleuve Congo auraient été pris sous une pluie de balles; certains ont été tués ou blessés, d'autres se sont échappés en plongeant dans le fleuve. Selon des témoins, 140 réfugiés ont été tués par l'AFDL à Wendji. Un Congolais a affirmé avoir compté 295 corps sur la route allant de Wendji à Mbandaka. Certaines sources ont affirmé que 800 réfugiés environ avaient probablement été tués à Mbandaka et dans les alentours.

Selon le Washington Post du 11 juin 1997, les tueries de Mbandaka ont été ordonnées par deux colonels de l'APR. Un général congolais de l'AFDL aurait été dans l'incapacité d'empêcher les massacres malgré son grade élevé. L'AFDL a affirmé que certaines des victimes étaient armées, mais la population de Mbandaka a signalé que les réfugiés arrivés dans la ville avec des armes avaient été désarmés par le gouverneur de l'ancien gouvernement. Selon une source, des membres de l'AFDL ont dit à des employés d'organisations humanitaires à Mbandaka qu'ils étaient en sécurité puisque eux-mêmes ne recherchaient que les réfugiés.

Tous les témoins ont affirmé que les assaillants s'exprimaient en kinyarwanda. Ils ont déclaré à Amnesty International qu'à l'exception des jeunes, la population locale avait largement refusé de participer aux tueries ainsi que le leur demandaient les combattants de l'AFDL. Beaucoup d'habitants ont au contraire pris des risques en cachant de nombreux survivants, en les aidant à traverser le fleuve sur des pirogues ou en leur indiquant les chemins permettant de passer au Congo. La population locale aurait sauvé des centaines de réfugiés en leur conseillant de s'entourer la tête d'un bandeau blanc afin de se faire passer pour des partisans de l'AFDL. Par ailleurs, en dépit des informations selon lesquelles les réfugiés utilisaient la violence pour contraindre les villageois congolais à les nourrir, des Congolais ont donné de la nourriture aux réfugiés.

Un survivant du camp de Loukolela a affirmé à Amnesty International que des combattants de l'AFDL avaient ouvert le feu sur 2 500 réfugiés montés à bord d'un bateau pour passer au Congo. Ceux qui attendaient d'embarquer ont également été pris pour cible. Cet homme a déclaré: «Beaucoup ont été atteints [par les balles] et sont morts. D'autres qui s'étaient jetés à l'eau pour échapper aux tirs se sont noyés. Je me souviens que parmi les victimes figurait Célestin Munyaneza, il avait vingt-huit ans.»

Un autre survivant a raconté que des hommes en civil qui parlaient le kinyarwanda avaient invité les réfugiés à sortir de la forêt, aux alentours de Mbandaka, pour recevoir des secours. Des réfugiés qui avaient répondu à cet appel ont été attaqués par des civils portant des brassards rouges qu'ils avaient pris pour des employés de la Croix-Rouge. Une femme a déclaré à l'Organisation que son mari, Jean Buregeya, et ses cinq enfants, parmi lesquels Léandre Nisingizwe, quatre ans, avaient été tués.

Le 22 mai, le ministre de l'Intérieur de la RDC aurait démenti l'existence de massacres commis par l'AFDL à Mbandaka. Des prêtres de la localité auraient protesté le lendemain auprès du gouverneur de l'AFDL de Mbandaka contre ce démenti des autorités.

Les massacres de réfugiés auraient continué à Mbandaka pendant plusieurs jours à partir du 13 mai. C'est ainsi qu'un groupe de 30 réfugiés qui avaient été encouragés par des employés d'organisations humanitaires à sortir de la forêt où ils étaient cachés, près de Wendji, auraient été massacrés par des soldats de l'AFDL se déplaçant en camion. Des sources à Mbandaka ont affirmé qu'à partir du 13 mai, les soldats de l'AFDL ont commencé à tuer les réfugiés à coups de bâton pour ne pas effrayer la population locale.

Des corps ont été enterrés dans des fosses communes, d'autres ont été jetés dans la rivière. La Croix-Rouge aurait inhumé d'autres victimes dans un cimetière appartenant à la mission protestante de Bolange, à Mbandaka.

Des tueries ont été signalées ailleurs en Équateur ainsi que dans d'autres régions de la RDC. Quelque 2 000 réfugiés auraient été massacrés par l'AFDL à Boendé et aux alentours de cette localité. Cette tuerie aurait eu lieu à la suite d'affrontements entre des membres de l'AFDL et des ex-FAR. Les civils non armés ont été tués après que les membres des ex-FAR eurent pris la fuite. Les corps de certaines des victimes tuées à proximité du port auraient été jetés dans la rivière Tsuapa. D'autres réfugiés, hommes et femmes, auraient été tués sur la route de Samba à Boendé, et leurs enfants auraient été confiés à des familles congolaises. Des fosses communes contenant de six à 15 cadavres ont été repérées tout au long de la route. Les tueries auraient continué dans la région de Boendé jusqu'en juillet 1997, en particulier près d'un pont situé à cinq kilomètres de la ville. Au début du mois de juillet, des soldats de l'AFDL auraient abattu trois réfugiés rwandais, dont un prêtre catholique, à cinq kilomètres de Boendé. L'AFDL aurait refusé pendant deux jours l'inhumation des corps. Ces trois réfugiés se rendaient à Kisangani pour être rapatriés au Rwanda.

1.3Les massacres de Congolais dans l'est du pays

Des Congolais de différents groupes ethniques qui avaient secouru des réfugiés hutu, ou étaient soupçonnés de les avoir aidés, ont été attaqués et tués par l'AFDL. Plus de 30 personnes auraient ainsi été abattues le 12 mai; et beaucoup d'autres blessées à Mudja, collectivité de Bukumu, dans la zone de Nyiragongo au Nord-Kivu. Des combattants de l'AFDL pensaient apparemment que des réfugiés rwandais vivaient dans la région. Un commandant local de l'AFDL basé au camp militaire voisin de Rusanyo serait arrivé dans le village le matin du 12 mai, officiellement dans le but de solliciter l'aide du chef de groupement et de ses hommes pour rechercher, avec les soldats de l'AFDL, des membres de la milice Interahamwe qui se cachaient. Non loin du village, les éléments de l'AFDL auraient ordonné aux villageois de s'allonger par terre puis auraient ouvert le feu. Parmi les victimes figuraient Ndamubuya, une femme de soixante-dix-sept ans, Kasinga Ndamugabumwe, quarante-quatre ans, et Sinsiri Kyuka, trente ans, appartenant à la minorité Twa. Des centaines d'habitants du village se seraient réfugiés dans d'autres régions du Nord-Kivu.

Amnesty International a reçu de nombreuses informations selon lesquelles des personnes auraient été tuées après avoir été convoquées à des rassemblements par l'AFDL, une méthode qui avait été fréquemment utilisée par l'APR au Rwanda, en particulier au début de l'année 1994. C'est ainsi que le 11 mars, des membres de l'AFDL auraient encerclé puis tué au moins 30 habitants du village de Mushabambwa (groupement de Bukombo, collectivité de Bwitu, zone de Rutshuru) dans la province du Nord-Kivu. Les victimes et de nombreux habitants de la région auraient été convoqués par l'AFDL à une réunion publique:pendant que la foule attendait les discours des responsables de l'AFDL, des éléments armés de ce mouvement ont ouvert le feu, apparemment sans sommation; les survivants se sont enfuis dans la brousse. Une femme blessée par balles à la main et à l'épaule aurait reçu des soins médicaux, en avril, à Goma. Par ailleurs, fin juillet 1997, plusieurs centaines de personnes qui s'étaient rendues à une réunion à Mushangwe (collectivité de Bashali, région de Masisi) auraient été brûlées vives dans les maisons où elles avaient été rassemblées.

Le 13 mars, des membres de l'AFDL auraient délibérément et arbitrairement tué une centaine de personnes à Lwana (Bunyakiri), à 80 kilomètres environ au nord-ouest de Bukavu. Ils reprochaient semble-t-il aux victimes d'avoir nourri et hébergé des réfugiés hutu. Selon certaines sources, des Hutu rwandais parmi lesquels figuraient des ex-membres de la milice Interahamwe et des membres des anciennes FAR se cachaient dans les forêts avoisinantes. Ils étaient souvent pourchassés par des éléments de l'AFDL, qui en ont tué certains; les corps des victimes auraient souvent été brûlés. Après le massacre de Lwana, la population a exigé la fermeture d'un camp de transit pour les réfugiés rwandais qui se trouvait à proximité du village.

Dans la région d'Uvira (province du Sud-Kivu), les tensions étaient très vives entre l'AFDL et les membres des groupes ethniques Vira, Bembé et Fuliro, considérés comme hostiles à la domination tutsi. L'AFDL aurait tué des membres de ces groupes ethniques dans le Sud-Kivu car elle les soupçonnait d'appartenir à des groupes armés qui lui étaient opposés. Des sources à Uvira ont affirmé que les responsables de l'AFDL accusaient les victimes d'avoir participé aux persécutions des Tutsi dans la province du Sud-Kivu, avant la prise de contrôle de l'est du pays par l'AFDL, ou d'avoir cautionné ces agissements.

Quelque 120 civils non armés auraient été abattus le 26 mai 1997 par des membres de l'AFDL à Uvira. Les victimes auraient manifesté contre le meurtre d'une dizaine de personnes commis dans la nuit du 25 au 26 mai par des tueurs que la population soupçonnait d'appartenir à l'AFDL. Le 26 mai, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Uvira pour manifester contre ces homicides perpétrés par l'AFDL à Uvira et aux alentours. Les manifestants, qui portaient apparemment les corps des personnes tuées la nuit précédente, étaient venus de Kasenga, de Kabindula et d'autres localités de la région d'Uvira. Ils s'étaient regroupés à Kakungwe où ils auraient été interceptés par des membres de l'AFDL. Les soldats auraient ouvert le feu, tuant plus de 100 personnes, peu après que l'un d'entre eux se fut entretenu avec ses supérieurs par radio. Le commissaire de zone d'Uvira aurait été blessé par balle à cette occasion dans des circonstances peu claires. Il aurait été hospitalisé à l'hôpital du roi Khaled, à Bujumbura, capitale du Burundi.

Au moins 200 Hutu congolais et réfugiés hutu rwandais auraient été massacrés par l'AFDL entre les 12 et 19 avril 1997 à Kabizo, zone de Rutshuru. Les corps des victimes, parmi lesquelles figuraient Ntezehose Ngabigwi et Rukobwe Rutamba, auraient été brûlés dans des maisons du village. Un autre massacre aurait eu lieu à Mweso au cours duquel environ 200 Hutu congolais et réfugiés hutu rwandais auraient trouvé la mort. Patient Gasana Butsitsi et sa sœur Louise étaient au nombre des victimes. Certains corps auraient été jetés dans la rivière Mweso tandis que d'autres étaient abandonnés dans la brousse, derrière l'enceinte de la paroisse de Mweso.

En août et en septembre 1997, Amnesty International a reçu de nombreuses informations faisant état de massacres de civils non armés perpétrés au Nord-Kivu par les troupes de l'AFDL et de l'APR, notamment dans les régions de Masisi et de Rutshuru. Les tueries ont été commises dans le cadre d'affrontements entre des groupes armés d'opposition et les forces de l'AFDL, apparemment soutenues par les forces gouvernementales rwandaises. Selon des informations en provenance de Goma, des centaines de camions transportant des soldats de l'APR ont été vus en août 1997 alors qu'ils passaient la frontière rwandaise pour se rendre à Goma et ensuite vers le Nord. Les groupes armés d'opposition comporteraient les membres d'un groupe connu sous le nom de mayi-mayi, groupe armé congolais du Nord-Kivu, ainsi que d'éléments des ex-milices rwandaises Interahamwe et des ex-FAR.

À la mi-juillet 1997, des soldats présentés comme des Tutsi auraient été déployés dans la région de Masisi. Selon certaines sources dans la région, ces troupes étaient composées de membres de l'AFDL et de l'APR. Le 21 juillet, l'administrateur de Masisi, son adjoint et des soldats non tutsi auraient été éloignés de la région. Les deux jours suivants, les soldats restés sur place auraient massacré un nombre indéterminé de civils non armés à Katale. Les membres d'un groupe armé d'opposition auraient attaqué les soldats à Katale pour se venger des tueries des 22 et 23 juillet. Cette attaque aurait été suivie d'un autre massacre de civils non armés, perpétré le 29 juillet par des membres de l'AFDL à Kahongole. Les soldats auraient en outre incendié les villages de Lwanguba, Buabo, Mushubagabo, Kinyangutu et Kyamarambo. Une vingtaine d'autres villages auraient été incendiés par les soldats, les deux jours suivants, dans les environs du chef-lieu de la région de Masisi. Au début du mois d'août, des maisons de plusieurs villages et des bâtiments administratifs de la collectivité de Nyabiondo auraient été détruits, et des soldats auraient tué de très nombreux civils non armés. Au nombre des victimes figuraient apparemment les patients d'un hôpital local et des habitants d'un village de lépreux voisin.

Entre le 2 et le 5 août 1997, des éléments de l'AFDL auraient tué environ 800 habitants non armés des villages de Wimbi, Alela, Abanga et Talama, situés entre les provinces du Sud-Kivu et du Katanga, sur les rives du lac Tanganyika. Les soldats, qui recherchaient apparemment les membres de groupes armés d'opposition, seraient venus de la ville de Kalemie au Shaba. Les villageois se seraient entouré la tête de bandeaux blancs pour manifester leur soutien au président Kabila, mais les soldats n'en auraient pas tenu compte et auraient ouvert le feu, tuant sans discrimination vieillards et enfants. Des réfugiés rwandais et burundais auraient été au nombre des victimes; des survivants se seraient réfugiés en Tanzanie.

2.Les enlèvements perpétrés par l'AFDL

Des dizaines de milliers de civils non armés, réfugiés rwandais pour la plupart, sont probablement morts après avoir été enlevés ou repoussés dans la forêt par l'AFDL, dans des lieux que ne pouvaient atteindre les organisations humanitaires. On craint qu'un grand nombre d'entre eux n'aient été victimes d'homicides illégaux ou ne soient morts de faim, de froid ou de maladies qui auraient pu être soignées. Le cas le plus flagrant est l'évacuation brutale, à la fin du mois d'avril 1997, de quelque 40000 réfugiés des camps de Kasese et de Biaro, au sud de Kisangani. Ces réfugiés avaient quitté les camps du Kivu pour fuir vers l'Ouest lorsque la ligne de front de l'AFDL avait progressé. Après que des combattants de l'AFDL et des civils congolais munis d'armes improvisées comme des machettes les eurent attaqués, nul n'a pu les retrouver.

Plusieurs jours avant l'attaque, les responsables de l'AFDL à Kisangani avaient limité à deux heures par jour l'accès des organismes d'assistance aux camps. La population locale et les employés des organisations humanitaires ont reconnu la plupart des soldats présents à Kisangani et aux environs comme étant des membres de l'APR qui avaient remplacé des contingents venus de la province du Shaba. En juillet 1997, le vice-président rwandais, Paul Kagame, aurait affirmé que l'APR avait joué un rôle capital dans la prise de Kisangani et d'autres villes clés du pays, dont Kinshasa. Le 20 avril, six civils congolais ont été tués à proximité du camp de Kasese. Ces homicides ont été imputés aux réfugiés bien que les tueurs n'aient pas été identifiés. L'AFDL avait diffusé pendant plusieurs semaines des informations selon lesquelles les organisations humanitaires aidaient les réfugiés au détriment des ressortissants congolais. Le 21 avril, des éléments de l'AFDL ont empêché les organismes de secours de pénétrer dans les camps: pendant ce temps, sur les 80 000 réfugiés des camps de Kasese et de Biaro, dont 5 000 environ à Biaro, plusieurs milliers souffraient de malnutrition grave ou étaient trop faibles pour se déplacer. On dénombrait quelque 70 décès par jour dans chacun des camps. Les camps auraient été attaqués par l'AFDL et par des civils congolais pendant les trois jours qui ont suivi. Un employé congolais d'une organisation humanitaire qui se trouvait dans la région a signalé que 500 réfugiés environ avaient été tués dans le camp de Kasese. La population locale aurait vu un bulldozer creuser des fosses communes pour les victimes.

Lorsque les employés des organisations humanitaires et les journalistes ont été autorisés à pénétrer dans le camp de Kasese le 23 avril, ils l'ont trouvé entièrement vide. Les journalistes ont affirmé que l'AFDL les avait empêchés d'examiner le camp pour tenter de savoir ce qui s'était passé. On leur a également interdit de se rendre à Biaro. Pendant la visite, des éléments de l'AFDL ont tiré des coups de feu en direction de la forêt en prétendant qu'ils étaient attaqués; les journalistes n'ont pourtant entendu aucun coup de feu en riposte. Les jours suivants, les employés des organismes de secours ont retrouvé environ 40000 réfugiés, dont certains présentaient des blessures par balle ou par coups de machette. Des femmes ont affirmé avoir entendu des coups de feu peu après que les hommes et les adolescents eurent été emmenés par l'AFDL. Cette dernière a démenti toute attaque, tout en continuant d'empêcher les organisations humanitaires de rechercher, au-delà de Biaro, les réfugiés qui se cachaient ou n'étaient pas en état de marcher. Lors d'une visite de la région, un responsable rwandais chargé des réfugiés a démenti les informations selon lesquelles ceux-ci avaient été attaqués ou chassés des camps par l'AFDL.

Amnesty International a appris que des soldats avaient été vus, le 29 avril, repoussant des réfugiés vers le Sud, en direction d'Ubundu, alors que des secours arrivaient à Biaro. D'autres sources ont signalé que 500 réfugiés environ avaient été contraints de monter à Biaro dans un train qui s'était dirigé vers le Sud. On ignore tout de leur sort.

Un journaliste qui s'est rendu en mai 1997 au camp de Kasese a déclaré avoir vu une quarantaine de personnes récupérer des éléments de preuve comme des douilles et des machettes, dans le but évident de supprimer toute trace de l'attaque. Il aurait vu, à l'intérieur du camp, une pile de bois de chauffage et deux hommes lui auraient dit qu'ils allaient brûler des corps. Ce journaliste a ensuite été chassé par des soldats de l'AFDL et des civils armés de machettes.

De nombreuses informations ont fait état d'enlèvements commis par des membres de l'AFDL dans l'est du pays. La plupart des victimes étaient apparemment des Hutu congolais. C'est ainsi que Musafiri Kabanda, commerçant de vingt-sept ans, aurait été arrêté le 20 avril par des membres de l'AFDL à un barrage routier érigé à Nyanzale. Les soldats ont ordonné au chauffeur du véhicule de repartir sans lui. En novembre 1997, personne n'avait revu cet homme. Nyangoma, commerçant hutu, aurait disparu après avoir été arrêté par des soldats de l'AFDL au marché de Kibirizi (région de Butembo, province du Nord-Kivu). On est sans nouvelles de Mbitsemunda Mazanga, chef local de Ndosho, placé en garde à vue au siège de la gendarmerie (CIRCO) de Goma vers le 16 avril.

Gasigwa Ruhiza, vendeur de denrées agricoles originaire de Nyabushongo, un quartier de Buhimba dans la banlieue de Goma, a été enlevé le 8 mai par des membres de l'AFDL sur le marché de Katindo. Il aurait été emmené à bord d'un véhicule de marque Pajero de couleur verte. On ignore tout de son sort. La population locale aurait reconnu un soldat de l'AFDL parmi les ravisseurs.

Parmi les autres Hutu enlevés figurent Isaie Nsenga Rubaka, infirmier, et Emmanuel Gustave Bangubute, marchand de semences qui habitait avenue du 20-mai à Birere, un faubourg de Goma. Personne n'a revu ces deux hommes qui auraient été emmenés le 1er mai par des membres de l'AFDL.

On est également sans nouvelles de 17 personnes originaires de Rwindi (province du Nord-Kivu) arrêtées le 26 mai 1997. Elles auraient fait partie d'un groupe d'une vingtaine de personnes interpellées après qu'un soldat de l'AFDL eut accidentellement tué par balle l'un de ses collègues. La responsabilité de ce décès aurait été imputée à la population locale. Parmi les 17 personnes enlevées figurait Kabwana, fils de Busali.

3. Les actes de torture imputables aux membres de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo

Beaucoup de personnes arrêtées par l'AFDL ont déclaré avoir été torturées et maltraitées. Des femmes ont été frappées à la poitrine et violées, des actes contraires aux dispositions de l'article 3 commun aux Conventions de Genève, applicable pour la période antérieure au 17 mai 1997, ainsi qu'à celles de l'article 7 du PIDCP et de l'article 5 de la Charte africaine applicables à partir de cette date. Des hommes ont été frappés, notamment au ventre et sur les organes génitaux. Des détenus ont reçu jusqu'à 40 coups de fouet deux fois par jour. Des membres de l'AFDL auraient craché dans la bouche de leurs victimes, une pratique qui, selon de nombreux témoignages, vise à humilier les victimes.

Parmi les centres de détention de l'est du pays où est pratiquée la torture figurent la caserne de l'armée à Katindo, où des sévices sont infligés dans une cellule appelée Israël, et le siège de l'Agence nationale de renseignements (ANR) à Goma. Dans cette ville, capitale du Nord-Kivu, un grand nombre de victimes de sévices seraient des Hutu congolais. Léonard Ruzige Midiburo aurait été frappé à coups de poing et de ceinture militaire (appelée cordelette) au moment de son arrestation, à Goma, le 17 mars vers 19 heures 30. Les soldats qui l'ont arrêté auraient tiré en l'air en le faisant monter à l'arrière d'une camionnette Toyota 2200 immatriculée KV8309C. Il aurait été détenu dans une maison située derrière l'Union zaïroise des banques (UZB), dans laquelle avait habité un ancien membre des services de sécurités zaïrois. Léonard Ruzige Midiburo aurait été frappé sur pratiquement tout le corps. On lui aurait arraché les cheveux et tailladé la peau entre les doigts avant de le transférer dans une cellule de la gendarmerie. Ses tortionnaires lui ont pris ses objets personnels, notamment une montre et 270 dollars US (1 dollar équivaut approximativement à 5,94FF). Les soldats qui l'avaient arrêté n'étant pas revenus, il a été relâché le 23 mars. Quelques jours avant son arrestation, cet homme avait reçu la visite de membres de l'ANR qui lui auraient demandé de se présenter à leur bureau au sujet de la présence chez lui de personnes «non identifiées».

Après leur interpellation le 29 mai 1997, huit hommes de Goma accusés par l'AFDL de vol à main armée ont été torturés au siège de la gendarmerie, connu localement sous le nom de CIRCO (huitième circonscription militaire). Moshe Kamanzi, Alimasi Lubenga, Shindano Kalwira, Thomas Ezolanga, Jean-Pierre Habimana, Faustin Birindwa (sans lien de parenté avec l'ancien Premier ministre zaïrois), Bahati Yaya Ciza et Anzosoni Nombi auraient été tabassés à coups de pied, de bâton et de crosse de fusil. Le 31 mai, on leur aurait soudé des fers aux pieds et aux poignets sur ordre du commissaire politique de l'AFDL. La chaleur produite par la soudure aurait provoqué, aux bras et aux jambes, des brûlures qui se sont gravement infectées. Les autorités les ont maintenus en détention sans soins médicaux. Ces huit hommes ont finalement été soignés par des groupes locaux de défense des droits de l'homme. En novembre 1997, ils étaient toujours incarcérés sans inculpation ni jugement.

Parmi les victimes de torture figurent des personnes accusées de délits non politiques. C'est ainsi qu'à Rutshuru (province du Nord-Kivu), un homme appelé Matata a été torturé avec une telle sauvagerie par des soldats de l'AFDL, le 23 mars 1997, qu'il est mort le lendemain. Cet homme, apparemment accusé à tort du vol d'une somme équivalant à 25 dollars US par une famille de la ville, aurait été frappé de manière répétée à l'estomac et sur les organes génitaux. Ses proches, qui lui ont rendu visite dans une cellule de l'AFDL, ont constaté qu'il souffrait d'une hémorragie des organes génitaux et du rectum. Matata, qui n'a reçu aucun soin, est mort des suites de ses blessures.

Le 22 juin 1997, entre une heure et trois heures du matin, à Kananga (province du Kasaï-Occidental), des soldats de l'AFDL ont sauvagement battu des religieuses catholiques de l'ordre des carmélites de Saint Joseph. Ils ont blessé un gardien avec sa propre machette lorsqu'ils ont pénétré dans l'enceinte du couvent. Les soldats auraient exigé l'équivalent de 50 000 dollars US et des relations sexuelles avec les religieuses. Celles-ci ont été sauvagement battues parce qu'elles refusaient d'avoir des relations sexuelles avec les soldats et qu'elles n'avaient pas la somme réclamée. Les soldats sont repartis en emportant les biens des religieuses, notamment une somme de 2000 dollars US.

Des enfants ont également été victimes de torture et de mauvais traitements:52 enfants hutu rwandais, réfugiés, enlevés le 26 avril par l'AFDL à l'hôpital de Lwiro, à 30 kilomètres à l'ouest de Bukavu, ont été enfermés dans la remorque d'un camion; ils ont été frappés et privés de nourriture et d'eau pendant trois jours. Ces enfants et 10 réfugiés adultes avaient été enlevés par une dizaine de soldats de l'AFDL, dont un commandant local qui avait menacé le personnel de l'hôpital en l'accusant de soigner des ennemis. Les soldats de l'AFDL ont battu des employés avant d'emmener les enfants qui étaient soignés pour différentes maladies et pour malnutrition. Après un tollé des organisations internationales, notamment de l'UNICEF qui prenait en charge leur traitement, l'AFDL a ramené les enfants et les adultes à l'hôpital. Selon cet organisme, les enfants étaient dans un état lamentable lorsqu'ils ont regagné l'hôpital. Par la suite, les réfugiés ont été renvoyés au Rwanda avant que les enfants ne soient guéris.

En juillet, à Kabiziri (région de Butembo), des soldats de l'AFDL auraient infligé 60 coups de fouet à David Kyalumba, pasteur de la branche de Katsimu de la Communauté baptiste du Kivu (CBK-Katsimu). Cet homme aurait été battu uniquement parce que son neveu, Petuel, n'avait pas réglé une dette concernant deux sacs de ciment. Jules Mandefu et Muhoza, accusés d'avoir battu un soldat à Kibirizi, auraient reçu plus de 100 coups de fouet.

Amnesty International enquête sur des informations selon lesquelles des membres de l'AFDL auraient délibérément battu, privé de nourriture et soumis à d'autres mauvais traitements des membres des ex-FAZ. Certains auraient été délibérément privés de soins médicaux. Les sévices, qui auraient entraîné de très nombreux décès de membres des ex-FAZ, auraient été infligés dans les camps d'entraînement de Kitona et de Kamina, situés respectivement dans les provinces du Bas-Congo et du Shaba.

Des viols ont également été imputés à des membres de l'AFDL, mais les témoignages individuels restent rares. Nombreuses sont les victimes et leurs proches qui ne dénoncent pas les viols dans le souci de ne pas aggraver la honte attachée à leur sort tragique. Citons parmi les cas signalés celui de Kabuo, une étudiante de dix-sept ans qui rentrait apparemment du marché, le 15 mars, quand cinq membres de l'AFDL à l'Office de route l'ont violée à Goma. Les soldats sont ensuite rentrés à la caserne de Katindo. Solange Machozi Baeni, dix-huit ans, étudiante à l'institut de Masisi, aurait été violée par un groupe de soldats au barrage routier de Mushaki, non loin de Goma, dans la nuit du 3 mai 1997. Un certain nombre d'écolières de Masambo (collectivité de Rwenzori, province du Nord-Kivu), auraient été violées par des soldats de l'AFDL, le 9 août 1997. Les autorités ne semblent avoir pris aucune mesure contre les soldats responsables de ces actes.

Parmi les cas de viol signalés ailleurs figure celui d'une jeune mère d'un enfant de sept mois, originaire de Kananga, capitale du Kasaï- Occidental. Cette femme aurait été violée le 27 août 1997 à Kapanga (région de Tshiatshia) par trois soldats de l'AFDL et deux civils.

4. Massacres, viols et autres exactions imputables aux Forces armées zaïroises et à leurs alliés

Des soldats des FAZ ont commis des atrocités dans l'est de l'ex-Zaïre, notamment depuis 1993, date à laquelle les violences intercommunautaires ont éclaté au Nord-Kivu. En septembre 1996, ces atrocités se sont étendues au Sud-Kivu lorsque la répression contre les Tutsi a atteint son apogée (voir note 3).

En mars 1997, les plupart des membres des FAZ qui battaient en retraite devant l'avancée de l'AFDL et de ses alliés se sont livrés à des homicides, des viols et des pillages. Certaines des atrocités auraient été commises par des mercenaires engagés par le gouvernement de l'ex-président Mobutu. Alors que les personnalités locales auraient, dans certains cas, réussi à convaincre les commandants des FAZ et les responsables gouvernementaux d'empêcher les FAZ de commettre les pires exactions ou de les limiter, il n'en a pas été de même avec les mercenaires. Un responsable présumé de nombreux homicides était un colonel serbe qui aurait affirmé n'avoir de comptes à rendre qu'au président Mobutu. Il aurait lui-même tué des civils accusés de soutenir l'AFDL. C'est ainsi que le 2 mars, le colonel aurait abattu deux chercheurs de diamant au pont de Tshobo, non loin de Kisangani, puis jeté leurs corps dans la rivière. Quatorze autres auraient été détenus dans une cellule à l'aéroport de Bangboka. Un commerçant appelé Uzele, qui aurait été détenu dans cette cellule, a affirmé que 200 autres civils environ s'y trouvaient, dont seuls à peu près 80 auraient survécu. Parmi les victimes figuraient apparemment Kangantumbu Kahindo, Maboke et Paluku Mukaba. Selon certaines sources, le colonel serbe se chargeait personnellement de la sélection quotidienne des détenus que l'on emmenait la nuit pour aller «travailler» et ne revenaient jamais. Ces détenus auraient été conduits dans une forêt voisine où ils auraient été contraints de creuser leur propre tombe avant d'être tués. Le colonel aurait déclaré que la liste des personnes qui devaient être tuées pour collaboration avec l'AFDL lui était remise par des fonctionnaires locaux.

Le 4 mars, le colonel serbe aurait tué Paluku et Kasereka, deux prédicateurs de l'Église néo-apostolique, au kilomètre 36 sur la route Kisangani-Ituri. Les victimes rentraient d'une mission de prédication. Le 6 mars, des soldats commandés par le colonel auraient tué un homme prénommé Kahindo, peu après l'avoir arrêté parce qu' il avait hébergé un Burundais qui avait fui Goma. Les deux hommes ainsi que Bruno Kambale, étudiant, ont été détenus à l'aéroport où Kahindo a été exécuté. Les deux autres ont survécu parce que le colonel et ses hommes avaient fui l'avance des forces de l'AFDL. Le 9 mars, quatre personnes –Ngereza Kasereka, Amundala Maisuku, Awazi Maisuku et Costa– auraient été tuées par le colonel et ses hommes, au kilomètre 40 sur la route Kisangani-Ituri.

Les membres des FAZ ont tué ou maltraité de nombreux civils qui avaient refusé de leur donner leurs biens. En mars et en avril 1997, parmi les personnes battues par des membres des FAZ en maraude dans la province de l'Équateur figuraient le docteur Ilunga, originaire d'Ikela, Charbon tué à Yalu-Saka, le père Ifange, tué à Bokuma et le père Kagoma, tué à Boendé. En mai, des soldats ont brûlé un villageois du diocèse de Bokungu avec un couteau chauffé à blanc pour lui faire révéler l'endroit où se trouvait l'évêque.

Des membres des FAZ auraient tué des membres des ex-FAR et des réfugiés rwandais non armés. C'est ainsi qu'un nombre indéterminé de membres des ex-FAR et une cinquantaine de réfugiés non armés auraient été massacrés, début avril 1997, par des soldats des FAZ sur l'aérodrome d'Ilake et à Lonkeju dans la province de l'Équateur. À la même période, des soldats des FAZ et des civils auraient tué une centaine de réfugiés hutu non armés à Mokoso.

De nombreuses femmes, dont des adolescentes, ont été violées par des membres des FAZ qui battaient en retraite. Les quatre filles d'un homme prénommé Grégoire ont été violées à Lingomo (province de l'Équateur). La fille de Youyou a été violée par quatre soldats à Linkanda. Antoinette Booto était au nombre des femmes violées à Boendé. Un homme aurait rejoint l'AFDL pour venger le viol de sa femme à Boendé. De nombreuses réfugiées rwandaises auraient également été violées à plusieurs reprises par des soldats des FAZ, qui ont forcé certaines d'entre elles à devenir leurs «concubines».

l'Église néo-apostolique, au kilomètre 36 sur la route Kisangani-Ituri. Les victimes rentraient d'une mission de prédication. Le 6 mars, des soldats commandés par le colonel auraient tué un homme prénommé Kahindo, peu après l'avoir arrêté parce qu' il avait hébergé un Burundais qui avait fui Goma. Les deux hommes ainsi que Bruno Kambale, étudiant, ont été détenus à l'aéroport où Kahindo a été exécuté. Les deux autres ont survécu parce que le colonel et ses hommes avaient fui l'avance des forces de l'AFDL. Le 9 mars, quatre personnes –Ngereza Kasereka, Amundala Maisuku, Awazi Maisuku et Costa– auraient été tuées par le colonel et ses hommes, au kilomètre 40 sur la route Kisangani-Ituri.

Les membres des FAZ ont tué ou maltraité de nombreux civils qui avaient refusé de leur donner leurs biens. En mars et en avril 1997, parmi les personnes battues par des membres des FAZ en maraude dans la province de l'Équateur figuraient le docteur Ilunga, originaire d'Ikela, Charbon tué à Yalu-Saka, le père Ifange, tué à Bokuma et le père Kagoma, tué à Boendé. En mai, des soldats ont brûlé un villageois du diocèse de Bokungu avec un couteau chauffé à blanc pour lui faire révéler l'endroit où se trouvait l'évêque.

Des membres des FAZ auraient tué des membres des ex-FAR et des réfugiés rwandais non armés. C'est ainsi qu'un nombre indéterminé de membres des ex-FAR et une cinquantaine de réfugiés non armés auraient été massacrés, au début du mois d'avril 1997, par des soldats des FAZ sur l'aérodrome d'Ilake et à Lonkeju dans la province de l'Équateur. À la même période, des soldats des FAZ et des civils auraient tué une centaine de réfugiés hutu non armés à Mokoso.

De nombreuses femmes, dont des adolescentes, ont été violées par des membres des FAZ qui battaient en retraite. Les quatre filles d'un homme prénommé Grégoire ont été violées à Lingomo (province de l'Équateur). La fille de Youyou a été violée par quatre soldats à Linkanda. Antoinette Booto était au nombre des femmes violées à Boendé. Un homme aurait rejoint l'AFDL pour venger le viol de sa femme à Boendé. De nombreuses réfugiées rwandaises auraient également été violées à plusieurs reprises par des soldats des FAZ, qui ont forcé certaines d'entre elles à devenir leurs «concubines».

5.Exactions commises par les ex-FAR et les autres groupes armés

Outre les actes de violence commis depuis la fin de l'année 1994 pour empêcher les réfugiés de rentrer au Rwanda, des membres armés des ex-FAR et de la milice Interahamwe auraient tué de nombreux réfugiés qui tentaient de quitter les principaux groupes se dirigeant vers l'Ouest, à partir d'octobre 1996. Les membres des groupes armés auraient en outre tué des réfugiés qui refusaient de leur donner de la nourriture ou de porter leurs effets personnels, y compris le produit des pillages.

Pendant qu'ils fuyaient l'est de la RDC, les membres des ex-FAR auraient tué des réfugiés qui refusaient de porter leurs armes, d'autres effets ou le produit de leurs pillages. Un réfugié a affirmé que le 1er mars 1997, à Lubutu, un commandant des ex-FAR avait tué quatre jeunes réfugiés qui refusaient de porter des caisses de munitions. Un autre commandant aurait donné l'ordre, le 2 avril, de tuer huit réfugiés près de Kisangani parce que ceux-ci refusaient de le suivre. Le 17 juin, un capitaine des ex-FAR aurait donné l'ordre de tuer à la baïonnette quatre femmes qui refusaient de traverser le fleuve Congo pour rejoindre la République du Congo; ces dernières refusaient de partir sans leurs maris dont elles pensaient qu'ils étaient perdus. L'enfant de l'une de ces femmes aurait été jeté dans le fleuve avec les corps.

Des membres des ex-FAR et des bandes armées d'Interahamwe ont également tué des civils congolais dans des villages que traversaient les réfugiés. C'est ainsi qu'en mars et en avril 1997, des membres des ex-FAR auraient tué une cinquantaine de civils entre Boendé et Ikela. Parmi les victimes figuraient les parents du pasteur protestant Bonanga, tués à Maindombe au début du mois d'avril. Des membres des ex-FAR auraient également tué une dizaine de personnes à Ene. Ils auraient par ailleurs tué quatre personnes à Maindombe, sur le fleuve Congo, alors qu'ils volaient leurs vaches et celles d'une paroisse catholique voisine.

Des groupes armés, parmi lesquels figuraient les ex-FAR, les ex-FAZ et les mayi-mayi, auraient tué des Tutsi qui étaient rentrés du Rwanda au début de l'année 1997 et avaient regagné le Nord-Kivu. Les attaques contre les civils tutsi seraient devenues plus fréquentes à la mi-97, après la nomination dans le Kivu de Tutsi pour remplacer les responsables de l'administration locale appartenant à d'autres groupes ethniques. Quelque 7 000 Tutsi, craignant de nouvelles attaques pendant que l'APR se retirait de la plus grande partie du Nord-Kivu, se sont réfugiés au Rwanda en août et en septembre 1997.

6.Homicides et autres atteintes aux droits de l'homme perpétrées par l'AFDL à Kinshasa

Depuis la prise de la capitale, Kinshasa, le 17 mai 1997, les membres de l'AFDL auraient commis de nombreuses violations des droits de l'homme: homicides, actes de torture, mutilations entraînant parfois la mort, "disparitions" et détentions arbitraires. En tant que gouvernement de facto depuis le 17 mai, l'AFDL est tenue de respecter les principes de la législation internationale relative aux droits de l'homme énoncés dans les traités ratifiés par le gouvernement précédent.

6.1Exécutions extrajudiciaires

Certaines des personnes tuées aux alentours du 17 mai étaient des civils non armés accusés de crimes, entre autres de pillage. C'est ainsi que Nicole Bute, trente ans, aurait été abattue le 20 mai par des membres de l'AFDL à Barumbu (Kinshasa), après avoir été accusée de pillage par le directeur d'une société dont les locaux avaient été pillés. Le même jour à Kauka, dans le quartier de Kalamu à Kinshasa, un soldat de l'AFDL a frappé à coups de baïonnette un homme accusé d'avoir volé un pneu; selon certaines sources à Kinshasa, cet homme est mort des suites de ses blessures.

Certaines des victimes de l'AFDL étaient, semble-t-il, d'anciens membres non armés des services de sécurité du président Mobutu. Le 27 mai, un ancien sergent de l'armée, connu sous le nom de Pele, a été poignardé et abattu de neuf balles par des soldats de l'AFDL. Pele faisait partie d'un groupe d'anciens soldats qui déménageaient et qui ont été interceptés par trois soldats de l'AFDL près du Bois Mazal, à Kinsuka-cimetière. Les soldats de l'AFDL ont infligé aux ex-FAZ de graves sévices, entre autres des décharges électriques et des coups de fouet. Selon certaines sources, Pele a été tué après avoir dit aux soldats de l'AFDL qu'il préférait une mort rapide à la torture.

Des membres des ex-FAZ et des suspects de droit commun auraient été mutilés; certains ont succombé à leurs blessures. Des soldats de l'AFDL ont coupé les bras et les jambes d'un ancien membre de la Garde civile qui transportait des objets domestiques vers Bumbu. Le corps de cet homme a été brûlé par des habitants pour venger les mauvais traitements infligés aux civils par les anciens membres des FAZ. Un autre homme, appelé Dersi, qui aurait été un informateur de l'ancienne Brigade spéciale de recherche et de surveillance (BSRS), a lui aussi été mutilé et brûlé en public.

Un certain nombre de corps mutilés auraient été retrouvés en différents endroits de Kinshasa, notamment en mai 1997. C'est ainsi que le 18 mai, cinq cadavres dont les oreilles avaient été tranchées ont été trouvés non loin d'une station-service dans la zone de Ma Campagne. Certaines sources à Kinshasa ont affirmé que les membres de l'AFDL étaient responsables des mutilations et des homicides.

Le gouvernement dirigé par l'AFDL a régulièrement eu recours à la violence, y compris à la force meurtrière, pour disperser des manifestations et des réunions pacifiques de l'opposition, ou pour les empêcher. Un certain nombre de membres de partis politiques d'opposition et d'étudiants ont été tués par des membres de l'AFDL. Freddy Manganzo Nzani, étudiant à l'université de Kinshasa, a été tué dans cette ville par un soldat de l'AFDL pendant une manifestation, le 12 juin 1997. Il aurait été abattu alors qu'il implorait le soldat de l'épargner. Les autorités n'ont apparemment pris aucune mesure contre le soldat responsable. Les homicides illégaux perpétrés depuis le 17 mai 1997 par des membres de l'AFDL constituent une violation de l'article 6 du PIDCP et de l'article 4 de la Charte africaine. L'utilisation de la force meurtrière pour disperser les manifestations et les réunions est également contraire aux dispositions des Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois.

Le 25 juillet 1997, des soldats ont ouvert le feu sur une manifestation pacifique organisée par le Parti lumumbiste unifié (PALU) à Kinshasa. Au moins un manifestant, Kiambukuta Komisa, est décédé des suites de blessures par balles, et six autres ont été grièvement blessés. Ces agissements constituent une violation de l'article 6 du PIDCP et de l'article 4 de la Charte africaine, qui prohibent la privation arbitraire du droit à la vie. Une trentaine d'autres manifestants, parmi lesquels Kianza Lumbete, ont été arrêtés par des soldats et maintenus au secret dans une cellule souterraine du Palais présidentiel (connu sous le nom de Palais de marbre), dans le quartier de Binza à Kinshasa. Par ailleurs, des soldats qui avaient pénétré au domicile d'Antoine Gizenga, dirigeant du PALU, auraient déshabillé et fouetté des partisans de ce parti. Une centaine d'autres personnes qui avaient participé à cette manifestation ont également été arrêtées. Certaines ont été retenues pendant plusieurs heures à la caserne de Kokolo où elles ont été battues avant d'être relâchées. D'autres manifestants auraient été détenus dans des cellules non officielles au domicile du vice-ministre de l'Intérieur, ou dans les locaux du Conseil supérieur de la guerre. Les mauvais traitements infligés aux manifestants constituent une violation de l'article 7 du PIDCP, de l'article 5 de la Charte africaine et des obligations découlant de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par l'ex-Zaïre le 18 mars 1996.

6.2Exactions à l'encontre des femmes

Lorsque les membres de l'AFDL sont arrivés à Kinshasa, ils ont torturé et maltraité des femmes au cours d'une campagne visant certaines tenues vestimentaires comme les mini-jupes, les pantalons et les caleçons (leggings). Ces agissements constituent une violation de l'article 7 du PIDCP, de l'article 5 de la Charte africaine et de la Convention contre la torture. Bien que les dirigeants de l'AFDL aient nié avoir imposé un code vestimentaire aux femmes, les exactions ont continué. C'est ainsi que dans la semaine du 19 mai, au Triangle de la cité verte, des membres de l'AFDL auraient frappé une jeune femme en mini-jupe avec une planche hérissée de clous qui lui a déchiré la peau. Les soldats ont menacé d'abattre quiconque tenterait d'intervenir. Le 20 mai, dans le quartier de Barumbu, des soldats de l'AFDL ont déshabillé en public Kasenge Mimi, dix-sept ans, et ont déchiré son pantalon en présence de ses parents.

Le 22 mai, quatre jeunes femmes qui portaient un caleçon auraient été déshabillées en public sur le marché de Matete. Une femme de vingt-cinq ans aurait reçu 40 coups de fouet dans la semaine du 26 mai. Selon des informations non confirmées, elle aurait succombé à ses blessures.

Le 24 mai, une jeune femme qui avait refusé d'enlever son pantalon aurait été emmenée vers une destination inconnue par des soldats de l'AFDL. Sa camarade avait accepté de se déshabiller:les gens l'ont aidée à se couvrir.

7.Détention arbitraire et actes de torture à l'encontre des détracteurs de l'AFDL

Les détracteurs de l'AFDL et de ses dirigeants, notamment les journalistes et les membres de partis d'opposition, sont pris pour cible depuis la prise de pouvoir par l'AFDL, actes qui constituent une violation de l'article 9 du PIDCP et de l'article 6 de la Charte africaine qui prohibent l'arrestation et la détention arbitraires. Dans certains cas, des mandats d'arrêt auraient été émis plusieurs jours, voire plusieurs semaines après les arrestations en vue de conférer une légalité à des arrestations arbitraires ou à des détentions illégales. Pour répondre à la préoccupation de l'opinion publique quant à ces pratiques, le Conseil national de sécurité présidé par le chef d'état-major de l'AFDL, le commandant Anselme Masasu Nindaga, aurait annoncé le 13 septembre 1997 que les membres des services de sécurité n'étaient pas autorisés à procéder à des arrestations en dehors du cadre légal. Il accusait des civils et des soldats se faisant passer pour des membres de l'AFDL d'être responsables de ces arrestations. Le conseil n'a toutefois pas précisé les mesures légales qui seraient prises pour empêcher les arrestations arbitraires ni pour remettre en liberté les personnes détenues illégalement. Rappelons en outre que les organisations humanitaires ou de défense des droits de l'homme, en particulier le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ne peuvent entrer dans la plupart des centres de détention ni rencontrer les détenus.

Plusieurs dizaines d'opposants, dont beaucoup sont accusés d'être des partisans de l'ancien président Mobutu ou d'avoir détourné des fonds publics, ont été arrêtés sans mandat. Ils n'ont pas eu la possibilité de contester le bien-fondé de leur détention devant une autorité judiciaire indépendante et impartiale. L'un des premiers dignitaires de l'ancien régime arrêté a été Jonas Mukamba Kadiata, ancien directeur de la Société minière de Bakwanga (MIBA), entreprise publique basée à Mbuji-Mayi, capitale de la province diamantifère du Kasaï-Occidental. Interpellé le 10 avril 1997 par l'AFDL à Mbuji-Mayi, il a été emmené à Goma où il a été placé en résidence surveillée, le 11 avril. Il a été démis de ses fonctions le lendemain et remplacé par un membre de l'AFDL. Jonas Mukamba Kadiata a été transféré le 23 avril à Lumumbashi, devenu le nouveau quartier général de l'AFDL, avant d'être remis en liberté à Kinshasa, le 23 juin 1997, sans inculpation ni jugement.

Beaucoup d'autres anciens responsables gouvernementaux restent incarcérés sans inculpation ni jugement. La plupart sont accusés de détournement de fonds publics. C'est notamment le cas de l'ancien ministre Cléophas Kamitatu Massamba, soixante-six ans, arrêté le 21 juin 1997. Dans un premier temps, cet homme a été détenu avec d'autres anciens responsables gouvernementaux dans un centre de détention du Parquet de grande instance à Gombe, dans la banlieue de Kinshasa. Ils ont été transférés fin octobre 1997 à la prison centrale de Makala, à Kinshasa. Une source à Kinshasa a informé Amnesty International que le gouvernement de la RDC envisageait d'instaurer des tribunaux d'exception pour juger cette catégorie de détenus parce qu'il ne faisait pas confiance aux juridictions existantes. L'Organisation craint que ces tribunaux ne respectent pas les normes internationales d'équité, notamment pour ce qui est de la compétence, de l'indépendance et de l'impartialité.

Les dirigeants et sympathisants de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), principal parti d'opposition congolais, sont particulièrement pris pour cible. C'est ainsi que le 15 août 1997, 15 membres de l'UDPS ont été arrêtés au cours d'une manifestation pacifique organisée pour célébrer le cinquième anniversaire de l'élection d'Étienne Tshisekedi, dirigeant de de ce parti, au poste de Premier ministre. Ils ont été détenus dans les locaux de l'ANR jusqu'au 10 octobre, date à laquelle ils ont été transférés dans un centre de détention de la gendarmerie connu sous le nom de B2 (Bureau deux). Transférés le lendemain au centre de détention de la CIRCO, ils ont été libérés le 14 octobre. Ils auraient été torturés avec des matraques électriques pendant les interrogatoires. Neuf d'entre eux, atteints de différentes maladies, n'ont pas reçu de soins médicaux:Hilaire François Mukandila Mpanya, cofondateur de l'UDPS, qui souffrait de paludisme, est resté des jours durant sans traitement; Pascal Kapuwa Ilunga, diabétique, avait régulièrement besoin de médicaments; Fils Mukoka présentait une fracture du bras, et Constantin Kabongo avait des difficultés pour marcher parce qu'il présentait des lésions à la jambe. Après leur libération, ces hommes ont affirmé que des membres des forces de sécurité les avaient battus, pendant leur détention, pour les faire renoncer à leurs activités politiques. Deux d'entre eux, grièvement blessés, ont dû être hospitalisés. Les 15 détenus ont été privés des visites de leur famille et de leur avocat. Ils n'ont pas été inculpés et n'ont pas été présentés à une autorité judiciaire, ce qui constitue une violation de la législation congolaise. Amnesty International estime que ces hommes étaient des prisonniers d'opinion détenus uniquement pour avoir participé à une manifestation pacifique de soutien au dirigeant de l'UDPS. Leur détention constituait une violation de l'article 19 du PIDCP, de l'article 9 de la Charte africaine ainsi que des dispositions de l'Ensemble de principes des Nations unies pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement.

Des étudiants, dont les sympathies à l'égard de partis d'opposition sont avérées ou présumées, ont été arrêtés et maltraités. C'est ainsi que Richard Mpiana Kalenga a été interpellé par un lieutenant de l'AFDL, le 30 juin 1997, au stade des martyrs (ancien stade Kamanyola) à Kinshasa, pendant les célébrations de l'anniversaire de l'indépendance. Il a été emmené dans un centre de détention de Mont Fleury, dans le quartier de Ma Campagne à Kinshasa, où il aurait été sauvagement battu à coups de cordelette (ceinture des militaires), de matraque et piétiné. Il aurait également été plongé dans une piscine désaffectée remplie d'eau croupie.

Pendant sa détention, Richard Mpiana Kalenga aurait été menacé de mort et contraint d'écrire une lettre au président Laurent Kabila dans laquelle il sollicitait son pardon pour avoir fomenté des troubles et rencontré des dirigeants de l'opposition à l'université; il a également dû faire acte d'allégeance à l'AFDL. Avant de le libérer, le 2 juillet, un responsable de l'armée lui a ordonné de se présenter au siège de l'AFDL avec six autres étudiants accusés d'avoir participé à l'organisation de manifestations. Richard Mipana Kalenga a été menacé de mort s'il ne livrait pas ses camarades dans le délai de cinq jours. Amnesty International et des groupes congolais de défense des droits de l'homme ont appelé les autorités de la RDC à veiller à ce que les étudiants ne soient ni arrêtés ni maltraités. L'Organisation a appris qu'en octobre, les étudiants n'étaient plus menacés.

Richard Dunia Luminangulu et Ismael Tutwemoto, deux membres du Mouvement national congolais-Lumumba (MNC-L), ont été arrêtés à Kinshasa le 1er juillet. Les autorités n'ont pas révélé les motifs de leur arrestation, mais les deux hommes auraient été accusés d'insulte au chef de l'État. Exilés en Belgique, Richard Dunia Luminangulu et Ismael Tutwemoto avaient quitté ce pays en novembre 1996 pour Kampala (Ouganda) avant de rentrer à Kinshasa, le 18 juin 1997. Ils ont été détenus par l'ANR au centre de détention des services de sécurité de l'Avenue des Trois Z à Kinshasa; tous deux malades, ils auraient été privés de soins médicaux. Des sources à Kinshasa ont affirmé que ces deux hommes avaient été arrêtés après avoir critiqué la restriction imposée par l'AFDL sur les activités des partis d'opposition. Ismael Tutwemoto et Richard Dunia Luminangulu ont été relâchés, respectivement début septembre et le 22 septembre, apparemment sans inculpation.

Les autorités ont fait arrêter des dirigeants de l'opposition pour les empêcher de quitter le pays. Ces interpellations visaient, semble-t-il, à éviter que les détracteurs du gouvernement ne profitent de leur séjour à l'étranger pour dénoncer les violations des droits de l'homme imputables à l'AFDL. Joseph Olengha N'Koy, président des Forces novatrices pour l'union et la solidarité (FONUS), en partance pour les États-Unis où il devait assister à une conférence, a été retenu pendant une courte période à l'aéroport de N'Djili, à Kinshasa, le 10 octobre 1997. Il aurait été battu par des membres des forces de sécurité au moment de son interpellation. Peu après la libération de cet homme, le vice-ministre de l'Intérieur aurait déclaré que celui-ci avait recruté 40000 jeunes pour les entraîner dans des camps de l'UNITA et que des armes et du matériel militaire avaient été découverts à son domicile. Joseph Olengha N'Koy a affirmé que des membres de l'AFDL avaient pillé ses deux résidences.

Cet homme avait déjà été interpellé à plusieurs reprises pour ses activités politiques pourtant non violentes, et ce par les forces de sécurité de l'ancien président Mobutu comme par celles du président Kabila. C'est ainsi qu'il avait été arrêté le 8 septembre 1997 par une vingtaine de membres de l'AFDL qui l'avaient retenu au secret pendant une journée au centre de détention de Mont Fleury à Kinshasa. Après sa remise en liberté, le 9 septembre, il aurait affirmé que des responsables des services de sécurité l'avaient accusé de fomenter des grèves d'ouvriers pour déstabiliser l'AFDL. En mai et juin, des sympathisants des FONUS ont participé à des manifestations pour protester contre l'interdiction imposée par l'AFDL aux activités de l'opposition. En juillet, Joseph Olengha N'Koy avait publiquement réclamé une enquête sur les massacres de réfugiés rwandais imputés à l'AFDL et il avait déclaré, en septembre, que les FONUS étaient prêtes à collaborer avec les enquêteurs des Nations unies. Il avait en outre été arrêté plusieurs fois par les forces de sécurité de l'ancien président Mobutu, notamment en décembre 1996, pour avoir critiqué la politique gouvernementale et le non-respect des libertés publiques.

Des journalistes qui avaient critiqué l'AFDL ont été arrêtés et maltraités, ce qui constitue une violation de l'article 19 du PIDCP et de l'article 9 de la Charte africaine qui protègent le droit à la liberté d'expression. C'est ainsi que Polydor Muboyayi Mubanga, rédacteur en chef du journal Le Phare, a été arrêté le 8 septembre à son domicile de Kinshasa par des membres de l'AFDL. Les soldats auraient brisé portes et fenêtres, et endommagé le mobilier de sa maison. Ils l'ont battu avant de l'emmener au centre de détention du Tribunal de grande instance de Kinshasa. Polydor Muboyayi Mubanga a été arrêté parce que son journal avait publié un article selon lequel le président Kabila mettait en place une unité armée personnelle semblable à la Division présidentielle spéciale (DSP) de l'ancien président Mobutu. Il a été inculpé le 17 septembre de «propagation de fausses nouvelles et [d'] incitation à la haine ethnique», délits punis d'une peine maximale de deux ans d'emprisonnement. La Cour d'appel de Kinshasa s'étant déclarée incompétente au début du mois de novembre, cet homme ne peut être jugé que par la Cour de sûreté de l'État. Polydor Muboyayi Mubanga a été maintenu en détention.

Des personnes ont été arrêtées, notamment dans l'est du pays, en raison de leur appartenance présumée à des organisations anti-Tutsi comme la Mutuelle des agriculteurs du Virunga (MAGRIVI), qui regroupe exclusivement des Hutu. Déogratias Komayombi, ancien membre de ce mouvement, est maintenu au secret depuis son arrestation, le 5 juillet 1997, à Rutshuru. En octobre 1997, il aurait été détenu dans un camp militaire situé dans le Parc national Albert.

8.Acharnement contre les militants des droits de l'homme

L'AFDL a commencé à réprimer les activités des militants des droits de l'homme à peu près dès qu'elle a pris le contrôle de territoires de l'est de la RDC. Dès novembre 1996, des militants des droits de l'homme des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont informé Amnesty International qu'ils avaient reçu pour instruction de ne pas enquêter sur les atteintes aux droits fondamentaux commises par l'AFDL et ses alliés, et de ne pas les dénoncer sans autorisation. Des militants auraient reçu des menaces de mort et d'autres autres formes d'intimidation. Des responsables de l'AFDL à Kisangani auraient emporté des documents après avoir fouillé le bureau des Amis de Nelson Mandela, un groupe de défense des droits de l'homme qu'ils accusaient d'organiser des conférences hostiles à l'AFDL. De nombreux militants ont quitté leur province ou sont partis pour l'étranger. D'autres auraient rejoint l'administration de l'AFDL à la suite de pressions. D'autres encore continuent leur action en faveur des droits de l'homme en prenant de grands risques. C'est ainsi qu'un membre de La voix des sans voix (VSV) qui tentait d'enquêter sur le cas d'un prisonnier politique a été détenu pendant une courte période à la fin du mois de juin 1997. L'arrestation et la détention de militants des droits de l'homme en dehors du cadre légal constituent une violation de la prohibition des arrestations arbitraires, énoncée à l'article 9-1 du PIDCP et à l'article 6 de la Charte africaine.

Des militants des droits de l'homme ont été arrêtés et maltraités parce qu'on les soupçonnait de recueillir des informations, pour les enquêteurs des Nations unies, sur les massacres de réfugiés rwandais et d'autres civils commis depuis septembre 1996. Parmi les personnes interpellées figuraient Bertin Lukanda, président de la section de Maniema du Conseil régional des organisations non gouvernementales (CRONG), groupe qui chapeaute des organisations non gouvernementales locales, et son collègue Diomba Ramazani. Les deux hommes ont été interpellés le 6 août 1997 sur la rive du fleuve Congo à Kindu, ville principale de la province du Maniema, en RDC. Ils se préparaient à effectuer des visites de routine auprès d'organisations locales affiliées lorsqu'ils ont été arrêtés par des membres armés de l'AFDL et conduits à la caserne Lwama, à Kindu, où ils auraient été sauvagement battus. Amnesty International a appris que Diomba Ramazani, très malade à la suite de ces mauvais traitements, avait été transféré à l'hôpital général de Kindu quelques jours plus tard. Les soldats du camp auraient accusé le CRONG d'espionnage au profit de la commission d'enquête des Nations unies sur les massacres perpétrés dans l'est du pays, et de liens avec l'UDPS.

Bertin Lukanda est également responsable de l'information de Haki Za Binadamu (HZB), un groupe indépendant de défense des droits de l'homme basé à Kindu. Au cours des mois précédents, d'autres militants de ce mouvement avaient été harcelés et empêchés de se déplacer librement à l'intérieur de la RDC. Le 1er août 1997, Haki Za Binadamu a reçu l'ordre de mettre un terme à ses activités; cette organisation était sous surveillance militaire début novembre 1997. Des soldats de l'AFDL auraient placé des centaines de balles dans le bureau de l'HZB pour impliquer les responsables de ce mouvement dans des activités d'opposition armée.

Le 14 août 1997, des soldats de l'AFDL ont arrêté Dieudonné Asumani, secrétaire administratif du CRONG. Accusé d'avoir transmis des informations à des organisations étrangères de défense des droits de l'homme concernant l'arrestation de Bertin Lukanda et de Diomba Ramazani, cet homme a été détenu dans la caserne de Lwama. Bertin Lukanda et Dieudonné Asumani ont été libérés le 7 septembre 1997.

Didi Mwati Bulambo, militant connu des droits de l'homme, a été arrêté par des soldats le 23 août 1997 et détenu dans une caserne à Kamituga (région de Mwenga, province du Sud-Kivu). Les mauvais traitements subis en détention ont fait craindre pour sa santé. Coordinateur général du Collectif d'action pour le développement des droits de l'homme (CADDHOM), une organisation non gouvernementale de Kamituga, Didi Mwati Bulambo a été accusé d'inciter la population à se révolter contre l'AFDL. Amnesty International pense qu'il a été arrêté pour ses activités en faveur des droits de l'homme. Il a été autorisé à recevoir la visite d'un seul membre de sa famille, qui lui a apporté de la nourriture; il n'a pu rencontrer son avocat et a été privé de soins médicaux. Didi Mwati Bulambo a été libéré dans la nuit du 18 septembre 1997, sans avoir été inculpé ni jugé.

Après la publication d'une série d'articles qu'il avait rédigés sur la corruption du Parquet de Kamituga, ce militant avait déjà été arrêté, en juillet 1996, par les services de sécurité du président Mobutu. Il avait été fouetté pendant sa détention et n'avait pas été autorisé à consulter un médecin alors qu'il était malade.

9. La peine de mort

Kanyongo Kisase, soldat de l'AFDL, a été fusillé le 22 octobre 1997. Il s'agissait de la première exécution judiciaire depuis que l'AFDL avait pris le pouvoir, en mai 1997. Kanyongo Kisase était de faction devant le domicile du ministre de la Santé à Kinshasa, le 22 septembre 1997, lorsqu'il avait, d'après certaines sources, ouvert le feu sur un groupe d'élèves qui le narguaient à partir d'une école située juste en face. Il a été jugé et condamné à mort quelques heures seulement après les faits par un tribunal militaire improvisé qui a siégé à l'intérieur de l'école. Bien que ce soldat ait été assisté d'un avocat, Amnesty International déplore qu'il n'ait pas bénéficié du délai nécessaire à la préparation de sa défense. Le procès s'est en outre déroulé dans un climat d'hostilité qui ne permettait pas d'espérer une justice équitable. Kanyongo Kisase n'a pas été autorisé à interjeter appel de la déclaration de culpabilité ni de la peine.

Huit soldats reconnus coupables de tentative de mutinerie et condamnés à mort, le 27 septembre 1997, sans possibilité d'interjeter appel, étaient également en instance d'exécution. Dans la nuit du 20 septembre 1997, des soldats du camp militaire de Badiadingi, à l'est de Kinshasa, auraient protesté contre le non-paiement de leur solde. La condamnation de huit d'entre eux pour tentative de mutinerie a été prononcée par un tribunal militaire qui n'a pas respecté les normes internationales d'équité. Les condamnés auraient adressé un recours en grâce au président Laurent-Désiré Kabila. Quarante-deux autres soldats auraient été condamnés à la réclusion à perpétuité assortie de travaux forcés.

Amnesty International s'oppose inconditionnellement à la peine de mort estimant qu'elle représente une violation du droit fondamental à la vie. La peine capitale est non seulement la forme suprême de châtiment cruel, inhumain et dégradant, mais elle est irrévocable et entraîne le risque d'exécuter un innocent.

10. La communauté internationale face aux atrocités

Les atteintes massives aux droits de l'homme perpétrées en RDC et en particulier dans l'est du pays ont été considérées par une bonne partie de la communauté internationale comme un simple problème humanitaire. Pendant plusieurs mois, alors que le pays était en proie à un conflit armé, beaucoup de temps et d'énergie ont été consacrés à déterminer ce qu'il fallait faire pour rapatrier les réfugiés rwandais, sans se pencher sur les mesures qu'il aurait fallu prendre pour les protéger, eux et les autres victimes. Parmi ces dernières figuraient des réfugiés hutu burundais, des Hutu congolais et des membres d'autres groupes ethniques et politiques de la RDC. Des gouvernements qui auraient pu user de leur influence sur les belligérants pour mettre un terme aux atrocités ne l'ont pas fait; d'autres soutenaient, directement ou indirectement, des groupes armés dont ils savaient, ou auraient dû savoir, qu'ils étaient responsables d'atteintes graves aux droits de l'homme, et notamment de violations du droit international humanitaire.

10.1La communauté internationale abandonne les réfugiés

Plutôt que de chercher à protéger les centaines de milliers de réfugiés et autres civils non armés contre les atteintes aux droits de l'homme, gouvernements et organisations non gouvernementales ont concentré leurs efforts sur le rapatriement des réfugiés rwandais. La communauté internationale n'a pas tenu compte de la détérioration constante de la situation des droits de l'homme, notamment à partir de décembre 1996, dans le cadre de laquelle ces réfugiés étaient rapatriés[7]. Le rapatriement forcé a été effectué sans que soit prise en compte cette situation, pas plus que le sort tragique des personnes déplacées et des autres civils non armés dans la RDC. Le rapatriement forcé des réfugiés rwandais et burundais a été mené sans égard pour les craintes des réfugiés. Pratiquement rien n'a été fait pour empêcher les membres de l'AFDL et des autres groupes armés de se livrer à des atrocités sur des civils non armés dans la RDC.

Dans presque tous les cas, des gouvernements étrangers dont l'influence sur l'AFDL était connue ont limité leur préoccupation aux moyens de favoriser les rapatriements, tout en ne prêtant qu'une attention négligable aux mesures destinées à empêcher les massacres de réfugiés. De nombreux responsables gouvernementaux étrangers ont félicité l'AFDL pour avoir libéré les réfugiés de l'emprise des ex-milices Interahamwe et des ex-FAR, et pour les avoir aidés à rentrer chez eux, sans s'interroger sur les atteintes aux droits de l'homme commises au cours du processus ni les condamner. Le sort des personnes qui ne souhaitaient pas rentrer au Rwanda ou étaient dans l'incapacité de le faire n'a pas été pris en compte, à l'instar des violations des droits des civils congolais non armés commises par l'AFDL. Non contents de ne pas condamner les agissements de l'AFDL, certains gouvernements ont appuyé les démentis du gouvernement concernant les atrocités imputées à ses combattants comme à ses alliés, et soutenu l'obstruction à l'enquête des Nations unies. Cette attitude a renforcé l'idée du gouvernement congolais selon laquelle ses membres et les soldats responsables d'atteintes aux droits de l'homme, présentes ou passées, bénéficieraient d'une totale impunité.

Amnesty International est consciente du dilemme posé par la protection des réfugiés rwandais dans l'est de la RDC. Il est évident qu'il n'était pas possible, dans la pratique, de les protéger, ce qui ne réduit en rien le caractère tragique de la situation des droits de l'homme au Rwanda où les réfugiés rapatriés sont souvent victimes d'homicides délibérés et arbitraires, de "disparition" et d'actes de torture. L'Organisation estime que les solutions envisagées auraient dû davantage tenir compte du fait que les réfugiés ne pouvaient, et ne peuvent toujours pas, être en sécurité au Rwanda, ou tout du moins dans la majeur partie du pays.

10.2L'AFDL empêche les organisations humanitaires d'avoir accès aux réfugiés

Alors que les gouvernements et les organisations intergouvernementales réclamaient la distribution de secours aux réfugiés, l'AFDL empêchait les organisations humanitaires d'atteindre de nombreux réfugiés. À la suite du meurtre d'un employé de SCF et de quatre réfugiés, l'AFDL a refusé pendant plusieurs semaines d'autoriser le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à installer un centre de regroupement pour le rapatriement des réfugiés rwandais à Karuba, localité située à 45 kilomètres à l'est de Goma. L'AFDL a réaffirmé à plusieurs reprises que cette décision répondait au souci de garantir la sécurité des employés des organisations humanitaires; nombre d'entre elles ont toutefois exprimé leur crainte que cette mesure n'ait été destinée à les empêcher d'être témoins de massacres, ou de découvrir des lieux de carnage.

En revanche, des organisations humanitaires ont dit craindre que l'AFDL ne les utilise pour attirer les réfugiés hors de leur cachette afin de les tuer. Une organisation a déclaré, en avril 1997: «Notre personnel estime qu'il est utilisé dans le cadre d'une stratégie planifiée d'extermination. Notre présence et notre aide servent à faire sortir les gens de la forêt de façon à permettre aux forces de l'AFDL de tuer plus facilement les réfugiés et les personnes déplacées.» Dans l'est de la RDC, l'AFDL a imposé la présence de «facilitateurs» aux organisations humanitaires, qui ont dit craindre que ceux-ci ne servent à repérer les endroits où se cachaient les réfugiés. Une fois ces derniers localisés, les organisations devaient solliciter l'autorisation de les aider. Certains organismes ont affirmé que les autorisations n'étaient accordées que plusieurs jours plus tard, les réfugiés étant alors introuvables. Selon certaines sources, des combattants de l'AFDL étaient envoyés pour tuer les réfugiés dans les endroits désignés par les «facilitateurs». On a appris, au début de l'année 1997, que le coordinateur de l'AFDL pour les organisations humanitaires avait accès à un véhicule du HCR équipé d'une radio, ce qui pouvait permettre à l'AFDL de surveiller les activités du HCR et des autres organisations humanitaires dans l'est du pays. Un responsable du HCR a déclaré à Amnesty International que le seul moyen d'obtenir du coordinateur qu'il facilite l'action de son organisme était souvent de lui permettre d'utiliser un véhicule du Haut Commissariat. Il a ajouté que les informations confidentielles n'étaient habituellement pas transmises par radio. L'accès aux réfugiés devait toutefois être discuté avec les dirigeants de l'AFDL auxquels il fallait demander une autorisation. L'accès par la route ou par voie aérienne était souvent bloqué pendant des jours, si ce n'est plus, par des combattants de l'AFDL.

De nombreuses organisations non gouvernementales ont signalé que leurs véhicules étaient réquisitionnés ou volés par des combattants de l'AFDL, à des fins militaires ou autres. C'est ainsi qu'au début de l'année 1997, l'AFDL a réquisitionné environ 84 000 litres de carburant destiné aux véhicules du HCR servant à l'action humanitaire. En saisissant les véhicules et le carburant utilisés par les organisations humanitaires, l'AFDL ne pouvait ignorer que leurs activités en seraient fortement entravées et que de nombreux réfugiés et déplacés risquaient d'en mourir. Les dirigeants de l'AFDL ne semblent pas avoir empêché ni condamné de tels agissements de leurs combattants.

Le gouvernement rwandais a reproché pendant de longs mois au HCR d'ajourner le rapatriement; il l'a tenu pour responsable de la mort, en mai 1997, de 92 réfugiés étouffés dans un train. Les autorités ne semblaient pas se soucier du fait que l'AFDL avait entassé dans ce train de très nombreux réfugiés, dont beaucoup étaient trop faibles pour voyager, sans demander au HCR ni aux autres organisations humanitaires de prendre des mesures pour assurer leur sécurité.

Après la prise de pouvoir de l'AFDL, il est devenu évident que les actions hostiles aux réfugiés rwandais étaient cordonnées par les gouvernements rwandais et congolais. C'est ainsi que le 9 septembre 1997, au moment où le HCR a suspendu ses activités en faveur des réfugiés rwandais en RDC, les gouvernements rwandais et congolais ont condamné son action. Le HCR avait pris cette mesure pour protester contre l'obstruction pratiquée par le gouvernement de la RDC, et notamment le rapatriement forcé, le 4 septembre, au Rwanda, d'environ 800 Rwandais et Burundais réfugiés à Kisangani. Bien que le gouvernement de la RDC ait annoncé le 3 octobre la fermeture de sa frontière avec le Rwanda, cette mesure visait dans la pratique à empêcher les réfugiés rwandais de pénétrer en RDC. Le gouvernement a ordonné le même jour aux employés du HCR de mettre fin à leurs opérations de secours dans le Nord-Kivu, et il a renvoyé de force au moins 830 réfugiés, dont 730 femmes et enfants, vers la ville frontalière rwandaise de Gisenyi. Les employés du HCR n'ont pas été autorisés à s'entretenir avec les réfugiés, dont beaucoup étaient revenus récemment en RDC après avoir quitté ce pays au début de l'année 1997. Deux jours plus tard, le gouvernement de la RDC a annoncé l'expulsion de 4000 réfugiés rwandais. Plus de 100 personnes ont été tuées à Gisenyi et dans les environs à la suite d'attaques menées par des éléments armés, les 8 et 14 octobre.

10.3Responsabilité de certains gouvernements

Pendant plusieurs mois, le gouvernement rwandais a nié avoir joué un rôle capital dans la guerre visant à renverser l'ancien président Mobutu. En octobre 1996, lorsque l'APR a tiré depuis le Rwanda des obus de mortier sur les positions des FAZ au Kivu, le gouvernement rwandais a affirmé qu'il se contentait d'exercer son droit de défendre son territoire et sa population contre les bombardements des FAZ. À la fin de l'année 1996, Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles, au début du mois de septembre 1996, des forces de l'AFDL, notamment de l'APR, s'étaient infiltrées depuis le Rwanda dans la province du Sud-Kivu en passant par le nord du Burundi. Certains de ces combattants auraient circulé à bord de camions portant le logo du HCR. Un responsable du HCR a déclaré à Amnesty International qu'aucun camion appartenant à cet organisme n'avait été réquisitionné au Rwanda et que le HCR n'avait pas connaissance de l'utilisation de son logo pour transporter des combattants depuis le Rwanda. Il a ajouté qu'en novembre 1996, le Haut Commissariat aux réfugiés avait déjoué une tentative des autorités rwandaises pour réquisitionner des camions du HCR afin de transporter des troupes de l'Armée patriotique rwandaise dans l'est de la RDC.

Prenant une initiative surprenante, au mois de juillet 1997, le général de division Paul Kagame, vice-président rwandais et ministre de la Défense, déclarait au Washington Post que «le gouvernement rwandais avait planifié et dirigé la rébellion qui avait abouti au renversement du dictateur de longue date, et que des officiers et des soldats rwandais avaient dirigé les forces rebelles». Il aurait ajouté: «Des commandants rwandais de niveau intermédiaire ont dirigé les forces congolaises jusqu'au succès de la rébellion, et le Rwanda a fourni des armes à ces forces et les a entraînées avant même le début de la campagne pour renverser Mobutu en octobre dernier.»

Le Washington Post a ajouté que le général Kagame avait déclaré: «L'objectif principal était de démanteler les camps, le deuxième était de détruire la structure de l'armée hutu et des milices basées dans les camps et aux alentours, soit en rapatriant les combattants hutu au Rwanda et en s'occupant d'eux ici, soit en les dispersant.» Vu l'ampleur de sa participation à la guerre, il est évident que le gouvernement rwandais était en mesure d'empêcher nombre des atteintes aux droits de l'homme qui ont été perpétrées. Les carnages qui ont fait des dizaines, voire des centaines de milliers de victimes parmi les civils non armés étaient tels que les commandants de l'AFDL et de l'APR les ont sans doute ordonnés ou cautionnés. En novembre 1997, les autorités rwandaises démentaient toujours l'existence de massacres de civils non armés, y compris de ressortissants rwandais, tout en soutenant l'opposition du gouvernement de la RDC à l'enquête des Nations unies. Le général Kagame aurait déclaré par la suite que les soldats de l'APR resteraient en RDC jusqu'à ce que «le travail soit terminé». Un grand nombre de ces soldats auraient quitté la RDC, mais on ignore combien sont restés.

Des troupes gouvernementales ougandaises auraient également participé au conflit. Elles auraient pris le contrôle de plusieurs villes comme Beni (Nord-Kivu), occupée par les FAZ, avant de les remettre à l'AFDL. Bien que pratiquement aucune information n'ait fait état d'homicides de civils non armés commis par des soldats ougandais en RDC, Amnesty International estime que ces derniers savaient probablement ce qui se passait et qu'ils ne sont peut-être pas intervenus pour empêcher des massacres.

Les troupes gouvernementales burundaises et les miliciens tutsi auraient également participé à des attaques contre des Hutu dans la province du Sud-Kivu où étaient basés des groupes armés d'opposition formés de Hutu burundais. Lors d'une visite au Burundi, le 30 octobre 1997, le président Kabila a remercié le gouvernement burundais pour l'aide apportée pendant la guerre contre l'ancien président Mobutu. Des combattants de l'AFDL auraient attaqué, à partir de la Zambie, des positions des FAZ dans la province du Shaba. Certains auraient été entraînés en Tanzanie. Des combattants venus d'Érythrée, d'Éthiopie et de Somalie auraient également participé à la guerre, bien que le rôle directement joué par leurs gouvernements reste obscur.

Les États-Unis d'Amérique ont démenti à plusieurs reprises avoir joué un rôle dans le conflit en RDC. Le ministère américain de la Défense a cependant reconnu que des soldats américains avaient participé à l'entraînement des soldats de l'APR à partir de 1994[8]. En juillet 1997, le général Kagame a révélé au Washington Post qu'il avait averti le gouvernement américain que le Rwanda avait l'intention d'attaquer les camps de réfugiés dans l'est de la RDC. Les autorités américaines n'ont pas précisé dans quelle mesure elles étaient au courant de la préparation ni du déroulement de la guerre dans l'ex-Zaïre; le général Kagame a pourtant remercié les États-Unis d'avoir «pris les bonnes décisions pour en permettre la poursuite». Si tel est le cas, le gouvernement américain, tout particulièrement en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, était en mesure de prendre des initiatives pour empêcher les attaques contre des camps de réfugiés qu'il savait abriter des centaines de milliers de civils non armés. Des soldats de l'APR entraînés par des militaires américains ont très probablement participé aux combats en RDC, et il est possible que des membres de l'AFDL aient été entraînés en même temps qu'eux. Un représentant du gouvernement américain a travaillé pendant plusieurs mois en étroite collaboration avec la direction de l'AFDL sans que les autorités américaines ne précisent quelles étaient ses fonctions. Amnesty International craint que les transferts d'équipements militaires et de sécurité au profit de l'Armée patriotique rwandaise n'aient été utilisés par celle-ci et par l'AFDL pour commettre des atrocités en République démocratique du Congo. Si le gouvernement américain s'était penché sur les violations des droits de l'homme perpétrées par l'APR au Rwanda, il aurait conclu que les mêmes violences risquaient d'être commises en RDC. Des sources indépendantes ont affirmé que des soldats américains avaient été aperçus dans l'est de la RDC à la fin du mois d'août 1997. Le gouvernement américain a démenti ces informations.

Au début de l'année 1997, le gouvernement angolais a envoyé des centaines, si ce n'est des milliers de combattants pour prêter main-forte aux troupes de l'AFDL, notamment dans le sud de la RDC. Au sein des troupes venues d'Angola figuraient des membres de l'ancienne police paramilitaire zaïroise, connus sous le nom de gendarmes katangais, ainsi que leurs enfants qui vivaient en Angola depuis les années 60[9]. Selon des informations parvenues à Amnesty International, certains de ces combattants ont commis des atteintes aux droits de l'homme contre des Angolais vivant en RDC et soupçonnés d'être des membres ou des sympathisants de l'UNITA. On ignore combien de ces combattants sont toujours présents en RDC; certains auraient été déployés en septembre 1997 dans le nord-ouest du pays.

Le gouvernement du Zimbabwe aurait fourni une aide militaire importante à l'AFDL pendant les combats. En juillet 1997, un journal publié à Johannesburg a rapporté que le gouvernement du Zimbabwe avait fourni des armes pour une valeur de 38 millions de dollars US à l'AFDL, et que deux avions zimbabwéens et leurs pilotes avaient transporté des combattants de l'AFDL ainsi que de l'approvisionnement à l'intérieur de l'ex-Zaïre.

11.Obstruction de l'AFDL aux enquêtes des Nations unies

Depuis le début du mois de mai 1997, tout en démentant les informations selon lesquelles ses combattants seraient responsables d'un grand nombre de ces agissements, l'AFDL entrave une enquête des Nations unies sur les accusations d'atteintes aux droits de l'homme dans l'est du Zaïre. Cette obstruction est en contradiction avec une déclaration faite le 25 avril par le président Kabila, dans laquelle il se disait disposé à inviter les Nations unies et d'autres organismes à enquêter sur la crise des réfugiés. Il avait ajouté que les enquêteurs auraient accès à l'ensemble du pays, qu'il accepterait les conclusions des investigations et, le cas échéant, prendrait des mesures. La Commission des droits de l'homme des Nations unies avait décidé, lors de sa 53e session, de désigner une mission d'enquête à la suite de nombreuses informations faisant état «de la persistance des violations des droits [de l'homme] et des libertés fondamentales au Zaïre, en particulier de cas d'exécutions sommaires, de tortures et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, de violences contre les femmes [...]». La commission priait les rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l'homme au Zaïre et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, ainsi qu'un membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires «d'enquêter ensemble sur les allégations de massacres et autres questions touchant les droits de l'homme qui découlent de la situation qui règne dans l'est du Zaïre depuis septembre 1996 et de faire rapport à l'Assemblée générale d'ici le 30 juin 1997 et à la Commission à sa cinquante-quatrième session».

Pendant les négociations qui ont duré cinq jours, à Goma et à Lumumbashi, les dirigeants de l'AFDL ont affirmé aux membres de la mission d'enquête des Nations unies que les combattants de l'alliance n'avaient pas perpétré d'atteintes aux droits de l'homme. L'AFDL a ajouté qu'elle n'acceptait pas que le rapporteur spécial sur le Zaïre participe à la mission d'enquête, lui reprochant sa partialité. Cette accusation était liée à un document que le rapporteur spécial avait soumis, le 2 avril 1997, à la Commission des droits de l'homme des Nations unies; le rapport faisait état d'allégations de massacres, notamment de réfugiés hutu, attribués à l'AFDL. Cette dernière insistait en outre pour désigner ses propres experts chargés de participer à l'enquête, exigence qui a été refusée par la mission, soucieuse de garantir l'indépendance, l'impartialité et la confidentialité des investigations et de ses conclusions. Au moins un responsable de l'AFDL aurait proféré une menace à peine voilée en disant que les membres de la mission risquaient d'être tués à Masisi et qu'il y aurait «un survivant pour raconter ce qui s'était passé». Les dirigeants de l'AFDL ont finalement dit qu'ils n'avaient pas le temps de poursuivre les discussions relatives à l'enquête: la mission est rentrée à Genève sans avoir procédé à aucune investigation.

Pour tenter de sortir de l'impasse concernant la composition de la mission et l'étendue des investigations, le secrétaire général des Nations unies a désigné une nouvelle mission d'enquête. Arrivée à Kinshasa le 24 août, l'équipe s'est heurtée à l'obstruction permanente des principaux ministres. Les autorités de la RDC exigeaient, entre autres, que la mission d'enquête soit accompagnée d'une équipe désignée par le gouvernement. Le 30 août, à Kinshasa, quelque 5 000 partisans de l'AFDL ont manifesté contre l'enquête des Nations unies. Bien que le gouvernement ait interdit toutes les manifestations depuis la mi-mai 1997, cette protestation, à laquelle participaient des soldats gouvernementaux, a pu avoir lieu.

La mission des Nations unies n'a pas été autorisée à quitter Kinshasa. Au début du mois d'octobre, les trois responsables de l'équipe des Nations unies ont été rappelés à New York pour des consultations avec le secrétaire général après que le gouvernement les eut empêchés de commencer leurs investigations. À la suite d'une entrevue, le 25 octobre 1997, à Kinshasa, entre Bill Richardson, représentant permanent des États-Unis aux Nations unies, et le président Kabila, le gouvernement de la RDC a accepté que la mission commence ses investigations. Les responsables de l'équipe sont revenus à Kinshasa, le 11 novembre 1997, pour commencer l'enquête.

Amnesty International a salué cette évolution et s'est réjouie de l'accord donné par le gouvernement pour que la mission puisse se rendre sur l'ensemble du territoire de la RDC. L'Organisation craignait toutefois que certaines conditions sur lesquelles l'ambassadeur Richardson et le président Kabila s'étaient mis d'accord n'empêchent l'équipe de mener des investigations indépendantes et impartiales, et ne portent atteinte à l'efficacité de ses conclusions. Selon le communiqué de Bill Richardson, la mission des Nations unies devait faire connaître ses besoins au gouvernement de la RDC et non directement aux Nations unies. Amnesty International craint que, par omission ou volontairement, les autorités n'indiquent pas aux Nations unies quels sont les besoins de l'équipe. La sécurité de la mission a été confiée au gouvernement, ce qui pourrait compromettre la sécurité des éléments de preuve recueillis ou faisant l'objet d'investigations, ainsi que celle des témoins.

Amnesty International déplore que la mission des Nations unies ne soit pas habilitée à émettre des recommandations en matière de poursuites ou de sanctions. Le communiqué ne précisait d'ailleurs pas quelles étaient les recommandations que pouvait émettre la mission; bien que cette responsabilité ait été laissée au secrétaire général des Nations unies, il n'était pas fait mention du délai dans lequel les recommandations seraient rendues publiques ni des mesures qui seraient prises à la lumière des conclusions de la mission. L'Organisation est par ailleurs préoccupée par le fait que les références à la non-ingérence dans les affaires intérieures congolaises et au respect de l'intégrité du pays n'ont pas été définies dans le cadre des investigations, ce qui pourrait amener le gouvernement à soutenir que certains aspects de l'enquête constituent une violation de l'accord. En outre, le communiqué empêchait la mission d'entrer en contact avec les membres de l'ancien gouvernement, empêchant ainsi les membres de l'équipe d'interroger des témoins et des suspects potentiels. Il ajoutait que le gouvernement disposerait d'un délai raisonnable pour étudier le rapport de la mission d'enquête. Amnesty International craint que cette disposition ne soit interprétée par le gouvernement de la RDC comme signifiant qu'il peut modifier des parties du rapport, ou en retarder la publication pendant une durée indéterminée.

L'Organisation craint également que des éléments de preuve n'aient été détruits et des témoins intimidés ou éliminés pendant les mois au cours desquels le gouvernement a réussi à retarder l'enquête.

Après une semaine d'attente à Kinshasa, les responsables de la mission d'enquête auraient rencontré le ministre des Affaires étrangères de la RDC, le 18 novembre 1997, pour discuter du commencement des investigations.

Conclusion

Le gouvernement dirigé par l'AFDL, au pouvoir depuis mai 1997, soit sept mois après le début de la campagne destinée à renverser le président Mobutu, n'a cessé de nier que ses combattants avaient perpétré des massacres de réfugiés rwandais et commis d'autres atteintes massives aux droits de l'homme. Ainsi que nous l'avons indiqué tout au long du présent rapport, de nombreuses preuves démontrent que l'AFDL et ses alliés ainsi que les FAZ et d'autres groupes armés, y compris des mercenaires, se sont livrés en RDC à de vastes massacres de civils non armés appartenant au groupe ethnique hutu, entre autres groupes. De nombreuses informations indiquent que la plupart des victimes ont été tuées par l'AFDL et ses alliés. Nombre de victimes de l'AFDL ont succombé à la faim, à la maladie et aux intempéries, ce qui a conduit le secrétaire général des Nations unies à déclarer, en avril 1997: «Beaucoup d'innocents sont victimes d'une lente extermination.»

Les informations parvenues à Amnesty International au cours de l'année écoulée l'ont amenée à conclure que l'AFDL et l'APR avaient mené en République démocratique du Congo une politique délibérée visant à tuer de nombreux Hutu, non armés pour la plupart, en utilisant soit la violence soit d'autres méthodes pour atteindre le même objectif. Depuis le début de l'année 1997, un certain nombre d'organisations humanitaires ont fait savoir, confidentiellement pour certaines, publiquement pour d'autres, que l'AFDL les utilisait pour faire sortir les réfugiés de leur cachette afin de les tuer. Une enquête indépendante et impartiale doit être menée afin de déterminer à quel niveau, au sein de la direction de l'AFDL, ces actions ont été ordonnées, encouragées ou cautionnées. S'il s'avère qu'il y a bien eu intention de tuer ou de causer la mort par d'autres moyens de la totalité ou d'un grand nombre de réfugiés, il sera alors possible de prouver qu'un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité ont été commis, en particulier contre des membres de l'ethnie hutu. Il est par conséquent urgent de mener une enquête exhaustive sur les massacres pour en établir la cause et le déroulement. Alors qu'une grande partie de l'enquête devrait être menée en RDC, il est évident que des investigations devraient être effectuées dans les pays qui ont joué un rôle significatif dans le conflit armé comme dans les pays d'origine des mercenaires.

Recommandations d'Amnesty International

Amnesty International estime que le gouvernement de la RDC, les États membres des Nations unies et de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) ainsi que la communauté internationale dans son ensemble devraient immédiatement prendre des mesures pour mettre un terme à la culture des violations des droits de l'homme ordonnées ou cautionnées par le gouvernement de la RDC, ou par d'autres dirigeants politiques du pays. Pour parvenir à cet objectif, Amnesty International suggère un certain nombre de recommandations qui devraient permettre de rétablir et de renforcer le respect de la vie humaine et des droits fondamentaux.

Au gouvernement de la RDC

Le gouvernement de la RDC devrait:

-            reconnaître publiquement que des atteintes aux droits de l'homme ont été et continuent d'être commises par différents groupes armés, notamment par des membres de l'AFDL et ses alliés;

-            condamner publiquement toutes les atteintes aux droits de l'homme, quelle que soit l'identité des auteurs ou des victimes;

-            supprimer toute entrave et coopérer pleinement aux enquêtes indépendantes, notamment à la mission d'enquête désignée par le secrétaire général des Nations unies et aux investigations menées par les organisations de défense des droits de l'homme sur les cas de violations des droits fondamentaux et du droit international humanitaire;

-           veiller à ce que les ressortissants de la RDC et d'autres pays désignés par une enquête indépendante et impartiale comme responsables d'atteintes aux droits de l'homme commises en RDC soient traduits en justice conformément aux normes internationales d'équité. Les responsables gouvernementaux de la RDC ou des forces de sécurité identifiés comme ayant perpétré, ordonné ou cautionné des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, notamment des homicides délibérés et arbitraires, des enlèvements, des actes de torture et d'autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, devraient être écartés des fonctions où ils seraient susceptibles de commettre d'autres violations des droits de l'homme ou d'entraver les investigations en attendant de faire l'objet de poursuites devant un tribunal indépendant;

-           mettre en œuvre sans délai les recommandations d'Amnesty International concernant une réforme juridique contenues dans un mémorandum soumis en août 1997 par l'Organisation au gouvernement de la RDC, et rendu public en même temps que le présent rapport;

-           soutenir et promouvoir l'action des organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme.

Aux groupes armés d'opposition actifs en RDC –anciennes FAZ, ex-FAR et mayi-mayi notamment

Les massacres délibérés et arbitraires de civils non armés et les autres exactions perpétrées par des groupes armés d'opposition constituent des violations graves du droit international humanitaire.

Les chefs des groupes armés d'opposition devraient:

-           mettre un terme aux homicides de civils non armés et faire savoir clairement à leurs subordonnés que les massacres délibérés de civils et autres homicides arbitraires ne sauraient être tolérés;

-           donner pour instruction à tous leurs subordonnés de respecter les principes de base du droit international humanitaire tels qu'énoncés à l'article 3 commun aux Conventions de Genève; ils devraient notamment empêcher les homicides de civils non-combattants et de personnes qui ne participent pas directement au conflit;

-            enquêter sur les homicides délibérés et arbitraires commis par leurs subordonnés et les condamner, annoncer publiquement les mesures prises pour empêcher le renouvellement de tels actes;

-            collaborer avec la mission d'enquête du secrétaire général des Nations unies et la soutenir ainsi que toute autre investigation indépendante et impartiale visant à identifier les auteurs d'atteintes aux droits de l'homme et de violations du droit international humanitaire. Remettre à un tribunal indépendant et impartial les membres de leur groupe coupables d'avoir ordonné ou perpétré des exactions afin qu'ils soient jugés conformément aux normes internationales d'équité.

Aux États membres des Nations unies

Les États membres des Nations unies doivent prendre des mesures pour empêcher toute nouvelle dégradation de la situation des droits de l'homme en RDC. À cette fin, ils doivent exiger que le gouvernement prenne des initiatives pour empêcher de nouvelles violations des droits fondamentaux et apporter un soutien concret à des projets contribuant au respect et à la promotion des droits de l'homme.

1) Les gouvernements qui ont soutenu l'AFDL ou les FAZ devraient:

-            condamner publiquement toutes les atteintes aux droits de l'homme et les violations du droit international humanitaire qui ont été et continuent d'être perpétrées en RDC, quelle que soit l'identité des auteurs ou des victimes;

-           dévoiler leur rôle dans le conflit armé et veiller à ce que les responsables de l'armée, entre autres, collaborent avec la mission d'enquête du secrétaire général des Nations unies pour faire en sorte que les auteurs d'atteintes aux droits de l'homme et de violations du droit international humanitaire, y compris leurs propres ressortissants, soient identifiés et traduits en justice;

-           arrêter de soutenir, directement ou indirectement, d'une part les dénégations du gouvernement de la RDC concernant les graves atteintes aux droits de l'homme commises depuis septembre 1996, d'autre part son obstruction aux enquêtes des Nations unies ou d'autres organismes. Les gouvernements devraient encourager les autorités de la RDC à collaborer sans réserve avec la mission d'enquête du secrétaire général des Nations unies afin que cesse l'impunité en RDC;

-            encourager le gouvernement de la RDC à mettre en œuvre les recommandations d'Amnesty International concernant une réforme juridique, soumises au gouvernement en août 1997.

2) Les États membres des Nations unies devraient:

-            condamner publiquement les atteintes aux droits de l'homme qui ont été et continuent d'être commises en RDC;

-           exercer toute leur influence sur le gouvernement de la RDC, sur les forces de sécurité ainsi que sur les groupes armés d'opposition pour qu'ils respectent les droits de l'homme et le droit humanitaire;

-            demander au gouvernement de la RDC de régulièrement fournir des informations à jour sur les mesures prises pour empêcher le renouvellement des atteintes aux droits de l'homme, particulièrement les exécutions extrajudiciaires et les "disparitions", et notamment des détails sur l'état d'avancement des enquêtes et des mesures prises pour traduire en justice les auteurs de tels agissements, sans recourir à la peine de mort;

-           exiger des enquêtes sur les atteintes aux droits de l'homme commises en RDC, et les soutenir; demander en particulier au gouvernement de la RDC et à ses alliés d'accepter une enquête exhaustive, indépendante et impartiale confiée à la mission du secrétaire général des Nations unies sur les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire commises en RDC depuis septembre 1996, afin d'en identifier les auteurs et de les déférer à la justice pour que de tels agissements ne puissent plus jamais se reproduire;

-           fournir le soutien politique et logistique nécessaire pour que la mission d'enquête du secrétaire général des Nations unies puisse mener sans délai une enquête approfondie et impartiale sur les atteintes aux droits fondamentaux qui ont été signalées. Il est essentiel que la mission d'enquête ne se heurte pas aux obstacles logistiques et matériels récurrents auxquels les missions d'enquête des Nations unies ont été confrontées par le passé. Cette mission devra travailler dans des conditions très difficiles, et la communauté internationale doit manifester sa volonté de mettre un terme à l'impunité dans la région en soutenant sans réserve son action, tant politiquement que financièrement;

-            reconnaître qu'il est plus que jamais essentiel que la mission d'enquête puisse librement et en toute sécurité accéder à toutes les régions de la RDC. La mission d'enquête doit être en mesure de garantir la sécurité des témoins et la confidentialité des informations qu'elle recueillera;

-           veiller à ce que, par l'intermédiaire du secrétaire général, la mission d'enquête présente publiquement son rapport au Conseil de sécurité dans un délai raisonnable. Le rapport devrait contenir des recommandations appropriées, fondées sur les conclusions de la mission, notamment en ce qui concerne les mesures nécessaires pour traduire en justice les personnes identifiées comme ayant ordonné, cautionné ou perpétré des atteintes aux droits de l'homme.

3) Les États membres de l'OUA

Amnesty International exhorte les États membres de l'OUA à:

-           mettre la RDC à l'ordre du jour permanent du Conseil des ministres de façon à garantir une surveillance régulière de la situation des droits de l'homme dans le pays, comme dans la région des Grands Lacs en général;

-           veiller à ce que le Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits surveille la situation des droits de l'homme en RDC afin de lui permettre de conseiller l'OUA sur les mesures à prendre pour empêcher le renouvellement des violations des droits fondamentaux;

-           soutenir la mission d'enquête du secrétaire général des Nations unies en usant de leur influence pour exhorter le gouvernement de la RDC à lever tous les obstacles à une enquête approfondie et exhaustive;

-            demander à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples de mener une étude, conformément à l'article 45-1-a de la Charte africaine, sur la situation actuelle des droits de l'homme en RDC, et de présenter un rapport à la prochaine Conférence des chefs d'État et de gouvernements.

4) Les États membres de la Communauté de développement de l'Afrique australe*[10]

La SADC devrait faire en sorte:

-           que la RDC, en qualité de membre le plus récent, applique les dispositions de l'article 4 du traité de la SADC relatif au respect des droits de l'homme et de l'autorité de la loi;

-           d'user de son influence pour encourager le gouvernement de la RDC à coopérer avec la mission d'enquête des Nations unies;

-           d'aider le gouvernement de la RDC à appliquer immédiatement toutes les recommandations des Nations unies relatives aux atteintes aux droits de l'homme commises en RDC.

Transferts d'équipements militaires, de sécurité et de police

-           Les gouvernements ne devraient pas fournir d'armes meurtrières ni d'autres sortes d'équipements militaires, de sécurité et de police au gouvernement de la RDC et à ses alliés militaires, lorsqu'ils sont susceptibles d'être utilisés par les forces de sécurité ou par des groupes armés pour violer les droits fondamentaux de civils non armés. Les gouvernements devraient reconnaître qu'étant donné la récurrence des massacres de civils non armés décrits ici, ces équipements risquent de directement contribuer à de nouvelles atteintes aux droits de l'homme. Amnesty International exhorte les gouvernements à se rendre à l'évidence que la plupart des victimes d'homicides et d'enlèvements survenus lors du conflit armé en RDC sont des civils non armés, parmi lesquels nombre de femmes et d'enfants.

-           Les gouvernements envisageant de transférer des équipements militaires, de sécurité et de police, ou de fournir une formation à la RDC, devraient, avant d'accepter ces transferts, exiger des garanties vérifiables par une entité indépendante, à l'effet que les atteintes aux droits de l'homme et les violations du droit humanitaire ont cessé et que l'équipement ne sera pas utilisé contre des civils non armés.

-           Les gouvernements devraient tenir compte du fait que l'équipement classé comme "non létal" (le matériel de communication militaire et les véhicules, par exemple) peut favoriser les atteintes aux droits de l'homme, en particulier dans les régions isolées de la RDC.

-           Les gouvernements envisageant des transferts d'équipement militaire au profit d'autres pays de la région des Grands Lacs ne devraient pas oublier que cet équipement peut être introduit en RDC et utilisé pour commettre de nouvelles atteintes aux droits de l'homme. Les liens étroits unissant forces de sécurité et groupes armés agissant en RDC et dans les pays voisins sont bien connus.

Une aide constructive à la RDC de nature à contribuer à la protection des droits de l'homme pourrait inclure:

-     une formation aux droits de l'homme pour les membres de l'AFDL, de la police et de l'administration pénitentiaire, notamment une formation portant sur les normes internationales régissant la conduite des forces de sécurité et du personnel pénitentiaire, ainsi que sur leur application pratique. Cette formation devrait mener à la mise en place d'un système efficace dans lequel le personnel de l'armée, de la police et des établissements pénitentiairesserait responsable de ses actes en matière de droits de l'homme;

-     une aide permettant de garantir l'indépendance, l'impartialité et la compétence du système judiciaire de la RDC par l'attribution de moyens humains et matériels. Le gouvernement de la RDC et les forces de sécurité devraient être tenus de respecter l'indépendance et l'impartialité de la justice, en appliquant notamment les recommandations d'Amnesty International concernant une réforme juridique et figurant dans un mémorandum soumis, en août 1997, au gouvernement de la RDC;

-     une aide à l'administration pénitentiaire, directement ou par l'intermédiaire d'organisations humanitaires non gouvernementales, afin d'améliorer les conditions de détention et de veiller à ce que les détenus puissent bénéficier en permanence de soins médicaux;

-     la fourniture de moyens humains et matériels au bureau de Kinshasa du Haut Commissaire pour les droits de l'homme, afin de lui permettre de surveiller efficacement la situation des droits de l'homme en RDC et d'aider le gouvernement à reconstruire l'appareil judiciaire et les forces de police.

Protection des réfugiés

-     Les gouvernements devraient respecter en toute circonstance le principe de non-refoulement. Aucun individu ne devrait être contraint à quitter la RDC contre son gré s'il risque d'être victime de violations graves de ses droits fondamentaux dans son pays d'origine. Ce principe du droit international coutumier, par conséquent contraignant pour tous les États, est également énoncé dans les traités internationaux, notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, adoptée en 1969 par l'OUA.

-      Tous les gouvernements et les organisations intergouvernementales devraient faire en sorte que tous les réfugiés présents en RDC bénéficient d'une protection. Les autorités de la RDC devraient être invitées à immédiatement mettre en œuvre des mesures concrètes pour que les réfugiés soient traités conformément aux normes internationales relatives à la protection des réfugiés et des droits de l'homme. Ils ne devraient pas être victimes de refoulement, d'exécutions extrajudiciaires, de "disparitions", de torture, ni d'autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

-     Les gouvernements et le HCR devraient clairement dire que les membres du gouvernement de la RDC et des forces de sécurité qui commettent des violations des droits de l'homme à l'encontre des réfugiés, ou qui ordonnent de tels agissements, seront personnellement responsables de leurs actes. Les tribunaux et les organes politiques devraient enquêter sur tous les cas d'atteintes aux droits de l'homme qui sont signalés, et prendre des mesures contre les personnes ayant joué un rôle dans la violation des droits des réfugiés et d'autres personnes en RDC.

-     La RDC devrait recevoir l'aide internationale nécessaire pour que les civils non armés, notamment les réfugiés, soient protégés contre les atteintes aux droits de l'homme et bénéficient de secours humanitaires appropriés. Les gouvernements étrangers devraient envisager de mettre en place une police civile internationale chargée de garantir la sécurité des civils non armés, et notamment des réfugiés qui risquent d'être victimes d'atteintes aux droits de l'homme en RDC si les autorités continuent de se montrer peu disposées à les protéger, ou incapables de le faire.

-     La communauté internationale devrait aider le gouvernement de la RDC à identifier, parmi les réfugiés, les personnes soupçonnées d'avoir participé à des violations des droits de l'homme et du droit humanitaire en RDC ou dans leur pays d'origine. Elle devrait rapidement entreprendre des enquêtes approfondies et impartiales sur ces allégations, de façon à établir si ces individus doivent faire l'objet de poursuites. Dans ce cas, les suspects devraient être jugés par une juridiction présentant des garanties d'équité et n'appliquant pas la peine de mort. Les ressortissants rwandais et autres soupçonnés de participation au génocide de 1994 ou à d'autres crimes contre l'humanité perpétrés au Rwanda devraient être déférés au Tribunal pénal international pour le Rwanda qui siège à Arusha.

La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre Democratic Republic of Congo: Deadly Alliances in Congolese Forests. Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL -ÉFAI- décembre1997.

Pour toute information complémentaire veuillez vous adresser à:



[1] Après avoir pris le pouvoir, le 17 mai 1997, le gouvernement dirigé par l'AFDL a changé le nom du pays:la République du Zaïre est devenue la République démocratique du Congo.

[2] União Nacional para a Independência Total de Angola

[3] Mémorandum d'Amnesty International destiné au Conseil de sécurité des Nations unies: demande de création d'une commission d'enquête sur les informations faisant état d'atrocités commises dans l'est du Zaïre (index AI: AFR 62/11/97), publié le 24 mars 1997.

[4] Parmi les documents publiés par Amnesty International entre septembre 1996 et mars 1997 concernant des atteintes aux droits de l'homme en RDC figurentles titres suivants: Il faut empêcher que des milliers de personnes ne soient encore tuées dans l'est du pays (index AI: AFR62/04/96). Amnesty International condamne fermement les violations des droits de l'homme perpétrées contre des Tutsi (index AI: AFR 62/13/96). Anarchie et insécurité au Nord-Kivu et au Sud-Kivu (index AI: AFR 62/14/96). Les exécutions, la torture et les arrestations arbitraires se poursuivent dans l'indifférence générale (index AI: AFR62/20/96). Violentes persécutions perpétrées par l'État et les groupes armés (index AI: AFR 62/26/96). Loin des regards de la communauté internationale: violations des droits de l'homme dans l'Est du Zaïre (index AI: AFR62/29/96). Viols, meurtres et autres violations des droits de l'homme imputables aux forces de sécurité (index AI: AFR62/06/97).

[5] Ce mémorandum, publié en anglais et en français, est disponible auprès du Secrétariat international d'Amnesty International, à Londres, ainsi qu'auprès des sections de l'Organisation dans le monde.

[6] Langue parlée par les personnes d'origine rwandaise.

[7] Voir le rapport publié le 25 septembre 1997 par Amnesty International et intitulé Rwanda. Rompre le silence (index AI: AFR 47/32/97).

[8] Voir à ce sujet le point 8.2 de Rwanda. Rompre le silence (index AI: AFR47/32/97), publié par Amnesty International le 25 septembre 1997.

[9] Les gendarmes katangais étaient des anciens partisans de Moïse Tshombe qui avaient mené, au début des années 60, une tentative de sécession de la province du Shaba (ex-Katanga), région d'origine du président Kabila. Après avoir été battus par les troupes de l'ancien président Mobutu, les gendarmes et leurs familles s'étaient réfugiés en Angola, pays à partir duquel ils avaient lancé sans succès des attaques armées contre l'ex-Zaïre, en mars 1977 et en mai 1978.

[10] Southern African Development Community (SADC).

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